UN GARÇON INQUISITEUR

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Londres, école privée

Notre arrivée à l'école fut pour ainsi dire remarquée. Elizabeth s'était habituée bien vite à sa chambre dans l'ambassade. Ce matin, elle avait revêtu son uniforme pendant que je me déhanchais dans mon tailleur bleu marine.

Très vite, nos camarades vinrent nous entourer pour savoir pourquoi on arrivait ensemble et comme à mon habitude, je les ignorais royalement. Dimitri se tint près de moi, alors qu'Elizabeth évolua parmi ses amis. Elle semblait avoir retrouvé un semblant de sourire après cette sale histoire.

Nous nous dirigeâmes vers la salle où les autres s'étaient déjà agglutinés. Reprenant nos places habituelles, je reportai mon attention sur Dimitri qui ne m'avait pas lâché d'une semelle depuis notre réveil, dans mon lit. Il paraissait sur ses gardes, le visage fermé et sérieux.

« Il y a quelque chose qui ne va Dimitri ? lui demandai-je en italien, pour ne pas être compris des autres, même d'Elizabeth.

– J'ai un mauvais pressentiment depuis ce matin, me répondit-il l'air grave.

– Tu as peut-être tout simplement faim, tu veux mon sang ?

– Non, ce n'est pas ça. C'est... »

Nous fûmes interrompus par le professeur et un jeune homme qui entrèrent au même moment dans la salle. Le professeur poussa un de ses habituels soupirs avant de se redresser et de s'adresser à nous.

« Dès aujourd'hui, nous accueillons un étudiant Erasmus qui nous vient d'Italie. Veuillez l'accueillir comme il se doit. »

L'instituteur semblait moins accablé à le présenter lui que moi. L'étudiant étranger prit place à une table vide derrière la mienne. Il me sourit timidement en passant près de moi. Une effluve de parfum forestier arriva jusqu'à mes narines. Son odeur était agréable et envoutante. Je me claquai mentalement avant de m'intéresser au cours qui commençait à défiler devant moi.

La mine de Dimitri s'était assombrit au fur et à mesure que les heures passaient et que la présence du nouveau s'imposait. Il n'avait pas l'air de l'apprécier, pourtant il avait conquis nos camarades de classe en un rien de temps. Seulement deux heures après son arrivée, le nouveau était déjà ami avec toute la classe. Hormis, Dimitri qui se montrait ouvertement hostile, Elizabeth qui semblait le craindre et moi qui l'ignorais comme pour tous les autres.

Le cours suivant fut annulé pour cause d'absence de l'enseignant. La classe fut mise en étude pendant les heures précédant le repas. Je me contentais de rejoindre Dimitri et Elizabeth à une table pour discuter un peu, quand les autres étudiants voulurent faire un jeu de la bouteille.

Dimitri montra vite son désintérêt pour la conversation et préféra surveiller l'étranger du coin de l'œil. Il s'était cependant rapprocher au plus près de ma chaise et passa un bras sur mon dossier. Elizabeth me demanda de continuer le récit de mes voyages, ce que je fis bien volontiers, histoire de me changer les idées et de tromper mon ennui.

Le jeune homme ne tarda pas à venir à notre rencontre. Dimitri s'était mis à grogner à mon côté. Je lui donnai un coup de coude discret mais suffisant pour qu'il comprenne. Il se présenta comme étant Nicolae Romani. Elizabeth remplaça son masque de crainte, pas un sourire un peu forcé mais charmant. Quant à moi, je me contentai de hocher la tête tout en reportant mon attention sur Dimitri, qui ne fit rien pour cacher son dégout.

« On m'a dit que vous veniez aussi d'Italie ? s'exprima-t-il.

– Ce n'est pas mon cas, répondit prudemment Elizabeth.

– Celui qui la dit est soit un idiot, soit un ignorant, dit méchamment Dimitri à mon côté en serrant les poings.

– Je me disais que vous n'aviez pas des noms italiens.

– En effet, Nicolae, lui répondis-je. »

En l'examinant de plus près, je remarquais que ses cheveux me rappelaient étrangement le pelage du jeune chien blessé. Ses yeux bleu-glacés étaient caressants et doux. Il posa un regard sensuel sur mes lèvres pleines et rosées. Dimitri s'agita à mon côté et je fis taire la conversation au plus vite, voulant éviter un esclandre. Nicolae repartit penaud, voyant que je n'étais pas encline à la conversation. Néanmoins, son regard resta graver en moi. Je sentis une bouffée de chaleur montée en moi, inexplicable. Pas la même chaleur que mes étreintes avec Dimitri, une chaleur plus profonde comme si mon corps la connaissait…

Elizabeth mit fin à mes interrogations en me demandant comment je pouvais parler autant de langues parfaitement, comme ma langue natale. Je lui répondis que j'y avais baigné depuis toute petite avec notamment mes nombreux voyages. Je pouvais décemment pas lui dire, que mon cerveau de vampire et ma longue vie me permettait d'assimiler bon nombre de connaissances rapidement.

« Quelle langue as-tu parlé quand tu es arrivée ?

– Elle n'existe pas, c'est une langue que j'ai inventée avec Dimitri quand on était jeune, détournai-je la question en souriant à Dimitri, qui me le rendit.

– Elle m'avait l'air plutôt apparenté à un dialecte. Tu viens d'où exactement ?

– Je viens de la principauté de Monaco. Et si, je t'assure que nous l'avons inventé.

– Monaco, ça expliquerait pourquoi tu vis dans un château. Tu viens d'une famille riche ?

– On peut dire cela.

– D'accord, je viens de me rappeler que lorsque tu t'es présentée tu avais l'air d'avoir un nom plus long et tu as dit un mot, « Idrias », il me semble. Ça n'avait pas l'air d'un nom.

– Tu t'imagines des choses. Je me suis présentée normalement faut vraiment que tu arrêtes de t'imaginer que je viens d'une autre planète.

– Mais je ne pense pas que tu es une extraterrestre !

– Calme-toi, souris-je.

– Dis-moi quelques choses alors, en ta langue bizarre, me demanda-t-elle doucement avec le plus mielleux des sourires.

– Tu es belle avec ton petit air triste, lui dis-je en Idrien pour la satisfaire.

– Ça veut dire quoi ?

– C'est un secret, je me levai en éclatant de rire et sortais de la salle en trottinant. »

Dimitri me rejoignit rapidement. Il m'indiqua qu'elle commençait à devenir vraiment très curieuse et qu'elle pourrait devenir dangereuse. Je remarquais qu'il n'avait toujours pas l'air détendu.

« Qu'est-ce qu’il y a vraiment, Dimitri ? Et pas de mensonge ! lui ordonnai-je.

– Le nouveau ne m'inspire pas confiance. J'ai un mauvais pressentiment avec lui, soupira-t-il.

– Quel genre de pressentiment ?

– Je pressens un danger autour de vous, Princesse. Vous devriez vous éloigner de lui.

– Cela t’apaiserait si je le faisais ?

– Oui, Princesse.

– Bien, viens je sens que tu as faim. »

Londres, ambassade d'Idrias, temple de Lilith

Je fus interrompue dans ma prière par un grognement dans mon dos. Je me retournai vivement et vis sur le pas de ma porte, le chien blessé assis cherchant mon attention. Je me relevai pour m'approcher de l'importun. Je m'accroupis devant lui et lui chatouillai gentiment la tête. Je lui parlai doucement et lui fis signe de sortir. Autant ma déesse était aimante avec ses enfants, autant tout ce qui touchait de près ou de loin à nos ennemis les lycanthropes, elle ne les appréciait pas spécialement.

Le chien particulièrement obéissant sortit à ma suite du temple. Un autre individu m'attendait à l'extérieur, l'humaine.

« Coucou, le chien semblait vouloir te voir, me prévint Elizabeth.

– Oui je vois ça, mais vous n'avez pas droit de vous approcher de ce bâtiment.

– Ha désolé, je ne le savais pas, s'excusa-t-elle timidement.

– Ce n'est rien, tu le sauras pour la prochaine fois. »

Elle se leva du banc où elle lisait un livre de romance. Je lui fis signe de me suivre et rappela le chien en sifflant. Il revint trottiné sur le chemin de terre en reniflant le sol.

« Il est bien joyeux depuis qu'il s'est un petit peu rétabli.

– Oui, il est très bien dressé aussi, j'ai pu le constater.

– En effet. Te plais-tu parmi nous, Elizabeth ?

– Oui, c'est très beau ici, et paisible.

– Ta maison ne te manque pas ?

– Non pas vraiment. Depuis la mort de mon père, je n'arrive pas à me lier à ce lieu. Mon beau-père y a détruit tous mes souvenirs...

– C'est bien triste, mais tu vas bien devoir y retourner. Nous ne sommes que de passage dans cette ville.

– Vraiment ? Vous allez retourner dans votre pays, alors ?

– Tout dépendra, nous n'en sommes pas encore là cependant.

– Dépendra de quoi ? insista-t-elle.

– De beaucoup de facteurs à vrai dire, et je n'ai pas la patience de développer.

– Pourquoi ne parles-tu jamais de ton pays et ne me dit pas d'où tu viens ?

– Parce que cela ne te regarde pas et que je n'ai aucune envie de parler de mon pays. Cela est déjà suffisamment difficile de vivre ici.

– Tu as été obligé de venir ? me demanda-t-elle.

– Elizabeth ! m’énervais-je.

– Je… Je vais te laisser. Je ne t’importunerais plus, me dit-elle en s'en allant vivement. »

Je soupirai lourdement et secouai la tête de droite à gauche. Si elle continuait comme ça, Ezio ou Dimitri la jetteront dehors bien plus tôt que prévu. Le chien se frotta à ma jambe comme pour me réconforter. Je lui souris et le gratouillai à nouveau entre les oreilles.

« Faudrait vraiment que je te donne un nom. »

Il aboya, la langue pendante.

« Que dirais-tu de « Loupius » ? »

Il me répondit par un joyeux aboiement que je pris pour un oui.

« Aller viens, tu dois avoir faim. »

Plus tard, je pris un peu de temps pour moi, seule. Je commençais à étouffer avec toujours ces mêmes journées qui se succédaient. Rien d'intéressant n'arrivait jamais en dehors des engueulades avec mes camarades et de l'admiration d'Elizabeth. Il fallait également que je trouve rapidement un moyen de la calmer où je n'aurais pas le choix de la virer, ce qui est bien cruel après sa mésaventure. De plus, j'avais développé une certaine affection pour elle, que je trouvais bien rafraichissante dans la succession morne de mon existence des derniers mois.

Dimitri m'avait informé pendant le repas, que la Lune de sang, ou lune rouge pour le commun des mortels, aurait lieu courant la semaine suivante. C'était un évènement capital à l'époque mais aujourd'hui on s'en méfiait plus qu'autre chose.

Dans le temps, mes ancêtres utilisaient cette période rare pour transformer des humains en dhampirs qui leur étaient asservis. Cependant, cette pratique n'était plus à l'ordre du jour étant donné que nous avions suffisamment de gens du peuple et que nous restions caché aux yeux du reste du monde. Et puis, la servitude avait était abolit sous le règne de mon grand-père.

La lune rouge se caractérisait par une éclipse solaire et une lune pleine. Mais hormis ces phénomènes purement scientifiques et naturels, la Lune de sang marquait une période pour les vampires et les loups-garous où leur nature surnaturelle était bouleversée. Ainsi, un vampire mordant un humain pendant cette période pouvait se voir transformer par la mutation d'un gène lors de la morsure.

Mais cela, pouvait aussi se transformer en tragédie avec la mort de la personne mordue. Les loups-garous devenaient généralement fous pendant cette période et restait sur leur forme lupine pour survivre à l'écart dans les bois.

Avoir Elizabeth à nos côtés, risquerait de transformer l'ambassade en terrain de jeu pour nous vampire. Il me faudrait trouver rapidement une idée pour l'éloigner. Seulement, elle ne souhaitait plus s'approcher de chez elle. Je n'aurais certainement pas le choix que de la contraindre.

Je me dirigeai directement vers mon bureau de l'ambassade en revenant. Dans le hall d'entrée, des valises posées nonchalamment attendaient quelqu'un. Bientôt, une Elizabeth habillée chaudement arrivait avec un sac en bandoulière sur l'épaule.

« Que signifie ? lui demandai-je.

– Je retourne chez ma mère, me dit-elle d'une voix brisée.

– Est-ce à cause de notre discussion de tout à l'heure ? la questionnai-je.

– Oui... Non, ma mère a appelé pour s'excuser et me dire qu'elle avait quitté mon beau-père.

– Tu es sûre de vouloir y retourner ?

– Oui...

– Très bien, je te fais avancer une voiture dans ce cas.

– Merci, pas que pour la voiture ! Merci également pour ton hospitalité dont j'ai suffisamment abusé, me remercia-t-elle rapidement.

– Ce n'est rien, tu seras la bienvenue ici, Elizabeth. Porte-toi bien, on se retrouve à l'école, affirmai-je gentiment en la serrant gauchement d'un bras. »

Je fis signe à un vigile et lui indiquai de préparer la voiture. Je regardai Elizabeth prendre ses affaires et partir. Dimitri se plaça à mes côtés quand il nous vit. Il fit un signe de la main vers l'adolescente tout en me chuchotant à l'oreille qu'on aurait plus de problème pour la prochaine lune.

J'aurais pu la retenir d'un bras, lui dire que sa mère n'aurait jamais dû se comporter comme cela et qu'elle ne changerait jamais. Mais, je la regardai simplement partir avec les bras charger de ses biens.

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