JOUR 1 : VIE

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JOUR 1 : VIE

“Tu as le nez de ton papa, disait ma tante.”

Pourtant, quand je regardais dans le miroir, je ne voyais que le reflet de ma propre horreur : deux oreilles vertes et poilues, deux petits yeux de fouine de couleur noire, un sourire carnassier duquel dépassait deux canines aiguisées et mon nez, semblable au groin d’un cochon d’une taille nettement supérieure à la moyenne.

Je n’avais jamais connu mes parents. Et je me posais de plus en plus de questions. Si je ressemblais autant à mes géniteurs comme le prétendait ma tante, à quoi pouvaient-ils bien ressembler ?

J’imaginais mon père grand et costaud, comme le Yéti, couvert de longs poils bleus. Ses yeux seraient cachés par de gros sourcils broussailleux et il aurait une grosse voix, grosse comme le grognement des marteaux piqueurs en bas de la rue. Il combattrait des monstres à mains nues et il frapperait ses ennemis à l’aide de longue griffes, comme celles de Wolverine, mais encore plus tranchantes.

Maman, elle serait boxeuse. Elle aurait de longs cheveux blonds comme la vanille, et elle sentirait bon aussi. Quand Papa tomberait à terre, elle accourait avec une cape rouge comme la justice pour frapper les méchants dans la bouche, encore et encore, jusqu’à ce qu’ils meurent.

Ce n’est qu’une douce utopie. Peut-être qu’ils ne me ressemblent pas. A l’école, ils disent que je suis un monstre et personne ne veut jouer avec moi. Mes griffes dégonflent les ballons de football et je perds mes poils partout dans la classe. Parfois, je rêve que je suis comme eux, comme ma tante. Et ils m’acceptent comme je suis.

Mais le soir, quand je rentre, ma tante me renvoie à la cave.

“Il ne faut pas que tonton te voit, prétextait-elle. Tu es un petit monstre et les petits monstres ne vivent pas parmi les hommes.”

Parfois, je me souviens de quand j’étais un homme, quand Papa et Maman vivaient encore. Ma tante me l’a dit. Je n’étais pas un monstre quand je les ai serré dans mes bras, avant qu’ils ne prennent la route. Je n’étais pas un monstre quand on m’a dit qu’ils ne reviendraient pas. Je n’étais pas un monstre quand les messieurs en costumes m’ont confié à ma tante. Mais quand mon oncle a levé sa ceinture pour me faire du mal, je l’ai mordu si fort qu’il m’a dit qu’il ne pouvait exister homme comme moi. Et il me prit ma vie. Et il me prit mon humanité.

Maintenant, je suis un monstre.

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