Chapitre 5 : Le premier bilan

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Il y a eu plusieurs moments où nous avons eu la sensation d’y être presque… alors qu’au final nous effleurions à peine notre projet du doigt.

Le lendemain de ce dernier examen, nous avons reçu un courrier pour le spermogramme de Jules. Nous pensions avoir les résultats mais en fait il s’agissait d’une simple lettre informant que ces derniers étaient disponibles auprès du Dr FIV, notre gynéco du centre.

Sur le coup honnêtement, on n’a pas cherché à comprendre. Il était 20 h je rentrais du travail, Jules de la salle de sport et nous avions rendez-vous le lendemain, on était plus à 24 h près.

Le 19 décembre 2019 à 17 h, nous étions en retard, comme toujours. Jules finit à 16 h quand nous avons des rendez-vous en fin de journée, donc avec 30 min de route, à chaque fois c’est la course.

À croire qu’on aime ça le stress.

Ce jour-là, j’ai même reçu un appel de la secrétaire au moment où nous prenions l’ascenseur.

Nous nous sommes installés dans la salle d’attente et un petit flash-back me ramena 2 mois en arrière. Deux mois auparavant nous étions stressés dans cette salle d’attente, un peu nerveux même. Ce 19 décembre, nous étions impatients, excités. Une partie de nous était persuadée que maintenant que nous avions fait tous ces examens, nous allions commencer, enfin.

Nous avons suivi le même chemin que la première fois. En tête de notre "convoi de jeunes flippés" le Dr FIV, nous conduisant à son bureau.

Si jusqu’à cette page vous avez déjà pensé en vous-même « la vache c’est dur la PMA », eh bien dites-vous que ce n’était rien. Là, vous allez pouvoir le penser réellement.

Parce que moi, c’est après ce rendez-vous que j’ai compris à quel point ces trois pu***n de lettres allaient changer ma vie.

On s’est installés et Dr FIV, de sa voix apaisante, à fait un tour de mes examens.

Je vous ai déjà dit tout ce qu’il y avait à savoir c’est-à-dire : SOPK, légères endométriose et dysovulation.

Elle m’a simplement fait un retour sur ma fameuse IRM pelvienne, réalisée 2 ans plus tôt, sur laquelle les médecins étaient bel et bien passés à côté de l’endométriose.

Pour vous raconter la deuxième partie de ce rendez-vous, nous allons passer en mode dialogue.

- Nous avons aussi les résultats du spermogramme de Monsieur. commença Dr FIV.

- Oui, nous avons reçu un courrier hier. réponds-je.

Jules lui, silencieux, faisait trembler sa jambe et regardait le médecin d’un air de dire « bon tu parles oui ou merde ».

- Pas trop surpris de ne pas avoir eu le résultat ? demanda-t-elle un peu gênée.

- Non, nous pensions que c’était la procédure… mais maintenant que vous le dites…

- D’accord. poursuivit-elle doucement. Alors d’abord je vais vous expliquer ce qu’est un spermogramme. On regarde donc le nombre de spermatozoïdes, la vivacité, leur capacité de survie. Sur un spermogramme normal, il y a, par millilitre de sperme, des milliers de spermatozoïdes. (15 millions/ml ou nombre total de spermatozoïdes par éjaculat supérieur à 39 millions )

- D’accord… réponds-je, l’invitant à cracher le morceau.

- Vous monsieur, il y en a 36.

- 36 ? demandé-je pensant à 36 milles.

- Oui, 36.

À cet instant, mon cœur s’est brisé. Pas pour mon projet, pas pour ce désir d’enfant. Mon cœur s’est brisé au moment où j’ai tourné la tête vers Jules. Il était blanc, blême, comme figé. Ses yeux se sont mis à briller et il a dégluti, comme pour ravaler ses émotions et ne pas flancher.

Et, d’un coup, comme si mon cerveau bugait, j’ai pensé en moi-même : « c’est déjà bien 36 ».

J’ai posé ma main sur la jambe de Jules, il ne me regardait pas. Sûrement parce que, à l’instant on son regard croiserait le mien, nous savions que nos larmes ne se contenteraient plus de rester dans notre gorge.

Dr FIV nous a alors indiqué la suite des examens. Oui, encore.

La nouvelle mission c’était de trouver, pourquoi ? Pourquoi que 36 ? Ce coup-ci, c’était Jules qui partait avec une batterie d’examen. Et moi, rien.

Elle nous a expliqué qu’au vu des résultats, nous serions orientés en FIV ICSI (j’y reviens un peu plus bas pour que ce soit plus clair).

Donc, au programme pour mon Jules :

- Prise de sang approfondie

- Nouveau spermogramme dans 2 mois (normalement 3 mois mais le biologiste a été sympa) avec demande d’autoconservation.

- Échographie testiculaire

- Consultation urologie avec les résultats

La prise de sang de Jules contient ce coup-ci des taux d’hormones :

- file:///C:/Users/mypuc/AppData/Local/Temp/msohtmlclip1/01/clip_image001.jpgFSH, LH

- Œstradiol

- Testostérone totale

- Prolactinémie

Vous les connaissez maintenant, ça va aller je pense.

En gros ils veulent vérifier que le manque de production de zozo

n’est pas lié à un dysfonctionnement hormonal.

Il avait également une étude du caryotype (attention sanscrit).

Le caryotype c’est l’arrangement standard de l’ensemble

des chromosomes. (Je vous glisse une photo et vous allez dire « ah bah oui »).

Le but c’était de voir s’il y avait une malformation (type trisomie par exemple) sur le gène sexuel (XX femme et XY homme).

Le second spermogramme :

Pourquoi 2 ou 3 mois après ? Car 3 mois, c’est un cycle de régénération du sperme. En bref si on veut un résultat concret on doit attendre au minimum 2 mois pour faire les tests sur un nouveau cycle de zozo. C’est pour ça qu’on disait qu’il ne fallait pas de fièvre au cours des 3 derniers mois, car ça peut altérer la qualité.

L’autoconservation, c’est en fait la congélation. C’est-à-dire que si le prochain « don » de Jules le permet, nous pourrions avoir une « paillette ».

Paillette :

Le jour de la congélation, les spermatozoïdes sont récoltés par le patient. Dans l’heure suivant le prélèvement, le sperme est mélangé avec une solution permettant la conservation des cellules à très basse température. Le mélange est ensuite réparti dans des paillettes (d’où le fait que l’on appelle ça une paillette) identifiées avec nom, prénom et date de naissance du patient. Le nombre de paillettes dépend de la qualité du sperme récolté. Ces paillettes sont congelées durant une dizaine de minutes dans de la vapeur d’azote à -80°C puis elles sont immergées dans de l’azote liquide à -196°C.

C’était le petit cours de biologie (après le latin, vous allez devenir des pros lol).

L’échographie testiculaire :

Bon l’écho ça va maintenant hein, je ne vais pas vous bassiner. Là il s’agit donc d’une échographie sur les testicules et la région pubienne.

Le but c’est de voir sil il n’y a pas d’adhérence ou de corps étranger qui bloquent le passage des petits soldats ou de problèmes veineux.

Bon et dans tout ça, c’est quoi la FIV ICSI ?

Déjà la FIV c’est Fécondation In Vitro. Le fameux « bébé éprouvette ». Ça fait presque mignon dit comme ça. (Ah ah !)

Pour la FIV, on dépose l’ovocyte (nom donné à la cellule sexuelle de la femme = aussi ovule pour rappel) dans une boîte de culture et on ajoute avec une pipette les spermatozoïdes.

On laisse le meilleur féconder l’ovocyte normalement, comme dans la vraie vie, mais dans une boîte de culture quoi.

La FIC ICSI = Injection intra-cytoplasmique (sanscrit difficilement traduisible mot à mot).

On place également l’ovocyte dans une boîte de culture, sauf qu’on va venir injecter directement dans celui-ci LE spermatozoïde choisi par le corps médical (on viole l’ovule quoi).

Le but c’est de choisir le meilleur spermatozoïde et le meilleur ovule.

Alors pourquoi, Jules et moi, on fait une FIV ICSI ?

Eh bien tout simplement parce qu’à partir du moment où on fait une paillette, elle ne peut être utilisée qu’en ICSI.

Et ensuite parce que la quantité mais aussi la vivacité de nos petits soldats n’étant pas exceptionnelle, il faut mettre toutes les chances de notre côté.

On est sorti du bureau, on a marché jusqu’à l’ascenseur, sans un mot, sans un regard. Une fois les portes refermées, j’ai pris Jules dans mes bras. Nos regards se sont croisés et il m’a dit :

- 36 donc autant dire 0.

- Non tu peux pas dire ça.

- T’es sérieuse ? Il n’y a pratiquement aucune chance.

- Non, tu n’as pas le droit de dire ça ! Il y en a. Ok que 36 mais il y en a.

Il m’a regardé avec un sourire l’air de dire « arrête de te foutre de moi » et j’ai rebondi aussi sec.

- Y’a des gens c’est vraiment zéro ! Il y a des gens qui en sortant d’un rendez-vous comme celui-là viennent d’apprendre que soit ils adoptent, soit ils demandent un donneur ! Nous on en ai pas là pour le moment. Alors non, tu n’as pas le droit de dire que c’est fini.

On s’est pris dans les bras et nous sommes sortis de l’ascenseur. Le trajet a été très silencieux et je n’ai pas pu m’empêcher de repenser aux paroles que Jules avait prononcées quelques semaines avant.

Il m’avait dit avoir peur que si l’un de nous deux était totalement stérile, cela détruise notre relation. Pourtant aujourd’hui, je nous sentais plus proches que jamais.

Je savais qu’il avait besoin de digérer l’info. On aurait tendance à dire « ah c’est dur pour un homme, ça touche à la virilité ».

Alors de 1 : Euh mon Jules est hyper virile OK ? Même avec des zozos pas nombreux.

Et de 2 : Pour une femme ce n’est pas l’éclate non plus quand on lui apprend qu’elle n’a pas d’ovule ou qu’elle est ménopausée.

Le lendemain j’ai donc demandé à Jules s’il voulait laisser passer les fêtes ou si on se lançait à fond dans ses examens.
Coup de chance, mes paroles avaient résonné dans sa tête et il était motivé à en finir au plus vite avec tous ces tests. Nous avions planifié son spermogramme directement avant de partir, il était prévu le 22 février 2020. Nous avions « le temps » en quelque sorte, mais maintenant je le savais, parfois des examens peuvent s’ajouter.

Le secrétariat c’est moi, rappelez-vous, et croyez-moi je ne perds pas de temps. Dès le vendredi suivant le 27 décembre, Jules avait sa prise de sang.

Ce coup-ci, pas bête, j’ai vu la Prolactinémie et donc j’ai pris le rendez-vous à 7 h 30. Ce matin-là Jules était stressé et ses résultats sont revenus un peu faussés. Pour être sûr, il fallait refaire un contrôle plus tard.

Ce contrôle s’est avéré normal, le taux avait été altéré par le stress.

En parallèle, j’étais dans les démarches pour récupérer son dossier à l’hôpital des enfants de Paris. Ma belle-mère m’en avait transmis une partie ; soit tout ce qu’elle avait.

Quand son fils lui a annoncé la nouvelle, elle s’est sentie coupable en tant que mère. Coupable d’avoir peut-être manqué quelque chose dans ses soins, ou dans sa grossesse. Elle remettait tellement de choses en question que, pour la première fois, j’ai mis mon confort de côté et je lui ai expliqué en détail ce qu’il se passait.

Jules n’est pas calé en médical (chacun son domaine) du coup je me doutais qu’il avait expliqué ça à sa façon.

Parler de la PMA aussi profondément avec ma belle-mère a été très compliqué et très douloureux. Nous sommes pourtant très proches elle et moi, elle me connaît depuis mes 18 ans (autant dire un bébé) et elle m’a portée médicalement parlant et m’a accompagnée plus d’une fois à des examens en dehors de la PMA. C’est elle qui était avec moi dans la salle d’attente de la sage-femme lorsque j’ai retiré mon stérilet.

Mais le sujet PMA, c’était autre chose. Sécher ses larmes, c’était une des choses les plus dures. J’avais peur de craquer, de m’écrouler et de perdre ma gnac. Et ça je ne pouvais pas, encore moins maintenant car je devais être plus forte que jamais pour mon Jules.

L’échographie testiculaire, elle, avait un peu de délais. Je voulais une échographiste spécialisée en échographie uniquement.

Son rendez-vous était donc le 28 janvier 2020. Jules tenait à ce que je sois là pour chaque rendez-vous et je n’ai pas dérogé. Il n’a été seul que pour sa seconde prise de sang.

Ce jour-là, le 28 janvier, j’avais un lumbago et je commençais à être malade. Mais j’étais là !

L’échographiste, une vieille dame, était adorable. Jules n’a pas bronché, il a mis de côté sa pudeur et le reste et a fait son examen.

Je regardais l’écran, ça me parlait un peu et surtout la Dr expliquait très bien.

Bilan rien d’anormal, une légère varicocèle (dilatation variqueuse [varices] des veines du cordon spermatique) mais rien d’alarmant.

En sortant, je sentais mon Jules perplexe.

- Mais du coup. C’est bien ou pas ? me demanda-t-il.

- Bah… oui car tout va bien.

- Mais on n’a pas de réponses quoi ?

- Bah… non. Mais au moins tout va bien.

Il n’était pas du tout convaincu par ma réponse, mais nous n’avions pas le choix que de voir le positif dans chaque situation.

La consultation avec l’urologue a été planifiée pour le 17 mars, le spermogramme de Jules était le 22 février, le prochain bilan avec Dr FIV le 5 mars.

Entre les deux, le 27 février, j’avais mon rendez-vous avec Dr Endométriose pour savoir si je devais être opérée ou non avant une grossesse.

C’est terrible, en PMA on a l’impression d’avancer d’un coup et en y regardant de plus près on avait encore des kilomètres à parcourir.

Je parlais moins avec mes Fivettes à cette période. J’étais très concentrée sur mon parcours et je gérais en parallèle mon départ de au travail. Ce boulot commençait à sérieusement attaquer ma santé et je ne pouvais décemment pas tout gérer.

Ceci dit, je leur avais parlé des résultats de Jules et toutes ont commencé à me parler des « autres moyens de devenir parents ».

En gros elle me parlait de donneurs ou d’adoption.

À ce moment de mon parcours, je savais que c’était une possibilité mais je ne voulais pas l’envisager. Nous avions encore de la ressource et je n’étais pas prête à faire le deuil d’une grossesse, le deuil d’un enfant à nous.

Ce premier bilan n’était pas extraordinaire, certes, mais il n’avait pas encore signé notre défaite. Il fallait se battre, déployer de l’énergie et continuer d’y croire tout en restant réaliste.

Pourquoi rester réaliste ?

Parce que quand on est en parcours PMA on est partagés entre « je dois y croire, je dois garder espoir » et « je ne dois pas me faire de fausses illusions ».

Il faut rester réaliste parce que la chute serait beaucoup trop violente. Parce que si vous essayez de vous convaincre que vous allez devenir maman et qu’au final ce n’est pas le cas… bah c’est juste horrible.

En PMA il faut envisager toutes les options, bonnes et mauvaises. Il faut espérer que les bonnes arrivent, mais ne pas oublier que les mauvaises existent malgré tout.

Et moi j’en étais là, entre l’espoir et l’acceptation, en train de quitter mon travail pour me dévouer corps et âme à mon projet d’enfant. Je tire mon chapeau à toutes ces femmes qui continuent de travailler. Certes j’avais un boulot énergivore et stressant (ce serait trop compliqué de vous expliquer en détail les joies des plateformes téléphoniques) mais j’aurais peut-être pu le conserver si tout cela s’était déroulé dans d’autres conditions.

Je tiens à préciser que je n’ai pas quitté mon travail par pur « confort » genre je suis une feignasse qui ne veut pas travailler pendant sa PMA.

En réalité c’est Jules qui a mis le hola. C’est Jules qui m’a dit de stopper le travail, parce qu’il me voyait couler à petit feu, alors que moi je ne voyais rien et j’étais prête à y laisser des plumes.

Je ne regrette pas ce choix, la PMA c’est éprouvant et mon travail l’était tout autant voire plus. Je ne me sentais plus en confiance avec mes supérieurs (par rapport à mon arrivée qui s’était faite dans un contexte très familial), et pourtant Dieu sait que j’avais besoin de pouvoir compter sur eux sans peur de jugement.

Je remercie mon Jules, pour sa compréhension, son soutien et son bon sens… Si un jour tu lis « Les Fivettes » mon amour, sache que je n’aurais pu vivre cette aventure avec personne d’autre que toi. Tu es ma force, ma raison, mon soutien… tu es mon roc et j’ai hâte que nous savourions le fruit de notre amour, le fruit de ce combat. Je t’aime…

© Tous droits réservés-Noralifewriter - 2020

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