UN CONCOURS D’ELEGANCE, MISS IDRIAS

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Idrias, pays des vampires, place publique

Ce fut le mois suivant que la fête nationale eut lieu. Les habitants d’Idrias, comme chaque année, avaient été impatients de la voir venir ; tant pour ses célébrations que ses animations.

Une grande tente avait été tirée pour accueillir le défilé, une estrade majestueuse lui faisait face, où le jury se tiendrait. Une loge permettait aux concurrentes de se changer à l’arrière de la scène et un micro avait été placé, devant nos trônes de jury, pour M. Gramil.

La fête nationale battait son plein, les habitantes virevoltaient dans des robes blanches pures en hommage à Lilith, on portait toutes dans nos cheveux une rose aux pétales rouge-sang et argentées ne fleurissant que sous la lune : la rose de Lilith. Quant aux hommes, ils la portaient à leurs boutonnières.

Je devais rythmer les offrandes et l’hommage à notre déesse mère. Elizabeth pendant ce temps, se préparait physiquement et surtout psychologiquement au défilé. La nuit suivante, elle m’avait encore fait ses yeux doux pour que j’annule sa candidature. Néanmoins, les heures passées à essayer des robes, des maillots de bain et des chaussures ne l’avaient pas dérangé du tout.

Je me tenais droite devant l’autel érigé en l’honneur de Lilith. Déjà, des offrandes se pressaient aux pieds de la petite statue la représentant ; que ce soit du vin, de l’or, des bijoux et que sais-je encore.

Une jeune dhampir approcha timidement, un bouquet de fleurs à la main. Elle me regarda droit dans les yeux, de son regard hagard et innocent. Elle me demanda quand elle verrait la déesse apparaitre.

« Bientôt ma belle, bientôt… »

C’était un évènement plutôt attendu. Mon peuple savait qu’elle existait et qu’elle était là pour les protéger mais peu de monde pouvait lui demander humblement d’apparaitre. J’étais la seule prêtresse depuis un siècle à être née et rien que pour cela, on cherchait à me protéger coûte que coûte.

Lorsque la déesse mère se projetait sur terre, cela suscitait des envies mais également beaucoup d’admiration et surtout de l’amour. Cela avait eu pour effet de paralyser Elizabeth à son arrivée au royaume, mais on ne se lassait jamais de voir une force supérieure à tous se mettre en œuvre.

La jeune dhampir posa ses fleurs au pied de l’hôtel, puis croisa les mains pour faire un vœu. Je pris ma broche d’invocation que j’utilisais dans le temple et me piqua le bout de l’index. La perle de sang vint s’écraser sur le tapis d’herbe verdoyante.

Une vague apparition apparus quelques instants avant de disparaitre dans la brume. La petite fille sautillait en agitant la manche de sa mère en s’écriant avoir aperçu Lilith. Elle était toute fière de son exploit. Je pensais bien que son vœu le plus cher serait de devenir prêtresse, en voyant avec quelle ferveur elle avait prié. Même si cela était impossible, seul, les sang-purs avaient l’honneur de le devenir. Et encore, leur nombre pouvait se compter sur les doigts d’une main.

Quelle joie ce fut, quand la déesse est apparue, près de mon berceau, peu de temps après ma naissance, dévoilant ainsi ma mission et mon devoir. Ma mère eut les larmes aux yeux alors que mon père partait crier au monde entier quel était mon don.

Une main potelée pressa mon poignet me sortant des vieux souvenirs d’enfance. Je posais mes yeux sur son visage de poupée, elle me sourit en pressant le poignet avant de repartir en sautillant avec sa mère. Je fis un signe de tête à sa génitrice lorsqu’elle me gratifia d’une révérence.

Le sang et l’alcool coulaient à flot lorsque Gramil annonça le début du concours d’élégance.

« Nous avons cette année quinze candidates en lice pour la couronne, Mesdames et Messieurs ! Souhaitons leur bonne chance à toutes avant leur première apparition en tenue quotidienne ! »

Les rideaux rouges s’écartèrent de la scène et la quinzaine de jeunes filles s’y déversèrent. Une à une, elles avancèrent sur l’élégant tapis, du même rouge que les rideaux, qui jouxtait l’estrade des jurys.

Il y avait parmi celui-ci, le couple royal et moi-même. Il y avait également la fille Belladone, la seule autre famille de sang-pur. Et, encore deux femmes vampires, du même âge que moi, avec qui je jouais petite.

La première candidate qui défila portait un tailleur blanc sur une jupe crayon marine. La deuxième s’était contentée d’une petite robe fleurie. Les deux prochaines candidates avaient opté pour une robe chemise dont seules les coloris divergeaient. Nous avions ainsi de suite, un défilé de filles en robe, en jupe et en jeans.

La quinzième participante éblouit par sa tenue de lycéenne, une jupe plissée et un blaser vert pomme. Ces cheveux flamboyaient sur la couleur de sa tenue.

La couleur de feu de sa chevelure ne passa pas inaperçu. Personne de mon peuple, sauf ayant recours à la teinture, ne portait de cheveux autres qu’ébène ou argentés.

Le naturel de ses cheveux ne manqua pas d’être imprimer sur les rétines des téléspectateurs.

Lorsque toutes les participantes s’immobilisèrent sur le tapis de velours, le présentateur repris la parole.

« Nous voici avec quinze ravissantes femmes qui n’attendent qu’une seule chose, la récompense ! Nous avons tous vu avec quel brio nos précédentes miss ont réussi les études offertes par la couronne à la destination de leur choix.

– Mais laissez-moi d’abord vous les présenter, reprit Gramil. »

Il présenta chaque participante selon son nom, prénom, âge, sa taille et son poids.

« Et enfin, nous avons Elizabeth Frye d’Idrias, dix-huit ans, un mètre soixante-quinze pour soixante kilogrammes, enceinte de trois mois. »

Sa déclaration laissa place à une exclamation ahurie de la foule.

« Si vous voulez bien nous rejoindre sur l’estrade Milady. »

Pour qu’Elizabeth ne soit pas bousculée dans la foule, sachant qu’elle devait être pétrifiée, je me matérialisais auprès d’elle entourée de mes hommes. Je lui pressais le bas du dos de ma main pour l’inciter à avancer. Elle finit par s’y soumettre et me suivit jusqu’à mon siège où je lui indiquais de prendre place. Déjà, des murmures s’élevèrent dans la foule.

« Une petite explication s’impose, s’exclama Gramil, je vous présente la future épouse royale de son Altesse. Elle est enceinte de trois mois d’un fœtus pas tout à fait humain procréé durant la Lune de sang. »

Une acclamation puissante s’éleva dans les airs pour seule réponse. Je me suis levée et d’un geste de la main, j’ai fait taire mes compatriotes.

« Je vous demanderais de ne pas divulguer cette nouvelle avant la naissance de l’enfant, pour leur protection. Je sais qu’un mariage doit avoir lieu pour la paix, et il aura lieu je vous le promets.

– Vous n’avez pas à vous justifier Altesse, personne ne vous a suivi en exil. On est tous conscients que la vie à Londres n’a pas dû être facile tous les jours. On la protègera comme si nos vies en dépendaient, scanda un vampire. »

Des approbations fusèrent de tous les côtés. Une larme coula sur ma joue à ses paroles. Le bonheur d’être entouré et aimé faisait chaud au cœur.

Elizabeth me serra la main, on lisait en elle, comme dans un livre ouvert, la joie d’être ainsi acceptée. Elle, qui n’avait été que rejetée depuis le trépas de son père.

Le défilé reprit sur un tour en maillot de bain. Alors que la plupart avaient eu recours à un bikini, Elizabeth, de par sa grossesse avait opté pour un uni simple mais élégant décoré d’un nœud sur le décolleté et de l’inscription « bébé en cours ». Inscription très judicieuse pour la situation.

Le vert bouteille de sa robe de soirée fit ressortir sa chevelure rougeoyante et ses pupilles émeraude, qui laissait fades toutes les autres concurrentes à côté. Elle avait choisi une robe fourreau où de la fourrure d’hermine encadrait son buste au niveau du décolleté et les pans de la robe. Le velouté de la robe faisait ressortir l’ivoire de sa peau. Une couronne de fleur s’emmêlait dans les boucles folles de sa chevelure. Tout montrait en elle, qu’elle était faite pour la couronne.

J’entendais les spectateurs retenir leur souffle. Moi-même, je retins ma bouche au dernier moment, avant d’être ébahie par sa beauté naturelle. Elle avait à peine maquillé ses yeux, ce qui faisait ressortir davantage la couleur de ses iris. Elle serra dans sa main, une rose de Lilith qu’elle vint poser sur le sol, au pied du peuple. Le signe de respect qu’elle montrait envers notre déesse était admirable et signifiait énormément pour nous tous.

Elle s’inclina ensuite très légèrement, autant que son ventre lui permettait puis elle rejoignit le reste du défilé. Une acclamation de ferveur s’éleva comme un seul homme et des sifflements ahuris retentirent. Alors, je fis comme tout le monde, je me levais et applaudis.

Le défilé reprit après quelques minutes, enchainant les tenues les plus onéreuses et magnifiques. Je me contentais de regarder sans vraiment voir, je savais déjà l’issue du concours.

Le dernier tour passa et chacune des jeunes filles présentes s’immobilisa sur le devant de la tente en deux lignes décalées. Gramil descendit les quelques marches de l’estrade, micro en main et se plaça devant elle.

« Nous attendons avec impatience vos votes, Mesdames et Messieurs du jury. »

Des bulletins furent étalés devant nous et on nous distribua des enveloppes. On avait le droit jusqu’à deux votes. Je me contentais de prendre le bulletin d’Eli et d’une jeune dhampir prometteuse.

« Après le calcul des voix, il y aura les résultats. Je vous invite en attendant à converser avec les candidates. »

Plusieurs personnes se dirigèrent vers Elizabeth, qui rougit en les voyants arrivés. Mais même timidement, elle leur répondit de bon cœur. Ils devaient sûrement tous vouloir savoir comment elle en était venue à porter mon enfant.

La délibération ne prit vraiment pas longtemps. Une vingtaine de minutes plus tard, M. Gramil revint avec une enveloppe cachetée du seau royal.

« Nous y voilà, dit-il en brandissant bien haut l’enveloppe. J’aimerais que les spectateurs regagnent leur place pour procéder au dépouillement. »

Le présentateur décacheta habilement l’enveloppe et se mis à la parcourir d’un œil rapide.

« Nous avons Mlle Emilia pour quatrième dauphine. »

Emilia s’avança, et on lui remit une écharpe avec son rang et un bouquet de rose de Lilith.

« La troisième dauphine est Mlle Viliane. »

Je voyais Elizabeth s’agiter nerveusement, se balançant d’un pied sur l’autre.

« Mlle Marilina est notre deuxième dauphine ! »

La jeune fille frêle s’avança timidement.

« Nous passons à la première dauphine, j’appelle Mlle Opaline ! »

Des cris de joies étouffés s’échappèrent de ses lèvres pincées.

« Et enfin, j’ai le plaisir de nommer Miss Idrias de cette année, Mlle Elizabeth. Milady, si vous voulez bien vous avancer. »

Elle ne sut pas trop quoi dire, ni faire. Elle se contenta de marcher mécaniquement jusqu’à M. Gramil, comme elle l’avait appris pendant les entrainements.

« Princesse, tenez-vous à lui passer son écharpe ? »

J’acquiesçai et me levais gracieusement de mon trône. Je me plaçais aux côtés de Gramil. Je le remerciais lorsqu’il me tendit l’écharpe de Miss Idrias et le bouquet.

« Je te félicite, Eli, tu as su gagner la compétition et le cœur de mes sujets, la rassurais-je. »

Elle sortit de son état d’hébétude à ces paroles.

Je lui remis le bouquet et je lui passais l’écharpe au-dessus de la tête et l’ajustais sur son épaule. Gramil porta le coussin où trônait la couronne en argent sertie de petits diamants et de rubis. Je la pris doucement dans mes mains et la posa au sommet du crâne d’Elizabeth. Je la fis tenir dans sa chevelure de feu qui faisait ressortir l’éclat des rubis.

Des larmes perlaient aux coins de ses yeux. Je les essuyais du bout des doigts et au lieu de lui faire la bise, comme je le faisais avec les gagnantes précédentes, je lui déposais un baiser léger sur le sucré de ses lèvres. Elle me sourit en retour et accepta ma main pour la conduire sur l’estrade. Il lui manquait un dernier cadeau remit de la main de leurs Majestés.

« Elizabeth, on vous remet cette lettre et ce chèque pour que vous puissiez faire les études de votre choix. »

Elle prit docilement les papiers avant de lever les yeux sur eux et de s’apprêter à parler :

« Vos Majestés, je souhaite offrir ce cadeau à mon tour.

– Pourquoi cela ? demanda la Reine.

– Si je le souhaite, je peux finir ma scolarité à Londres, l’école est payée au frais de mon ignoble beau-père. Cependant, une autre jeune fille que moi souhaiterait certainement cet argent pour découvrir le monde.

– À qui souhaites-tu l’offrir, reprit la Reine.

– À Mlle Opaline, la première dauphine. Cela reste un concours, il est judicieux de remettre le prix à la deuxième place.

– Approchez Mlle Opaline. »

Elizabeth se recula vers moi, et laissa la dhampir récupérer son bien. Mes parents la félicitèrent et lui remirent le prix. Puis, elle s’avança vers nous et s’inclina bas.

« Je vous remercie énormément, Milady. Grâce à vous, je vais pouvoir réaliser mon rêve de toujours.

– Il me semblait normale de te le remettre, tu n’as pas à me remercier, dit-elle humblement.

– Relèves-toi, prend soin de toi pendant ton voyage Opaline, rajoutais-je.

– Merci, votre Altesse. Je n’y manquerais pas. »

Le concours se termina sur des applaudissements puis la foule se dispersa. Les habitants passèrent nous saluer avant de vaquer à leur occupation. Elizabeth avait décidé de rester dans sa robe de soirée en changeant seulement ses talons aiguilles pour des sandales plates. Elle resta à mes côtés jusqu’au moment le plus attendu de la soirée.

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