Albert, le père

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  • Vous avez bien fait de vous adresser à nous, monsieur Leroy.
  • Boh, je l’espère.

Quand je me suis retrouvé veuf avec une jeune enfant, j'ai cherché une nouvelle compagne et une mère de substitution pour ma petite Sandra. Je me suis alors inscrit sur un site de rencontres en ligne et j'ai préféré une formule payante avec entretien préparatoire en visioconférence. Les formules gratuites me semblaient peu fiables et les rencontres éphémères ne m’intéressaient pas. Une femme désireuse de contracter une union stable, voilà mon choix. Et j'étais même prêt à envisager un second mariage si nécessaire.

  • Vous êtes un client idéal, me répond la responsable du site matrimonial avec enthousiasme. Vous pouvez me croire, monsieur Leroy, notre taux de réussite est de plus de cinquante pour-cent lorsque nous auditionnons des clients qui ont des attentes claires et précises comme vous.

Je voulais trouver une femme un peu plus jeune que moi, d’environ une dizaine d’année. Elle devait être prête à épouser un homme avec une fille et j'acceptais, en contrepartie, qu'elle ait, elle aussi, un ou deux enfants.

  • Puisque vous connaissez tout de moi, vous pourriez peut-être m’appeler Albert.

A l’époque, je venais de faire fortune en profitant d’une des opportunités engendrées par le réchauffement climatique. Eh oui, même avec un avenir sombre, il est possible de développer de belles carrières. J’ai investi mes économies dans la recherche sur l'acclimatation de cultures tropicales de manière à rendre leurs productions rentables dans nos régions. La culture du sorgho s’est avérée être un excellent choix pour remplacer le blé, dont les rendements diminuent drastiquement pendant les sécheresses. En quelques années, j’étais devenu le roi du panifiable au sorgho.

  • Pour votre photo de profil, Albert, vous pourriez peut-être mettre une chemise plus claire. Bleu ciel par exemple. Voulez-vous bien me montrer ce que renferment vos armoires ?
  • Pas tout de suite. Je préfère choisir à mon aise. Je vous enverrais quelques clichés et vous pourrez choisir.

J'étais confus. Habitué aux systèmes de visio-conférences, j’aimais rester en pantoufles pendant mes entretiens. Me lever pour fouiller dans ma chambre, c’était prendre le risque de lui montrer cette petite faute de goût. La femme à l’écran de mon ordinateur était charmante et j’avais besoin de lui plaire, même si mes chances étaient proches de zéro.

  • Sans cravate, la prochaine fois, Albert. Pour séduire une jeune femme, vous devez donner l'air d'être plus décontracté.

Et elle raccrocha, me laissant seul avec mes interrogations quant à mes chances de retrouver l'amour.

***

Quelques semaines plus tard, la responsable de l’agence organisait une rencontre pour moi avec une veuve qui avait deux filles, une un peu plus âgées que la mienne, l'autre bien plus jeune. Cette dame et moi avions tous les deux traversé le drame du veuvage et nous étions prêts à tenter l'expérience de la famille recomposée. Charlotte a été la première personne que j’ai rencontrée grâce à cette agence, et elle a été la bonne. De plus, elle était issue du monde de la noblesse et je pensais que c'était un atout pour ma fille qui pourrait, de la sorte, apprendre les manières d’être des gens bien nés.

Charlotte a rapidement emménagé chez moi, à ma demande. Le vieux loup solitaire que j’étais devenu n'a pas eu trop de difficulté à retrouver le train-train de la vie commune. Ce nouveau départ était une chance et, cela compensait les quelques contrariétés apparues dès le début.

Quelques mois plus tard, je cédais à sa demande de stabilité. Nous nous sommes mariés. Et à partir de cet instant, j’ai découvert qu’il était parfois difficile de vivre avec quatre femmes à la maison. Ma petite Sandra allait se sentir bien seule malgré la vie grouillante à la maison. J'ai l'impression d'être devenu un vieux bonhomme avec un certain nombre de codes n'ayant plus de raison d'être de nos jours. Cette histoire m'a hanté et je ne suis pas fière de ma conduite. Je ne voulais rien voir, j'étais absent. Heureusement, ma fille m'a pardonné et je vais la laisser vous raconter son histoire.

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