Blanche Neige 20 ans après...

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« Je n'y crois pas ! Je ne pensais pas être sujette d'autant de cruauté un jour ! Je suis soulagée de sa disparition... et regarde Prof, mes yeux restent secs. Mon père n'est plus, et aucune peine n’habite ma conscience. Quel est cet étrange sentiment de satisfaction ? Comment ai-je pu en arriver à une dureté si extrême, serai-je devenue dénuée de sentiments ? ».

Blanche Neige, âgée de la quarantaine, parlait sans discontinuer depuis son arrivée chez Prof. La loquacité de la quarantenaire, d’un naturel d’habitude très digne et réservé, déroutait un peu son ami qui essayait d’apaiser ses tourments. Il choisissait chaque mot pour accompagner de sages paroles afin de tenter de la réconforter.

  • Après ce que tu as vécu par la faute de ton paternel affecté de démence, mon amie, ton ressenti est normal. Crois-moi, le contraire serait presque inquiétant. Ta colère et ta rancœur sont compréhensibles par tous. La roue a tourné et le bon arrive : Vois ton avenir s’éclaircir dès ce jour ; je te garantis que ta vie va s’arranger. Tu verras… Abandonne cette mauvaise pratique de te savoir sur le qui-vive : la sérénité te deviendra coutumière comme elle l’était dans ta tendre enfance. »
  • Cela fait si longtemps Prof que je n’en ai plus souvenir ! » dit Blanche dans un soupir.

Prof et Blanche Neige conversaient face à face devant un chocolat chaud dans la bicoque où vingt ans plus tôt elle avait été recueillie et réconfortée à force de générosité par toute la fratrie de Prof. Lui, l’aîné, avait toujours refusé de suivre ses six frères pour quitter cette masure qu’il affectionnait malgré un inconfort grandissant avec les années passant. Malgré maintes propositions, Il ne s’était jamais laissé convaincre de déménager dans une des nombreuses dépendances du château de son amie Blanche Neige son mari Gontran, offrant des logements et un cadre pourtant bien plus modernes et pratiques. Le vieux nain avait renoncé à toute commodité car il avait ambitionné de s’adonner totalement à sa passion : la physique et les sciences mathématiques. Buté, et satisfait de sa condition de vie, il avait même refusé toute suggestion de rénovation de sa maison qui ne ressemblait bientôt plus à un foyer mais à une masure délabrée. Cette liberté de pouvoir enfin vivre seul et reclus dans cette demeure, même dépourvue d’un confort à son sens superflu, lui permettait de se consacrer en exclusivité à ses travaux de recherches ; cela lui assurait des moyens très substantiels dont il distribuait régulièrement une bonne partie au gré des besoins d'autrui ou pour des œuvres charitables qui lui semblaient méritoires. Sans tomber dans le risque des travers de l’égoïsme, cette vie d’ermite était prémunie d’une solitude totale, car la bienheureuse sagesse et son affection pour ses frères et Blanche Neige lui garantissaient des contacts réguliers avec l’extérieur.

Voilà maintenant que déjà vingt ans se sont écoulés depuis ce jour où le prince Gontran a posé ses lèvres sur la belle Blanche Neige et lui ont redonné goût à la vie. Tout le monde pensait que du même coup, cette démonstration d’amour et leur idylle aurait délivrée la jeune femme des manigances de sa marâtre. Le décès de cette femme diabolique s'est produit de surcroît le jour de leur mariage avec Gontran, suite à la punition qui lui fut infligée pour ses ignominies : elle était condamnée à danser avec des chaussures de métal chauffées au rouge jusqu'à ce que mort s'ensuive… heureux d’être débarrassés de cette sorcière, les sujets du royaume de Gontran malmenés depuis des lustres par cette sorcière, bénirent cette journée.

Pour Blanche Neige, la disparition de l’ignoble femme n’avait pas apaisé ses tourments d’un ordre psychologique. Combien de thérapeutes successifs avait-elle dû consulter depuis sa disparition pour s'extirper la détresse psychologique qui la malmenait depuis ? Elle ne les comptait plus ! La nécessité incommensurable de soutien moral avait été vivement préconisée par les meilleurs professionnels dès les premières années du mariage du jeune couple. Son destin était décidément semé d’embûches ; son passé trop lourd encombré de violences psychologiques répétées ne la laissait pas indemne d'autant que ses tendres années ne l’avaient pas préparée. Elle avait ainsi fait la fortune de tous les cabinets du royaume sans jamais trouver de réconfort satisfaisant pour la soulager de ses tortures au souvenir de ce qu’elle avait enduré.

La méchanceté de sa marâtre avait traumatisé Blanche Neige à tout jamais, elle ne se remettait pas de la convoitise qu’avait pu susciter son physique. Elle le savait certes agréable, voire gracieux, mais cette beauté subjective ne justifiait aucunement l’ampleur de la haine si féroce dont elle avait été l’objet.

Pour ajouter à sa souffrance morale, son père Adélard, suzerain renommé pour sa générosité extrême, fut envoûté par divers sortilèges de la malfaisante belle-mère avant qu’elle ne disparaisse. Sous l’influence de ces maléfices, il était devenu obnubilé par le souvenir de cette épouse idéalisée au point de lui faire perdre toute objectivité dans ses jugements ; son épouse l’avait hypnotisé aux seules fins de saccager le bonheur de Blanche Neige avec Gontran. La manigance à base de formules tarabiscotées et recettes endiablées fut si efficace que le second veuvage du vieil homme métamorphosa le bon souverain en tyran manipulateur, n’hésitant pas à manipuler ses sujets sans vergogne, en vue de la réussite de cette entreprise destructrice. Un sentiment de vengeance exacerbé à l’encontre de sa fille unique à ses yeux responsable de la perte de sa femme devint notoire aux alentours. Son imagination prolifique mise alors à contribution, produisait sans cesse de terribles machinations pour accomplir son « objectif » : anéantir le bonheur de sa fille unique.

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