Chapitre 16 : Faire revivre Noël

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Dans les jours qui suivirent Noël, les deux fées rentrèrent à Paris. Désormais, avec le TGV Lyria, il fallait changer à Belfort, mais le gain de temps restait conséquent. Le voyage durait trois heures là où il en durait cinq auparavant.

Par le hasard des réservations, Célestine et Églantine avaient obtenu des places en 1ère classe. Si bien qu’elles ne furent pas vraiment gênées par les regards des autres passagers, malgré leurs discussions pour le moins surprenantes.

Après un long silence, passé à contempler le paysage qui défilait au-delà de Belfort-Montbéliard-TGV, ce fut Églantine qui prit la parole :

­ Il faut écrire un nouveau récit autour de Noël.

-­ Un nouveau récit ? S’étonna Célestine.

-­ Oui… J’ai suivi une conférence, l’autre jour. On raconte une histoire à chaque fois, mais la personne qui la raconte est toujours partie prenante. Personne ne détient la vérité.

La fée regarda sa fille, d’un air incrédule.

-­ Je ne suis pas sûre de comprendre ce que tu veux dire, ma fille. Tu peux développer ?

-­ Eh bien… En créant une société de plus en plus abrutie par le travail, des gens comme ton Daniel Lenoir, là, ont enfermé les gens dans des vies minables, et le pire de tout, c’est qu’ils ne leur offrent plus que des rêves minables.

-­ Ce n’est pas nouveau, soupira Célestine.

-­ Non, mais avec la récupération de Noël par ces gars-là, on vient de passer un cran supérieur.

Célestine observa sa fille avec intérêt.

-­ Je pense qu’il y a eu des situations plus difficiles du vivant de Nicolas.

-­ Oui, mais la différence, c’est que maintenant, il est mort.

-­ Bon point, reconnut la mère.

-­ Je pense qu’il pouvait tenir ce genre d’individu de son vivant. Mais maintenant…

La jeune fée soupira. Sa mère posa sa main sur la sienne.

-­ On n’est pas à cours de ressources, maintenant, pour que l’esprit de Noël revive.

-­ Je ne suis pas sûre de vouloir qu’il revive comme avant, dit finalement Églantine.

-­ Comment ça ?

-­ Des siècles à connaître le succès, à s’attribuer le mérite de Noël, alors que sans les lutins, il n’y serait jamais arrivé.

Célestine sourit.

-­ Ce sont tes copains syndicalistes qui te racontent tout ça ?

-­ Oui… Non… Je ne leur en ai pas trop parlé. Pour eux Noël, c’est juste une fête capitaliste. Il faudrait arrêter de la célébrer.

-­ Ouais… Bah… Ce genre de profil, j’en ai vu pendant les mouvements sociaux dans les années 50. Ils sont tellement câblés là-dessus qu’ils ne se rendent pas compte que le reste de la population ne voient pas le monde comme ça.

-­ Qu’est-ce que tu veux dire ?

-­ L’idée que la fête soit quelque chose de bourgeois, c’est ignorer une bonne partie de la psychologie humaine.

-­ Oui, reconnut Églantine. Enfin… Je ne suis pas sûre, je n’ai pas trop étudié la question en cours.

En effet, Églantine, après avoir obtenu un bac économique et social, avait décidé de faire des études de psychologie, dans le but avoué de devenir psychologue. Célestine avait espéré un temps qu’elle reprenne sa charge de fée libérale, mais avait fini par se dire qu’elle pouvait être les deux à la fois : fée et psychologue.

Et de toutes façons, une jeune fille n’en savait jamais trop. Célestine réfléchit :

-­ Dis-moi, tes copains syndicalistes, qu’est-ce qu’ils feraient du groupe Noël, des milliers d’ouvriers au chômage ?

-­ Ils leur conseilleraient de reprendre l’usine en coopérative.

-­ Je vois. Mais avec quel argent ils feraient ça ?

-­ Celui de leurs primes de licenciement.

-­ Je vois… Mais s’ils font de la concurrence au groupe ? Après tout, il existe toujours.

-­ Oui… oui… C’est pour ça qu’il faut qu’ils imposent leur propre histoire dans les médias, loin de ce qu’une bande de banquiers veut que tu croies. Pendant tout ce temps on a entendu ce que racontait le Père Noël, mais on n’a jamais entendu l’avis de ceux qui bossaient pour lui. Sauf qu’aujourd’hui, c’est surtout par eux que ça passe, l’esprit de Noël. Chez Étienne, c’est devenu un peu…

-­ Pourri ?

-­ … Oui. On dirait que ça ne l’intéresse plus de rendre les gens heureux. Maintenant, il veut juste leur en mettre plein la vue. L’esprit de Noël est en crise, en tout cas dans la famille où il est né. Maintenant, il faut un nouveau récit pour le porter.

Les deux fées restèrent un temps sans discuter. Dehors, le décor continuait de défiler, inlassablement.

­- Un nouveau récit ?

-­ Ouais…

-­ Comment on peut le faire connaître ?

-­ Par Internet ?

-­ OK, mais vous pensez vraiment que ça va peut marcher, comme ça ?

-­ Je ne sais pas… répondit Églantine. Il faudrait qu’il y ait un fait d’actualité, une histoire puissante à raconter… Quelque chose que des journalistes pourraient avoir envie de relayer.

-­ Compliqué, considéra Célestine. Mais bon… Vu l’attitude d’Étienne et de cet imbécile de banquier, ça pourrait venir.

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