Chapitre 22 : Sur la piste des rennes

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La résidence du Père Noël était littéralement perdue au cœur du parc naturel de Riisitunturi. À des kilomètres à la ronde, il n’y avait pas âme qui vive. Tout du moins, si vous cherchiez des humains, vous ne risquiez pas d’en trouver. Les lieux étaient sauvages.

Certes, la propriété était raccordée au réseau électrique, mais la couverture mobile était quasiment inexistante. La résidence historique du Père Noël était très clairement un lieu pour s’isoler. D’ailleurs, la voiture de location qu’avaient prise Étienne devrait attendre avant de partir. Il allait déjà falloir déneiger la route, car le blizzard avait tout recouvert.

À la faveur d’une accalmie, Étienne, suivi de Célestine et d’Églantine, était sur les talons de Marko Koistinen. Le lutin avançait à grands pas en direction de la forêt. Progressivement, la maison se faisait de plus en plus lointaine, le soleil, de plus en plus timide, et le froid, de plus en plus mordant. Puis il finit par faire nuit noire.

Étienne fut pris d’un accès de panique.

- Je n’y vois plus rien, dit-il. Tu nous as perdus ? Sors-nous de là, je t’en prie !

- Calme-toi, Étienne ! Tu voulais voir les rennes ? Tu les verras. Mais à condition que tu joues le jeu.

- Jouer le jeu ?

- Oui, bonhomme. Il va falloir t’armer de patience et faire preuve d’humilité. Tu es chez eux ici, et ce sont eux qui décident s’ils se montrent ou non.

- Et s’ils ne se montrent pas ?

- Alors ce n’était pas le moment.

Étienne soupira. À côté de lui, dans la pénombre d’une lampe tempête, Célestine et Églantine l’observaient avec attention.

- Célestine, vous saviez qu’il faudrait passer par là ?

- Disons que je m’en doutais.

- Et c’est quoi, votre plan pour qu’on ne meurt pas de froid ?

La fée lui sourit.

- Un peut de magie pour créer un abri, ça ne vous a pas effleuré l’esprit ?

Étienne devint blême. Certes, il était enchanteur de naissance. Mais cela faisait tellement longtemps qu’il n’avait plus utilisé sa magie qu’il n’était pas sûr d’en avoir encore.

- Donnez-moi la main, Étienne.

Célestine lui tendit la main et Étienne la prit. De son côté, Églantine tenait déjà l’autre main de sa mère. À son tour, elle tendit la main à Étienne. Et là encore, le fils Noël la prit. Les trois enchanteurs formaient désormais un cercle.

Les pensées d’Étienne se bousculaient. Mais pris dans cette boucle où les fées l’entraînaient, il commençait à y voir plus clair. Il venait du même monde, il était un enchanteur, lui aussi. Il avait les ressources pour braver le froid. Et à terme, comme l’avait fait son père, il pourrait assumer pleinement la charge du Père Noël.

Il se projetait, dans quelques décennies, quelques siècles de là, affrontant le froid pour faire le bonheur de millions d’enfants.

En sortant de sa transe, il observa son environnement, ils étaient toujours au cœur de la forêt. Mais au-dessus de leur tête s’était construit un dôme de lumière. Et au milieu, une flamme s’était déposée. Elle était en train d’allumer un feu de bois.

- Félicitations, Étienne ! Dit Célestine. Pour quelqu’un qui n’a pas utilisé la magie depuis cinquante ans, vous vous en êtes très bien sorti.

- C’est moi qui ai fait ça ?

- C’est nous trois. Mais vous en avez fait votre part, croyez-moi.

Le fils Noël sourit. Puis il resta songeur.

- C’est vous qui avez allumé ce feu de bois ? Demanda-t-il.

- Non. C’est Marko.

- Vous aviez des allumettes ?

- Oui, dit le lutin. Mais elles ont un peu pris l’humidité. J’ai utilisé quelque chose d’un peu moins banal.

Il sortit de sa poche un bocal. Celui-ci contenait une flamme. Célestine et Églantine reconnurent immédiatement l’artefact.

- C’est… la flamme immortelle… s’étonna Églantine. Mais… Marko… C’est Norbert qui vous l’a donnée ?

- C’est un peu plus compliqué que ça. Disons qu’il l’a partagée avec moi. Dans une période de déprime, il m’a fait suivre ce petit cadeau que vous lui aviez fait. Il m’a fait beaucoup de bien.

- Ça veut dire que Norbert ne l’a plus ?

- Si. Il l’a encore.

Le lutin regarda avec un certain amusement les deux fées médusées.

- Dites donc, vous les fées, vous n’êtes pas les seules à pratiquer la magie, je vous rappelle. Nous les lutins, nous ne pouvons pas lancer un sort aussi puissant, mais nous savons le répliquer.

Célestine eut un sourire ravi.

- Vous nous sauvez la vie.

- Vous l’aviez fait avec moi, même sans le savoir, répliqua le lutin avec un sourire.

La chaleur du feu faisait du bien. Le bivouac préparé par le lutin contenait des couverture et des matelas rembourrés. Le tout était tellement confortable que les enchanteurs se seraient crus revenus dans la résidence.

Une fois le feu de bois lancé, Marko fit un griller des saucisses et des pommes de terre sous la cendre. Le repas, bien que simple, était roboratif. C’était exactement ce qu’il leur fallait par ce grand froid.

Ils attendirent de longues heures dans la forêt, espérant voir un renne arriver. Mais aucun renne ne vint. De guerre lasse, Étienne, Célestine, Églantine et même Marko s’endormirent.

Le fils Noël eut un sommeil agité, peuplé de toutes sortes de rêves. Dans son sommeil, il se souvint vaguement d’avoir répété « Je suis tellement désolé ».

Quand il se réveilla, le feu crépitait toujours, plus timidement que la veille. Mais les lieux étaient encore chauds. Ce qui le surprit davantage, c'était ce qu’il voyait au-dessus de sa tête. Le ciel n’était plus visible. Désormais, le dôme était recouvert d’une épaisse couche de neige. Pendant qu’ils étaient à l’abri, un igloo s’était formé au-dessus de leurs têtes.

À côté de lui, Marko était affairé devant le feu. Il était en train de faire chauffer du café.

- Salut Étienne ! Dit-il. Enfin réveillé ?

- Enfin ?

Il regarda. Célestine et Églantine avaient replié leur barda. Elles aussi étaient assises, mais de l’autre côté du feu. Elles utilisaient la magie pour dégeler de l’eau. Les essais étaient plutôt concluants.

Étienne, encore hagard, bailla, et s’étira. Puis une pensée lui revint.

- Les rennes, dit-il. On ne les a toujours pas trouvés !

- Non ? Demanda Marko. Par contre, eux nous ont clairement trouvés.

- Comment ça ? S’étonna le fils Noël.

- Va donc voir dehors.

Étienne se glissa à travers la petite ouverture qu’offrait l’abri. Il faisait grand jour, et le soleil étincelait sur la couverture neigeuse de la forêt. Une fois dehors, il remarqua comme une piste. Un animal sauvage était passé dans la nuit.

En observa les traces plus en détails, son cœur fit des bonds dans sa poitrine. Des traces de rennes. Il y en avait quelques-uns. Parmi eux, un renne semblait avoir passé plus de temps que les autres. Étienne eut le cœur qui s’emballa.

- Ils sont venus à nous, dit-il.

Puis il répéta plus fort :

- Ils sont venus à nous !

Célestine le rejoignit.

- Félicitations, Étienne. Je crois qu’ils vous ont trouvé.

- Oui… Mais ils ne viendront pas… Pas tout de suite.

- Mais alors qu’est-ce qu’on doit faire ?

C’était une autre voix. Étienne reconnut Églantine. La jeune fille semblait inquiète.

- Étienne ? Qu’est-ce qu’on doit faire ?

- Pour le moment, il faut rentrer. Ils viendront quand on aura besoin d’eux.

- Vous êtes sûr de vous ?

- Non. Mais je leur fais confiance. Je ne saurais pas l’expliquer. C’est juste… Je sens que c’est ce qu’il faut faire.

Il échangea un regard avec Célestine. La fée souriait. Il lui rendit son sourire.

- Célestine ? Églantine ? dit-il. Rentrons !

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