Chapitre 2 : Ça devrait être si simple

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Nous nous installons au bureau du médecin et le stress est à son comble. Que va-t-elle nous dire ? Est-ce que l'on va être pris en charge ?

Ma plus grande peur, c'était que l'on me dise une fois de plus qu'il n'y avait pas de raison, que nous étions jeune, que cela ne faisait qu'un an bref, qu'il fallait attendre.

J'ai recommencé à respirer lorsque j'ai vu sur le visage du médecin, la surprise à l'annonce de mes antécédents.

Elle avait l'air tellement étonnée que personne n'est creusé plus loin, que cela m'a rassurée. Je sentais que, pour une fois, on allait chercher au-delà de la fibromyalgie.

Chacun notre tour, nous avons exposé notre parcours médical. J'ai listé la fibromyalgie, la suspicion d'endométriose, mes douleurs et la violence de mes cycles. Pour mon Jules, nous avions amené son carnet de santé, car impossible de prononcer le nom de l'intervention qu'il a subie enfant.

Aujourd'hui, je suis presque incollable sur son passif médical.

À la naissance, il souffrait d'un hypopsoas (oui, on va commencer à déchiffrer le sanscrit ensemble) et d'un reflux urétéral.

Mais qu'est-ce que c'est que tout ça ? En gros, il a été opéré au niveau de l'urètre, car l'urine remontait dans les reins et ne s'écoulait pas normalement (je vous la fais courte).

Au moment où nous évoquons cette intervention avec le médecin, je ne réalise pas que nos problèmes ne viennent peut-être pas que de moi. En réalité j'avais bon espoir d'être la seule en cause, car cela voulait dire que 50% de nous deux étaient au top et que nous avions 50% (moi) de bancale.

Je savais, grâce aux Fivettes, que j'allais sortir avec une batterie d'examen et beaucoup d’ordonnances. Personnellement en sortant, j'ai surtout ressenti un soulagement ; Ouf on est pris en charge. Nous n'étions pas seuls, nous allions avoir de l'aide et des recherches poussées.

La gynécologue (appelons la Dr FIV) a gardé mon IRM pour la faire relire par un professionnel. Elle m'a prescrit une échographie pelvienne auprès d'une spécialiste à Nantes (Dr écho), une échographie pelvienne de monitorage, une prise de sang et une hystérosalpingographie.

Je vous ai perdu ? C'est bien normal. Moi aussi j'étais un peu perdue.

L'échographie pelvienne de monitorage, c'est une écho toute simple comme ce que l'on fait aux femmes enceintes ou lors d'un contrôle. On passe la sonde sur le bas ventre et parfois par voie endovaginale, pour visualiser l'appareil reproducteur féminin.

Ça veut dire quoi « de monitorage » ?

Eh bien, cette échographie a pour but de regarder le nombre de follicules (ce qui contient l'ovocyte) et d'observer leur développement, afin de contrôler que tout est normal, qu'il y en a assez, mais pas trop (un trop grand nombre altère la qualité).

La prise de sang sert à contrôler les taux d'hormones et en passant vérifier l'absence de maladie.

L'hystérosalpingographie, quel nom barbare n'est-ce pas ? À peine moins que son déroulement. Si on traduit, c'est une radio (graphie) de l'utérus (hystéro) et des trompes (salpingo). Une bagatelle en apparence. Sauf que pour mettre tout cela en évidence on injecte un liquide radio-opaque directement dans l'utérus via une sonde introduite par le vagin.

Le but étant de vérifier qu'il n'y a pas de malformation, de bouchon ou d'adhérence qui empêcherait le produit (et donc, lors de l'acte, les spermatozoïdes) de circuler jusqu'à l'ovaire.

Quel cours de biologie les amis ! Je ne vous donne pas trop de détails pour le moment. On y reviendra, car je ne veux pas vous choquer ou pire vous donner des haut-le-cœur.

Jules a eu le droit à une prise de sang (uniquement pour vérifier l'absence de MST) et un spermogramme.

Le spermogramme c'est l'enregistrement (gramme) du sperme (spermo). En gros, on passe tous les petits soldats à la loupe pour voir le nombre, la qualité, la vivacité.

Ils ont même un test de survie, ce qui nous a grandement fait rire avec Jules, enfin après coup évidemment.

Parce qu'en sortant de notre consultation, Jules ne riait pas, ne souriait pas, ne parlait pas. Pourtant moi j'étais soulagée, presque heureuse vu notre situation, de savoir que nous allions être accompagnés.

Tout au long de notre parcours, nous avons été très complémentaires Jules et moi.

En ce qui me concerne, j'analyse, je cherche et je me prépare. Jules lui, prend tout en pleine face et analyse ensuite.

Quand l'un ne va pas bien, l'autre le réconforte, tient un discours plein d'espoir et cherche le positif. Et les rôles s'inversent souvent, parce que la PMA, c'est un peu les montagnes russes.

En rentrant à la maison, j'ai écrit à mes Fivettes. C'est libérateur de pouvoir larguer ses émotions sur son clavier et voir que des personnes vivent, ressentent la même chose et donc comprennent.

La première à m'avoir répondu ce jour-là, c'était Lyli.

Lyli a 34 ans et a déjà eu un premier enfant par PMA. C'est un peu notre « maman FIV » puisqu'elle connaît tout ça, l'ayant déjà traversé pour son premier parcours.

C'est aussi un peu notre espoir ambulant, car elle est tombée enceinte dès la première FIV lors de ce premier parcours. Si cela vous paraît facile, beau et très positif, il ne faut pas oublier la galère pour en arriver à cette FIV.

Il faut savoir qu'il y a plusieurs méthodes dans la PMA. Les trois grandes lignes sont : Stimulation, Insémination, FIV.

Ce ne sont pas réellement des stades, même si certains couples passeront par les trois. En réalité, vous pouvez très bien commencer directement en FIV, ou en insémination sans passer par la stimulation. Tout dépend de votre type d'infertilité.

Je vous perds encore ? Ce serait vous mentir de vous dire que ce n'est pas le but recherché. Et en même temps ce n'est pas volontaire. Vous venez de lire 2 pages, et si vous êtes perdus, c'est que vous êtes un peu à la place de tous ces couples.

On est vite perdus en PMA, vite submergés et on ne comprend pas tout.

Si la FIV de Lyli a fonctionné du premier coup, il faut savoir qu'avant cela, elle est passée par 6 mois de stimulations. C'est-à-dire qu'il y a eu stimulation, échec, restimulation et reéchec, avant de tenter la FIV. Que de patience et de courage !

Lyli a aussi connu l'hyperstimulation (oh non encore du sanscrit).

Pour vous expliquer l'hyperstimulation, je dois vous expliquer la stimulation.

Lors de la stimulation, la femme se fait des injections d'hormones, afin de stimuler la production d'ovocytes. En gros, on « force » un peu le cycle naturel, comme si on « dopait » nos ovaires, dans le but d'ovuler (certaines femmes n'ovulent pas naturellement) ou d'améliorer la qualité de son ovulation.

C'est la méthode la moins compliquée en quelque sorte puisqu’en dehors des injections d'hormones, le reste se fait naturellement. Le couple à des rapports comme d'habitude, en sommes on donne juste un coup de pouce à la nature.

Donc l'hyperstimulation dans tout ça ? C'est en fait un peu « la joie du surdosage ». Les ovaires sont tellement stimulés que cela provoque un kyste. Non seulement c'est très douloureux, mais selon la taille du kyste il faut parfois ponctionner et bien évidemment arrêter le traitement.

Oui, on arrête de stimuler et donc, forcément, on ne peut pas aller au bout pour ce cycle-là.

La première fois que j'ai lu l'histoire de Lyli, j'ai eu peur. Ma petite expérience de kyste me donnait un maigre aperçu de ce que pouvait être l'hyperstimulation. Cela m'a aussi conforté dans l'idée qu'un kyste aux ovaires quand on ovule, ce n'est définitivement pas normal.

Ce soir-là, après mon rendez-vous, j'ai donc expliqué à mes Fivettes, la réaction de Jules, ce silence. Elles m'ont expliqué à leur tour que c'était l'acceptation. L'acceptation qu'un bébé naturel ne serait peut-être pas possible, l'acceptation de l'attente supplémentaire du fait de tous ces examens à réaliser. L'acceptation aussi, que quelque chose ne va pas chez nous.

De mon côté, j'avais déjà plus ou moins accepté au moment où j'ai pris ce rendez-vous. Jules et moi avons chacun nos rôles je dirais et étant secrétaire médicale, il est vrai que l'organisation des rendez-vous c'est beaucoup moi qui gère. Cela ne me déplaît pas. En réalité, je crois qu'être « maître » de la situation m'a permis de ne pas couler (enfin la majorité du temps).

Alors c'est bien beau d'avoir tous ces examens à faire, mais comment on s'organise ?

Pour Jules, c'était facile pour l’organisation. La prise de sang et le spermogramme pouvaient être faits un samedi matin, jour où il ne travaille pas.

La seule difficulté si je puis dire, c'est le spermogramme. Il ne faut pas avoir eu de fièvre au cours des trois derniers mois et respecter une abstinence de 3 à 5 j avant l'examen. Rien de très compliqué en sommes. Mais ce n'est pas chose facile de faire un recueil de sperme dans un p’tit pot.

S'il y a des messieurs qui me lisent, sachez que je n'ai jamais minimisé la grande mission de Jules. Pour les femmes qui me lisent et pensent secrètement « qu'il n'y a rien de compliqué », je vous demanderais simplement d'imaginer qu'on vous laisse dans une salle aseptisée, en vous indiquant que vous avez 15 min pour avoir un orgasme, comme ça, sur commande.

Ce n'est pas plus facile pour un homme, croyez-moi.

Pour moi c'était une autre chanson. Et oui, nous les femmes, tout notre corps est une immense horloge dont les rouages sont ; notre cycle.

L'échographie de monitorage doit impérativement se faire entre le 3e et le 5e jour du cycle.

L'hystérosalpingographie entre le 7e et le 10e jour, avec l'obligation que les saignements soient complètement finis.

La prise de sang entre le 2e et le 5e jour.

J'étais déjà au 3e jour de mon cycle et je vous avoue que j'expérimentais un échantillon du stress qui m'attendait au cours des deux prochains mois.

Alors, comment caler tous ces rendez-vous quand on travaille ? On ne peut pas choisir réellement la date et moi je n'avais pas de planning fixe. Devais-je écouler tous mes congés ? Parce que ce n'était que le début et des examens, j'allais encore en avoir un bon nombre.

Et là, on dit merci la loi de 2016 qui dit que : Depuis le 28 janvier 2016, la salariée recourant à une PMA bénéficie d’une autorisation d’absence pour réaliser les actes médicaux nécessaires.

Et surtout merci Lyli, qui m'a expliqué ce que cela signifiait.

En gros, le temps de mon rendez-vous + le trajet aller + le trajet retour sont pris en charge, exactement comme une visite médicale du travail. Je n'ai pas à poser de congé et je suis payée comme si j'étais au travail. Je dois simplement fournir un justificatif.

Et monsieur dans tout ça ?

Eh bien il a droit à 3 rendez-vous pris en charge. Alors oui c'est peu, mais c'est déjà ça. Espérons qu'un jour ça change. L'égalité homme-femme c'est parfois dans l'autre sens que ce que l'on pense.

Après avoir avalé et digéré toutes ses informations, j'ai tenté une approche avec Jules.

Nous avons finalement réussi à parler et il m'a avoué que son chagrin venait surtout du fait que, faire un enfant, ça devrait être un acte d'amour pas de médecine. Ça devrait être tellement simple...

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