UN BONHEUR BIEN PLAISANT SE PROFILE A L’HORIZON

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Dans la chambre seigneuriale,

Le croassement d’un corbeau me réveilla de la douce étreinte dans laquelle j’étais prise. Elizabeth avait sa tête posée sur ma poitrine, le drap cachant le bas de son corps. Aiden encadrait ma tête de son bras droit, son visage tourné vers moi et ses membres emmêlés aux miens.

Des souvenirs de la nuit d’amour me revinrent en mémoire par flots continus. Je savourai ces souvenirs qui allaient me rester longtemps en mémoire.

Un autre croassement me sortit cette fois de mes pensées. Je regardai par la fenêtre, la baie vitrée était entr’ouverte, ce qui paraissait invraisemblable. Ni Aiden, ni Elizabeth n’avait eu le temps d’aller l’ouvrir hier soir.

Je me levai en poussant les corps inertes de mes compagnons et regarda à l’extérieur. Tout était calme et sans bruit. Je la fermai, rassurée, et rejoignis la salle de bain. Les premières lueurs éclairèrent déjà le ciel. Les devoirs royaux m’appelèrent, Il était temps de rejoindre mon bureau.

Dans le bureau de travail de la Reine,

Je passai avant cela par la chambre des petites, elles étaient encore toutes deux profondément endormies. J’embrassai chacune sur le front et je rejoignis mes conseillers dans mon bureau. Une grande majorité faisait encore parti de la Noblesse vampirique. J’avais élu des lycans spécialement pour les questions qui avaient trait à cette espèce maintenant qu’elle faisait partie de mes sujets.

Mon bureau croula déjà sous la paperasse qui, pour la plupart, furent des doléances. Certains vampires ou lycans m’avaient adressée personnellement des demandes en mariage entre espèces. D’autres demandaient des permis de construire soit à Lycae soit à Idrias.

Je pris le temps avec mes conseillers de me projeter dans la future conception de la vie à espèces multiples. Nous devions envisager tous les aspects de la vie commune sous un nouveau jour. Ce serait un travail de titan à bâtir, il nous faudrait construire des bâtiments communs comme les temples, construire une aile au palais pour accueillir la Noblesse de Lycae. Ou encore, renommé le pays, unir nos drapeaux, tellement de chemin encore à parcourir.

Ils nous restaient tant de matières, tant de chose à envisager pour bâtir la paix, l’avenir vers lequel on s’était tourné. Un soupir de frustration m’échappa, tous les conseillers se retournèrent vers moi. Je m’excusais et j’entrepris d’écouter les propositions de chacune des personnes présentes dans la pièce.

Un peu plus tard, Aiden fit son entrée dans mon bureau pour m’aider. Mes épaules étaient déjà nouées et je sentis un mal de tête poindre sous ma peau. Je me forçai à me concentrer sur les rapports, les analyses, les plans et que sais-je encore. Le soutien moral d’Aiden m’était d’une grande aide. Après tout, c’était bien moi la Reine qui avait épousé un Roi Consort.

Dans la salle à manger royale,

Elizabeth toqua à la porte peu avant midi en quête d’un peu d’attention. Elle était accompagnée des enfants qui criaient famine.

« Allons à la salle à manger, le diner doit être servi maintenant, proposai-je. »

Lou sautilla dans tous les sens et Elizabeth partit devant avec elle et Asha qui somnola encore. Je paragraphai un dernier document et pris la main que me tendait mon mari.

Les maitres queux s’étaient surpassés, la pièce était emplie d’odeurs alléchantes même pour moi. Des majordomes disposèrent différents plats sur la table et remplirent les verres à pied. Je m’installai sur la chaise à haut dossier en bout de table. Aiden s’installa à ma gauche et Elizabeth à ma droite.

Je les regardai savourer leur petit plat avec entrain alors que le majordome m’apporta un verre de vin d’Idrias coupé au sang, notre spécialité locale. Je caressai le bas de mon ventre. Son cœur battait déjà avec force et courage.

Au courant de l’après-midi, je devais me rendre chez le gynécologue royal pour effectuer la première échographie, elle ancrera sa présence parmi nous. Elizabeth m’avait demandé si elle pouvait m’accompagner, mais j’avais estimé qu’Aiden souhaitait être seul avec moi.

Je portai mon verre à mes lèvres, Aiden porta sa fourchette à sa bouche, Elizabeth essuya les joues de Lou et Asha gazouilla dans son landau.

Les portes en lambris de la salle à manger s’ouvrirent sur mes parents qui s’installèrent à table à nos côtés. Leurs visages rayonnèrent de bonheur, il y avait longtemps que je ne les avais plus vu aussi heureux.

« Nos hommages, Majestés, s’inclinèrent mes parents. »

Ils étaient à la limite de s’esclaffer comme des enfants. Lunafreya déposa un baiser bruyant sur le front d’Asha qui demandait les bras. Aryerk prit la petite et la cala sur sa hanche. Il agita un hochet à son intention.

« Voyons Aryerk, Lunafreya, un peu de tenu en présence de vos souverains ! les taquinai-je. »

Ils se retournèrent vers moi, me tirèrent la langue avant de recentrer leur attention sur leur petite fille.

Lou pouffa de rire à leur réaction mais se calma bien vite en voyant arriver les gâteaux au chocolat et les tartes aux fruits par dizaine. Aiden se pencha vers moi et me souffla que mes parents fussent assez loufoques contrairement à la dernière fois qu’il les avait vus. Cela remontait à la proposition de paix de l’ancien Alpha.

Je devais dire qu’être entourer d’une telle famille faciliterait mes années de règnes qui se calculeraient en siècles.

Le repas se termina dans la joie et la bonne humeur. Puis, je rejoignis la salle du trône où m’attendirent les premières doléances de mes sujets.

Dans le cabinet médical,

Le cabinet médical était froid et blanc, une table d’examen trônait au centre de la pièce. Un paravent était délaissé dans un coin de la pièce et un bureau occupait le plus grand espace.

« Vos Majestés, nous salua la gynécologue d’une révérence. Si vous voulez bien vous donnez la peine de retirer vos bas et de vous installer sous le drap. »

Je me déplaçai jusqu’au paravent où je retirai mes vêtements. Sous les conseils d’Elizabeth, j’avais mis un pantalon et un t-shirt.

Je montai sur la table et mis le drap sur mes cuisses. Puis, la gynécologue s’approcha avec le monitoring. Aiden se posta à mes côtés et me prit la main pour contenir son excitation.

« Je vais d’abord effectuer une échographie classique et si je ne vois rien, on passera par voie basse. »

Le médecin descendit le drap pour dévoiler le bas de mon ventre et j’abaissai mes jambes pour les étendre. Elle ouvrit un pot de gel bleu qu’elle m’appliqua sur le ventre. Le gel était frais sur ma peau déjà froide.

Puis, elle prit la sonde et commença à chercher le petit être qui se cachait dans mon utérus. La gynécologue était concentrée sur l’écran mais rien ne semblait apparaître à l’écran. Elle finit par m’ordonner de relever les jambes et elle s’empara d’une sonde vaginale qu’elle revêtit d’un préservatif.

« Ecartez les jambes, s’il vous plait. »

Je m’exécutai et le médecin inséra délicatement la sonde. Je sentis le métal froid contre mes parois internes, une vague de frissons parcourut tout mon corps.

Quand je tournai la tête vers l’écran du monitoring, des taches d’ombre et de lumière se dessinèrent. Bientôt, la gynécologue fit un arrêt sur image.

Aiden ouvrit grand les yeux, une petite tache blanche et grise s’éclaira.

« Voilà l’embryon, il est encore peu développer pour l’instant. Il doit avoir deux semaines, clarifia la gynécologue. Mes informations peuvent être cependant faussées par sa nature hybride.

– Nos femelles ont en moyenne huit mois de grossesse qui peut varier selon la puissance du loup, précisa Aiden à l’attention de la gynécologue.

– D’accord, sachant que la grossesse est de cinq mois chez les femelles vampires, on devrait se trouver dans une moyenne de six à sept mois. Je vais demander à une guérisseuse lycan de m’accompagner dans le suivi de votre grossesse, si cela ne vous dérange pas, Majesté ?

– Pas du tout, faites-donc. »

Elle acquiesça et appuya sur un bouton. L’échographe se mit en branle et imprima l’arrêt sur image. Le bébé se dessina sur l’encre noire et la réalité de sa présence s’imprima dans mon esprit, aussi clairement que de l’eau sur la roche.

Elizabeth allait être ravie de voir ce petit bout de chou pour de vrai. Elle avait voué une jalousie farouche à l’égard de Dimitri alors qu’il n’y avait rien de sentimental entre nous. J’aurais dit plutôt une sorte de déférence à mon égard. Pour autant, cela semblait bien se passer avec Aiden. Il devait s’être dit les choses pendant le banquet de notre mariage. Après tout, je les avais laissé seuls tous les deux.

Dans le salon royal,

Je retrouvai ma famille dans la soirée dans le salon royal. Après la visite médicale, nous fûmes pris entre les conseillers, les audiences et les problématiques du pays. Aiden s’était installé dans le bureau adjacent au mien pour s’occuper de questions liées à son espèce.

Nous avions arrêté les plans pour la construction d’un temple, signé des autorisations de sortie des frontières pour que les jeunes puissent faire leurs études par-delà les terres et les mers. Les fêtes nationales ont été ainsi conciliées en une, étant à la même date, celle de la rupture du lien entre les deux déesses.

Aujourd’hui, cette fête prenait un tout autre sens, elle serait alors considérée comme la réconciliation des deux sœurs. Et elle serait à présent fêtée un jour après la date de mon intronisation et de celui d’Aiden.

Elizabeth était étendue sur une méridienne et potassa un livre sur la langue Idrienne. Elle n’avait toujours pas renoncé à l’idée d’apprendre ma langue. Les lycans n’avaient pas à changer de langue puisque c’était la même, ils avaient juste changé le nom lorsque nos territoires s’étaient séparés.

« Comment vas-tu, ma chérie ? lui demandai-je doucement pour ne pas l’effrayer.

– Je m’efforce d’apprendre votre langue, je me suis débarrassée des enfants pour l’occasion, me répondit-elle. Et toi, l’échographie ?

– Ça c’est très bien passé, je serais suivi par plusieurs spécialistes. Ils ne savent pas à quoi s’attendre.

– Tu as une photo, me posai comme question Elizabeth, toute excitée. »

Je hochai la tête affirmativement et vins m’asseoir à ses côtés sur la méridienne où elle me fit de la place. Je sortis de la poche de mon jean une petite photo froissée. Elle écarquilla ses grands yeux qui se noyèrent de larmes.

« C’est magnifique, souffla-t-elle. »

Je la pris dans mes bras pour la calmer, Aiden vint nous rejoindre. Il lui expliqua qu’une annonce était prévue demain dans l’après-midi pour annoncer la confirmation de la grossesse. Nous allions également présenter les médecins qui avaient été choisis pour le suivi de la grossesse. La gynécologue nous avait fait parvenir une liste de guérisseuses lycans, c’était Aiden qui avait arrêté son choix, les connaissant très bien.

« Cela se fera dans les jardins du château, nous avons accru la sécurité par soucis, reprit-il. La famille royale au complet sera présente.

– La population a donc déjà été prévenue ?

– Des messages parcourent le pays à l’heure à laquelle on parle, indiquai-je. Tu pourras t’occuper de la tenue des petites avec Vicky ? »

Elizabeth acquiesça enthousiaste. Elles feraient un merveilleux duo avec le talent de couturière de Vicky.

Aiden s’empara de la télécommande du téléviseur et l’alluma. Les informations humaines s’affichèrent sur l’écran précédemment noir. Les médias semblèrent en panique, on vit sur les images aériennes un pont effondré en pleine ville. Le viaduc effondré se trouvait à Gênes et dénombrait déjà trop de mort.

Je vis Elizabeth retenir sa respiration et des larmes coulèrent sur ses joues, mais ce n’était plus de joie. Je lui pris la main pour lui signifier que j’étais là pour elle. Elle retourna son visage larmoyant vers le mien.

« Une partie de ma famille habite à Gênes ! dit-elle d’une voix chevrotante. »

Mon cœur se mit à battre à toute allure, le sang batta à mes tempes. Je me relevai comme un ressort et appelai énergiquement mes servantes. Julia et Vicky arrivèrent en rien de temps.

« Faites détacher une équipe pour qu’elle prenne contact avec l’ambassade italienne ! Je veux un rapport sur l’effondrement du Viaduc autoroutier à Gênes. Apportez également un téléphone pour Milady. Je veux les noms des personnes décédées qu’on a déjà identifiées. Dites également au directeur de l’ambassade de prendre contact avec les autorités pour leur proposer une aide financière.

– Oui, Majesté, répondirent-elles avant de disparaitre comme un éclair. »

Dans le bureau de travail de la Reine,

Je filai dans mon bureau accompagné d’Eli. Elle était dans un état second, comme sur pilotage automatique. Son visage s’était fermé, ses larmes s’étaient taries, sa voix s’était tue. Je la vis ainsi pour la première fois. Son chagrin l’étreignit mais elle resta impassible à l’extérieur.

Ce fut dans le calme relatif de mon bureau qu’elle lâcha complétement prise. Ses épaules se voutèrent, ses sanglots explosèrent en un flot de larmes et sa respiration se fit de plus en plus saccadée. Ses jambes cédèrent sous le poids de la tristesse et elle se serait étalée par terre si je n’avais eu le réflexe de la rattraper.

« Eli, cesse de te torturer pour rien, nous ne savons encore rien sur cette histoire. Cesse d’imaginer le pire, je suis là pour toi et je le serais toujours là quoi qu’il arrive.

– Tu… Tu peux demander à Lilith s’ils sont morts, non ?

– Eli, je ne crois pas que ce soit une très bonne idée… Regarde dans quel état tu es…

– Justement, si je sais je pourrais agir en conséquence ! »

Je soufflai fortement, je savais que cela était une très mauvaise idée. Nos déesses n’étaient pas omniscientes. Encore moins quand il s’agissait des affaires humaines.

Son père décédé avait un lien direct avec Elizabeth qui était devenu citoyenne d’Idrias, mais ce n’était pas le cas de sa famille d’origine italienne. Si elle venait à mourir, Lilith ne les accueillerait pas dans son sanctuaire.

Par conséquent, Lilith pourrait très bien informer Elizabeth du décès de sa famille comme de son ignorance la plus totale.

« Ce que tu vas découvrir n’est pas forcément une bonne chose, Eli, lui dis-je doucement pour la convaincre.

– Je veux savoir ! rétorqua-t-elle d’une voix véhémente. »

Au regard de l’étincelle farouche qui brilla dans ses yeux, je pris l’épingle qui était toujours planté dans ma chevelure et me piquai le bout du doigt avec. Une image très floue et vaporeuse de Lilith et de sa sœur apparut.

« Mes déesses, Milady aurait une question à vous poser, prononçai-je doucement. »

C’est Nyx qui prit la parole :

« Que veux-tu savoir, jeune humaine, demanda Nyx solennellement.

– J’aimerais savoir si ma famille qui vit à Gênes est décédée, renifla Eli en baissant la tête devant les astres célestes.

Mon enfant, continua Lilith, nous ne sommes pas omniscientes. Nous ne pouvons répondre à cette question.

– Sache juste que ce qui doit arriver, arrivera toujours, reprit Nyx. »

Puis elles s’évanouirent dans un nuage de poussière. Elizabeth fixa quelques instants le vide qu’elles avaient laissé, le regard inexpressif.

Puis une, puis deux larmes se remirent à couler sur ses joues déjà roses de chagrin. Je la cueillis dans mes bras et la serrai contre moi aussi fort que je le pouvais sans la briser plus qu’elle ne l’était. Je la laissai me labourer le dos de ses ongles et tremper mon habit d’eau salée.

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