MALHEUR, MALHEUR !

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Dans le bureau de travail de la Reine,

Elizabeth finit par s’endormir sur le sofa en cuir du bureau. Je plaçai un plaid moelleux sur ses épaules pour la maintenir au chaud.

Je reçus le coup de fil de l’équipe de gardes qui avait été détaché jusqu’à Gênes. J’eus la confirmation des ravages de la catastrophe, on dénombra déjà énormément de morts et des dégâts matériels innombrables. L’ambassade avait retrouvé l’adresse de la famille d’Elizabeth, il s’avérait que leur maison se trouvait près du pont. Par chance, elle n’avait essuyé que peu de dégradation par rapport à d’autres. On était cependant sans nouvelles d’eux.

« Oui Majesté, nous sommes à la recherche de la famille dans les décombres en ce moment même.

– Très bien, prévenez-moi dès que vous avez du nouveau. »

Je raccrochai et me levai de mon fauteuil. Je me tins devant la fenêtre et observai le monde au dehors. Le temps pluvieux fit échos à l’orage intérieur d’Elizabeth.

Une nuée de corbeaux voletaient au loin. Deux d’entre eux foncèrent vers moi. Le premier s’écrasa contre la vitre et ne repartira plus jamais. Quant à l’autre, il arriva à passer par l’entrebâillement de la porte fenêtre pour se retrouver piéger à l’intérieur.

J’ouvris en grand les fenêtres et essayai désespérément de le faire sortir du bureau avant qu’il ne réveille Elizabeth. Elle avait grandement besoin de dormir et ce n’était pas avec des piaffements qu’elle y arriverait.

Je coinçai le corbeau dans un coin de la pièce et grâce à ma vitesse accrue, je pus le prendre au dépourvu et l’attraper entre mes doigts agiles. Il me mordit quelques fois de son bec acéré, les blessures se refermèrent aussitôt à chaque fois. Je m’empressai de refermer derrière lui après l’avoir relâché, il n’y avait nul besoin de tenter les autres.

Je m’approchai d’Elizabeth qui s’était apaisée dans son sommeil. Son buste se soulevait dans un rythme régulier et lent. Je passai mes bras sous ses genoux et son dos et la soulevai. Je la calai contre mon buste et traversai ainsi les couloirs jusqu’à nos appartements où je la déposai sur les oreillers.

Tant que je n’avais pas de nouvelles de mes équipes déployées en Italie, je ne pouvais malheureusement rien faire. Alors, je me plongeai dans des dossiers urgents à traiter.

Dans la chambre seigneuriale,

Tard dans la nuit, alors que je me retournai dans mon le lit, j’entendis des sanglots étouffés depuis la salle de bain. Je me levai donc repoussant le bras d’Aiden en travers de mon corps. J’ouvris doucement la porte pour qu’elle ne grince pas sur ses gongs.

Je découvris Elizabeth, assise nonchalamment sur le carrelage froid de la salle de bain. Une boite de mouchoir – presque vide – trôna à ses côtés, ainsi qu’une multitude de mouchoirs usagées.

Elizabeth tint sa tête dans ses genoux et des larmes chaudes coulèrent en abondance le long de ses joues rosées par le chagrin.

Je tirai sur la sonnette pour appeler une de mes bonnes. Ce fut Vicky qui se matérialisa dans l’encadrement de ma porte.

« Vicky, pouvez-vous me préparer une tasse de chocolat, s’il-vous-plais, chuchotai-je.

– Tout de suite, Majesté. »

Je la remerciai et elle disparut dans l’obscurité du couloir.

Quelques minutes plus tard, Vicky me remit une tasse fumante. Je la congédiai en la remerciant et lui souhaitant bonne nuit. Puis, je me décidai à entrer dans la salle de bain.

« Elizabeth, cesse de te mettre dans tous tes états, ma belle. Tu te fais du mal ainsi. »

Je lui tendis la tasse en porcelaine et elle essaya de me sourire faiblement, en vain. Je m’assis à ces côtés et l’encadrai d’un bras. Elle se laissa faire et but une petite gorgée de chocolat. Elle se blottit contre ma poitrine et se laissa bercée par ma respiration.

« Je te promets qu’on les retrouvera, chérie.

– Merci, Freya. »

Elle n’employa que peu mon prénom, cela signifiait bien qu’elle était très mal en point.

« Tu sais, il y a beaucoup de chance qu’ils n’étaient pas chez eux à ce moment-là.

– Je sais, mais je ne peux m’empêcher de m’inquiéter. C’est la seule famille qui compte encore pour moi. »

Je restai avec elle jusqu’à que ses larmes se tarissent. Ou bien, elle n’en avait plus une goutte. Elle but son chocolat à intervalles réguliers et je pus la trainer jusqu’au lit pour se recoucher. Je restai éveillée pour la border. Elle finit par s’endormir contre moi, les yeux bouffis.

À l’aube, je fus contactée par les gardes. Je pris l’appel dans le couloir près des appartements de ma famille. Les fouilles des décombres ne présentaient aucun mort. Les Frye étaient donc encore en vie, quelque part.

« Faites le tour de la ville, faites un appel témoin s’il le faut mais trouvez les moi ! ordonnai-je au téléphone. »

Le cri d’un jeune enfant mit fin à ma conversation téléphonique. Asha se débattit dans sa gigoteuse quand j’entrai dans la chambre d’enfant. Elle s’était retournée sur le ventre et s’était emmêler dans la couverture.

« Holà, holà, Asha. Je vais t’aider. »

Je tendis les bras vers elle et je la portai pour lui enlever l’objet de son malheur. Alors que je la calmai en la berçant tendrement, je fus ébloui rien qu’un instant par quelque chose qui gisait sur le sol.

Je m’y approchai et trouvai un miroir brisé. Ce qui était très étonnant. Le cadre était encore intact pourtant. Je posai ma fille dans son lit qui râla par la même occasion, et entrepris de retirer les bouts de verres qui jonchaient le sol. Il manquerait plus que Marguerite, la nourrice ou Lou se blessent.

« Majesté ? Tout va bien ? »

La voix de Marguerite me surprit et je sursautai à ce son.

« Marguerite ! Oui tout va bien, je retire juste les bouts de verres du miroir.

– Oh mais laissez-moi faire ! Ce n’est pas à vous de faire ces tâches ingrates !

– Ce ne n’ai rien, allez plutôt prévenir des bonnes pour nettoyer et changer le miroir.

– Oui, Majesté. »

Je la prévins également que je sortai avec la petite pour ne pas l’inquiéter. Je nouai une écharpe pour maintenir Asha contre moi. J’embarquai également un biberon de lait. Eli avait décidé de la nourrir au lait et non au sang. Et j’empruntai le chemin jusqu’aux jardins.

Dans les jardins,

Je pris place dans une alvéole confortable avec ma fille et m’assis sur un banc rembourré de coussin moelleux. Je m’enfonçai dans l’un et calai Asha contre mes seins pour lui donner le premier biberon du matin.

Elle attrapa la tétine entre ses lèvres et but avidement. Je profitai de ce moment de calme, seule avec ma fille. Je posai une main apaisante sur mon ventre qui commençait à s’arrondir. Si je me concentrai, je pouvais ressentir sa présence au plus profond de moi.

Je n’aurais jamais pensé qu’on puisse aimer autant un être sans le connaitre. Je sentis une présence dans mon dos, en reniflant l’air une odeur de chien mouillé me parvint. La joue humide et le poil dru du loup d’Aiden se colla à la mienne. Il déposa son odeur sur moi, comme le ferait un chien pour marquer son territoire. Cela était bien inutile, mon odeur avait fusionné avec la sienne depuis qu’on avait échangé notre première étreinte.

« Bon matin, Aiden… »

Je retirai le biberon vide des lèvres d’Asha alors qu’il s’installa à mes pieds et posa sa tête sur mes genoux. Je le caressai entre les deux oreilles, il grogna de contentement. Il renifla Asha et vint lui pousser ses petites mains potelées du museau. Asha referma ses doigts sur ces moustaches et tira à un coup dessus en voulant les ramener à la bouche.

Aiden tenta de se dégager de la poigne d’Asha déjà forte.

« Asha, lâche Aiden, tu vois bien qu’il est d’une nature fragile. »

Ses doigts se desserrèrent quand elle remarquait qu’elle ne pouvait pas les porter jusqu’à sa bouche. Aiden en profita pour vite se retirer et se coucha sur le sol en massant son museau endoloris.

« La prochaine fois tu réfléchiras à deux fois avant de renifler un enfant. Tu sais que notre enfant sera aussi sans pitié qu’Asha ? »

Il émit un hurlement strident en signe de compréhension. Je la caressai pour la peine sur le museau en des mouvements circulaires pour l’apaiser. Il se laissa faire et reposa sa tête sur mes genoux, mais plus éloigné de la petite.

On resta ainsi de longues minutes, je profitais du soleil qui se levait doucement de l’autre côté de la colline à l’horizon. Asha babilla joyeusement dans mes bras. Aiden, toujours sous sa forme de loup, assis à côté de nous. Je jouis de cette parenthèse hors du temps.

L’équipe envoyé à Gènes revint en fin de matinée, peu de temps avant le repas. Je les accueillis dans le hall en présence d’Elizabeth.

Le gouvernement Italien avait refusé les soutiens extérieurs, le pays savait faire face à ce genre de catastrophe. Leur réaction efficace face aux nombreux tremblements terres et autres catastrophes en témoignaient.

« Bienvenue parmi nous, Messieurs, Dames, je suis la Reine Freya, me présentai-je. »

Les hommes et femmes en face de moi me fixèrent avec circonspection, ils passèrent de mon visage à celui familier de leur nièce. La tête d’Orisha vint pousser ma main et elle se posa droite à mes côtés. Ils se tendirent en la voyant mais en remarquant qu’elle ne faisait rien et qu’Eli la caressait, ils se détendirent.

« Vous pourrez vous restaurer et changer de vêtement. Une domestique va vous conduire à vos appartements. »

Je fis en geste en direction de la dhampir, qui assuma cette fonction. Elle s’approcha d’eux et leur montra le chemin. Je les saluai d’un signe de tête respectueux avant d’offrir mon bras à Elizabeth.

« On se reverra plus tard. Si vous avez besoin de quelque chose, demandé à Olivia, dis-je en pointant du doigt la dhampir qui leur demanda de la suivre. »

Sans vraiment comprendre ce qui se passait, ils la suivirent sans rien dire. J’entrainai Eli à ma suite. Nous rejoignîmes mon bureau où la garde attendait.

« Messieurs, vous avez fait un excellent travail, les félicitai-je. »

Elizabeth se fonda en remerciement pour les avoir retrouvés à temps. Mes hommes rougirent presque devant tant d’éloge.

« Vous pouvez disposer et prendre du repos. Une dernière chose, faites préparer le jet pour les emmener à Londres, leur demandai-je.

– Oui, majesté.

– Et n’oubliez pas d’effacer toute trace d’Idrias de leurs méninges ! »

Les soldats se retirèrent et Elizabeth partit à la rencontre de sa famille. Quant à moi, je profitai de ce retour au calme pour potasser les dossiers qui s’amoncelait sur mon bureau.

Dans la salle à manger royale,

La famille italienne de ma femme fut conviée au repas de midi. C’était Olivia qui était chargée d’eux qui les ramena jusqu’à la salle à manger royale. J’arrivai légèrement en retard, je fis ainsi mon entrée après eux.

« Ne vous levez pas messieurs, dames, leur indiquai-je alors qu’ils s’apprêtèrent à se lever comme l’exigeait l’étiquette. »

Je m’approchai de ma chaise et y prit place après avoir embrassé Aiden et Elizabeth et salué mes parents d’une poignée de main ferme.

Je sentis des regards peser sur ma personne. J’entamai une discussion forte peu intéressante pour quelqu’un d’étranger à la royauté avec mon père.

« Nous avons vérifié les frontières, aucunes traces du corps de Cassius, de l’alpha et de ses partisans.

– Ils ont dû emmener le corps, proposa nonchalamment Aiden.

– C’est fort possible, mais ne tentons pas le diable.

– Tant qu’il y a des rondes, tout y ira bien n’est-ce-pas, demanda Elizabeth.

– Oui, chérie, ne t’inquiète pas. Comment vont tes parents ? repris-je à la place. »

Elle tourna sa tête vers sa famille et les examina un instant. On pouvait apercevoir des cernes sous leurs paupières lourdes.

« Ils sont déboussolés, ils doivent encore se reposer.

– Le jet a été affrété. Ils peuvent décoller après le repas. »

Elle hocha de la tête. Elle posa son doux regard sur le jeune garçon qui nous regarda avec insistance.

« Tu devrais peut être leur parler. Ils sont intimidés. »

Elle engagea alors la conversation sur le fait qu’ils décolleront dans l’après-midi pour Londres.

« Notre jet privé est à votre disposition, leur indiquai-je.

– Merci pour votre générosité, votre Majesté, alors qu’on se connait à peine. Déjà que vous nous offrez le gîte et le couvert !

– Ce n’est rien, Monsieur, la famille d’Eli est en danger. C’est normal que je leur porte secours. »

Le vieil homme se plia en deux pour me remercier. L’homme délia sa langue et entama une conversation animée avec mon père sur le palais. D’autres cherchaient à savoir la relation qu’entretenaient Elizabeth et moi.

Elizabeth leur répondit sur notre mariage mais ignora les questions sur Idrias et sur Asha. Les yeux et sa couleur de cheveux d’Asha était impossible chez les humains. Nous autres, loups et vampires adultes avions la capacité de suggérer une apparence normale à des humains. Je n’avais pas pris la peine de l’utiliser à Londres. Mes cheveux pouvaient très bien passer pour une couleur et mes pupilles pour des lentilles.

Mais en l’occurrence, ici, je ne voulais pas de problème avec ces humains. Des gardes effaceraient les souvenirs et information lié à Idrias. Ils ne leur resteraient que l’existence du mariage d’Elizabeth avec une jeune fille aisée.

Peu de temps après le repas, la famille d’Elizabeth décolla avec le jet privé d’Idrias direction l’aéroport de Londres pour rejoindre la mère d’Eli. Ma femme les avait longuement salué et était restée plusieurs minutes sur le tarmac à les voir s’éloigner.

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