UNE GUERRE EN PREPARATION

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Quelque part dans la forêt

Je plongeai vers l’océan sombre du haut de la fenêtre. J’atterris avec souplesse dans un nuage de poussière. Des ombres m’encerclèrent et s’approchèrent. Toutes en même temps, comme si un signal les avait reliés, les silhouettes s’accroupirent.

« Princesse, nous sommes venus vous cherchez. La zone est dégagée, la plupart des lycans sont saoules.

– En effet, je suis au courant. Ils ont perdu un pari contre moi, souris-je. Allons-y avant que nous soyons détectés par leur Alpha. »

Mes hommes – habillés de leur tenue d’Ashes – me regardèrent avec un air décontenancé, surtout Igor qui paraissait vraiment surpris. Je ne fis pas attention à leur réaction et me contentais de les regarder.

« Votre odeur est changée, je trouve, Princesse, s’exprima Aaran.

– À force d’être au milieu de loups ça doit être normal.

– Peut-être, répondit vaguement Igor, le commandant. »

Je leur fis signe d’y aller, et ils me guidèrent derrière les habitations. Nous contournâmes le village puis nous nous dirigeâmes vers les chevaux qu’ils avaient laissés plus loin. Shinda broutait les herbes à ses pattes.

Quand je m’approchai, elle renâcla doucement. Je la grattai sous la gorge et lui flattai l’encolure. Je lui fis un bisou sur le museau et Shinda me lécha la joue en retour.

« Qui va là ? demanda gravement Igor. »

On se mit en position de combat prêt à en découdre. Les feuilles frémirent et les branchages s’écartèrent sur Aiden, le visage triste.

« Aiden…, soufflai-je. Tu ne devrais pas être là. »

Je m’approchai de lui mais Aaran me retint d’un bras pour ne pas aller plus loin. Un de mes hommes pointa une arme vers sa gorge.

« Posez vos armes immédiatement, tranchai-je d’une voix dure et grave. Sans lui vous ne seriez pas au courant de ma position. »

Ils m’obéirent à contrecœur et je m’avançai à nouveau vers lui. On m’avertit de ne pas y aller mais je ne les écoutais pas. Mes yeux se noyèrent dans les siens.

« Aiden, tu ne devrais pas être là…

– Je voulais te dire au revoir de vive voix. »

Je lui répondis seulement « au revoir Aiden » en reculant. Il leva la main vers moi mais la laissa retomber en me voyant hésiter. Mes hommes fulminaient derrière moi.

Aiden se tourna vers eux et les mit en garde sur les rondes autour du village. Une larme m’échappa alors qu’on s’éloignait des lycans et d’Aiden, sur le dos de nos montures.

En approche d’Idrias

Nous filions à toute à l’allure à travers bois, les sabots martelant le sol granuleux. Les feuilles des arbres me fouettaient le visage et la lumière de la lune guidait nos pas. Le cycle lunaire était revenu à la normale après l’évènement de la Lune de sang et une image fugace d’Elizabeth s’imposa dans mon esprit

Mon cœur se serra à l’idée de la tromper ainsi avec Aiden, mais mon cœur ne m’avait pas laissé le choix. « Le cœur a ses raisons que la raison ignore » et à cet instant, cette simple idée était plus vraie que nature. J’avais laissé ma conscience de côté pour entièrement me vendre au chemin que m’indiquait mon cœur.

Ce traître m’avait trahi en me faisant aimer un lycan. L’image d’Elizabeth se superposa à celle d’Aiden et mon souffle se bloqua quelques instants quand je pris conscience qu’un choix s’imposera à moi, tôt ou tard.

Mas pourquoi s’inquiéter maintenant ? Ne devions-nous pas nous retrouver sur un champ de bataille, mort ou vif ? Cette question, dès lors, ne se posera plus.

La sortie de la forêt me ramena au temps présent. Les premières bâtisses d’Idrias se dessinèrent au loin dans la brume du soir. Les chevaux ralentirent le pas et nous sinuâmes autour des maisons endormies.

Mon sol m’avait tellement manqué, bien que mon cœur soit déchiré entre deux mondes : ma patrie ou celle d’Aiden. Mais j’avais des devoirs et des responsabilités. Je ne pouvais me revendiquer Princesse en manquant à mon devoir le plus sacré : la protection de mes gens.

Je détestais l’idée de massacrer des vies inutilement, encore moins des êtres abhorrant un lien de parenté mystique lié à nos déesses mères. Nous vivions pour elles alors pourquoi gâcher leurs enfants dans une guerre inutile.

Mes parents avaient essayé en vain de l’arrêter, c’était à moi à présent d’en assumer la charge.

Les dalles de marbre lisses et brillantes du palais résonnèrent sous mes pieds quand je m’avançais dans le grand hall. Mes parents, leurs majestés se tenaient sur un petit banc de velours rouges laissant entr’apercevoir des yeux fatigués et tristes.

Dès qu’ils remarquèrent ma présence, leur visage s’illumina et ils accoururent vers moi. Je me blottis entre leurs bras grands ouverts et posai ma tête sur l’épaule de mon père.

Ils ne cessèrent de murmurer des paroles apaisantes comme pour se rassurer eux-mêmes de ma présence et me posèrent des tas de questions sur mes conditions de détention.

Je les ai rassurés en leur disant que j’allais très bien.

« Nous devons nous préparer, père, mère. La guerre est à nos portes ! Les lycans sont en pleine préparation.

– Oui, chérie, nous les avons commencé de notre côté également. Après ton enlèvement, on s’est douté qu’il n’en resterait pas là. »

Voilà déjà plusieurs jours que les préparatifs de guerre avaient continué mais pas un seul loup en vue. Je pris soin de restaurer et d’entretenir ma propre armure et d’entrainer Shinda à la bataille. Je passais des heures avec mes Ashes sur le terrain d’entrainement à peaufiner nos feintes et nos techniques stratégiques.

Cependant, l’esprit fin d’Ezio et l’esprit combatif de Dimitri, nous manquaient cruellement. Je ne pouvais pas les rappeler pourtant. Je ne voulais pas courir le risque de mettre en danger Elizabeth et Asha.

Je profitais de ces quelques jours de répit pour oublier Aiden, je portais encore son odeur sur moi, qui avait imprégné ma peau. Mes parents l’avaient remarquée et tentaient de me tirer les verres du nez sur ma détention.

J’esquivais le plus souvent la question et répondais par une autre. Personne à Idrias n’aurait compris mes raisons et encore moins mes parents. Igor se comportait bizarrement avec moi depuis l’autre nuit et je ne savais pas comment revenir vers lui.

Je ne pourrais jamais le convaincre de l’authenticité de mes sentiments surtout si cela revenait à trahir ma patrie et ma déesse.

Je me laissai tomber sur mon lit et savourai cet instant paisible de calme et de relative tranquillité. Je ne tarderais pas être sollicitée à nouveau. Mon cerveau était en ébullition de se dire que bientôt je retrouverais Aiden.

Mais je ne le retrouverais pas de la meilleure manière qui soit. J’aurais préféré ailleurs qu’un champ de bataille en l’occurrence.

Je me levai du matelas et approchai d’une fenêtre. J’admirais mes gens qui s’activaient à la préparation de la défense du château. Toutes les personnes qui ne participeraient pas à la bataille seraient enfermées dans le palais sous la surveillance d’une troupe.

Cela concernait principalement les enfants et les femmes fragiles parce qu’elles étaient enceintes. Tous les autres seraient sur le front à mes côtés.

Je redoutais cette bataille, tant par la rencontre de mon amour que par la rencontre de Cassius, mon ennemi. Il voulait ma peau et il se ferait un plaisir de l’avoir.

La nuit tombait sur le pays, des gardes patrouillaient partout dans Idrias à intervalle régulier. Les habitants avaient élu domicile dans les grandes salles du château telle que la salle d’apparat, la salle du trône ou encore, la salle de bal.

Ce soir-là, j’en profitais pour appeler ma chère et tendre. Je composai le numéro sur le téléphone de mon bureau. Elle décrocha à la troisième sonnerie avec une voix endormie.

« Eli ? C’est Freya.

– Freya ! Il y a quelque chose de grave qui s’est passé ?

– Non, non, ne t’inquiète pas. Je t’appelais pour voir comment tu allais. »

Elle soupira de soulagement derrière le combiné.

« Je vais très bien ! Tu devrais voir comme Asha est fascinante ! Elle est touchante et trop mignonne. »

Je souris à cet éloge de notre fille en même temps qu’un pincement de culpabilité m’étreignait le cœur. J’avais l’impression de la trahir et cela m’était insupportable.

« Et les études, comment ça se passe ?

– Très bien, ils n’ont pas été inquiétés par mon absence et j’étudie avec Opaline à présent.

– Ah oui c’est vrai qu’elle a rejoint l’ambassade peu de temps après le concours de Miss Idrias, précisai-je.

– En effet, elle m’aide beaucoup avec les petites. Elle a su lier une belle amitié avec la petite Lou qui nous est arrivée complètement traumatisée.

– Je l’aurais été aussi à sa place…

– Faudra que tu m’expliques son histoire quand je reviendrais, me dit-elle sérieuse.

– Bien sûr, tant qu’elle n’est pas maltraitée pour sa race…

– Non pour cela il n’y pas de problèmes ! m’interrompit-elle. Même Dimitri et Ezio l’apprécient et ce n’est pas peu pour eux deux. »

Je lui répondis qu’elle avait tout à fait raison et m’excusai auprès d’elle. Il fallait me coucher, j’avais le pressentiment que la bataille était pour demain et il fallait me reposer. Je raccrochai donc et me couchai sans plus tarder.

Un son semblable à celle d’une alarme incendie retentit dans tout le château, signe que des inconnus approchaient d’Idrias. La sonorité était stridente et vous vrillait les tympans.

Je me mis sur mes deux pieds en un instant et je me dirigeai vers le hall du château, en même temps que je mis ma tenue de combat. Elle se composa de ma robe corset avec un heaume noir en plus d’une cape en cuir pour couvrir le haut de mes épaules.

Une foule d’habitants avaient envahi les longs couloirs et les escaliers. La foule se scinda en deux pour me laisser passer. Des murmures s’élevèrent dans la foule : « on est attaqué à nouveau ».

Je ressentis leurs inquiétudes de plein fouet et priai Lilith pour qu’elle les protège de la mort et de la peur.

Les troupes que je devais mener au combat étaient déjà sur le pied de guerre dans le hall. Je dévalai les escaliers pour les rejoindre. Je leur servis le discours d’avant-guerre typique.

« Aux armes mes frères et sœurs ! La guerre est à nos portes, montre-leur de quel bois nous nous chauffons. Protégeons nos enfants, nos femmes et nos hommes. Mettons fin à cette guerre ancestrale alimentée par des fanatiques. Instaurons cette paix que tout le monde désire. Avec moi ! Que la déesse vous garde ! criai-je à leur attention. »

Je m’armai d’un poignard et entaillai la paume de ma main en la levant bien haut. Les traits vaporeux de Lilith flottait au-dessus de moi et m’accompagna alors que mes hommes scandaient mon nom.

Je traversai la marée d’homme et comme un seul homme, on se dirigea vers nos ennemis qui attendaient à l’extérieur de nos murs.

Je montai sur Shinda, et les hommes et les femmes en firent de mêmes. Je m’élançai et on me suivit en une ligne distincte.

Le champ qui bordait un côté d’Idrias était noir de loup qui avait revêtu pour la plupart leur forme animale. La lune éclairait chacun de nous.

Je distinguai seulement trois hommes à cheval qui se différenciaient par leur armure rutilante. Je reconnus facilement l’un des trois hommes qui étaient en face de moi, il abhorrait un sourire sinistre reconnaissable entre mille.

Cassius, pensais-je, j’aurais ta peau tôt ou tard.

« On vous attendait Princesse, cria Cassius. »

Je levai la main pour faire arrêter mes hommes. Ils stoppèrent derrière moi en une ligne parfaite, le corps de la déesse dansait toujours au-dessus de nous. Je voyais dans les yeux de certains loups de l’étonnement.

« Lilith nous accompagne, j’espère que cela ne vous dérange pas Cassius ! m’exprimai-je. Où est votre déesse Nyx ?

– Ne sois pas insolente ! Nous n’avons pas besoin d’elle pour vous démolir. Tu le verras bien vite quand tu seras sous la pression de mes crocs.

– Je vous trouve bien bavard aujourd’hui, Cassius. Vous auriez dû me tuer quand vous en aviez l’occasion ! »

Je ne pris pas la peine de l’écouter plus que cela que je levai déjà ma main pour prévenir mes hommes de se mettre en position.

« Défendez vos familles mes frères et sœurs, quoi qu’il puisse m’arriver ! scandai-je. Ne vous occupez que de vos ennemis, votre lame ne doit pas faiblir. »

J’entendis Cassius ricaner mais j’étais trop occupée à regarder les Ashes s’avancer au galop vers nous pour lui répondre.

« Nous sommes fins prêts ! Lycans, pas de quartier ! »

Je lançai l’assaut en éperonnant les flancs de Shinda qui s’élança d’un bond vers eux. Mon épée en argent – seul matériau efficace contre les lycanthropes – entra en contact avec les pattes d’un premier loup qui s’effondra lourdement sur le sol. Je continuais ma progression dans les troupes ennemies tranchant tout ce que je pouvais, suivis de près par mon armée.

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