LONDRES, MON EXIL

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Londres, école privée

Je remontais la longue allée de pavés droits et parfaits de la nouvelle école de mon pays d'accueil. Je ressentais le froid des pierres sous la fine semelle de mes bottines noires. Mes talons claquaient sur le sol, du rythme de mes pas lents, sur le chemin entouré de verdure parfaitement coupée. Je remontai les pans de ma robe rouge ample et gravis les marches menant à l'entrée principale de l'établissement. Je poussai les lourdes portes en verre et pénétrai dans le bâtiment.

Les couloirs grouillaient déjà de centaines d'inconnus cherchant un passage pour atteindre leur salle de classe. Cependant, quand les portes claquèrent derrière moi, tous se retournèrent pour me dévisager. Et comment les blâmer d'ailleurs, c'est vrai qu'avec mes longs cheveux argentés, ma peau de porcelaine, et mes iris rouge sang, je ne me fondais pas vraiment dans la masse. Sans parler de ma robe, au goût ancien dirait-on.

Je jouai du coude pour me rendre rapidement au premier cours indiqué sur l'emploi du temps froissé que j'avais à la main. La première sonnerie retentissait déjà alors que j'étais à mi-chemin de la salle. Je devais dire que se frayer un passage entre des personnes qui te dévisageaient sans retenues était plutôt compliqué. Mais j'y arrivai tout de même après avoir bousculé plusieurs individus qui semblaient carrément obnubilés. J’exerçais une certaine fascination semblait-il, certainement dû à mon sang de vampire.

Alors qu'ils avaient fini par aller tous en cours, je m'adossai contre le mur de ma salle à proximité de la porte. J'étais seule parmi tous ces êtres vivants, l'un de mes deux gardes du corps ayant déjà fait sa rentrée, pour vérifier la sécurité des locaux. J'entendais les humains s'agiter de l'autre côté de la porte parlant à tort et à travers de leur weekend ou de leurs nouveaux achats. Les humains étaient des êtres futiles à leur manière. Mon pays était en guerre et je me préoccupais avant tout des vies en jeu pendant qu'ils discutaient de chiffons.

Une phrase de leur part retint mon attention. Un des jeune gens avait remarqué ma présence à la porte.

« Eh ! Vous avez remarqué qu’on accueille encore un nouveau aujourd’hui ? demanda-t-il à ses camarades. »

Le sujet de la conversation, de ceux qui allaient être mes compagnons de classe à l’avenir, se recentra d’un coup sur moi. Ils étaient apparemment très curieux à mon sujet. Les élèves jetaient des regards furtifs dans le couloir pour me voir. Je cessai de les observer de mon côté quand j’aperçu les professeurs au loin.

Les battements de mon cœur s'accélérèrent contre le cuir de mon corset en voyant les professeurs se diriger vers leurs classes. Un homme d'âge mûr s'arrêta face à moi. À la vue de ma tenue, Il me gratifia d'un regard réprobateur. Puis il secoua la tête, regarda un papier et s'adressa à moi : « Vous êtes la nouvelle je suppose, n'avez-vous pas d'uniforme ? ».

Je lui fis signe que non en me rappelant cet horrible habit dont tous les étudiants étaient « affublés ». Quelle horrible couleur qui n'allait certainement pas me mettre mon teint en valeur, malheureusement. Dimitri me l'avait bien fourni ceci dit mais je m'étais refusée d'arriver avec cet horreur. Les humains avaient des goûts plus que douteux en matière d'uniforme.

Le professeur, Mr. Schreave me fit signe d'entrer à sa suite. Les discussions s'arrêtèrent net à notre entrée. Je me plaçais devant son bureau en me redressant de toute ma hauteur faisant face au regard perçant en face de moi. Mr. Schreave se pencha sur son bureau en équilibre sur ses bras.

« Voici la nouvelle élève arrivant de je ne sais où, d'autant plus que cela ne m'intéresse pas. Présente-toi rapidement et va t'asseoir.

– Je m'appelle Freya Évangeline Lilith et je suis princesse, ravie de faire votre connaissance, les narguais-je. »

Tout le monde me regarda avec de grands yeux. Oh mince alors, j'avais employé ma langue natale en l'occurrence l'Idrien, malgré le fait que je comprenais parfaitement l'anglais. Une paire d'yeux en particulier m'attira, elle était particulièrement désapprobatrice.

« Excusez-moi, je m'appelle Freya Adams. Ravie de faire votre connaissance, dis-je dans leur langue. »

L'air maussade, je rejoignis ma place rapidement. À mon passage, « mes camarades » me dévisagèrent et la plupart des garçons prenaient des poses aguichantes. Je riais fort intérieurement. Notre peuple, malgré les histoires qui nous dépeignaient comme des monstres, jouissait d'une incroyable beauté pour attirer leur proie dans leur filet.

Le bureau individuel où je m'assis n'avait rien d'original. Il était petit et coincé entre un garçon manifestement en surpoids et une fille à la blondeur qui agressait mes pupilles fragiles. J'aurais pu tomber sur pire, par exemple ces adolescents affublés de quelque chose de pire que l’uniforme vert pomme de leur école… un jogging. J’avais croisé nombre de ces personnes dans les quartiers populaires de la ville. Une charmante vieille personne, visiblement en manque de compagnie m’en avait fait le commentaire alors que j'étais assise sur un banc en attendant mes bagages à l'aéroport de Londres Heathrow.

Je fus déconcertée par le manque d'attention des élèves lorsqu'un nouvel arrivant était parmi eux. À tour de rôle, chacun me lançait des œillades à la dérobée pour m'examiner ; d'autres se demandaient en quelle langue j'avais bien pu parler. J'avais l'impression d'être un mystère à découvrir ou à comprendre, quelque chose comme ça.

Une courte pause était de mise entre chaque cours, donc après les deux heures avec Mr. Schreave, tous les élèves se levèrent soit pour sortir de la salle, soit pour parler avec leurs amis. Pour ma part, je restais assise en jouant avec un crayon à papier placé devant moi. Cependant, je n'imaginais pas que le mystère – que j'étais – devait être résolu dans la seconde même.

Quatre jeunes gens, deux garçons et deux filles vinrent vers moi. Ils s'appuyèrent contre les tables autour de la mienne et me fixèrent de leurs yeux globuleux. Bien décidée à les ignorer, je baissais la tête en attendant qu'ils s'en aillent en comprenant que je n'avais aucune envie de les voir.

L'un des deux pourtant s'obstina en me demandant d'où je venais, ils devaient avoir parié sur des pays en particulier, sûrement dû mon accent. Je me calais dans ma chaise et redressais les épaules. Je le regardai avec toute ma suffisance avant de répondre dans ma langue natale, sûre qu'ils n'y comprendraient rien.

« Je viens d'un petit pays que tu n'as pas à connaître, lui disai-je.

­– Hein ? Quoi ? Je n'ai pas compris, c'est du français ? tenta-t-il. »

Un homme grand et imposant, qui imposait le respect, s'approcha de nous. Il vint se placer à côté de moi et me regarda dans les yeux avant de me parler dans la même langue que moi.

« Princesse avec tout le respect que je vous dois vous devriez cesser de parler en Idrien où vous serez découverte. On a peut-être déjà été repéré par les loups, me dit-il.

– Bien entendu, Dimitri. »

Les quatre copains nous dévisagèrent rapidement avant de recommencer leur interrogatoire. Dimitri se chargea de leur dire qu'on venait d'un pays européen sans trop en dire plus en ajoutant le fait qu'on était amis d'enfance. Il ne précisa évidemment pas que j'étais princesse, que mon Idrias était en guerre contre des lycanthropes et encore moins qu’on était immortel.

Au lieu de cela, je me levai et me dirigeai vers la sortie. L'école était dotée d'écuries pour l'accueil de cours d'équitation. Shinda, ma jument vamp-horse devait arriver avec Ezio dans la matinée. Je me dirigeais donc vers la cour pour en avoir le cœur net.

Arrivé sur les pavés de l'école, un van aux couleurs sombres accroché à un pickup était garé en marche-arrière. La remorque encore fermée, je distinguais les bruits de sabots sur la tôle. Je m'avançais et vins ouvrir le van avant qu'Ezio ait eu le temps de me rejoindre. Nous conversions en Idrien.

« Bonjour Princesse. Votre Shinda a fait très bon voyage. La rentrée s'est passée sans accroc ? me demanda-t-il.

– Pour l'instant oui, mais qu'est-ce que ces humains peuvent être collants et insupportables, lui répondis-je.

– Vous vous y ferez très vite, j'en suis sûr, s'exclama-t-il. »

Il passa un licol à ma jument et la fit sortir à reculons du van. Le soleil, peu présent à Londres, renvoyait des éclats soyeux sur sa robe du même noir d'encre que la chevelure de Dimitri.

Les deux familles de sang-pur – dont la famille royale –, d’où provenaient les époux royaux, arboraient des cheveux argentés et des pupilles rouge-sang. Cela s’expliquait par la pureté de leur sang. Alors que la noblesse vampirique, se contentait d'une chevelure ébène. Les dhampirs, mi-humain mi-vampire, ressemblaient à leur homologue humain. Le bleu azuréen de leurs yeux reflétait une vie altérée par le mélange d’un sang immortel et celui d’un mortel. Leur espérance de vie était bien plus longue.

Ezio me remit la longe de Shinda en main et s'apprêta à m'accompagner à l'écurie, avant de se retourner brusquement comme pour chercher quelque chose dans la voiture. Son regard rougeâtre laissait entrevoir un grain de malice.

Une tornade noire courut vers moi faisant de petits bonds. Deux pattes velues se posèrent sur mon ventre et une langue râpeuse lécha ma main libre. Orisha se dessina devant moi, ma panthère noire m'avait manqué bien que nous étions séparées seulement depuis quelques heures. Je caressai sa tête douce et lui plantai un bisou entre ses oreilles dressées. Elle retomba sur ses pattes avant de marcher à mes côtés quand on ramena Shinda dans son nouveau box, le temps des cours.

« J'ai pensé que vous souhaiteriez la voir. Elle s'ennuie à l'ambassade toute seule, me dit-il en passant à l'anglais.

– Tu as bien fait ! Dimitri ne va pas être content, il m'a déjà fait une remontrance, lui souriai-je. »

Nous continuions de parler en marchant jusqu'à ce qu'une élève crie à notre passage. Nous nous arrêtâmes et nous retournâmes vers elle, se demandant pour quelle raison elle avait lâché un cri aussi strident. Elle pointa au même instant Orisha qui était déjà à l'affût du moindre ennemi.

« Nous n’aurions pas dû l’emmener, remarquais-je, cela ne semble pas être un animal « domestique » parmi eux.

– Mademoiselle, cette panthère noire ne vous fera aucun mal. Elle est parfaitement dressée, avertit Ezio. Vous n’avez rien à craindre. Vous risquez de l'effrayer en criant. »

La jeune fille hocha nerveusement la tête et s’en alla sans un regard. Je m'inclinai en signe d'excuse.

« Calme-toi Orisha, ce n'est rien, affirmai-je à ma panthère. Elle n’est plus là. »

Une fois arrivée à l’écurie, plus que spacieuse, je m'assurais avec le palefrenier, d'abord effrayé par Orisha, que Shinda ne manquerait de rien. Puis, je repartis vers le bâtiment scolaire pour le prochain cours.

La venue d'une panthère noire avait fait le tour de l'école en peu de temps. Bien qu'on ait rencontré quiconque en chemin ; une foule de curieux s'entassait sur les marches de l'entrée. Je fis signe à Ezio de s'en aller rapidement au moment où Dimitri nous rejoignit à grands pas. Il se pencha pour caresser la bête assise à mes pieds avant de s'exprimer.

« Votre animal de compagnie a étonné nos chères camarades Freya, de la bonne ou mauvaise façon. Je leur ai servi une histoire idyllique sur notre venue, ils ne devraient plus vous importuner.

– Merci, Dimitri. Ezio s’en allait de toute manière. »

Je saluai mon compatriote et serrai Orisha avant de la faire monter dans le 4x4. Le véhicule pétarada avant de se mettre en branle et s'éloigna. Avec Dimitri, nous rejoignîmes notre salle de classe prêts à subir le reste des cours assommant avant l'histoire de la cafétéria.

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