Avez-vous déjà connu un pays qui vous a tellement ébloui au point d'en arracher votre âme et la lier ainsi à elle, que vous avez fini par appeler cette nation toute entière votre maison, et ses habitants, votre famille ?

Dans mon cas je n'ai pas eu besoin de partir pour le découvrir. J'y suis née comme autant de nouveau-nés avant moi. Mais moi, cela fait bien longtemps que je l'appelle ma terre. Mon âme y est liée comme une fleur à sa tige. Je souffre de la voir ainsi maltraitée par toutes ces guerres incessantes qui ravagent mon peuple ainsi que mes terres.

Ma nation n'est pas un de ces pays où la technologie détruit l'intelligence de l'être, où la haine prend le pas sur l'amour véritable et l'amitié. Et pourtant, comme à l'époque des deux grandes guerres mondiales confrontant ces mêmes pays, le mien n'en est jamais sorti depuis la nuit des temps. Mon foyer regorge de vie et d'âmes pures où se mêlent les paysages verdoyants et la couleur claire de la mer léchant ses bordures. Ses habitants, bien différents du commun des mortels, vivent en paix avec eux-mêmes, mais protègent leurs maisons avec acharnement et férocité. Et pourtant, le reste du monde nous fuit et nous dépeint dans des histoires d'horreurs, nous traitant comme leur pire cauchemar.

Mon peuple vieilli au ralenti et notre force décuplée, fait de chaque habitant un redoutable guerrier. Notre constitution physique est telle que l'on ne se considère aucunement comme humain. Et pourtant, mon peuple obéit à des lois simples comme la hiérarchie naturelle dont les animaux s'accommodent depuis des lustres.

Le couple princier dirige et édicte les lois pour l’harmonie de nos vies. Gravite autour, la Noblesse qui protège le territoire par leur force et leur sagesse. Elle est composée exclusivement de vampires qui ne possèdent point un sang-pur, et les Dhampirs, le « peuple », qui sont protégés au vu de leur constitution plus fragile. Chaque hiérarchie répond à des critères physiques et intellectuels particuliers. Je suis la princesse de mon pays, unique enfant du couple royal. Lilith nous dotait de la malédiction de « l’unique enfant » pour éviter les guerres fratricides.

Nous ne sommes pas de simples humains vivants et détruisant la terre sur laquelle nous vivons. La famille royale règne depuis les temps immémoriaux et nous menons une guerre ancestrale contre nos voisins qui constituent à eux seuls notre seul et unique ennemi.

Je suis sur cette terre depuis maintenant cent vingt ans et Idrias est ma patrie.

La guerre menace mon pays contre Lycae. Elle a empiré ces dernières années, suite à la fuite d'informations concernant ma naissance. Il a été décidé, par décret royal, que l'unique héritière de la couronne, prophétesse de la déesse mère et protectrice du royaume, doit partir au plus tôt des terres d'Idrias pour trouver refuge dans les pays voisins sous couvert d'anonymat. Il a ainsi été choisi que Londres serait la patrie qui me protégerait désormais.

Je décolle donc incognito sous la protection de Dimitri et Ezio, membres des Ashes, ma garde personnelle, vers Londres où une école privée m'accueillera. Celle-ci n'a que faire de titres et là-bas, ma véritable identité n'aura plus aucune importance.

Dimitri était le seul dhampir de mes gardes. Pour son espèce, il avait une constitution bien plus robuste qui se rapprochait fortement de celle des vampires comme Ezio. C’est à la force de ses bras qu’il avait saisi sa place à mes côtés et pour cela, je l’admirais beaucoup.

J'enfilai rapidement une de mes tenues favorites avant d'empiler le reste dans mes valises. Mes domestiques s'affairaient dans la pièce pour préparer les dernières affaires avant mon départ. Je sortis de mes appartements royaux pour parcourir une dernière fois ces murs que je ne pourrais plus retrouver avant de longues années. La tristesse et l'angoisse pesaient sur la Cour et les habitants. Partout où je passais, des regards et des murmures s'élevèrent, voire des pleurs. J'étais lasse de cette tristesse et m'enfermais dans le seul endroit où je trouvais de l'air, le box de Shinda, ma fidèle monture vamp-horse. Idrias n'était pas seulement particulière par la nature de ses habitants mais aussi des animaux qui nous accompagnaient. Ainsi nos compagnons partageaient notre sang si particulier. Mais, pas notre régime alimentaire !

Je m'assis sur les bottes de foin placées dans le box et respirai profondément. L'odeur de l'air se mêla à celui de la paille et de la robe de Shinda. Je fus bientôt rejointe par Orisha, la panthère noire qui me suivait comme mon ombre. Orisha vint se poster à mes pieds tandis que Shinda frottait ses naseaux contre ma poitrine. Je fermai les yeux savourant le contact de mes doigts sur leurs poils soyeux.

« Princesse, l'avion va décoller, nous n'attendons plus que vous. »

Une voix masculine m'interrompis et me sortis de ma léthargie. Je me relevai et me dirigeai vers la piste de décollage flanquée de mes deux gardes du corps à la mine plus ténébreuse que jamais. Je m'étais préparée aux adieux depuis que la nouvelle m'avait été transmise et pourtant un profond désespoir s'empara de moi. Mes parents, le roi Aryerk le Second d'Idrias et la reine Lunafreya Lilith II d'Idrias, m'attendaient devant le jet. Je m'approchai d'eux et les serrais de toutes mes forces. Nos larmes se mêlèrent et nous nous accrochions au dernier contact que l'on aurait avant que la guerre ne prenne fin.

« J'aurais aimé t'avoir près de moi encore un petit moment, ma Chérie ! Sois forte et reviens nous vivante, me chuchota ma mère.

– Soyez prudents durant mon absence, je trouverai le moyen d'en finir ! Je vous aime énormément ! lui répondis-je dans un sanglot. »

Je me retournai, après avoir embrassé une dernière fois mes parents, vers mes sujets qui ne cachaient pas leur détresse.

« Mes amis ! Je veux que vous restiez fiers et droits pour moi en mon absence. Ne laissez pas ces félons vous prendre ce que vous avez ! Je prierais pour nous et la Déesse ! Mes amis, soyez assurés que je reviendrai avec une victoire écrasante ! criai-je au profit de mon peuple. »

Un tonnerre d'acclamations monta et écrasa le poids de mes paroles sous leurs regards emplis de confiance. Je leur dis au revoir d'un geste élégant de la main et leur tournai le dos avant de monter les marches de l'avion.

Je me retournai une dernière fois à l'instant même où une lumière jaillit au-dessus de leur tête. Cette lueur était d'un scintillement irréel presque déchirant. Je la connaissais par cœur l'ayant croisée déjà tellement de fois dans mes pires moments.

« Oh ma Déesse, Lilith, notre mère parmi toutes les mères. Je te fais le serment de continuer à protéger tes sujets dussè-je y laisser la vie. Je continuerai à prier chaque moment en ton nom !

– Le destin pourrait bien te réserver des surprises mon enfant, répondit la Déesse nous enveloppant de sa voix translucide comme un chant astral. »

Seul un membre de la famille royale pouvait devenir prophétesse et cela arrivait rarement. Ainsi, j'étais la seule, grâce à mon sang pur, à pouvoir parler et invoquer notre déesse protectrice Lilith, déesse d'Idrias : le pays des vampires.