UNE PAIX EST-ELLE ENVISAGEABLE ?

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Sur le champ de bataille à la frontière des deux pays

« Freya a raison mes frères, il est temps de construire cette paix qu’on aspire tous. Et elle commence avec nous… »

Tout en prononçant ces mots, Aiden s’approcha de moi et posa ses mains sur mes hanches. Il m’attira à lui doucement et scella notre union dans un baiser.

Des voix fusèrent autour de nous, je ne savais pas si elles étaient contre ou pour. À ce moment-là, je n’avais conscience que de nous deux. Ses lèvres si douces fondirent parfaitement sur les miennes, son corps se colla au mien et nos langues s’emmêlèrent joyeusement.

Le bruit des épées métalliques que l’on tirait de leur fourreau se firent entendre et tintèrent dans un son sinistre. Quand je me détachai d’Aiden, des hommes et des femmes avaient pris les armes pour nous abattre. Seuls les Ashes, mes hommes, se dressèrent entre nous et la pointe luisante du métal.

Des sons assourdissants broyèrent mes tympans, et une chaleur se diffusa dans tout mon corps. Je ne savais pas ce qu’il m’arrivait, ma vision se troubla quelques instants avant qu’elle ne revienne à la normale.

Quelque chose remonta et j’eus à peine le temps de me pencher en avant que je vomis dans l’herbe maculée de sang. Aiden vint m’attraper les cheveux et les ramena en arrière. D’une main, il me frotta le dos pour me soulager.

Je sentis, même si je ne les voyais pas, que toutes les paires d’yeux étaient centrées sur moi.

« Qui êtes-vous ?

– Nous sommes les souverains d’Idrias et vous feriez mieux de nous laisser passer, jeune homme. »

Je reconnus la voix vieillissante, par les années de règne, de mon père. La foule se scinda et mes parents me rejoignirent facilement. Ceux qui nous voulaient du mal avaient été faits prisonniers par les autres.

Je vis les pieds de mon père entrer dans mon champ de vision alors que j’avais encore la tête baissée. Ma mère, la Reine, posa une main sur mon épaule comme pour me rassurer. Mais de quoi ? Bonne question.

« Ma chérie, je suis si fière de toi ! s’exclama cette dernière.

– Mais de quoi, mère, demandai-je en me redressant.

– Tu as su surpasser nos différences pour réunir comme autrefois nos espèces. L’enfant que tu portes en est la preuve véritable, mon enfant !

– À ta naissance, Lilith avait prédit que tu changerais le destin de nos deux peuples. Elle avait raison ! Regarde-nous à présent.

– Devient Reine, intervint mon père. »

Des cris s’élevèrent tout autour de nous. Ma bouche se décrocha presque d’étonnement. Je ne pensais pas que je pouvais tomber enceinte aussi vite.

Je fermai les yeux et me concentrai sur mon ventre, petit à petit le silence se fit, un battement faible se détacha du mien. Le son était ténu et diffus, mais bien là.

Une main froide se posa sur mon ventre, je sus directement qu’elle appartenait à Aiden. Je retournai ma tête vers lui, les yeux luisants. Un grand sourire éclaira mon visage et un petit sourire en coin se dessina sur ses lèvres, pure fierté paternelle.

Il m’ouvrit les bras et je m’y jetai. Il me serra fort et je plantai mes ongles dans son dos.

C’était à cet instant que choisissaient les contestataires pour semer la pagaille, les mécontents hurlèrent et levèrent bien haut leur arme en criant rageusement. J’entendis des voix s’élever contre le « monstre » que j’eus engendré.

Leurs paroles, leurs mots me firent l’effet d’une gifle, mon cœur saigna de tant de hargne. J’eus l’impression d’être trahie, mon cœur et mon esprit saignèrent de tant d’horreur.

Tout ce que je voulais c’était instaurer une paix durable avec nos voisins, de créer un monde meilleur pour nous et nos enfants.

Mais tout ce que j’avais fait, c’était de créer le désordre et la haine, et je ne voulais pas que mes parents en payent le prix par ma faute. Alors je fis la seule chose que je pouvais.

Je m’écartai des bras protecteurs de mon amant en le repoussant par le torse. De l’incompréhension se lisait dans son regard et cela me blessait bien plus que le tranchant d’une épée. Mais je devais le faire.

Je levai mon visage vers le sien après avoir pris une grande bouffée d’air frais. Cela ne suffisait pas, l’air était saturé d’ondes négatives et de l’odeur nauséabonde du sang séché.

« Aiden… Je suis désolée, je pensais qu’à nous d’eux on changerait les choses mais visiblement j’avais tort…

– Qu’est-ce que tu essayes de me dire, Freya ?

– Retourne chez toi avec les tiens, tu n’as pas ta place ici. Nos différends nous éloignent trop les uns des autres. Tes loups ont parlé, ils ne veulent pas de cette paix, alors nos frontières resteront à jamais fermées.

– Freya…, souffla-t-il.

– Emmenez vos blessés et vos morts pour les enterrer dignement, nos clans resteront donc ennemis pour toujours, j’aurais cru que la nouvelle génération y changerait quelque chose. On se retrouvera bien sur un autre champ de bataille au milieu de centaines de morts de plus !

– Freya, non ! Tu ne peux pas simplement décider de me chasser…

– Oh que si, le coupai-je, et tu vas partir et tout de suite !

– Et l’enfant ?

– Quel enfant ? Tu parles du « monstre » qui grandit dans mon utérus, celui-là même que tes hommes veulent voir mort ? dis-je, en mimant les guillemets. Eh ben, ils le verront mort, qu’il soit innocent ou martyre ! Je leur enverrai son petit corps bien emballé pour qu’il constate l’entièreté de leur stupidité et de leur méchanceté ! »

Le choc peignit les traits délicats de son visage, je le vis bien qu’il ne comprenait pas du tout mon revirement de comportement.

« Maintenant, vous auriez l’obligeance de quitter mes terres immédiatement ! »

Je scrutai chaque visage qui m’entourait, de la tristesse, de la haine, de l’étonnement, des grimaces se dessinèrent sur leur visage.

Une crampe entoura mon ventre et me fit me tordre de douleurs. La crampe se resserra de plus en plus, mes mains tremblèrent et mes jambes cédèrent sous mon poids.

Aiden fit un pas en avant pour me soutenir mais je levai la main pour lui intimer l’ordre de rester où il était.

La douleur s’estompa petit à petit et mon sang reflua vers mon cerveau, j’avais la tête lourde à présent et ma vision se troubla. Mes yeux se fermèrent et seuls les bruits de pas étouffés me parvinrent.

« Allez chercher une civière vite ! s’époumona mon père penché sur moi. »

Je m’étais recroquevillée sur le sol, mes paumes contre mes paupières en feu. Le Roi approcha sa main de mon ventre mais avant même qu’il puisse la poser dessus, une lumière aveuglante explosa autour de moi faisant voler toute personne à proximité.

Je vis du coin de l’œil Aiden se relever près de leurs Majestés. Des centaines d’expressions ahuries firent grimacer les visages des personnes m’entourant. Le halo était encore là, tangible et puissant.

« Qu’est-ce que c’était ? De la magie ? demanda quelqu’un peu serein.

– Non, c’est le fœtus qui se protège, répondit mon amant avec assurance.

– Comment est-ce possible, s’exclama un autre d’une voix dure.

– Et pourquoi pas ? La princesse a bien procréé avec une humaine pendant la Lune de sang.

– Oui, mais cela est déjà arrivé par le passé. Le mélange de nos deux races a dû perturber l’équilibre.

– Faut-il l’éliminer ?

– Je vous interdis d’avancer, grogna Aiden, montrant les dents. »

Il s’approcha doucement de moi, pas à pas, jusqu’à être sûr de pouvoir me toucher sans risque. Il parvint à poser ses mains sur mes épaules sans problème. Il en profita pour me coller contre son torse, sa tête posée contre la mienne. Il pouvait me toucher alors même que mon père non, le bébé reconnaissait son géniteur…

Ma tête vacilla toujours et mon utérus ne cessa de se contracter. Je n'avais beau pas savoir ce qu’il contenait, pour rien au monde je n’aurais voulu qu’on le blesse. Je déployai mes doigts sur mon ventre sous le cuir dur de mon vêtement.

La chaleur de mes doigts fit cesser les soubresauts que je ressentai à l’intérieur de moi.

« Regardez, sur le ventre de la Princesse, cria un dhampir. »

Je m’attendis à quelque chose de monstrueux, mais une simple marque se dessina sur ma peau. Enfin simple était un euphémisme quand on pouvait reconnaitre les symboles de la déesse Nyx et Lilith entrelacés : la Rose de Lilith et la Lune pleine de Nyx.

Du bout des doigts, Aiden caressa les deux symboles incrustés sur ma peau.

« Ton épée, soufflai-je à l’attention d’Aiden. Le portail… »

Il ne comprit pas tout de suite mon allusion. Mais une lueur de compréhension passa dans ses yeux au bout de quelques minutes. Il tira son épée et la ramena près de ma main, il tira dessus rapidement et une fine ligne rouge se dessina sur ma main. Des perles de sang s’en échappèrent goutte par goutte.

Deux lumières célestes apparurent presque aussitôt et miroitèrent au-dessus de mon ventre. Les traits des déesses sœurs apparurent aussitôt et chaque personne qui se trouvait dans les parages s’étalait par terre, les bras en avant et face contre terre, en signe de soumission la plus totale.

Mon sang n’avait pas parmi d’invoquer une déesse mais deux. Je fis à présent office de prêtresse lilithienne et nyxienne, et j’en fus plus qu’honorer.

« Mes enfants, commença une voix lointaine que je n’avais jamais entendu. »

Des accents féérique à la fois maternels et durs se reflétaient dans la voix de Nyx.

« Il est temps, reprit-elle, de laisser les traces du passé derrière nous. L’enfant que porte cette jeune vampiresse au sang-pur apportera du sang nouveau et une paix durable avec lui.

Nous souhaitons, continua ma déesse adorée, que nos deux mondes se réunissent comme autrefois. Pardonnez à vos semblables comme j’ai pardonné à ma sœur.

L’amour fini par le remporter sur la raison et sur la haine, il nous faut changer pour accepter le changement, parla Nyx en faisant de grands gestes des bras pour embrasser le peuple. »

Les mains fantomatiques des déesses vinrent se poser sur Aiden et sur moi, Lilith s’apprêta à reprendre la parole :

« Incarnés ce nouvel idéal mes enfants, Freya Évangeline Lilith Nyx d’Idrias, te voilà couronner prêtresse des vampires et des lycans pour les années et les siècles à venir… »

Mon cœur se gonfla de joie comme jamais auparavant et un bonheur me transporta sur un petit nuage. Aiden m’aida à me relever et d’un seul homme, nous fîmes la révérence devant nos Mères.

Je me retournai vers mon aimé et je lui dis prenant une voix solennelle :

« Aiden et ses compagnons vous êtes formellement invité au château d’Idrias pour former cette alliance et cette paix auxquels nos Mères bien aimées tiennent par-dessus tout.

– Ma joie est transportée et j’accepte avec le sourire, me répondit-il en joignant le geste à la parole. Il rajouta même une petite révérence timide. »

Les déesses s’évaporèrent dans un nuage de brumes, bras dessous bras dessus comme les meilleures amies du monde. Elles ressemblèrent à cet instant à n’importe quelles sœurs qui s’aimaient profondément, un bonheur enfantin éclaira leur visage rayonnant.

C’était main dans la main qu’on conduisit tout ce petit monde dans la salle d’Apparat du royaume. Les soldats furent soignés et sustenter. Quant aux loups qui étaient restés à Lycae, ils furent conviés à nous rejoindre.

Certains loups eurent rejoint leur Alpha qui n’allait sûrement pas se contenter de la paix instaurée par un enfant même pas encore né. Certains vampires se volatilisèrent dans la nature, peu content de cette situation. La plupart étaient des conservateurs qui avaient déjà accepté à contrecœur l’entrée de la technologie dans notre vie.

Quant à moi, je marchai entre les groupes qui s’étaient formés dans la salle d’apparat, qu’ils soient mixtes ou non. Je leur demandai des nouvelles et surtout leur avis. Beaucoup était content que les choses changent enfin. La plupart n’en pouvait plus de voir des membres de leur famille mourir. Certains avaient des réticences et attendaient que le changement soit effectif et je les comprenais parfaitement.

Dans tous les cas, ils cherchèrent à toucher mon ventre pour pouvoir sentir le bébé – alors qu’il était beaucoup trop tôt pour cela – ou simplement être en communion avec lui et les déesses. Et cela me suffisait à faire mon bonheur.

Les jours qui suivirent furent bien rempli, il nous fallut accueillir les nouvelles familles qui souhaitaient se rapprocher d’Idrias, créer des routes et des chemins qui menaient d’un territoire à l’autre, organiser notre vie commune et préparer la future cérémonie d’intronisation.

Mes parents, leurs Majestés, avaient d’ores et déjà choisit de me transmettre le flambeau pour accueillir la nouvelle génération et le calme futur. Aiden me pressa également pour faire un suivi constant de ma grossesse, après tout nous ne savions pas comment tout cela allait se passer.

L’Alpha s’était volatilisé avec ses troupes restées fidèle et le corps de Cassius ne fut pas retrouvé. Le frère cadet resta auprès de nous et semblait même être tombé sous le charme d’une jeune vampiresse.

Je fis en sorte de rapatrier le plus rapidement Eli et Asha ainsi que Lou, la fille d’Aiden, à nos côtés. J’avais besoin d’eux pour affronter le changement… L’avenir tout simplement.

Je redoutai la réaction de ma femme au plus haut point. Je savais qu’elle aurait du mal à accepter mon amour pour Aiden. Elle qui avait eu tant de difficultés à supporter ma relation ambiguë avec Dimitri.

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