UN PLAN RISQUE

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Lycae, place centrale

La place centrale de Lycae était bondée de monde, tous les lycans s’étaient rassemblés autour de leur chef. Une nouvelle énormissime devait être dévoilée. Nouvelle qui devait sûrement être en relation avec ma qualité d’otage.

J’étais cachée derrière les pierres froides d’une haute cheminée qui dépassait du toit d’une habitation aux abords de la place. Accroupie sur les tuiles, j’étais dans une position des plus inconfortables pour écouter l’agitation ambiante.

J’étais montée en escaladant facilement la paroi du chalet d’Aiden puis en sautant de toit en toit le plus discrètement possible, après avoir exposé mon plan à Aiden. J’espérais vivement qu’on arriverait à sauver sa fille. Je m’en voudrais éternellement qu’une innocente meurt en partie par ma faute, quelle que soit sa race. Elle restait une innocente jeune fille.

Je parcourus la foule pour essayer de reconnaitre des loups. Hormis, les loups près de la fontaine au centre – qui n’était autre que la famille de l'Alpha et lui-même – tous les autres m’étaient inconnus.

L’Alpha prit une grosse voix qui fit taire toutes les discussions. Chacun des loups fixait leur meneur d’un regard presque admiratif qui me dégoutait quelque peu. Il ne semblait pas avoir conscience qu’un des leurs avait perdu son enfant aux mains mêmes de cet homme abject.

« Maintenant que nous tenons l’une des leurs, d’autant plus leur Princesse, dit l’Alpha en appuyant sur mon titre d’une voix grave, nous avons enfin le moyen de pression que nous recherchions ! AUX ARMES, mes chers lycanthropes ! Nous allons une fois pour toute anéantir leur existence ! Je déclare la guerre… »

Les loups se mirent à scander « à mort Idrias » haut et fort en appuyant leur parole de gestes bruyants. Ils commencèrent à taper du pied dans un rythme étourdissant, entretenus par les bras qu’agitait Cassius, un sourire malveillant scotché sur son visage.

Alors que les acclamations déclinèrent, la foule s’agita et se scinda en deux quand un loup força le passage. Je calquai ma respiration à ses pas et je le suivis du regard jusqu’à ce qu’il s’arrête devant le meneur de Lycae.

Cassius regarda son frère Aiden avec un total mépris et l’ignora royalement. J’avais de la peine pour lui. Pour une faute qu’il avait commise à cause de moi, il était devenu le vilain petit canard de la famille.

Cassius n’en tomba que moins dans mon estime. Tous les pores de ma peau transpiraient la haine à son égard et je ne souhaitais qu’une chose : le voir gisant et agonisant sous mes mains tueuses.

Aiden fit taire d’un regard ses compatriotes et se retourna vers son père. Il afficha un air impassible légèrement brisé par ses membres tremblants. Je ne savais pas si c’était de haine ou de douleur, mais j’espèrerai pour lui qu’il saurait se dompter.

Je l’entendis prendre une profonde inspiration pour se calmer et bander des muscles avant de prendre la parole. De là où j’étais, je pouvais voir le tissu de son t-shirt se tendre sous l’effet de son imposante carrure.

Après ce qui me semblait des heures, il prit enfin la parole. Il engagea sur un ton posé qui se voulait conciliant.

« Père, je suis venu réclamer ma fille. Elle a assez souffert comme cela. »

La foule s’agita instantanément, à croire que cette histoire leurs était vraiment méconnu, ce que je concevais mal. Après tout, Lycae était un petit village comme on en trouvait dans l’ancien temps. Il m’était difficile de croire que les informations ne circulaient pas.

« Je ne vois pas de quoi tu veux parler fils, démentit l’Alpha, sèchement. »

Il essayait sans doute de rester propre sur lui. Il fit un geste envers les siens pour qu’ils désertent rapidement la place. Mais de là où je me tenais, je pouvais voir que les loups étaient bien trop curieux pour ne pas se cacher dans les alentours.

Aiden réitéra sa demande en insistant plus. Son père jeta alors sa grosse face en arrière et rigola à gorge déployée.

« Si tu crois que je vais te la rendre après ton échec cuisant ! Je t’ai permis de surveiller cette femelle vampire pour te racheter mais en attendant tu ne m’as rien prouvé d’autre que ton incapacité !

– Venez donc nous rejoindre, Princesse ! reprit-il. Je sais où vous vous cachez. »

Je ris à mon tour et sur le ton le plus condescendant dont j’étais capable. Je lui répondis alors :

« Venez donc me chercher ! Avec votre ventre bedonnant, je doute que vous ne puissiez ne serait-ce que m’atteindre !

– Comment oses-tu vipère, lança Cassius à mon égard qui s’approchait déjà vers moi. »

Son père le retint d’une main et lui intima de se taire.

« Arrête de te laisser dompter par tes sentiments ! Ne vois-tu pas qu’elle te mène en bateau ?

– C’est pathétique, répondis-je de mon perchoir. »

Je pris alors place au bord du toit et attendit que l’Alpha finisse d’humilier son troisième fils.

Le loup dominant fit un geste furtif à son fils qui revint avec une petite fille frêle et paniquée entre ses mains. Le visage de l’enfant était inondé de larmes et des cris de protestations s’élevèrent de sa bouche en forme de cœur. Ils me parvinrent étouffés et embués de tristesse.

Elle agita ses petits bras vers son père qui la regarda avec amour. On voyait dans son regard qu’il essayait de lui dire qu’il était là et qu’il la sauverait.

« Vois-tu fils, je n’ai jamais apprécié ton union avec cette louve dévergondée !

– Je ne vous permets pas de parler d’elle comme cela ! cria Aiden. »

Je lui intimai dans ma tête de se calmer. Il ne réussirait pas à la sauver en s’énervant.

« Je ne t’autorise pas à me parler comme ça, fils. Tu m’as déçu et ta fille en paiera le prix. Allume le, Cassius ! »

Celui-là même sortit de sa poche un briquet et avant même que je pus crier, il le jeta sur la fillette qui s’enflamma aussitôt.

Une vieille odeur de chair brulée chatouilla mes narines et j’entendis sa peau grésillée sous les flammes qui lui léchaient le corps entier. Elle poussa d’une voix stridente et déchirante des cris à glacer le sang.

Les puissants sanglots et les cris rameutèrent la populace qui se figea devant l’horrible spectacle. Moi-même j’étais figée, sur ce toit, complètement impuissante à regarder la peau se boursouffler, exploser et noircir.

Aiden s’était laissé simplement tomber sur le sol poussiéreux, ses joues inondées de larmes. Mes propres joues étaient recouvertes d’un torrent d'eau que je ne pouvais arrêter. Son géniteur et son frère rigolèrent d’un rire grave et malveillant avant de se retourner et de quitter la scène macabre.

Le bucher improvisé dura des heures jusqu’à ce que plus aucune flamme ne vienne lécher la jeune fille. Son père se releva difficilement, j’en fis de même. Il enroula le corps inerte de Lou avant de la prendre dans ses bras, amoureusement et désespérément, et de retraverser en sens inverse la place qui était inondée des rayons crépusculaires.

Je courus à toutes jambes sur les toits plats des chalets pour rentrer dans celui d’Aiden. Je n’en pouvais plus, les images du bucher tournaient en boucle dans mon esprit sans que je puisse faire quelque chose pour l’arrêter.

La porte s’ouvrit à la volée et Aiden rentra en déposant délicatement le corps de sa fille sur le canapé.

« Ça a marché ? ne pus-je que demander.

– Oui, souffla-t-il. »

Je m’effondrai sur le sofa à la prononciation de ce seul petit mot. On se regarda tous deux avant de descendre mon regard sur mon poignet en sang. J’appuyai l’autre main dessus et repris une respiration normale.

J’essuyai d’un revers de la manche mes yeux embués et Aiden vint s’asseoir à mes côtés.

« Je ne remercierais jamais assez ta déesse Lilith et toi-même. Je ne pensais pas qu’Elle aurait suffisamment de pouvoir sur le territoire de Nyx pour créer une telle illusion.

– Il faut croire que Nyx n’était pas très contente de la décision de ton père. Vous n’avez pas de prophète ?

– Malheureusement non, la dernière génération en était dotée d’un… En tout cas, merci beaucoup ! Honnêtement, j’ai vraiment cru qu’elle était morte sur le bûcher.

– Moi aussi, ses cris m'ont glacé le sang… »

Je me sentis d’un coup lourde. Toute l’adrénaline avait déserté mon corps, laissant place à une grande fatigue. Mes yeux se fermèrent tous seuls, je vacillais et je serais sûrement tombée à terre si Aiden ne m’avait pas rattrapé à temps.

« Qu’est-ce qui se passe, Freya ?

– Ce n’est rien, en dormant je serais remise. »

Il s’inquiéta sincèrement et se souvint que les prophètes utilisaient leur propre sang pour créer le pont entre les cieux et la terre.

« Je ne pensais pas qu’un bucher durerait aussi longtemps.

– Mais tu as dû te vider de ton sang !

– C’est le prix à payer pour invoquer une divinité… »

Il me mit son poignet sous le nez mais je le refusais en tournant la tête. Je ne voulais pas qu’il arrive la même chose que la dernière fois. J’avais fini les bouteilles qu’il m’avait préparé pour pouvoir exécuter mon plan – complétement fou – de sauvetage.

« Ne t’entête pas plus ! me reprocha-t-il. »

Mais je continuais à refuser. Alors, il fit la seule chose qu’il pouvait faire. Ma tête pendait sur mes épaules, il encadra de ses mains mon visage avant de fondre sur mes lèvres.

Il me força à ouvrir la bouche et à accepter l’hémoglobine qu’il aspirait par intermittence de son propre poignet.

Très vite, une sensation naquit aux creux de mes reins alors que je reprenais doucement mes esprits. Il continuait à m’embrasser jouant avec sa langue contre la mienne, même après avoir terminé de me nourrir. Il m’entraina sans ménagement dans une danse sensuelle.

Ses mains quittèrent mes joues pour venir explorer mes rondeurs. Elles s’aventuraient sous mes habits et prirent l’ovale de mes seins dans leurs creux. Je gémis contre sa bouche, ce qui l’encouragea à intensifier ses caresses.

Une petite voix dans mon esprit me dit qu’il y avait plus pressant que satisfaire des besoins primaires.

Je posais mes deux mains sur son torse et le repoussais facilement de ma force vampirique.

« NON ! Ta fille ! Nous devons la mettre en sécurité… »

Il prit du temps avant de reprendre ses esprits à son tour. Je me levai et reculai le plus loin possible de lui et des sensations qu’ils pouvaient me procurer.

« Oui tu as raison… Mais où ?

– A Londres ! Tu n’as pas prévenu ton père de ma destination lors de ma fuite. J’ai envoyé Elizabeth et ma fille là-bas après les menaces de Cassius.

– N’est-elle pas protégée par des vampires ? me demanda-t-il méthodiquement. Ils n’accepteront jamais de s’en occuper, c’est une louve.

– Pas si je leur demande expressément.

– Et comment vas-tu t’y prendre ?

– Par pigeon voyageur, répondis-je le plus sérieusement possible. »

Il haussa un sourcil interrogateur.

« Par téléphone Aiden, voyons ! Je me souviens parfaitement du numéro de l’ambassade. »

Il sourit légèrement de ma blague avant de s’avancer pour me tendre son portable. Je le saisis et composa rapidement le numéro.

Le soir même, Aiden partit en secret avec sa fille en direction de l’aéroport le plus proche. Dimitri et Ezio avait été réticent à ma requête mais l’avait accepté quand Aiden leur avait fourni les coordonnées exactes de ma position. Je ne serais plus parmi mes ennemis très longtemps.

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