Clarté

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   Comme à mon habitude, j'effectue une balade matinale au sein du parc situé au pied de mon appartement. En toute saison, que les arbres y soient nus ou feuillus, cet espace verdoyant m'est chaleureux. Dès lors que mon pas quitte le pavé citadin pour le chemin de terre du square, mon esprit s'apaise. Le brouhaha urbain s'estompe en cette irréductible petite clairière, où nul ne s'emballe d'une démarche pressée à cause d'un éventuel retard au travail. L'odeur putride de la ville fait place à l'air pur dont j'aime m'emparer à pleins poumons. Tout en ce temple de la nature ne semble être que calme et sérénité. La plupart des habitants du quartier se retrouvent quotidiennement au parc afin de s'y ressourcer et oublier, ne serait-ce que pour un instant, le trouble journalier. Seul le gardien de ces lieux ; que je salue tous les matins sans même en connaître le nom, ne peut échapper à son obligation en venant ici. Mais est-ce bien là une responsabilité pesante que de veiller sur une terre si paisible ? Moi aussi, j'aimerais être berger d'un troupeau de chênes et de buissons. Cela me changerait bien des clients hurlants, incapables d'entendre que je ne suis pas responsable de leur débit Internet trop faible. J'aime lorsque les choses sont uniformes et sans accroc. Cela me rassure de savoir que tout est à sa place ; que les personnes que je croise en ces jardins sont les mêmes que d'habitude. Voir les mêmes visages sourire, ou se figer pour lire. L'étincelle de vie que chacun dégage en ces lieux est la raison pour laquelle je m'y aventure chaque matin. Un nouveau visage apparaît alors au loin. Un jeune homme assis seul sur un banc, coudes sur genoux. Je m'approche progressivement de lui, poursuivant ma balade. L'homme est brun et légèrement barbu, mais difficile de lui donner un âge. Il me semble être grand et fin. Autour de lui se dégage une odeur agréable. L'odeur du parfum. Un parfum délicat et enivrant à la fois. En rivant mes yeux sur son visage, je me rends compte que celui-ci est figé de concentration. Pourtant, le jeune homme ne lit pas, et ne tient par ailleurs rien dans ses mains. Son regard semble perdu dans le vide ; un regard ne portant aucun éclat. Le jeune homme ; qui semble être absent de son propre corps ; arbore une expression mélancolique. Je n'aime pas voir quelqu'un de triste ; le monde l'est bien assez comme cela, selon moi. De nature curieuse, je décide donc de m'arrêter, faisant mine d'observer les alentours du parc afin de ne pas passer pour quelqu'un d'étrange. En jetant quelques coups d'oeil furtifs dans sa direction, je m'aperçois que, sans même avoir eu besoin de se mouvoir, le jeune homme me fixe à son tour. Un frisson traverse mon corps. Ses yeux, bien qu'étant d'une couleur claire, me jettent un regard plus noir que la nuit. Je me retourne, et n'ose pas le regarder à nouveau, de peur qu'il me fixe encore avec la même froideur. Je décide donc de faire comme si de rien n'était en poursuivant ma promenade. Je fais semblant d'admirer ces "superbes arbres aux très belles feuilles", devant lesquels je m'arrête volontairement afin de me faire passer pour une personne naturophile plutôt que démente ; au cas où l'homme solitaire m'observerait encore. Cela m'apprendra à ne pas contrôler ma curiosité. Ma balade terminée, je quitte donc la verdure pour me rendre à mon emploi, niché au cœur de l'artificiel royaume de la pierre et du pavé.

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