Chapitre 1 : Le Commencement

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Me voilà dans la salle d'attente, assise sur cette chaise. Je regarde Jules en souriant et lui prends la main. Mon sourire est tendu, un peu amer et mon esprit est ailleurs, très loin de cette salle d'attente.

Comment suis-je arrivée ici ? Sur cette chaise ? Dans cette pièce ?

Les Fivettes de ce forum d'aide m'avaient prévenue, le chemin sera long, empreint de stress et de doutes.

Et dire qu'il y a un an encore, j'étais dans une tout autre salle d'attente, un sourire plein de joie sur le visage et des millions de rêves dans la tête.

Il y a un an, j'étais donc dans la salle d'attente de ma sage-femme pour faire retirer mon stérilet. Avec mon conjoint, nous avions décidé d'entamer ce grand projet, celui de devenir parents. Nous étions très impatients d'accueillir ce fruit de notre amour. Les premiers mois, nous savions que cela prendrait du temps, mais il est normal d'être impatient. J'ai vécu mes trois premiers cycles comme un échec, sachant pertinemment que je devais attendre et prendre sur moi. Tous nos proches nous disaient qu'il ne fallait pas trop y penser et une partie de nous savait qu'ils avaient raison.

Nous avons laissé les choses suivre leurs cours. Une fois l'euphorie des premiers mois passée, nous avons repris notre vie, sans trop y penser. Entre le travail, les travaux de la maison et le quotidien, nous avons cessé de nous focaliser sur une éventuelle grossesse.

Et puis les mois sont passés et j'ai commencé à me poser des questions. On a commencé à se dire que nous devrions peut-être être plus rigoureux, sans nous mettre la pression, sans se forcer, juste se pencher un peu sur mon cycle et les périodes favorables.

En septembre, j'ai ressenti ce que beaucoup de femmes dans mon cas ont dû ressentir. Cette sensation inexplicable, qu'il y a « un souci ». Je me disais qu'à 26 ans, ça devrait être facile de devenir maman, presque en claquant des doigts.

Les gens autour ne comprennent pas forcément ce sentiment oppressant, cette sensation que quelque chose ne tourne pas rond dans notre corps.

Ma chance a été que Jules commençait lui aussi à se poser des questions, surtout avec mes antécédents médicaux. J'ai été diagnostiquée fibromyalgique à l'âge de 17 ans, après 4 ans de douleurs diffuses inexpliquées.

Sur le plan gynécologique, j'ai un cycle long, en moyenne 30j, mais cela ne m'a jamais perturbée. Au contraire, j'étais « réglée » comme disent les médecins. Dans ma jeunesse, la gynécologue avait évoqué un kyste ovarien, mais « rien de bien méchant » avait-elle conclu. Je n'avais donc pas de raison réelle de m’inquiéter... n'est-ce pas ?

Un jour, on m'a parlé d'endométriose, mais rien de concluant à l'IRM, ni sur les autres examens. Tout est toujours « normal » avec moi, d'où le fait que je n'aime pas les médecins et les analyses. À chaque fois, j'ai l'impression d'être folle ou que mon cerveau me joue des tours.

Et puis il y a eu ce jour, où me voyant pliée de douleurs, ma responsable au travail a décidé d'appeler les pompiers. Elle m'avait déjà vu dans la souffrance pendant mes règles, mais pas à ce point.

J'ai donc été amenée aux urgences et il s'est avéré qu'un kyste avait éclaté, sans complication ceci dit. J'ai commencé à me dire que ce n'était pas normal, car j'étais en période d'ovulation à ce moment-là. Un kyste qui éclate sur un ovaire ? Pile au moment où j'ovule ?

J'étais partagée entre doute et « normalité », car j'ai toujours eu des règles douloureuses (avec ou sans pilule). J'ai aussi toujours senti mon ovulation, avec cette sensation de ballon qui éclate et ça ne m'avait jamais inquiétée.

Chaque mois, au moment de mon cycle, c'était la même rengaine ; Spasfon, Codéïne, Ibuprofène (mes meilleurs amis à force) et une bouillotte. Malgré tout cela, je tenais tout juste debout et passais souvent mes journées complètement recroquevillée et éreintée à prier pour que cela s'arrête.

Jules ne trouvait pas cela normal, il se sentait régulièrement impuissant face à mon mal-être physique et il m'a toujours poussé à faire des examens.

Sur ces fameux examens, les médecins ne voyaient rien et ont fini par conclure que ma fibromyalgie amplifiait mes douleurs.

C'était la même chanson depuis des années : tout était lié à ma fibromyalgie.

Après avoir parlé avec mon conjoint, j'ai surfé sur le monde d'Internet et le site d'un centre près de chez moi à attirer mon attention.

D'un commun accord, nous avons décidé de prendre un rendez-vous, pour nous ôter le doute.

Nos proches, malgré leur soutien, n'ont pas forcément compris ce choix. Ou même s'ils le comprenaient, ils ne pouvaient s'empêcher de nous sortir les classiques dans ce genre de situation : « C'est normal, ça prend du temps. ».

« Tu te mets trop la pression. »

« Tu y penses trop, alors ça ne marche pas. »

« Faut pas faire de fixette. »

Toutes ces phrases que nous avons toutes entendues, je pense, au moins une centaine de fois.

On se sent seule, souvent, tout au long de ce parcours. On a beau être entourée, le mal-être, le doute, tout ça, c'est à l'intérieur. Sur le site de ce centre apparaissait un lien vers un forum. C'est là que je les ai rencontrées ; mes petites Fivettes.

J'ai commencé à créer mon profil, mais il m'a fallu une semaine avant d'oser écrire mon premier post. Puis j'ai découvert cette conversation nommée « Nouvelle ici ! » et je me suis retrouvée dans les paroles de ces femmes.

Beabou avait ouvert le bal, exposant sa situation. Cette Canadienne au grand cœur, un peu plus jeune que moi (25 ans), expliquait qu'après un an sans contraception, bébé ne venait toujours pas. Elle racontait les examens déjà effectués et le verdict des médecins quant aux causes de cette infertilité.

À la lecture de tous ces termes, j'avoue n'avoir pas saisi grand-chose au départ. Les seuls mots que je comprenais étaient les noms des examens de radiologie, puisqu’étant secrétaire médicale, je travaillais avec ces termes au quotidien.

Le début du groupe de conversation était composé de Beabou, Lyli, Debb et Catayena. J'ai lu rapidement les messages échangés entre elles, puis je me suis lancée. À l'époque, je n'avais pas lu en détail, car je ne comprenais pas tout ce qu'elles écrivaient et je cherchais des réponses.

J'ai commencé à leur écrire, avec malgré tout, la sensation d'être étrangère à tout cela. C'était sûrement une forme de déni, mais je ne me sentais pas légitime de les embêter avec mes pseudos-doutes, elles qui étaient déjà certaines que la PMA serait leur seul recourt.

Elles m'ont accueillie parmi elles, m'ont réconfortée, rassurée et je me suis sentie plus forte et moins ignorante pour appréhender mon premier rendez-vous.

Elles m'ont alors expliqué les fameux termes médicaux qui me semblaient être du sanscrit et au fil de nos échanges, j'ai appris ce qu'était la PMA

Ah ces fameuses lettres ! Je n'aurais jamais pensé que ce sigle bercerait un jour mon quotidien. Et pourtant, depuis le 6 octobre 2019, date de mon premier message, je mange PMA, je dors PMA, je me douche PMA.... je vis PMA (même si parfois on fait une pause hein).

La PMA c'est quoi ? La Procréation Médicalement Assistée. Ou « Comment faire un bébé avec l'aide des médecins », mais c'est vachement moins classe dit comme ça.

Bref me voilà dans cette salle d'attente, de ce centre de PMA, avec l'homme de ma vie. La pièce est accueillante, décorée par de belles affiches sur les problèmes de fertilité (on se met dans l'ambiance) et cette attente me paraît interminable. Les murs blancs ne dénotent pas avec l’hôpital dans lequel nous nous trouvons, même si dans cette pièce, on sent que la bienveillance règne.

La secrétaire à l'accueil nous a tout de suite mis à l'aise en me demandant de reprendre mon souffle. Nous étions un peu en retard, et entre la course, la panique de ne pas trouver le service et le stress, j'avoue que mes phrases n'étaient qu'un flot de paroles sans fin.

Elle nous a enregistrés puis nous a indiqué la porte derrière nous, cette fameuse salle d'attente.

Un autre couple attend sagement aussi, juste à côté de nous. La femme tient dans ses mains un dossier très épais et je me demande, au fond de moi, ce qui peut bien le rendre aussi conséquent.

Grâce aux Fivettes, je connais un peu mieux les divers examens. Je sais qu'il y a « la routine de base » si je puis dire, et ceux qui viennent se rajouter.

Mais tout de même, il me paraît imposant et je ne peux m'empêcher de ressentir une légère angoisse.

Je suis tirée de mes pensées, lorsqu'une femme dans l'encadrement de la porte prononce mon nom et celui de ma moitié.

Nous nous levons, impatients et stressés. Nous suivons cette gynécologue, qui sera par la suite notre point d'appui, de réponses et aussi de réconfort.

On a l'impression d'être prêt.... mais nous en sommes, en réalité, bien loin.

Nous ne sommes qu'au commencement de ce long parcours, alors que nous avançons dans ce couloir, avec la même question résonnant dans nos petites têtes : mais qu'est-ce qu'on fout là ?

© Tous droits réservés-Noralifewriter - 2020

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