UNE MESSE BIEN SOMBRE

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La salle de réception,

Je courus le plus rapidement que j’en étais capable et percuta de plein fouet le bourreau d’Elizabeth. Je m’effondrai avec lui sur le marbre du sol, un bruit sinistre de craquement d’os se fit entendre. Ma tête percuta violemment le sol, me laissant des étoiles plein les yeux.

Je clignai plusieurs fois des paupières pour les chasser. Et je me relevai, solide sur mes pieds, prête à me battre. L’homme face à moi abhorra son éternel rictus carnassier et me regarda avec concupiscence. J’étais prête à le mettre en pièce pour tous ses méfaits.

Il avait fait enfermer Lou, blesser et tuer plusieurs de mes gens et surtout, il avait assassiné ma femme. Il le paierait au prix le plus fort. Une rage immense bouillonna dans mes veines. J’avais le bout des doigts qui me chatouilla.

« Majesté, cria-t-on dans mon dos. »

Mon katana et ma dague atterrirent dans chacune de mes mains. Je pointai leurs lames vers Cassius qui en fit de même avec son épée. Je m’élançai, le premier bruit de fer retentit. Il fut suivi par des milliers d’autres.

On se tourna mutuellement autour, attendant une faille de l’autre qui tardait à venir. Mon clan venait créer une ronde, délimitant notre champ de bataille.

À un moment donné, Cassius fit un pas chassé sur le côté, je lui envoyai dans le même instant un coup de pied dans la poitrine. J’y mis tout m’a puissance. Il ne put s’en défaire et voltigea à travers les grandes fenêtres de la salle de réception.

La vitre explosa dans de grands éclats de verres qui s’abattirent sur les gens près d’elles. Un mouvement de foule fit se retourner les personnes pour se protéger des débris. Quant à moi, je m’élançai dans le trou laissé pas le corps de Cassius.

Il se releva déjà et j’avançai dangereusement vers lui. Je ramassai un morceau de verre pointu et lui jetai dessus comme une flèche. En train de se relever, il ne put l’éviter. L’objet volant se planta en plein dans sa jambe.

Il grogna quand le verre s’enfonça dans sa chair. Son cri de douleur me ravit au plus haut point. Je pris le temps de le savourer avant de ne lui laisser aucun répit.

J’armai mon bras et m’élançai sur lui. L’acier de mon katana claqua contre celui de son épée. Le bruit métallique se perpétua autant de fois que je recommençai mon coup.

J’entendis les battements de son cœur s’accélérer, sa respiration saccadée et ses mains tremblèrent. Je me délectai de sa fatigue et en profitai.

Je tentai une feinte par le côté droit et la lame se ficha dans son épaule. Un râle de douleur s’éleva du plus profond de sa gorge et m’emplit d’une satisfaction toute nouvelle. Je la retirai et balançai une attaque plus violente. Du sang gicla et éclaboussa ma robe.

L’arme s’abattit dans le flan de Cassius dans un horrible bruit de succion. Il lâcha cette fois-ci un hurlement à effrayer les morts. Je me servis ensuite de ma dague pour lui porter un coup près du cœur. Il s’effondra dans des soupirs bruyants.

La boue macula son visage, la pluie vint à tomber collant des mèches de cheveux sur son front.

« Tu m’as pris Elizabeth, je te prendrais tout ce à quoi tu tiens : ton père, ton seul fils et ce devant tes yeux. Oh non, tu ne mourras pas tout de suite ! »

Cassius leva son visage vers le mien et en croisant ses yeux j’y lus de la pitié. Il leva une dernière fois son épée et s’apprêta à se trancher la gorge avec.

Une puissante main agrippa son poignet avant que le tranchant de l’arme ne puisse toucher le moindre grain de sa peau.

« Oh non, mon frère, tu souffriras comme elle l’a dit pour toutes les tortures que tu as commises, y compris sur ton propre clan. »

Aiden lui retira l’arme des mains et Ezio lui noua les mains dans le dos.

« Emmenez-le et enfermez le bien surtout ! »

Cassius fut emmené hors de ma vue. Je retournai auprès de ma bien aimée. Sa peau avait pris une teinte grisâtre et ses yeux étaient vides.

« Oh Eli, je suis tellement désolée… De tout… J’espère que tu trouveras la paix auprès de Lilith…

– Freya ? »

Une voix étouffée que je reconnaitrais entre mille atteignit mes oreilles. Elle était presque inaudible et portait un message de tristesse.

Je levai la tête au-dessus du corps inerte d’Elizabeth. Sa silhouette m’apparut dans le vague auprès de Lilith. Elle me tenda une main vaporeuse que j’essayai désespérément d’attraper.

« Freya… Sois heureuse pour moi et notre fille… Prend soin d’elle, elle te ressemble tellement…

– Elizabeth… J’aurais dû mieux te protéger… Je suis désolée, j’ai failli à ma tâche… »

Un sanglot se coinça dans ma gorge. L’âme d’Elizabeth m’étreignit et murmura des mots apaisant et rassurant.

« Freya, tu m’as permise d’être mère, tu m’as donné une famille et un but dans ma vie. Ta rencontre a été la meilleure chose de ma vie, je te remercie de m’avoir aimée… »

Elle m’embrassa une dernière fois, je ne sentis qu’un souffle froid sur mes lèvres. Puis, elle disparut dans un écran de fumée. Je regardai jusqu’à que la dernière volute disparaisse.

Je sentis une main se poser sur mon épaule et des bras minces me serrer. Mais, j’étais anesthésiée. Mon cœur était éteint, je ne ressentais plus rien.

« Freya… »

La voix d’Aiden m’atteint, déformée. Je passai mes mains sous le corps d’Elizabeth et la soulevai en même temps que je me redressai. Je traversai la salle de réception et les couloirs jusqu’à mes appartements.

La chambre seigneuriale,

Je me dirigeai vers la salle de bain où je pris soin de nettoyer le sang et les blessures d’Elizabeth. Puis, je la couchai sur le lit où je la recouvris d’un linceul.

La porte de la chambre s’ouvrit laissant passer mes parents et Lou qui se jeta dans mes bras en pleurs. Elle me serra comme on serrait une bouée de sauvetage.

« Dit, Elizabeth n’est pas morte hein ? Elle est seulement endormie… »

Réveillée, par ses plaintes, de ma transe, je m’accroupis devant Lou et lui pris les mains. Je dégageai les mèches de ses cheveux blonds qui barraient son front. Je croisai des yeux embués de larmes. Je pressai ses mains et lui embrassai les joues comme Eli avait coutume de le faire.

« Je suis désolée, Lou…

– C’est mon oncle qui a fait cela, n’est-ce-pas ? »

Ma gorge se noua à l’évocation de Cassius mais je lui répondis tout de même :

« Il ne fera plus jamais de mal, ni à toi, ni à personne d’autre. »

Je la serrai fort dans mes bras en posant sa tête sur mon cœur. Je lui dis des paroles rassurantes à l’oreille.

« Ne t’en fait pas, ma belle. Je suis là… »

Elle serra encore plus fort ma nuque avec ses petites mains. Je passai mes doigts dans ses cheveux et lui tapotai le dos pour l’inciter à arrêter ses larmes. Une tâche humide mouilla le tissu de la robe de deuil que je ne quitterais plus pendant un long moment à présent.

« Ma chérie, tout est prêt. Fais les derniers honneurs à ta femme… »

Je me relevai, pris Lou dans les bras et je descendis rejoindre le fond du jardin où se déroulait les enterrements. Une partie du fleuve Liberté s’insinuait dans cette partie du jardin, suffisamment large pour accueillir le rite mortuaire.

Ma simple robe noire de deuil flottait autour de mes pieds alors que je m’avançai vers les eaux claires du fleuve, éclairées seulement par la lumière de la lune. Je m’avançai tête baissée, une rose noire serrée dans mon poing. Je savais la zone protégée par suffisamment de gardes.

Mon visage refléta ma douleur, des larmes sillonnaient mes joues alors que j’avançai vers un bateau en bois. Le bûcher funéraire y était installé entouré d’offrandes et de fleurs. Je déposai la rose au pied du lit mortuaire, Elizabeth simplement endormit au milieu de tout cela.

Je m’approchai d’elle, lui baisai le front avant de déposer deux pierres précieuses, sur ses paupières résolument fermées, pour le Passeur qui la guiderait jusqu’à sa dernière demeure. Je pris soin de couvrir son visage avec le linceul. Je descendis ensuite du bateau. Puis, deux vampires le poussèrent sur les flots. Il suivit les flots tranquilles qui s’écoulèrent et s’écouleront à jamais.

Je m’approchai au bord de l’eau et pris sur moi pour ne pas verser davantage de larmes.

« Puisse le Passeur t’accueillir et te conduire à travers le grand jardin de Lilith. Puisse l’Orchestre chanter ton nom avec amour et furie pour qu’on puisse l’entendre s’élever des profondeurs de l’Au-Delà et qu’on puisse savoir que tu as pris la place qui te revient auprès de notre Mère. Parce qu’une grande femme est tombée, une princesse, une épouse, une mère, une amie… »

Dimitri me tendit un arc et une flèche que je pris avec reconnaissance. Elizabeth s’éloigna déjà au loin, trop vite à mon goût.

J’enflammai la pointe de ma flèche et élevai l’arc vers le ciel. Je pivotai sur moi-même pour prendre en compte la puissance du vent et lâchai la corde.

Un souffle de tristesse et de regret fendit l’air en même temps que la flèche enflammée. Elle se ficha au centre du bucher qui s’alluma, rougeoyant et magnifique.

Alors que je regardai le bateau s’embrasser doucement, une nuée de flammes foncèrent par milliers sur la barque qui s’enflamma complètement emportant le reste de ce que fut Elizabeth.

J’entendis des reniflements, des sanglots et des cris étouffés sans comprendre que c’était, en réalité, les miens. Je suffoquai, j’avais mal, extrêmement mal d’avoir perdu mon rayon de lune qui éclairait ma vie. Mes jambes cédèrent et je m’écroulai au sol complètement démunie.

Aiden n’avait de cesse de me réconforter, je sentis ses larges épaules m’encadrer pour m’enfermer dans leur douce chaleur. Je devais présenter un spectacle pitoyable à mes compatriotes. Lou vint se glisser entre nous deux.

Mais rien n’était à faire, je subissai toute la tristesse que la perte, le vide et l’absence d’Elizabeth me laissait. J’allais avoir besoin d’un temps considérable pour me remettre complètement de cette perte.

Je ne fis que subir, je m’en voulais d’être faible à ce point. J’étais sûre qu’Eli aurait détesté me voir ainsi. Mais voilà, elle n’était désormais plus là et il me fallait le supporter pour le bien de mon peuple, de mon fils à naitre, de Lou, d’Aiden et de nos ennemis qui attendaient dans l’ombre une faiblesse de notre part pour reprendre le pouvoir.

Je plantai mes pieds dans le sol dur et me relevai. Je fis face comme une reine l’aurait fait. Comme la Reine que je suis le ferait.

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