Chapitre 21 (suite) - 1409 -

6 minutes de lecture

***

Tel que prévu, Diego le frère de Karlo vient nous récupérer à proximité de la cabine téléphonique. Nous sommes un peu à l’étroit dans sa Clio, mais c’est toujours mieux que de marcher pendant des heures pour rejoindre le camp. Avant de monter dans la voiture, nous nous sommes juré de ne parler à personne de notre aventure, aussi malgré les questions de Diego, nous restons muets comme des carpes durant tout le trajet.

Je ne laisse exploser mon enthousiaste, qu’une fois de retour sur le terrain. Tito est dans le même état que moi, nous nous faisons des accolades et nous tapons plusieurs fois dans les mains en nous jetant des fleurs. Nous refaisons le monde autour d’une bière prise sur notre terrasse, nous considérant comme des génies du vol, de futurs Robin des bois qui détroussent les riches.

— Tellement que c’était facile, j’en reviens pas ! lance Tito avant de fermer la porte de sa caravane pour aller dormir.

Ma nuit est courte, je la passe à élaborer des plans pour revendre cette voiture. Je finis par conclure que ce sera plus simple en pièces détachées. Nous prendrons ainsi moins de risque d’être retrouvés.

Je suis réveillé relativement tôt par des hurlements à l’extérieur. Je râle dans mon for intérieur au sujet des parois trop fines de cette foutue caravane mal isolée. Je comprends aussitôt qu’il s’agit de Paco, en train de se disputer avec Loran devant notre terrasse. Pas question que je le laisse seul affronter le répugnant personnage.

Je sors en caleçon, suivi de Diabla qui se met en position d’attaque. Elle grogne en montrant les crocs et reste debout, à mes pieds, prête à bondir.

— Ah ben, te v’là, toi ! lance Loran en pointant son gros cigare dans ma direction. Tu vas nous faire emmerder avec tes conneries, là !

Aveuglé par le soleil qui se lève, dans un premier temps, je ne vois que sa silhouette obèse et son chapeau crasseux. Je ne saisis pas de suite de quoi il m’accuse, il ne peut pas être au courant pour la voiture. Tito n’a pas pu lâcher le morceau, au pire, il l’a dit à Paco, mais celui-ci ne m’aurait pas trahi.

— L’auto que t’as chourav hier, t’as intérêt à la faire disparaître, p’tit bon à rien de mort ! Tu crois que je ne sais pas ce que tu fais, je sais tout…

Je suis stupéfait de découvrir qu’il est déjà au courant. Pourtant, je reste convaincu que mes frères n’ont pas pu me balancer. Je ne vais tout de même pas me laisser faire, je réplique du tac au tac :

— Tu sais rien ! Tu veux juste du fric et t’en auras pas plus !

Discuter finance l’agace, le vieux bourru frappe du pied et écrase un trou de taupe. Diabla grogne et se tourne vers moi en attendant mes ordres. Mes yeux se sont acclimatés à la lumière du jour, je distingue parfaitement l’odieux personnage maintenant. Il suinte déjà de transpiration et souffle sa fumée puante dans ma direction, avant de cracher sur le sol et hurler :

— Tu me parles pas comme ça ! Tu vas m’écouter, je ne veux pas les schmitts ici !

Paco me glisse à l’oreille que les flics sont venus à la discothèque cette nuit pour le braquage de la BMW. Ma disparition et celle de Tito ne sont pas passées inaperçues, mes cousins ont très vite fait le rapprochement entre le vol et notre absence.

Suivi de Paco qui me retient par l’épaule pour tenter de me freiner, je descends de ma terrasse. Je ne suis pas impressionné par ce vieux dégueulasse, il ne me fait plus peur. Diabla m’accompagne et se positionne à mes côtés, cela me rassure et me donne un sentiment de supériorité.

Je hurle plus fort que lui en le bousculant pour le déstabiliser tandis que Diabla grogne encore :

— T’as pas compris Loran, j’obéis à personne, t’entends ! J’obéis à personne et surtout pas à toi !

Je ne m’abaisserai pas à le cogner. J’ai tout de même un minimum de conscience et le respect pour les plus faibles. Je suis bien plus intelligent, j’ai appris avec le temps que les mots sont parfois plus forts que les coups. De plus, je ne tiens pas à me discréditer vis-à-vis de mes cousins en frappant notre « prétendu chef », cela me conférerait le mauvais rôle. Pourtant ce n’est pas l’envie qui m’en manque, je ronge mon frein quand il me répond :

— T’es autant une bête à misère comme ton père !*

À nouveau, je le bouscule, cette fois avec les deux mains. Diabla s’agite et tourne sur elle-même prête à bondir. Paco qui m’a suivi resserre son emprise sur mon bras et tente de me calmer. Loran recule d’un pas tandis que je le menace et que Diabla lui montre les dents méchamment.

— Laisse mon père en dehors de cette histoire !

Tito, réveillé par la dispute, sort de sa caravane. Il vient se positionner à côté de moi et cela me rassure, je me sens soutenu, entouré de mes deux frères. D’autres cousins s’approchent, attirés par nos voix et la violence de nos propos. Bientôt tout le terrain est au courant de l’affrontement qui nous oppose.

— T’es en train de refaire les mêmes erreurs que ton père ! reproche mon oncle en ricanant. Je l’avais prévenu de ne pas toucher aux chevaux, mais il ne m’a pas écouté ! Il voulait toujours plus et regarde où qu’il en est maintenant !

Je ne supporte pas d’entendre Loran critiquer les actes de mon père. Cela me détruit un peu plus chaque fois qu’il prononce son nom. Je ne peux pas m’empêcher de penser aux énigmes de nona et à ma conviction qu’il est responsable. Pourtant je dois l’inciter à tout me balancer, il est sur le point de lâcher des informations.

— C’est toi qui as poussé mon père vers la mort, c’est toi le coupable ! Nona me l’a dit ! Tu as tué mon père ! Tu lui as volé son rôle de chef !

Loran blêmit et jette son cigare. Il remet son chapeau en place et s’avance vers moi en criant de plus belle :

— Tais-toi ! Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Tu ne sais rien !

Mais c’en est trop pour Diabla, elle me sent menacé en voyant mon oncle s’approcher de moi et aboie avec agressivité. Sans que j’aie le temps d’intervenir, elle l’attaque au genou qu’elle mord avec force et sans lâcher prise. L’articulation est le point faible de l’homme, à portée du chien. L’animal vise les membres inférieurs et peut ainsi mettre à terre, même les individus les plus puissants.

Loran tombe à la renverse et s’écrase sur le sol. Diabla pose ses deux pattes sur son ventre et montre les crocs pour maîtriser son adversaire qui n’ose plus remuer d’un pouce. J’émets alors un petit sifflement pour la faire reculer et flatte son flanc pour la féliciter. Puis, je m’adresse à mon oncle qui ne se risque pas à bouger :

— Si je sais ! Tu as tué mon père et c’est Paco qui devrait être le chef…

Toujours au sol, blessé physiquement et apeuré en regardant la chienne, Loran dément, sur un ton apeuré :

— Je l’ai pas tué ! J’ai juste dit aux schmits ce que j’savais, mais je l’ai pas tué ! Il voulait pas m’écouter et tout le terrain allait prendre cher ! J’ai pas eu le choix que d’le dénoncer !

J’ai enfin réussi à lui faire cracher le morceau. J’attends cette situation depuis si longtemps et je jubile intérieurement. J’ai toujours pensé au fond de moi qu’il était mêlé à cette histoire. Personne ne souhaitait m’entendre sur le sujet, désormais, tout le monde est au courant !

Je pointe alors mon doigt dans sa direction et lui lance :

— Tu vas payer pour ça, Loran ! Je te le jure, tu vas payer pour ce que tu as fait !


T’es autant une bête à misère comme ton père !* : T’es aussi lamentable que ton père !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 15 versions.

Vous aimez lire Antoine COBAINE ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0