UNE VIE MIRACULEUSE

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Idrias, pays des vampires

Les premières lueurs de l’aube filtraient au travers des rideaux lorsqu’un poids me comprima la poitrine. D’épais cheveux roux me barraient la vue, je sentis seulement quelque chose de chaud contre mes cuisses nues.

« Eli ? Ҫa va ? Tu m’écrases un peu…

– J’ai perdu les eaux…

– Quoi ? Tu aurais dû me réveiller ! m’écriais-je. »

Je la repoussais doucement sur le côté et tirai vivement sur la clochette pour appeler les domestiques. Mes deux dames de compagnie dhampirs entrèrent en hâte dans les appartements.

« Votre Altesse ?

– Appelez la sage-femme de suite ! Et ramène des serviettes en abondance ainsi qu’une bassine d’eau chaude.

– Oui, votre Altesse, tout de suite ! »

Elles repartirent en sens inverse exécuter les tâches que je leurs avais confiées. Je me levais, redressais correctement Elizabeth sur les oreillers et lui retirais les habits encombrant.

Un mois était passé et je m’attendais plus ou moins à la naissance imminente de l’enfant. Mais, je ne pensais pas être aussi stressée le jour J.

Je remontais le drap sur le corps maintenant nu d’Elizabeth et m’installais à ses côtés sur le lit. Je lui pris la main et me la broya lorsqu’une contraction la prise de court.

« Eli, ça fait combien de temps que le travail a commencé ?

– Pas longtemps, me répondit-elle entre deux respirations, j’ai eu quelques sensations de pousser vers cinq heures du matin. J’ai perdu les eaux peu de temps avant que tu te réveilles.

– M’arrosant au passage, lui souris-je. »

Elle commença à adopter une respiration de petit chien : deux fois inspirées, une fois expirée.

« Tu viens donc de commercer le travail. Il va falloir être patiente comme c’est ton premier, ça risque de prendre du temps.

– Je suis prête ! »

Je lui serrais la main en retour pour son courage. J’avais lu que la première phase du travail pouvait prendre jusqu’à plusieurs heures rien que pour que le col s'ouvre à trois-quatre centimètre. Il fallait qu’elle tienne bon.

La sage-femme, une vampire âgée de cinq cents ans, entra accompagnée de mes deux domestiques, chargées de serviettes et d’une bassine.

« Elle vient de commencer le travail, elle a perdu les eaux à huit heures à peu près expliquais-je rapidement à la sage-femme.

– Très bien, Altesse. Vous devriez peut-être aller vous changer.

– C’est bon, je reste à son chevet.

– Allez chercher, à son Altesse, des vêtements rapides à enfiler, ordonna-t-elle aux domestiques qui s’exécutèrent de suite. »

Elles me ramenèrent un débardeur et un jean ainsi qu’une serviette humide pour m’essuyer l’eau de la rupture de la poche amniotique. Je les remerciais d’un geste de la tête et profitais d’un moment de repos entre deux contractions pour le faire. Pour l’instant, les contractions étaient espacées et faibles. Mais, je maudissais déjà les prochaines heures.

Débutaient les longues heures de latence, assise auprès de ma bien aimée. À chaque nouvelle contraction, elle produisait une nouvelle grimace des plus mignonnes. Je lui laissais, bien entendue, me broyer la main quand cela était nécessaire.

La sage-femme, placée sur le lit devant Elizabeth, contrôlait régulièrement la dilatation du col de l’utérus. Le bip régulier du monitoring cassait le silence qui retombait entre deux contractions, contrôlant les constantes aussi bien de la mère que celles du bébé.

Le château avait fini par être informé de la naissance imminente d’un nouvel individu. Mes parents attendaient à la sortie de la chambre, sur des fauteuils adossés au mur. Il n’y avait dans la chambre que moi et la sage-femme, ainsi que Vicky et Julia pour l’assister.

La sage-femme pénétra deux doigts pour vérifier l’ouverture du col.

« Vous êtes à quatre centimètres, Milady.

– Cela fait combien de temps ? questionna-t-elle entre deux souffles.

– Il est dix heures trente du matin, vous êtes en travail depuis deux heures trente. »

Elle hocha simplement la tête, avant la prochaine contraction et qu’elle se morde la lèvre pour ne pas crier.

« Vous allez devoir contrôler votre respiration, vous allez passer à la phase active. Les contractions vont être longues, douloureuses et se rapprocher de plus en plus. »

Je passais un bras sous sa nuque et la pris contre ma poitrine. Je la soutenais en évitant, au passage, de n’avoir plus du tout de main. Je l’aidais à prendre une respiration contrôlée en de grandes goulées d’air.

« Allez Eli, je sais que tu peux y arriver ! »

Une nouvelle contraction arriva, et un cri strident s’échappa de sa gorge, comme il y en avait eu une centaine déjà. Le temps semblait passer au ralenti, mais la douleur s’initiait, elle se lisait sur le visage d’Eli. De grosses perles de sueur commençaient à gouter de son front. On m’apporta un linge humide pour lui tamponner de temps en temps le front.

Alors que la sage-femme indiquait bientôt qu’elle était ouverte à huit centimètres et qu’elle entrait dans la phase la plus pénible du travail : la phase de décélération, Elizabeth gémit en disant qu’elle n’y arriverait pas et qu’elle voulait une césarienne.

« Elizabeth tu dois tenir ! Nous ne pouvons pas pratiquer une opération dans un lieu non aseptisé.

– Pense au bébé, repris-je, comme il sera mignon et grassouillet et son petit cœur qui bat ! »

Elle souffla fort et se concentra sur les douleurs qui l’assaillaient de plus en plus vite. Je lui parlais doucement à l’oreille. Je la rassurais pour l’encourager au mieux dans son effort. Quand je la voyais comme cela, je me disais que je n’étais pas encore prête à mon propre accouchement. J’étais certes plus résistante à la douleur qu’une humaine, mais l’accouchement était reconnu universellement comme douloureux.

La sage-femme attira mon regard et m’indiqua que c’était pour bientôt. Je continuais à préparer mentalement Elizabeth pendant de longues minutes trop lourdes.

« Milady, le moment est venu. Quand je vous dirais de pousser, vous pousserez aussi fort que vous le pouvez. »

Eli hocha la tête et je l’aidais à se redresser sur les coudes. Je lui ôtais les cheveux qui cachaient son visage et la plaçais tout contre moi.

« Poussez maintenant ! ordonna la sage-femme. »

Eli se plia sur elle-même et émis un grognement digne d’un ours. Plus tôt dans le mois, elle m’avait dit qu’elle avait horriblement peur de déféquer pendant les poussés. Mais cette pensée était très loin en ce moment-même.

Elle reproduit les mêmes gestes pendant que le bébé poussé par les contractions et les cris d’Eli se frayait un passage dans son bassin. Il passait doucement mais sûrement chaque détroit qui composait le bassin. D’abord le détroit supérieur, puis le moyen pour finir avec le détroit inférieur.

« Je vois la tête vous y êtes bientôt ! Quand je vous dirais d’arrêter de pousser vous le ferez immédiatement. Sinon vous risquez un déchirement du périnée. »

Il y eu plusieurs poussées avant que la sage-femme cri un stop. Je reposais Elizabeth contre les coussins pour pouvoir assister au plus près de la sortie du petit.

Je me plaçais au côté de la sage-femme qui attendait le passage en douceur du périnée, puis elle guida la sortie du bébé. Je plaçais ma main dans celle d’Eli quand le bébé passa la vulve. Je savais qu’elle allait crier.

Et ça ne manqua pas, elle lâcha un hurlement à vous déchirer les tympans tout en me broyant violemment la main.

Je vis, avec émerveillement, la petite tête déjà touffue sortir. Puis le reste du corps suivi rapidement. Elizabeth retomba sur le lit lourdement, et la sage-femme remonta le bébé sur son ventre enveloppé dans le drap du lit, nettoyé du plus gros.

Une larme coula sur sa joue, puis une deuxième et une ribambelle d’autres.

Elle le prit précautionnèrent et le remonta vers son visage pour l’embrasser.

« Il est magnifique, souffla-t-elle. »

Le bambin respira rapidement, yeux fermés sur sa poitrine.

« C’est une fille, nous informa la sage-femme. Vous souhaitez couper le cordon Altesse ? »

Je fis oui de la tête et pris les ciseaux qu’on me tendait. Je coupais là où la sage-femme me l’indiquait.

Elle la reprit ensuite pour faire sa toilette dans la bassine d’eau ramenée plus tôt. Elle fit ensuite un rapide examen pour vérifier que tout allait bien.

Elle nous la ramena habillé un pyjama aux couleurs royales : bleu nuit et jaune impérial. Elle la plaça dans mes bras et me félicita chaudement pour la nouvelle, avant de partir prévenir tout le monde. Je m’approchais avec la petite et m’installais aux côtés d’Elizabeth.

« Elle est magnifique, ma belle, tu souhaites l’appeler comment ? lui demandais-je.

– J’avais pensé à Asha. Cela signifie espoir, souhait, désir et vie.

– Oui, très bien. Elle refera notre vie, elle est une étoile parmi notre univers. Et ça lui va comme un gant, approuvais-je. Elle correspond tout à fait à ces mots.

– Oui, je vais enfin avoir un but dans mon existence. La protéger et l’aimer pour toujours ! »

J’acquiesçais et lui demanda si elle voulait la prendre.

Elle hocha vivement de la tête et je lui calais la petite sur la poitrine. Elle découvrit son sein et la porta à celui-ci pour sa première tétée.

« Une question me trotte dans la tête…

– Laquelle ? demandais-je.

– Vu que vous vous nourrissez de sang, vous allaitez aussi les nouveaux bébés vampires ?

– Oui, mais nous produisons un lait aux mêmes propriétés nutritives que le sang. Il est légèrement rosé d’ailleurs.

– Pourquoi ne l’ai-je pas produit alors ?

– Parce que tu es humaine et que les dhampirs possèdent le même organisme qu’un humain à quelques exceptions près.

– Comme quoi ? questionna-t-elle, intriguée.

– S’il le souhaite, ils peuvent opter pour la même nutrition que nous une fois adulte.

– D’accord. Mon bébé est aussi un dhampir ?

– Oui mais particulier… Regarde ses cheveux. Ils sont noirs comme tous les dhampirs mais ils possèdent des éclats de ma propre chevelure, des mèches argentées, en plus des mèches rousses comme tes cheveux.

– En effet, ça fait un mélange. C’est bizarre et beau à la fois. Elle est unique !

– Oui et je suis sûre que ses yeux nous réservent aussi des surprises… »

Nous tournâmes nos têtes vers la petite bouille d’ange avec sa peau blanche, douce et sans imperfection exhalant une odeur de bébé douçâtre et nouvelle. Ses petites joues donnaient envie de les croquer comme le reste gentiment potelé de son corps.

Je les embrassais toutes les deux avec tendresse et un amour infini. On resta longuement blotti l’une contre l’autre savourant ce moment avec intensité.

On toqua à la porte, rompant l’harmonie des lieux. La sage-femme passa la tête dans l’entrebâillement de la porte à mon injonction d’entrer.

« Je reviens pour surveiller le moment de la délivrance. Au cas où il y aurait une hémorragie à l’expulsion du placenta.

– Oui bien sûr, approchez.

– La petite…

– Asha.

– La petite Asha tète déjà ? C’est une bonne chose. Elle est en pleine forme.

– Oui, cela vaut mieux. Leurs majestés attendent !

– Oui, je préviendrais du moment où Milady sera présentable.

– Parfait, merci pour tout !

– Ce n’est rien Altesse, c’est mon métier. Je suis heureuse d’avoir pu aider à cette naissance. »

Je la remerciais encore avant de reprendre Asha dans mes bras pour laisser Elizabeth expulser le placenta sans anicroches.

On toqua à la porte une heure après la fin de l’accouchement. Elizabeth était endormie avec la petite dans les bras qui dormait à point fermé.

« Entrez ! criais-je. »

Eli remua mais ne se réveilla pas pour autant. Mes parents se dessinaient dans l’encadrement de la porte, un cadeau à la main. Je leur fis signe de s’approcher et secouais doucement la mère pour la réveiller. Elle grommela quelque chose d’inintelligible avant d’ouvrir mollement les yeux.

« Tu aurais pu la laisser dormir. On venait juste voir le bout de chou, chérie.

– Qui est emprisonné dans ses bras protecteurs, je n’avais pas le choix, leur répondis-je amusée. »

Elizabeth trouva enfin la force de se relever contre ses oreillers. Elle avait les cheveux emmêlés et des petits yeux bouffis par la fatigue et l’effort. Je lui pris Asha des bras et la présentais à ses grands-parents.

« Yeuh ! Comment s’appelle-t-elle ? s’exclama ma mère.

– Asha, elle a deux virgule neuf cents kilogrammes pour vingt-huit centimètre.

– C’est un beau bébé, rassura ma mère. »

Elizabeth jeta un œil à sa petite fille, guettant tout potentiel danger comme une lionne avec ses petits. Mon père fit remarquer la couleur particulière de sa chevelure.

« Je suis intrigué par ses yeux, s’exprima mon père, curieux. Comment sont-ils ?

– Elle n’a pas encore daigné nous montrer sa bouille éveillée, répondis-je simplement. »

C’est à ce moment-là qu’Asha en profita pour gigoter et agiter ses petits membres potelés. Elle braya un peu avant de nous offrir la vue de ses pupilles derrière ses paupières jusqu’à présentes closes.

C’est un détail particulier qui attira mon attention avant ceux des autres. Je l’avais dans mes bras et elle regardait dans ma direction. Les bébés dhampirs étaient plus éveillés que ceux humains. Elle percevait et comprenait plus de chose que n’importe quel bébé humain du même âge.

« Elle a les yeux vairons, regardez, m’exclamais-je. »

Elle avait en effet un œil qui tirait vers le bleu-vert alors que le deuxième était aussi rouge que les miens. C’était le premier dhampir à posséder de telles caractéristiques physiques.

« Je suppose que ton sang pur y est pour quelque chose, supposa mon père.

– Je m’attendais personnellement, reprit-il, à une force et des sens plus accrus. Pas qu’on ressentirait la composition du sang dans son anatomie.

– Nous avons apporté des vêtements de toutes tailles pour la petite, me dis mon père en me tendant le paquet cadeau. »

Elizabeth s’affaissa contre mon dos et posa sa tête sur mon épaule pour admirer notre fille.

« Elle est magnifique, murmura Elizabeth contre mon dos. »

Bien qu’elle l’ait chuchoté, notre ouïe acérée nous permis de l’entendre. Je lui remis notre fille dans les bras en confirmant la beauté de la petite.

« Je suis sûre qu’elle sera très puissante. Bien plus que Dimitri, même.

– En effet, Dimitri est un dhampir né avec une force colossale. C’est bien pour cela qu’il est arrivé à finir sa formation au sein de ta garde.

– Oui, père. C’est un très bon combattant qui fait la fierté de sa famille.

– Enfin, on saura bien assez vite sa puissance, conclut-il.

– Comment cela, majesté ? demanda Eli.

– Notre progéniture a une croissance rapide jusqu’à qu’il atteigne l’apparence d’un humain de dix ans. Ensuite, le temps ralentit jusqu’à s’arrêter complètement à l’âge de vingt-cinq ans. Pour parler en baromètre humain.

– Donc, Asha ne restera pas bébé très longtemps, n’est-ce pas ?

– Oui, dans l’espace de quelques mois elle aura appris à marcher, lui dis-je doucement. Je suis désolée, j’aurais dû te prévenir que tu n’aurais pas le même temps que les autres parents avec ta fille.

– Ce n’est rien, dit-elle tristement. Cela coulait de source au vu de la grossesse rapide. »

Je la serrais dans mes bras pour la consoler. Mes parents en profitèrent pour prendre congé et nous laisser. Je l’apaisais tendrement en lui chuchotant des paroles rassurantes et en essayant de la faire rire.

« Sois contente, tu auras moins les doigts dans la merde… »

Elle parvint à me faire un petit sourire suite à ma réflexion très spirituelle, mais pas plus. Alors, je la laissais avec Asha pour qu’elle puisse en profiter.

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