PAREILLE HORREUR N’EST PAS DE CE MONDE

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Dans le bureau de travail de la Reine,

Une nouvelle journée dans la peau de Reine débuta. Depuis qu’Elizabeth avait retrouvé le sourire, mes journées comme mes nuits étaient plutôt chargées.

Un nouveau temple avait vu le jour et j’examinai les différents plans pour l’agrandissement du palais. La noblesse lycaenienne paraissait impatiente de venir s’installer chez nous.

« Que penses-tu de celui-ci, me demanda Aiden. »

Il me montra un croquis pour l’esquisse d’un nouveau drapeau national. Il représenta un rectangle strié de deux bandes irrégulières de couleurs jaune et bleu, une lune dans le coin inférieur gauche.

« Pas assez représentatif de la communauté Lycae je trouve. »

Il me tendit un autre. Celui-ci représenta une lune dans les tons d’Idrias décoré de quelques fleurs de Lilith.

« Peut-être trop chargé à mon goût. »

Il me montra plusieurs autres esquisses mais aucunes ne trouvait grâce à mes yeux.

« Pourquoi ne demanderions-nous pas aux enfants de la patrie, ils seront plus impartiaux dans leurs choix que les adultes. Ils ne mettront pas en avant le pays des vampires ou celui des lycans.

– Pourquoi pas, après tout, les enfants lycans et les enfants vampires étudieront bientôt ensemble.

– Je vais rédiger un mot aux enseignants pour l’ouverture prochaine des locaux scolaires. »

Je m’attelai à ma tâche, je pris du papier avec le sceau royal en en-tête, une plume et de l’encre noire. La lettre rédigée, je la scellai avec un cachet de cire à mon effigie. Je me replongeai ensuite dans mes plans.

Dans la chambre seigneuriale,

« Freya ? J’ai bien choisi la robe ?

– Oui merci, Eli.

– Victoria m’a beaucoup aidée pour les couleurs.

– C’est une styliste hors pair. »

Je me trouvai dans la salle de bain de nos appartements habillée d’une robe chic et élégante. L’élocution pour présenter les deux femmes qui prendrait soin de ma grossesse avait été reportée d’une journée. Elizabeth pour se faire pardonner de ses crises de larmes, tenaient à nous organiser un bal en échange.

Je ne pensai pas qu’elle pourrait y arriver, mais elle l’avait fait en peu de temps et en cachette de surcroît. Connaissant mes goûts à présent, elle avait choisi une robe à corset blanche avec des nuances de bleu aux extrémités, elle soulignait ma silhouette mince et galbée. Quant à elle, elle optait pour une longue jupe verte d’eau et un chemisier crème légèrement décolleté.

Elizabeth s’était occupée également des tenues d’Aiden et des filles. Lou et Asha s’accordaient dans leurs tenues, dans des petites robes à paillettes sans être trop extravagantes. Le costume trois pièces d’Aiden, du même bleu que ma robe, mettait en valeur sa musculature et ses beaux cheveux roux.

Je tirai sur la fermeture de la robe, l’ajustai et je me découvris auprès de ma compagne. Elle porta ses mains à sa bouche dans une expression choquée.

« Vous êtes magnifique, Majesté ! »

Elle ponctua sa remarque avec une révérence. Je la repoussai de l’épaule pour qu’elle arrête de se moquer. Sa longue chevelure flamboyante ressortait sur le vert de sa jupe. Son visage était rayonnant et joyeux.

« Et en vrai ? lui demandai-je.

– Tu ressembles à Lilith, j’ai bien choisi je trouve, me taquina-t-elle.

– Et moi ? s’exprima Aiden.

– Mais oui ! Toi aussi Aiden ! »

On éclata de rire devant la mine boudeuse d’Aiden, il ressembla à n’importe quel enfant à cet instant-là. La soirée s’annonça délicieuse.

La salle de réception,

Les deux médecins attendirent notre venue devant les portes de la salle de réception. A l’intérieur, la vie bouillait déjà et la musique battait son plein. Les médecins s’inclinèrent à mon arrivée. J’étais entourée d’Aiden, de Milady, des enfants et de mes parents.

Elizabeth donna des ordres pour l’annonce des entrées. Les anciens régnants devaient faire leur entrée en premier accompagnés de leurs petites filles. Puis, Elizabeth ferait son entrée pour nous laisser entrer en dernier, avec Aiden.

Après tout, on devait annoncer la venue de notre enfant. Elizabeth avait consenti à laisser Aiden seul dans la lumière avec sa reine.

Les deux gynécologues ferait leur entrée un à un et à mesure que leur nom serait annoncé. Nous avions pu, dans l’après-midi, rencontrer la soigneuse louve qui aiderait notre gynécologue royale à prendre soin de moi et du bébé.

« Tenez-vous prête, messieurs, dames, s’écria Elizabeth. »

Le héraut annonça l’entrée de mes parents et des enfants :

« Leurs Majestés Aryerk et Lunafreya d’Idrias et leurs Altesses royales Asha d’Idrias et Lou de Lycae. »

Lou sautilla dans tous les sens, excitée comme une puce. Asha resta calme dans les bras de son grand-père mais ne tardera pas à pleurer avec l’agitation ambiante.

Ce fut au tour d’Elizabeth d’être appelée. Et enfin, le héraut annonça Aiden à ma suite :

« Leurs Majestés Freya Évangeline Ière d’Idrias et Aiden, le troisième, de Lycae. »

Il était temps qu’on s’entende sur le nom d’un pays qui réunifierait nos deux terres. Lou et Aiden portait encore le nom de Lycae. On restait séparé par un nom.

On tira la porte pour nous laisser le passage et nous rejoignîmes l’estrade où étaient disposés les trônes. Je levai les mains en direction de mes concitoyens pour réclamer le calme qui arriva rapidement.

« Mes très chers amis, nous avons été conviés à cette soirée par Milady qu’on peut chaleureusement applaudir et remercier pour le travail qu’elle a fourni. »

Une vague d’applaudissement s’éleva puis redescendis doucement. Je repris alors la parole :

« Nous nous excusons pour l’invitation non honorée d’hier, nous espérons nous rattraper en cette soirée. Et comme promis, voici les noms des personnes à qui nous confions ma grossesse. »

Je m’écartai pour laisser Aiden les annoncer. Il commença par la gynécologue royale :

« Mme. Aspic s’occupera du suivi général de la grossesse. Supplée par M. Guérit. »

La gynécologue et son comparse firent une entrée solennelle comme si le monde reposait sur leurs épaules.

« Mme. Carole et Mme. Bello les assisteront, sur les aspects liés à la lycanthropie. »

Les deux femmes, d’âge mûr, fendirent la foule pour nous rejoindre. Des applaudissements et des acclamations les suivirent également.

Pour leur montrer mon respect, je leur serrai la main à chacun en échangeant des formules de politesse.

L’euphorie du bal prit chacun des participants. Ce n’était pas un bal étouffé de tradition, mais bien un bal de renouveau. Le monde dansa au milieu de la salle de façon désordonnée sur des musiques anglaises, les gens discutaient bruyamment autour d’un verre de champagne, les enfants couraient autour des buffets froids. Le bal sentait la vie et la joie.

Je me mélangeai comme les autres parmi les habitants, conversai avec eux, j’acceptai les invitations à danser. Je n’avais jamais été aussi proche de mon peuple depuis ma plus tendre enfance.

« Vous avez déjà dressé une liste de prénoms, Majesté ? me demanda une habitante de la ville.

– Non pas encore, je me doute que la grossesse passera vite. Mais je laisse le temps de murir tout cela. Pour l’instant, il y a des projets plus importants.

– L’école est presque finie me semble-t-il ? me demanda quelqu’un d’autre.

– En effet, d’ici quelques semaines, les enfants pourront se retrouver.

– C’est une bonne idée d’avoir mixé les espèces ainsi.

– En effet, la génération future sera plus amène à comprendre les besoins de l’autre, ajouta un lycan. »

Je passai de groupe en groupe pour répondre aux attentes ou aux questions des personnes présentes. Je rencontrai un jeune couple mixte qui venait tout juste de se marier. Le couple cachait sa relation depuis plusieurs années. Leur rencontre avait été fortuite, dans la forêt qui était encore la frontière entre nos deux pays, quelques semaines auparavant.

« Félicitations pour votre mariage encore une fois ! J’espère que votre vie ensemble sera des plus agréable qui soit.

– Merci Majesté, me répondirent-ils en cœur. Nous attendons votre accouchement avec impatience !

– Vous voulez tellement me voir souffrir ? rigolai-je.

– Oh non pas du tout ! Il serait impoli que nous vous volions la vedette en étant enceinte en même temps que vous, Majesté.

– Je le pense bien, je vous taquinais. Mais vous savez, vous n’avez pas besoin d’attendre !

– Même si vous nous l’autorisez, nous ne le ferions pas. Vous êtes nos souverains à présent. »

Je les félicitai encore une fois pour le mariage et repartis vers un autre groupe. Il était de tradition de ne peux être enceinte en même temps que ses souverains. Les couples attendaient la naissance de l’unique enfant du couple royal.

Je trouvai cette tradition dure et à la fois, j’admirai mon peuple qui la respectait. On ne pouvait pas montrer plus grand dévouement : sacrifier sa vie de couple à leurs souverains qui sacrifiaient leur bonheur pour celui de son peuple.

« Tu m’accordes cette danse ? »

Je me retournai vers le visage souriant d’Elizabeth.

« Bien sûr, très chère. »

Je pris ses mains tendues et je l’attirai à moi. Son corps vint s’emboiter parfaitement contre le mien et on valsa, au diable le rythme de la musique. On n’écouta que notre voix intérieure. Je la fis tournoyer, virevolter avant de l’embrasser et de recommencer, nos robes voletant autour de nos jambes. Elle rigola contre mes lèvres, amusée de la situation.

« Tu as très bien travaillé, jeune demoiselle.

– Merci, vieille mégère. »

Je lui pinçai les côtes en représailles. Elle lâcha un petit cri de surprise, avant de mettre la main devant de bouche et de se cacher contre mon cou aussi rouge qu’une pivoine. J’éclatai de rire sous son innocence et sa gaieté. Après tout, la guerre ancestrale avait pris fin, il était temps que nous en profitions au maximum, surtout dans son temps imparti…

Je n’avais malheureusement aucun moyen de le rallonger comme je ne pouvais la sauver de la mort elle-même.

« Ça fait plaisir de vous voir aussi heureuse, Majesté ! Cela faisait longtemps qu’on ne vous avez pas entendue rigoler, me dit une adolescente qui dansait près de nous. »

Je la saluai d’un geste de la tête et lui offris un grand sourire. Elle avait raison, depuis que j’avais été en capacité de comprendre la réalité de la guerre qui nous faisait face, le sérieux avait pris le dessus et peu de sourires m’échappaient.

Je repris ma danse avec Eli. Elle était collée à moi, dans mes bras et nous dansâmes doucement quand je sentis quelque chose de chaud sur ma robe.

« Elizabeth ? »

Aucune réponse de sa part, je m’inquiétai rapidement. Je la décollai de moi et là, le pire qui pouvait m’arriver à cet instant. Une grosse de tache de sang s’étendit sur le tissu de sa robe. Il se gorgea d’hémoglobine et la tache grandissait à vue d’œil.

« Oh non non non ! Eli, répond moi ! »

Je l’allongeai sur le sol, les personnes autour de nous s’écartèrent en entendant la panique dans ma voix. Elle avait les paupières fermées et sa poitrine ne se soulevait plus.

« Non Eli ! Tu n’as pas droit de mourir ! »

J’appliquai, désespérée, la pression du massage cardiaque entre ses deux seins. Aiden apparut à mes côtés en un éclair. Il vérifia le pou d’Elizabeth en pressant son poignet gauche. J’avais beau masser, les yeux d’Eli restèrent ostensiblement fermés, sa peau blanchâtre vira au gris.

Mes yeux étaient noyés de larmes, mon ventre me tiraillait, je ne savais plus quoi faire pour l’aider. Je tentai de lui faire avaler mon sang comme pendant sa grossesse. Mais rien ne faisait, elle resta immobile, comme endormie.

Elle était morte dans mes bras, sans un mot, d’un coup, sans me dire au revoir. Sa chevelure rousse perdit de sa flamboyance et l’ourlet de ses lèvres s’était figé en une grimace de douleur à jamais.

Je continuai à m’acharner sur son corps froid sans vie.

« Freya… Freya ? Stop, arrête ! C’est fini… »

Non ! Ce n’était pas possible, ça ne pouvait pas être vrai. Je ne voulais pas que ce soit la vérité. La parenthèse hors du temps était terminée, elle avait été balayée par la mort comme les pétales d’un champ de coquelicot par le vent.

On m’enserra par derrière et me souleva du sol pour m’éloigner du corps d’Elizabeth qu’on couvrait d’un drap blanc solennel.

« Non ! Eli ! Ne pars pas ! »

Je m’époumonai, je voulais qu’on me la rende tout de suite. On m’arracha une partie de moi. Mes yeux parcoururent l’assistance, je vis de la compassion et de la tristesse dans le regard de tous. Sauf, un ! Ses yeux ténébreux et malveillant me regardèrent avec sourire. Cassius…

Je me débattai dans les bras de mon mari jusqu’à qu’il soit obligé de me libérer et je me jetai sur Cassius. Il allait mourir dans mille souffrances, mais il serait mort avant la fin de la nuit.

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