L’ESPOIR NAQUIT

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La chambre seigneuriale,

« C’est bien Majesté, continuez à pousser ! me dit la sage-femme, Mme. Aspic. »

Redressée, les mains agrippées à mes cuisses, je poussai aussi fort que je le pouvais. Mes dents s’entrechoquèrent et ma respiration se fit saccadée.

Ce n’était que le début mais j’étais déjà épuisée. Je me demandai bien comment Elizabeth avait pu survivre à son accouchement.

Asha avait désormais bien grandi, elle faisait la taille d’une petite fille de deux ans qui bredouillait déjà des phrases où le sujet, verbe, complément n’étaient pas toujours à leur place. Ses longs cheveux roux et argent flottaient dans son dos lorsqu’elle s’amusait à poursuivre Orisha et Lou de ses jambes courtes. Ses doigts étaient aussi graciles et longs que les miens quand elle les déployait pour effectuer sa danse de la victoire, telle les ailes d’un papillon. Sa bouche rosée et son seul œil vert me rappelait tant le visage en joie d’Elizabeth quand elle me souriait.

Je la revis tellement en elle que ça me faisait presque mal de la voir. Eli avait laissé un trou béant dans mon cœur que même Aiden ne saurait refermer.

J’aimais regarder du haut du balcon de mon bureau, Asha et Lou jouer à chat perché. Lou arborait la même tignasse que sa mère, apparemment, et des yeux aussi expressifs que ceux d’Aiden. Depuis la mort d’Eli, Lou avait tendance à se réveiller en pleurs la nuit. Après la mort de sa maman, c’était sa mère adoptive qui mourrait. Alors j’étais là pour remplir ce rôle. Comme je l’avais promis à Elizabeth, je ne laisserais pas mes enfants grandir sans moi.

Je serais là pour eux et à jamais…

Une nouvelle poussée me tira de mes pensées. Mon utérus se contracta de nouveaux et je criai à plein poumons pour évacuer la douleur.

Aiden, à mes côtés, devait déjà avoir plusieurs phalanges cassées à force de serrer comme une forcenée. La sage-femme m’encouragea à pousser plus fort.

« Relâchez Majesté, prenez de grandes goulées d’air frais. »

Je secouai la tête de bas en haut pour prouver mon assentiment. Je suai à grosses gouttes depuis que les premières contractions m’avaient prise alors que je prélevai du sang frais à la gorge d’Aiden. Il en portait d’ailleurs encore les stigmates.

J’avais senti une envie pressante impossible à retenir et hop ! Ma robe fut toute tachée. Aiden complètement affolé, avait carrément prévenus les Ashes – qui me protégeaient constamment – de ma perte des eaux.

Résultat, en un instant la chambre seigneuriale avait été prise d’assaut. Les guérisseuses m’avaient forcée à m’allonger et on m’avait palpé un nombre incalculable de fois pour surveiller la dilatation de mon col de l’utérus.

Mes parents attendaient anxieux dans un coin de la chambre à se ronger les sangs. Certainement comme le reste du palais que je pouvais entendre murmurer derrière ma porte.

Une nouvelle contraction me prit, plus longue et douloureuse que les autres. Le médecin m’ordonna de tenir jusqu’à la fin de celle-ci. Alors bandant mes muscles, je poussai à nouveau. Aiden passa sa main valide dans mon dos pour m’y aider.

« On tient, on tient, on tient, me répéta-on en une longue litanie. »

Je m’accrochai, après tout si une humaine avait pu sortir un dhampir de son corps, je devrais pouvoir en faire autant avec un être hybride.

L’accouchement s’éternisa. La douleur devenait de plus en plus forte que j’en devenais instable. Je secouai la tête, criai à pleins poumons et déchirai l’édredon du lit.

Dans mon manque de retenue, j’avais brisé le poignet d’Aiden en l’agrippant. Personne n’avait approché du lit pour prendre le relais. Même les guérisseuses restaient en retrait, prodiguant leurs conseils à distance.

Aiden avait le courage de ne pas me quitter tout de suite, il resta à mes côtés en préférant éviter le contact physique direct.

Je n’aurais jamais imaginé que l’accouchement d’un hybride puisse être aussi douloureux. Je pensais à cet instant que les couples mixtes y réfléchiraient à deux fois avant de procréer.

J’entendis les bourdonnements d’inquiétude provenir du couloir. Lou gratta à la porte pour entrer mais la nourrice l’en empêchait.

« Pourquoi l’accouchement est aussi long et douloureux, demanda mon père furieux aux médecins présents. »

Je vis les guérisseuses secouer la tête d’incompréhension. Et ma gynécologue serra les dents.

« Alors ? questionna-t-il plus durement.

– Père ! Calme-toi ! soufflai-je

– Je ne vais pas rester là à te voir souffrir tout de même !

– Alors sort ! J’accouche de mon premier enfant, d’autant plus d’un hybride. Il est bien plus puissant que n’importe lequel d’entre nous. »

On me regarda avec des yeux ronds, personne ne comprenait où je voulais en venir.

« Il est beaucoup trop puissant pour que j’accouche aussi facilement que n’importe qu’elle autre femme ! »

On ne posa pas de question quand mon cri vint supputer ce que je disais. La contraction fut plus longue que toutes les autres. On me cria de ne pas lâcher. J’entendis la porte de la chambre s’ouvrir et se refermer. Mon père avait quitté le cauchemar de mes cris insupportables.

« Je vois la tête Majesté ! On y est ! Allez-y, pousser encore une fois ! »

Ma tête retomba sur les oreillers, le corps tout entier de mon bébé était enfin sorti. Je n’avais plus de sensation alors qu’on me remettait l’enfant sur le ventre.

Il était couvert d’une matière visqueuse et jaunâtre mélangée à du sang. On frotta le bébé dans un drap pour l’essuyer et Aiden coupa le cordon ombilical avec le ciseau qu’on lui tendait.

« C’est un magnifique garçon Majesté, m’apprit la sage-femme avec émotion. »

Je le soulevai et l’approchai de moi. Il ouvrit ses petits yeux et mon regard capta immédiatement ses prunelles rougeoyantes. J’y lus de l’amour, beaucoup d’amour. Une larme m’échappa, suivit par tant d’autres. J’embrassai le petit bout sur le front et instantanément il se mit à brayer haut et fort sa venue au monde.

Ses bouclettes argentées se soulevèrent sous le soubresaut de son corps en pleurs. On distingua une pupille de loup au centre de ses iris rouge sang. Il avait la peau légèrement caramélisée. On aurait dit un ange descendu du ciel tellement on avait envie de croquer ses joues rebondies.

« Il est magnifique, Freya, me murmura à l’oreille, Aiden. »

Je lui offris mon plus beau sourire depuis la disparition d’Elizabeth. Je serrai le petit ange… ou démon contre mon cœur. Je déposai un baiser sur sa tempe, suivit de milliers d’autres.

Sa peau était douce comme du velours sous mes lèvres. Je le regardai une dernière fois avant de le confier au bon soin du médecin.

« Oui, il est magnifique… On va enfin pouvoir être heureux tous ensembles… »

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