New York, juste un rêve

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Chapitre 14

Miss Mystère :
"Mathilde !"

Ma vision se trouble une fraction de seconde pendant laquelle je pense avoir cessé de respirer. Le souvenir de cette fameuse nuit où elle gisait sur le sol me revient en mémoire. Je ne vois plus personne autour de moi. Il n'y a que Mathilde, allongée sur le sol. Je cours jusqu'à elle ! Mon coeur martèle lourdement dans ma poitrine. Les invités l'entourent. Je me fraye un chemin au milieu de ces gens attroupés. La fille a été plus rapide que moi et elle est penchée sur elle. Elle a posé les mains sur sa bouche comme si elle cherchait à retenir un sanglot. Elle semble paralysée par la situation et ne quitte pas Mathilde des yeux une seule seconde. Je joue des coudes pour m'approcher plus près de ma petite copine. Ils sont tous agglutinés autour d'elle comme des abeilles sur un pot de miel. Si l'un d'entre eux sort son mobile pour autre chose qu'appeler les secours, je le défonce ! Je m'agenouille près d'elle. Les tessons de verre parsèment le sol, mais je n'y prête pas attention. Mathilde a la peau si pâle... Je pose mes, mais sur son visage pour sentir son souffle, sur sa poitrine pour vérifier que sa cage thoracique se soulève. Ma Mathilde, si forte, si pleine de vie, est allongée là, et je tremble de peur devant cette image d'elle inanimée.

Miss Mystère :
"Mathilde...! Réveille-toi !"

Je la secoue un peu, mais je n'obtiens aucune réaction de sa part. Je commence à blêmir.

Miss Mystère :
"Quelqu'un peut me faire passer de l'eau ?! De l'eau, merde !"

Sous l'effet de la panique, je me mets à hurler comme une poissonnière. Ils sont tous agglomérés autour de nous et aucun ne se rend utile... Mais non, je suis mauvaise langue, car trois verres d'eau me sont apportés en un rien de temps ! J'applique mes mains humides sur son front et ses tempes. Elle ne réagit toujours pas.

Miss Mystère :
"Je t'en prie, réveille-toi !"

Elle s'est probablement cogné la tête. Et si elle ne se réveillait pas ?

(Arrête de dire n'importe quoi !)

Je continue de l'appeler, mais ma voix devient de plus en plus faible. Des larmes commencent à perler sous mes paupières. Je lève les yeux et aperçois Daryl, bien moins affolé que moi. Il attrape sans préambule ses jambes et les soulève. Ma respiration s'accélère. Beaucoup de monde nous encercle pour tenter de voir ce qui se passe.Trop de monde. Chacun a son mot à dire.

(Taisez-vous, bon sang !)

J'ai la sensation d'étouffer. Il me faut de l'air. Il en faut pour Mathilde. Je demande à Daryl de les faire partir. La présence de toutes ces personnes autour de nous m'oppresse. Je me sens étouffer et la panique me submerge. J'aimerais leur de s'en aller, mais je n'y arrive pas. Je lance un regard à Daryl pour le supplier d'intervenir. Il le comprend aussitôt.

Daryl :
"Ok, les gars, la fête est finie. Tout le monde dehors !"

Les invités hésitent à partir, ils traînent des pieds, râlent un peu, mais il monte le ton et nous nous retrouvons vite seuls. Il fait bonne figure, mais c'est la première fois que je le vois rudoyer ses invités. Ce n'est pas son genre, et je suspecte que l'apparition de cette fille en soit la cause. Je suis tellement choquée que je n'ai pas remarqué que Lola a posé une main sur mon épaule. Elle me lance un regard compatissant, pendant que Daryl lâche les jambes de sa soeur pour venir asperger son visage d'eau fraîche. J'ai la gorge nouée. Mon appréhension annihile toutes mes capacités physiques et mentales. Je n'arrive plus à réfléchir. Mon regard est rivé sur les paupières de Mathilde jusqu'à ce qu'elles se mettent à trembler.

Miss Mystère :
"Mathilde...?"
Daryl :
"Elle revient à elle, je crois."

Il passe son avant-bras sous la nuque de sa soeur afin de la relever un peu.

Daryl :
"Allez, la belle au bois dormant, on se réveille !"

Elle pousse un grognement. Elle semble vouloir se défaire des bras de frère, mais elle n'y a pas la force.

Daryl :
"Oh là ! Doucement, championne !"
Miss Mystère :
"C'est moi. Tu es tombée dans les pommes... Tout va bien."

Je ne suis pas sûre qu'elle m'entende, mais je ne suis pas quoi faire d'autre. Au fond, si je lui parle, c'est plutôt pour me rassurer moi-même. Mais elle ne nous répond pas. Ses yeux sont fixés sur la fille qui se tient comme une statue devant elle.

Mathilde :
"Qu'est-ce qu'..."
Miss Mystère :
"T'es tombé dans les pommes. On est chez Daryl."

Je continue de lui parler, mais mes mots s'envolent sans qu'elle paraisse les saisir. Elle ne me voit pas. Elle ne voit que cette femme. Sans adresser une parole à ma meilleure amie, je lui lance un regard de détresse. Les lèvres de Mathilde articulent alors une parole muette. Un sentiment d'appréhension intense monte au fond de moi. L'impuissance que je ressens face à la situation m'oblige à me refermer sur moi-même. Je recule un peu, tant j'ai une drôle d'impression : celle de ne pas être à ma place. Puis Mathilde retrouve la parole et un peu de couleurs. Ses sourcils se froncent et un murmure s'échappe enfin de sa bouche.

Mathilde :
"Lana...?"

(Lana...? Lana !!!)

C'est impossible ! Ça ne peut pas être elle ! Elle est morte ! Mon sang se glace dans mes veines. Une sueur froide suinte par tous les pores de ma peau. Lana est morte...!! La fille hoche la tête et ma gorge se noue instantanément. C'est cauchemars... Je vais me réveiller... Mathilde se relève péniblement. Daryl la soutient jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus se tenir debout. Je passe mon bras de l'autre côté pour l'aider à la soulever. J'ai la désagréable impression que, si je ne montre pas tout de suite qu’elle est mal placée auprès d'elle, je risque de la perdre... Elle prend une profonde inspiration. Elle n'a toujours pas quitté des yeux la jeune femme.

Mathilde :
"Lana, c'est toi...?"

Sa voix tremblotante me déchire les entrailles. Son émotion face à cette femme surpasse tout le reste, et c'est comme si je n'existais plus. Je prie intérieurement pour que la fille démente les propos de Mathilde. Tous les regards sont dirigés vers elle. Je la dévisage comme si j'avais une apparition en face de moi !

Lana :
"Oui, Mathilde. C'est bien moi..."

Elle n'a pas fini sa phrase que le monde s'écroule déjà sous mes pieds. Mathilde expire tout l'air de ses poumons, comme si on venait de lui assener un coup de point dans l'estomac. Mais l'étincelle que je lis dans ses yeux embués de larmes envoie directement un uppercut à mon petit coeur. Le choc de cette nouvelle se mélange à un soulagement et un espoir non dissimulés. Mathilde semble redécouvrir l'oxygène autour d'elle, comme si elle en avait été privée depuis la mort de cette fille. Je ne peux pas lui en vouloir. Elle qui pensait avoir tué l'amour de sa vie... Et voilà qu'elle refait surface, fraîche comme la rosée du matin. Je suis perdue, sonnée. Je ne sais pas quoi penser. Je n'arrive pas à décrypter les émotions qui me submergent. Et surtout je me demande comment c'est possible. Lana a l'air particulièrement mal à l'aise. Le contraire serait étonnant. Elle arrange une mèche de ses cheveux bruns derrière l'oreille et avance vers Mathilde, comme on le ferait avec un animal blessé.

Lana :
"Je sais que tu m'as crue morte, mais..."

Daryl interrompt Lana et l'empêche d'approcher de sa soeur en s'interposant entre elle et Mathilde. J'ai envie de me secouer comme une furie pour me sortir de la léthargie qui me submerge. Pourquoi cette fille s'approche-t-elle de Mathilde ainsi ? Est-ce qu'elle compte l'embrasser ? La prendre dans ses bras ? Et pourquoi l'a-t-il empêchée de s'approcher davantage de Mathilde ? Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? En sait-il plus que moi à ce sujet ?

Daryl :
"C'est quoi ce délire, Lana...? On était à ton enterrement, putain !"

Sa voix claque dans l'air. Je n'ai l'ai jamais vu comme ça, ses grands yeux noirs arrondis par la surprise.

Daryl :
"ce n’est pas croyable, bordel !"
Lana :
"Je sais... Laissez-moi vous expliquer."

(En effet, quand on revient d'entre les morts, ça mérite quelques petites précisions !)

Daryl :
"Ouais, explique-toi. Parce que là, pour moi, t'es un putain de zombie !"

Il me jette un regard compatissant qui m'arrache un gémissement involontaire. Puis il s'attarde sur Lola.

Daryl :
"On monte à l'étage, on sera plus tranquille."

D'un simple regard, Lola est mise à l'écart. Il se rapproche d'elle.

Daryl :
"Je t'appelle un taxi, ma belle."

Lola me lance un appel au secours muet. J'ai besoin de son soutien. Je vais devoir faire face à des choses difficiles et je ne me sens pas le courage de les affronter seule. Elle est la seule qui peut comprendre l'état dans lequel je suis.

Lola :
"Tu me jettes dehors ?"
Daryl :
"Désolé, ma belle. On a une affaire de famille à régler."

Elle est contrariée, mais son visage montre plutôt de l'inquiétude.

Lola :
"Hors de question que je laisse ma meilleure amie ici."
Miss Mystère :
"Merci Lola, j'apprécie beaucoup."

Elle me prend à l'écart pour que personne ne puisse nous entendre. Les mains sur mes épaules elle me à la regarder bien en face.

Lola :
"Si tu as besoin de moi, je ne bouge pas d'ici !"

Je déglutis.

Miss Mystère :
"T'inquiètes, rentre chez toi, ça va aller."

Elle jette un coup d'œil inquisiteur à Lana, avant de se pencher à nouveau vers moi.

Lola :
"Ça me fait mal de te laisser. Cette fille m'inspire moyennement confiance."

Je suis surprise par les mots de mon amie, qui détaille Lana de la tête aux pieds.

Miss Mystère :
"Je t'appelle pour te tenir au courant."

Elle capitule à contrecœur.

Lola :
"Si tu ne m'appelles pas d'ici une heure, je débarque ici !"

Mon amie m'étreint avant que Daryl ne la raccompagne au portail. Je me retrouve seule avec Mathilde et Lana. Génial ! Le silence a toujours été angoissant pour moi. Je n'ai absolument rien à dire, mais je me force à combler le vide.

Miss Mystère :
"On va monter t'allonger, Mathilde. Tu as dû te cogner la tête."

Elle ne me répond pas et je continue à énoncer des banalités, tout en m'inquiétant pour elle. Elle est toujours livide. Elle a beaucoup de mal à tenir debout. Je la sens si faible... Il vaudrait mieux qu'elle s'assoie quelque part. Je m'inquiète de son état.

Miss Mystère :
"Tu devrais t'asseoir."

Son attention se reporte sur Lana et ses jambes se mettent à chanceler. Lana se précipite sur elle pour la soutenir. Je m'interpose avant qu'elle ne la touche à nouveau. Elle encore sous le choc. Mieux vaut qu'elle évite trop de proximité avec elle, avant, qu'elle puisse se remettre de son retour...

Miss Mystère :
"Je crois que je vais m'occuper de ça. Laisse."

Je fais signe à Lana de lâcher sa prise et je prends sa place pour soutenir Mathilde. Elle recule d'un pas, visiblement bien consciente que sa présence est trop perturbante pour elle.

Lana :
Je suis désolée..."

Embarrassée, elle croise les bras sur sa poitrine.

(Oui, elle a de quoi !)

Ce n'est pas sans peine que je l'aide à rentrer dans la maison, refusant pour l'instant l'aide de Lana. J'ai un bon entraînement, mais elle fait quand même deux fois ma largeur, et une bonne tête de plus que moi... En plus on ne peut pas dire qu'elle m'aide beaucoup, car ellechancelle plusieurs fois. Heureusement Daryl nous rejoint et soutient sa soeur de l'autre côté. Nous arrivons enfin dans la chambre de Daryl. Mathilde s'assoit sur le bord du lit. Les mains sur les cuisses elle regarde bizarrement le sol. Comme si la chambre tournait autour d'elle.

Miss Mystère :
"Tu veux un verre d'eau ?"

Elle hoche la tête faiblement. Je me dépêche de lui apporter un verre. Elle y trempe à peine les lèvres avant de me le rendre. Je m'assieds à ses côtes en lorgnant Lana. Mathilde ne serait pas dans cet état sans son intervention. Je ne la connais pas, mais elle lui a fait du mal, involontairement peut-être, et je ne peux m'empêcher de lui en vouloir. Elle est restée en retrait, appuyée contre le mur. Elle triture ses mains, sans cesser de fixer Mathilde une seconde. Daryl fait les cent pas dans la pièce. Il me donne le tournis. Il semble lui aussi perturbé par les événements.

Daryl :
"Tu nous dois des explications, Lana."

Je prends la main de Mathilde dans la mienne pour manifester mon soutien. Ses doigts sont moites et mous. Elle se laisse faire sans réagir. Je me demande même si elle a conscience que je suis dans cette chambre près d'elle... Lana remarque mon rapprochement et pousse un léger soupir. La tension dans la pièce est palpable.

Mathilde :
"Lana, je t'ai enterrée..."

Sa voix se brise et mon ressentiment envers cette fille augmente encore. Je n'ose pas imaginer les émotions qui la submergent. J'ai trop peur de ne pas pouvoir l'aider... Elle aimait Lana. Si la mort ne les avait pas séparés, elle l'aimerait encore, et nous ne serions pas ensemble. Je reçois une vive décharge dans le coeur, comme si on ne me plantait un couteau dans la poitrine. Je ne peux contenir la colère et la peur qui montent en moi. Est-ce qu'elle se rend compte du traumatisme que sa disparition a causé à Mathilde ? J'ai envie de crier, de hurler, de la protéger ! Je l'ai vu si abattu quand ses démons sont revenus la hanter... Je ne pensais pas qu'elle pourrait un jour se matérialiser devant elle ! Je me souviens des paroles de Daryl comme si c'était hier : "Il y a des choses si douloureuses qu'elles doivent rester dans l'ombre... parce qu'elles le détruiraient si elles resurgissaient dans sa vie..."

Daryl :
"On t'écoute, Lana."
Lana :
"Je n'ai pas eu le choix... Ma mort était la seule issue possible pour quitter le gang. Je ne pouvais plus continuer comme ça... J'étais sous l'emprise de mon frère, j'étais complice de ses crimes."

Elle se défend avec sincérité. Elle se décolle du mur et gesticule, pendant qu'elle nous livre ses explications.

Daryl :
"Attends, attends... T'es en train de m'expliquer que t'as planifié l'accident de moto ? T'as voulu faire buter ma sœur ou quoi ?

Sa colère monte progressivement. Je lui suis reconnaissante d'exprimer mes propres ressentiments.

Lana :
"Non ! Bien sûr que non ! Je n'ai jamais voulu faire de mal à Mathilde ! Elle était tout ce que j'avais de bon dans ma vie !"

Un silence pesant envahit la pièce. Chacun de nous fixe un point dans le vide, pour ne pas avoir à croiser nos regards.

Lana :
"Vous devez comprendre... L'accident, c'était ma seule chance de sortir du gang. Je devais en profiter."

(En profiter ?! Elle a oublié que Mathilde a failli y rester ?!)

Lana :
"Je... J'ai profité de l'accident de moto pour simuler ma mort."

J'ai vraiment du mal à comprendre comment on peut en arriver à simuler sa mort, et comment on peut abandonner la femme qu'on aime à son triste sort...

Miss Mystère :
"Comment tu as pu abandonner Mathilde comme ça ? Elle est restée à l'hôpital, inconsciente, pendant des jours !"

Elle m'adresse un bref regard, puis ses yeux se reportent sut son frère. Elle sait que nous avons parlé d'elle, avec Daryl...

Lana :
"Je n'avais pas le choix ! César m'aurait tuée autrement !"
Daryl :
"Putain ! Arrête avec tes conneries ! On a toujours le choix ! César est un bouffon ! Mes gars t'auraient protégée !!!"
Mathilde :
"Je me suis rendu sur ta tombe...!"

Elle blêmit face à la détresse de Mathilde. Et moi aussi. Sa voix vient d'interrompre brutalement l'échange entre elle et son frère. Mathilde pousse un juron et passe une main sur son visage, avant de soupirer lourdement.

Lana :
"Il fallait que ma mort paraisse évidente."
Daryl :
"Et putain, t'as réussi ton coup !"

Elle ignore sa remarque acerbe et porte son attention exclusivement sur Mathilde.

Lana :
"C'est ma mère qui m'a aidée à sortir de l'hôpital avec la complicité de la police."

Daryl se fige. La colère explose dans ses yeux. Je ne l'ai jamais dans un tel état de nerf !

Daryl :
"Et t'étais là ? Pendant tout le temps où on te croyait morte, tu te marrais dans ton coin ?"
Lana :
"Non, Daryl ! Je me planquais en Europe !"

Il se remet à parcourir sa chambre de long en large. Il lève les bras au ciel, essayant de comprendre.

Daryl :
"C'est une putain de mauvaise blague..."

Je n'arrive pas à décrypter ses sentiments. Je ne sais pas s'il croit vraiment à toute cette histoire. Mais je vois dans ses yeux l'envie d'y croire. Et puis c'est un énorme poids qui glisse de ses épaules. Elle n'est plus morte, elle n'a plus à se sentir responsable.

Mathilde :
"Pourquoi tu ne m'as rien dit Lana ? Bon sang..."

Il n'y a rien de plus difficile que de voir sa femme souffrir, et de n'être qu'une simple spectatrice...

Lana :
"Tu sais bien que mon frère ne fait de différence entre sa sœur ou un autre membre du gang. Si j'avais pris le risque de te contacter et que ça arrive jusqu'à lui... Il m'aurait tuée."

Elle soupire, dévastée par ses propres décisions.

Lana :
"Il ne prend pas la loi du gang à la légère ! Tu parles, tu meurs ! Tu pars..."
Mathilde :
"...tu meurs."

Je ressens un insidieux pincement au cœur. Je déteste qu'elles finissent les phrases l'une de l'autre.

Mathilde :
"On aurait trouvé un moyen... Tu n'aurais pas dû..."
Lana :
"Tu sais bien que non. Je t'aurais mis en danger. Moins tu en savais, mieux c'était."

Daryl me lance un regard compréhensif. Mais pourtant son regard sur Lana semble moins dur. Elle est encore sous le choc des retrouvailles, mais elle tente de garder la tête froide.

Daryl :
"ce n’est pas en te barrant que tu nous as mis à l'abri."
Lana :
"Je ne voulais pas en arriver là ! Vous croyez que c'est facile de faire la morte ? De disparaître et de ne plus contacter personne ?"

Elle pousse un râle attristé, mais j'ai du mal à la plaindre. Elle a mis Mathilde en danger. Dans tous les cas, en fuyant seul, elle l'a abandonnée.

Lana :
"Je me suis retrouvée toute seule, sans pouvoir n’en parler à personne."

(Oh ma pauvre... Ça a dû être dur...! T'as pas pensé que Mathilde souffrait à l'hôpital ? Tu ne t'es pas dit que tu lui causerais un traumatisme, non ?)

Daryl :
"Tu nous as tous foutu dans la merde, Lana. Ton pourri de frère tient Mathilde pour responsable de ta mort. Tu le savais ça ?"

Il s'avance vers elle, le regard étrange. Il s'approche pour la regarder de plus près.

Daryl :
"Tu croyais franchement que ton plan allait l'épargner ? Tu ne t'es pas dit que, comme Mathilde conduisait cette putain de bécane, elle serait forcement tenu pour responsable ?"

Lana semble complètement décontenancée par les arguments de Daryl. Je n'éprouve toujours pas la moindre empathie pour elle.

(Est-ce ça fait de moi un monstre ?)

Lana :
"Je... je n’ai pas pensé à ça. Il fallait que je prenne une décision rapidement, j'étais complément perdu !"
Daryl :
"T'aurais dû prendre le temps de la réflexion parce que t'as fait de gros dommages collatéraux..."

Mathilde baisse les yeux sur ses mains. Elle a l'air si mal et je me sens si impuissante... Lana hésite un instant puis avance doucement vers elle. Mon rythme cardiaque s'accélère. Je fais quoi ? Je la laisse faire ? Hors de question de la laisser s'approcher davantage et qu'elle lui fasse son numéro de séductrice. Je dois lui montrer que ce n'est plus sa place, à présent. Mathilde est avec moi, elle a refait sa vie. Du moins elle essaie...

Lana :
"Tu dois me croire !"

Mathilde lève les yeux sur Lana. Elle prend ça comme une autorisation à s'avancer davantage. Et sans me laisser le temps de m'en offusquer, elle se retrouve à genoux devant Mathilde. Je l'observe faire sans savoir vraiment comment je dois réagir. Son attitude me choque, mais je ne sais pas comment réagir sans blesser Mathilde. Pour l'instant elle est ma priorité numéro un. Je ne voudrais pas risquer de la brusquer davantage.

Lana :
"Tu dois me comprendre. Je n'ai jamais voulu en arriver là. J'étais effondrée quand je suis partie..."

Mathilde la fixe intensément et des larmes commencent à embuer ses yeux. Je retiens la douleur qu'elles provoquent en moi. Elle pleure pour elle !

Lana :
"Tu m'as tellement manqué. Il n'y a pas un jour où je n'ai pas pensé à toi, à nous..."

Elle pose ses mains sur les siennes et la jalousie finit par envahir tout mon être. Je suis incapable de penser à la douleur de Mathilde ou à celle de Lana. Seule ma rage l'emporte à cet instant. Si elle la touche une de plus, je n'aurais qu'une envie, la boxer.

Miss Mystère :
"Ok, on a compris ! Ça suffit maintenant !"

Des sanglots obstruent ma gorge. Je suis à deux doigts d'exploser en larmes ! Je me sens prise entre deux feux. Je ne peux pas me plaindre face à Mathilde, alors qu'elle vient de subir un choc d'une ampleur hallucinante. Mais je ne peux pas non plus ignorer que ma présence auprès d'elle est menacée par cette fille, absolument superbe, qu'elle a aimée. Daryl m'adresse un regard plein de compassion qui confirme mes doutes. L'arrivée de Lana est en train de me pousser vers la porte de sortie. Je ne me sens plus à ma place. Et une pensée inavouable et terrible m'envahit : je préférais qu'elle soit morte pour de vrai ! Je me dirige jusqu'à la fenêtre. Je regarde le ciel étoilé, le cœur gros. La situation m'échappe encore une fois... Encore une fois je vois Mathilde s'éloigner de moi et je ne peux rien faire.

Daryl :
"T'as apprécié tes vacances en Europe, au moins ?"

Son ton est ironique. Il a changé d'attitude envers elle et semble bien plus méfiant que compréhensif. Je ne suis donc pas la seule à rester sur mes gardes. Mais, si l'attitude de Daryl me réchauffe le cœur, celle de Mathilde la découpe en petits morceaux. Mathilde et Lana se regardent comme si elles étaient enfermées dans une bulle. Dans "leur" bulle... Je n'ai trouvé que ça pour rompre cette espèce d'échange qui n'appartient qu'à eux. La complicité entre Mathilde et cette fille nous projette, moi et mes rêves, loin, très loin d'elle. Cette évidence détruit le dernier espoir qu'il me restait. Le verre d'eau s'échappe de mes mains et explose en morceaux sur le sol. Lana sursaute, mais reste tout de même près de Mathilde.

Lana :
J'en suis venue à détester l'Europe. C'était une prison à ciel ouvert."

(Paris, Vienne, Amsterdam... On peut pas dire que l'Europe soit la pire des destinations pour occuper son temps !)

Mathilde :
"T'as regretté...? Ce que t'as fait, à moi, à Daryl ?"

Sa voix semble déchirer l'atmosphère, tant elle est brisée et rocailleuse. Elle n'arrive pas à s'en remettre.

Lana :
"Non, mais j'ai beaucoup pensé à toi. Je ne savais pas que mon frère serait après toi. Je croyais faire au mieux, à ce moment-là."

Elle reprend son souffle, avant de baisser les yeux, honteusement.

Lana :
"Mais... je regrettais chaque minute de mon passé dans le gang."

Tout cela sonne terriblement faux. Comme si elle exagérait chacune de ses émotions. J'ai toujours eu une bonne intuition et je suis sûre qu'elle ment. Mais pourquoi le ferait-elle...? Pourquoi revenir se confronter à son frère, si elle voulait vraiment tirer un trait sur son passé ? Quelque chose cloche. De toute évidence il nous manque une partie à l'histoire. Elle va devoir montrer patte blanche pour je la crois à 100%.

Lana :
"J'ai essayé de me racheter pour tout ça. J'ai suivi une formation, d'infirmière. Je voulais aider les autres, me sentir utile, faire quelque chose de bien !"

(J'hallucine ! Elle va vraiment nous la jouer : "Je me suis remise en question et j'ai décidé d'aider le monde" ?)

Daryl :
"ouais, si tu le dis..."
Miss Mystère :
"Mère Thérésa doit te saluer de là-haut !"

Mathilde me jette un drôle de regard. Je suis sans doute allée trop loin. Mon attitude m'insupporte moi-même, de toute façon.

Daryl :
"Si je comprends bien, t'es partie faire tes études à l'étranger et tu reviens parce que quoi...? Maman ne paie plus tes frais de scolarité ?"
Mathilde :
"Daryl, putain ! Laisse-la parler !"

Ça y est, elle prend son parti ! C'est sûrement à cause du choc. C'est ça.

Lana :
"Je comprends ta Daryl. J'ai merdé sur toute la ligne..."
Miss Mystère :
"Ta mère sait que t'es là ?"

Je veux comprendre ses intentions. Est-ce que c'est Mathilde sa priorité, ou autre chose ?

Lana :
"Oui, c'est elle qui m'a dit pour mon frère ! Et que le gang était démantelé."
Miss Mystère :
"T'aurais pu téléphoner avant de venir, y aller en douceur, plutôt que de débarquer comme ça !"

Elle m'adresse un regard confus. Ok, elle n'avait peut-être pas leur numéro, depuis le temps... Je croise les bras sous ma poitrine en soufflant. Ok, elle pourrait être la fille la plus gentille de la planète, je la détesterais quand même.

Daryl :
"C'est pas si simple, Lana ! César est en tôle, mais il a encore des gars à l'extérieur qui sont prêts à se foutre en l'air pour lui."

Lana est idiote de croire qu'elle ne risque plus rien. Elle s'est montrée aux yeux de tous, ce soir. En quelques heures toute la ville sera informée de son retour. Et son frère aussi ! Alors deux solutions : soit est bête, soit son histoire ne tient pas la route.

Lana :
"C'est un risque d'être revenue, je le sais !"

Elle prend une profonde inspiration et plonge son regard dans celui de Mathilde.

Lana :
"Mais je pouvais plus continuer à me cacher, loin de chez moi, loin de Mathilde..."

(Je vais la tuer ! Ou l'enfermer dans un avion, direction la Sibérie !)

Mathilde a des sentiments sincères pour moi. Lana, c'est de l'histoire ancienne, n'est-ce pas ? Elle avait fini par tourner la page, même si ça lui a pris du temps. Elle peut rester et renouer des liens avec elle, sans pour autant reprendre là où elles se sont quittées...

(Bon dieu... Est-ce que j'y crois une seconde...?)

Que va-t-il se passer maintenant qu'elle est revenue ? Va-t-elle retomber dans ses vieux démons ? Et si elle retombait amoureuse d'elle ? Si ses sentiments n'étaient pas éteints ? Peut-on vraiment ne plus rien ressentir pour une personne qu'on a ardemment aimée...? Je suis complètement déboussolée par tout ça. J'ai envie de rentrer chez moi pour ne pas voir le visage de cette femme une minute de plus. J'ai besoin de calme et de repos. Et à en juger par la mine de Mathilde, elle aussi.

Miss Mystère :
"J'en ai assez entendu pour aujourd'hui. Je crois qu'il est temps de rentrer, de digérer tout ça et d'en reparler à tête reposée."
Daryl :
"Ouais, on a tous besoin de digérer tout ça... Lana, tu devrais rentrer chez toi pour cette nuit."
Lana :
"Je suis désolée..."

(Elle pourrait arrêter de s'excuser et de se faire passer pour une victime ?)

Je m'avance vers ma petite amie et m'assieds à côté d'elle. Elle ne semble même pas me voir. Mes doigts se posent délicatement sur son jean. J'ai peur qu'elle réagisse mal à ce geste d'affection, mais je presse ma paume un peu plus contre sa cuisse. Elle ne me répond pas, comme si tout son corps était paralysé.

Miss Mystère :
"Je te raccompagne chez toi, Mathilde ?"

J'ai chuchoté, mais Daryl et Lana attendent sa réponse. Elle passe une main sur mon visage puis cligne dès plusieurs fois des paupières.

Mathilde :
"Je crois que je vais rester là pour cette nuit. Je ne me sens pas en état de bouger."

J'ai l'impression de me prendre une claque magistrale dans la figure. Elle me tient à l'écart et je déteste ça. Qu'elle reste loin de cette fille, je le comprends, mais de moi...?

Daryl :
"C'est mieux comme ça ! Mathilde va rester chez moi. Je vous raccompagne."

Une boule à l'estomac opprime ma respiration. Je dois la laisser se remettre de ses émotions, mais ne pas savoir ce qu'elle ressent m'angoisse terriblement. Mathilde évite mon regard, mais je refuse de partir sans un geste de sa part, une parole réconfortante, un regard... Je me penche vers elle et prends son visage en coupe entre mes mains pour qu'elle croise mon regard. Un voile de tristesse et de détresse assombrit ses yeux si pétillants d'habitude. Je dépose un léger baiser sur ses lèvres et c'est à peine si sa bouche me répond. J'aimerais rester pour la réconforter. Daryl ouvre la porte de sa chambre puis glisse une main sur mon épaule pour me laisser passer devant.

Daryl :
"Lana, toi aussi !"

Je me retourne. Elle est toujours plantée devant Mathilde. Qu'est-ce qu'elle croyait ? Qu'elle allait passer la nuit avec ma petite amie ? Lana hoche la tête faiblement avant de lui murmurer quelques mots. Sans un regard de Mathilde, elle finit par nous suivre jusqu'en bas. Arriver sur la terrasse Daryl m'arrête en me saisissant par le bras.

Daryl :
"T'inquiète pas. Je vais prendre soin d'elle."

Il a ses torts, mais je sais que dans une telle situation il va assurer. Je n'aurais jamais pensé ça avant, mais je crois qu'il est la seule personne sur qui je peux compter, dorénavant. Il semble lire dans mes pensées.

Daryl :
"T'inquiète pas, ma belle. Elle va se remettre. Je te promets de veiller sur elle à ta place. Tu peux rentrer tranquille."

Lana est campée derrière Daryl. Elle entend tout ce qu'il me dit, mais il ignore pour l'instant sa présence. Je me blottirais volontiers dans les bras de mon ami, si elle n'était pas là, mais je n'ai pas envie qu'elle se fasse de fausses idées... Dans mon désespoir les mots de Daryl me font du bien. Je souris, rassurée. Après tout, il est la personne qui connaît le mieux Mathilde. Il a probablement raison. Elle a juste besoin de faire le point et de rester un peu seule. Qui n'en aurait pas besoin après un truc pareil ?!

Daryl :
"Maintenant, rentre et repose-toi. Je t'appelle s'il y a un problème."

Je hoche la tête en guise de réponse. J'ai trop peur de ne pas pouvoir retenir mes sanglots devant Lana. Daryl me presse le bras et contracte sa mâchoire. La compassion qui se lisait sur son visage se transforme instantanément en colère vive. Il se retourne brusquement sur Lana et se fait menaçant.

Daryl :
"Quant à toi, on va avoir une petite discussion."

Il n'est pas du genre à s'énerver, mais les rares colères froides que je lui connais viennent à bout des plus téméraires. Lana ne fait pas la fière face à lui. Je ne le serais pas si j'étais à sa place.

Lana :
"Je sais..."

Je n'en peux plus de la voir se confondre en excuses. C'est un peu tard ! Je pose ma main sur l'épaule de Daryl. Il relâche la tension qui le submergeait et expire profondément.

Daryl :
"ce n’est pas la seule à accuser le coup, Lana..."

Les grands yeux sombres de Lana fixent le vide.

Lana :
"C'était une erreur de venir à l'improviste. Je n’aurais pas dû..."

Daryl :
"Maintenant c'est fait ! Mais faut nous laisser du temps."

Laisser du temps... je n'arrête pas de me le répéter, depuis que je suis avec Mathilde. Mais quand est-ce que nous pourrons enfin profiter du temps, au lieu de le laisser filer ?

Daryl :
"Faut que je remonte. Je ne préfère pas la laisser seule."

Il se penche sur mon visage et me dépose un baiser sur la tempe, puis repart aussitôt à l'intérieur de la maison, me laissant seule avec Lana.

(Oh non !)

Elle et moi nous nous regardons sans prononcer un mot. L'angoisse ! Elle m'adresse un sourire poli et sa beauté ne me m'échappe pas. Lana est une très belle femme. Le teint mat, les traits fins et les cheveux épais et brillants. Et comme si ça ne suffisait pas, elle a en plus le corps d'une déesse... Je n'ai ni la force ni l'envie d'être polie et je m'éloigne au plus vite de cette femme. Plus je m'en tiendrai loin, mieux je me porterai. Elle me suit. Plus vite j'aurais quitté la propriété, plus vite elle sera loin de Mathilde. J'accélère le pas.

Lana :
"Miss Mystère, c'est ça ?"

Je n'arrête pas ma course vers la sortie. Elle veut faire la conversation, moi pas !

Lana :
"Attends ! S'il te plaît..."

Elle prononce mon prénom comme si nous nous connaissions. Ce qui m'agace profondément ! Je fais volte-face pour l'écouter. À contrecœur...

Miss Mystère :
"Je t'écoute."

Je suis obligée de me forcer un peu pour sortir de cette impasse.

Lana :
"Je suis vraiment désolée, tu peux me croire ! Je me doute que revenir comme ça ce n’est pas évident, ni pour Mathilde, ni pour toi !"

Encore des excuses ! À force de les répéter, ses excuses perdent en sincérité. C'est un disque rayé dont se lasse.

Miss Mystère :
"Mathilde te croyait morte depuis longtemps. Alors oui, on est tous un peu sous le choc !"
Lana :
"Les circonstances nous ont séparés. Nous étions très poches et tellement soudés, elle et moi..."

(Les circonstances ?)

Est-ce qu'elle cherche à me rappeler qu'ils seraient toujours ensemble si elle n'avait pas pris la poudre d'escampette ? Je le sais déjà, mais je suis curieuse de savoir ce qu'elle cherche à me dire. Joue-t-elle déjà un double-jeu, en espérant me faire comprendre que Mathilde lui appartient depuis toujours ? Je fais mine d'être compréhensive et intéressée par ses propos afin qu'elle me confie à moi davantage. Et si elle croit que je vais tomber dans le panneau, c'est tant mieux !

Lana :
"Je comprends la réaction de Mathilde... Nous avons vécu tellement de choses ensemble ! Les sentiments ne s'effacent pas comme ça. Ça dut être difficile pour elle de m'oublier... C'était impossible pour moi en tout cas."

Je reste sans voix devant son monologue. Elle croit peut-être que Mathilde ne m'a jamais confié sa peine.

Lana :
"Nous nous aimions tellement !"

À quoi elle joue ? Elle veut se rapprocher de moi ou quoi ? Devenir ma BFF ? Je ne compte pas la plaindre ou la manager. Ce qu'elle a fait est un acte d'un pur égoïsme ! Qu'elle ne compte pas sur moi pour la rassurer. Qu'elle ne compte pas non plus sur moi pour jouer à la compétition. Mathilde tient à moi, il n'y a pas de choix à faire, elle appartient au passé.

Miss Mystère :
"Je peux te parler en toute honnêteté ?"

Elle acquiesce vivement.

Miss Mystère :
"Ta prétendue mort a été très douloureuse pour Mathilde. Elle a eu du mal à s'en remettre pendant des années. Même encore, aujourd'hui, il lui arrive d'y penser. Tu n’aurais pas dû revenir de cette façon."

Elle m'écoute attentivement.

Miss Mystère :
"Mathilde s'est beaucoup confiée à moi sur votre histoire. Jusqu'à moi, elle ne s'était jamais engagée dans une relation sérieuse."

Elle blêmit légèrement.

Miss Mystère :
"Tu l'as marqué. Marqué au fer rouge. Il y une faille énorme dans son coeur, depuis cette nuit où elle a perdu le contrôle de sa moto. C'est quelque chose qu'elle trimballera toujours avec elle. Elle s'est détruite pendant des années à cause de ça. Alors je peux comprendre que ça n'a pas été facile pour toi non plus. Mais ne t'attends pas à ce qu'elle t'accueille à bras ouverts. Et ne t'inquiète pas, elle est bien entourée, elle s'en remettra."
Lana :
"Je suis revenue maintenant et je ne l'abandonnerai plus une deuxième fois."

D'après le ton qu'elle emploie, j'ai l'étrange sentiment de sentir une menace sous ses paroles bienveillantes. Comme si elle cherchait à être gentille avec moi, tout en étant désagréable.

Miss Mystère :
"Je sais. Et nous serons là, Daryl et moi, pour nous assurer que tout se passe bien."

(Sous-entendu : tu vas tomber sur un os si tu penses pouvoir la manipuler.)

Lana :
"Je pense qu'on se reverra bientôt."

(Ah bon ?)

Miss Mystère :
"Bon courage..."

Elle me sourit hypocritement. J'en fais de même. Les doutes que j'avais semblent bien fondés, je n'aime pas son attitude.

Lana :
"Bonne soirée."

Je fais un signe de tête sans pour autant lui répondre. Sérieusement elle se prend pour qui cette fille... Elle se croit supérieure aux autres alors quand faite elle débarque de nulle part ! Non, mais je rêve ...

Ce matin, je redoute mon arrivée au travail. Toute la nuit j'ai été tentée d'appeler Mathilde. J'ai même commencé à taper un message, puis je l'ai effacé. J'ai recommencé plusieurs fois. Je ne voulais pas paraître collante, trop effrayée de perdre ma place auprès d'elle. Je me serais montré très égoïste. Je me suis endormie très tard. Quand mon réveil a sonné, je ne l'ai pas entendu. En moins de vingt minutes, j'ai eu tout juste le temps de prendre une douche. On ne me suivra pas la trace, c'est déjà ça... C'est avec soulagement que je constate que Mathilde est déjà à son bureau, lorsque je traverse l'open space. Je m'approche d'elle et elle lève la tête dans ma direction. Comme je m'y attendais elle toujours aussi pâle, les yeux cernés et la mine sombre. Comme à chaque fois que je la vois, je n'ai qu'une envie : me lover contre elle et renifler son odeur de mauvaise fille. Et, comme ça m'arrive souvent, je ne prendrais pas le temps de réfléchir, je réagis à l'instinct en me jetant à son cou ! Je l'étreins si fort que je manque de l'étouffer.

Miss Mystère :
"Ça va ?"

(Quelle idiote ! De toutes les questions que je pouvais poser, j'ai choisi la plus stupide ! Bravo !!! Vraiment, BRA-VO !)

Mathilde :
"Ça pourrait allait mieux..."

Elle a le mérite d'être franche. Et moi je me sens ridicule. Je crois que j'ai mérité de recevoir le prix de la meilleure cruche du siècle ! Avec bienveillance, je pose doucement ma main sur son épaule. J'ai alors l'impression de la sentir s'échapper sous mes doigts. Son attitude me fait l'effet d'une douche froide. Je n'ai plus du tout envie de l'enlacer. J'ai plutôt envie de pleurer. Elle ne sait jamais comportée de cette manière avec moi. C'est toujours la première à chercher le contact, pendant que je vérifie nerveusement autour de nous que personne ne regarde. Je dois me rendre à l'évidence, ce que je redoutais commence à se réaliser : le retour de Lana est en train de chambouler notre relation. Elle n'était déjà pas évidente avec tous les problèmes qui nous tombaient dessus. Je ne peux pas croire que les moments passés à Long Island ne signifient plus rien pour elle, à présent. Je sais qu'elle m'aime. Notre couple peut trembler à cause de Lana, mais il ne s'effondrera pas. Je dois m'en convaincre ! Rien ne sert de tourner autour du pot. Si je veux savoir ce qu'elle ressent, je dois le lui demander.

Miss Mystère :
"T'as réussi à dormir, hier ?"

Elle ne lève pas la tête de son écran et m'adresse un faible grognement. Je la connais assez maintenant pour comprendre qu'elle vient de s'enfermer dans sa grotte, et que je ne suis pas invitée à l'y rejoindre. Ses vieux démons l'éloignent de moi. Enfin, disons plutôt que Lana m'éloigne de Mathilde ! J'aimerais que tout redevienne comme avant pour la fille que je connais, drôle, taquine, attentionnée et sexy.

Miss Mystère :
"Tu sais, je sais que ce n’est pas facile, et que le retour de Lana est un choc, mais tu dois continuer à vivre."

Nouveau grognement. Décidément je vais finir par penser qu'elle s'est métamorphosée pendant la nuit ! La faire parler c'est tout un art. Alors, la faire parler qui n'en a pas envie, ça relève de l'exploit !

Miss Mystère :
"Et si nous allions manger chez Felipe à midi ? Histoire de se vider un peu la tête ?"

Elle m'adresse un regard confus.

(Aïe !)

Mathilde :
"Je ne pourrais pas !"
Miss Mystère :
"Oh... Tu as autre chose de prévu...?"

Elle passe la main dans sa tignasse, comme à chaque fois qu'elle est embarrassée.

Mathilde :
"Je dois voir Lana."

(QUOI ?!)

Si une lame aiguisée m'avait traversé l'estomac, je n'aurais pas aussi mal !

Miss Mystère :
"Lana ? Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Tu devrais attendre un..."
Mathilde :
"Je dois la voir."
Miss Mystère :
"Wow ! Ok ! Je n'ai rien à dire, donc..."
Mathilde :
"Ne le prends pas mal, mais j'ai besoin de mettre les choses à plat entre elle et moi. Je dois déchiffrer tout ça. Tu comprends ?"

(Voyons, pourquoi je le prendrais mal ? Tu es juste en train de m'éloigner de toi une fois de plus...)

Je ne sais pas quoi ressemble mon expression en cet instant. Mais ça ne l'empêche pas de poursuivre.

Mathilde :
"Elle me doit explications. Si je n’en parle pas avec elle, c'est juste... c'est juste que ce ne sera pas possible pour moi d'aller de l'avant."

Je déglutis, mal à l'aise à l'idée qu'elle déjeune seule avec Lana.

Miss Mystère :
"Je comprends."
Mathilde :
"Ok, c'est cool."

(Ouais, super cool ! Ma nana déjeune avec son ex, l'ancienne femme de sa vie, la nana super canon qui veut la reprendre... Super cool, en effet !)

Elle se retourne vers son bureau. Le débat est clos. Je n'ai absolument aucun contrôle sur le drame qui est en train de se jouer sous mes yeux. Elle a enfilé son manteau et a franchi les portes de l'ascenseur. Je l'ai vu partir pour la retrouver et mon coeur a explosé. C'est la colère qui m'assaille en premier. J'ai envie de frapper contre le mur. Elle débarque à peine et me voilà reléguée au second plan ! J'ai beau comprendre le besoin que ressent Mathilde de la voir, je ne peux pas m'empêcher de considérer cette fille comme une menace. Si j'étais à la salle de boxe, je mettrais en miette le punching-ball. Mais, au bureau, c'est le mur qui prend les coups. Je frappe sans réfléchir du poing et du pied contre le béton du couloir. La douleur physique n'atténue malheureusement pas ma peine. Je sanglote comme une idiote dépassée par les événements, avant de me relever péniblement. Heureusement les couloirs sont vides et tous les employés sont sortis déjeuner. Personne n'est là pour constater à quel point je suis pitoyable. Des images envahissent mon esprit. J'imagine Mathilde et Lana à leur rendez-vous... Et si elles essayaient de rattraper le temps perdu ? Et si Mathilde retrouvait les sentiments qu'elle avait pour elle ? Et si cette garce l'embrassait ? Et si elle prenait plaisir à son baiser ? Et si elle ne m'aimait plus ?

Colin :
"Salut, Miss Mystère !"
Miss Mystère :
"Salut..."

Il remarque mon air triste, mais il n'est pas du style à me prendre chaleureusement dans ses bras pour un câlin réconfortant.

Colin :
"T'as pas vu Mathilde ?"

Il ne me faut pas plus que l'évocation de son nom pour fondre en larmes ! Il me regarde, éberlué par les sanglots qui me secouent tout entier.

Colin :
"Euh... qu'est-ce que j'ai dit ?"

Je n'arrive plus à me retenir. Mes pleurs augmentent. Mon angoisse aussi. Je plonge dans ses bras pour y cacher mon chagrin. J'ai besoin de réconfort, peu importe qu'il soit consentant ou non. Même s'il paraît froid et distant, je sais qu'au fond de lui c'est quelqu'un de bien, qui n'aime pas voir les autres souffrir. Mathilde ne serait pas amie avec lui si c'était un connard, de toute façon. Colin cherche à se dégager, mais je maintiens ma prise. Juste une minute ! Il a les bras ballants le long de son corps. Il est atrocement gêné par mon étreinte forcée. Il ne dit rien, mais j'entends son coeur battre à mille à l'heure sous mon oreille.

(Le pauvre ! Il doit prier intérieurement pour que ça s'arrête !)

Il sort alors un mouchoir de sa poche et me le tend, avec un air à la fois attristé et dégoûté. Je suis surprise par sa galanterie, jusqu'à ce qu'il prenne un autre mouchoir pour essuyer son épaule.

Miss Mystère :
"Je suis désolée."
Colin :
"Non, c'est rien, j'adore les escargots."

Je suis extrêmement gênée. Pourtant le grotesque de la situation m'arrache un rire nerveux.

Colin :
"C'est tombé sur toi. Ça aurait pu être pire, j'aurais pu me jeter dans les bras de Cassidy !"

Il m'adresse un sourire en coin. Je sais qu'il n'apprécie pas plus Cassidy que moi. J'essuie mes larmes en regardant les portes de l'ascenseur. Je dois absolument me reprendre, je n'ai pas envie de jouer le rôle de la petite amie serpillère. Il me regarde sans dire un mot. Il mordille la chaire de sa joue avec contrariété.

Colin :
"J'allais manger chez Bob, tu viens ?"

En vérité je n'ai pas faim du tout. J'aimerais me cacher dans à l'abri des regards pour pleurer. En même temps, si je commence à me morfondre je ne vais jamais sortir la tête de l'eau. Et c'est la dernière chose dont Mathilde a besoin. Nous descendons chez Bob et Colin me paie un sandwich énorme... et bien gras.

Miss Mystère :
"Tu cherches à m'étouffer ?"
Colin :
"Pourquoi ?"
Miss Mystère :
"Pour pas que je pleure, ou que je parle ?"

Il croque dans son déjeuner, en marmonnant quelque chose d'inaudible.

Miss Mystère :
"Comment ? Je n’ai rien entendu !"

Il avale sa bouchée et boit une gorgée avant de me répondre.

Colin :
"On m'a appris à ne pas parler la bouche pleine."
Miss Mystère :
"Et ça t'arrange !"

Il hausse des épaules et ses yeux se font moqueurs. À sa manière il a réussi quand même à me distraire et à me faire oublier Mathilde et Lana. Enfin, presque... Et aucune image de Mathilde et Lana ne s'expose sous mes rétines.

(Enfin, presque !)

Mathilde est revenue aux alentours de treize heures. Quand je l'ai aperçu franchir le seuil de l'open space, mon cœur a raté un battement. C'est un peu comme s'il y avait eu une possibilité qu'elle ne revienne pas. Comme si je n'étais pas sûre qu'elle ne m'abandonne pas. Mes yeux étaient probablement bouffis et rougis par mes pleurs, mais elle n'a rien remarqué. Ma tête fait peur à voir, n'importe qui aurait remarqué que quelque chose n'allait pas. N'importe quelle petite amie se serait inquiétée... Si elle ne l'a pas vu, c'est qu'elle m'ignore totalement. J'ai passé l'après-midi à tenter de déceler des indices compromettants.

(Oui, je sais, je suis folle !)

J'ai scruté le col de son chemisier, en souhaitant ne pas trouver un cheveu brun. J'ai humé sa veste, en priant pour ne pas y sentir un parfum féminin. J'ai même gouté sa langue, en espérant y retrouver le goût unique de Mathilde. Pathétique ! Et le pire c'est que Mathilde est tellement ailleurs qu'elle n'a rien remarqué de mon manège ! Si je me mettais à lui renifler le derrière, comme Topaze lorsqu'il rencontre un copain ou une copine, il ne s'en rendrait même pas compte ! Je deviens carrément parano ! Elle est juste allée déjeuner avec elle parce qu'elle a besoin de comprendre. En aucun cas ce rendez-vous ne signifie autre chose. Il faut que j'arrête de dramatiser ! Il faut absolument que je nous change les idées à tous les deux ! Et rien de mieux qu'une séance de boxe. Nous avons besoin d'extérioriser tout ça !

Miss Mystère :
"Ça te dit d'aller à la boxe, ce soir ? J'ai envie de te mettre la pâtée !"

Elle prend un air navré.

Mathilde :
"Désolée, pas ce soir, je peux pas."

Elle cherche à m'éviter ou quoi ?

Miss Mystère :
"T'as pas ton cours pour les jeunes à donner, ce soir ?"

Ma question l'embarrasse clairement. Elle tourne les pages de son dossier sans me regarder.

Miss Mystère :
"C'est bien le mardi que tu donnes tes cours, je ne me trompe pas ?"
Mathilde :
"Oui... mais j'ai un autre truc de prévu."

Elle ne déroge jamais à ses obligations. Enseigner aux jeunes des quartiers lui tient à cœur. Elle ne leur ferait pas faux bond si ce n'était pas important.

(Qu'est-ce qu'il a de plus important que son bénévolat, ou moi ?)

Miss Mystère :
"Un truc de prévu avec Lana encore, c'est ça ?"
Mathilde :
"Ouais."

Sans parvenir à me maîtriser, je pousse un soupir agrémenté d'un magnifique juron. Elle me dévisage. Je lis un brin d'agacement dans ses yeux.

Mathilde :
"Pourquoi tu t'énerves ?"

Si de la fumée sortait de mes narines, cela ne m'étonnerait pas. Je bouillonne devant son soupir.

Miss Mystère :
"Tu vois ton ex ce midi et ce soir, et je dois dire "hourra" ?"
Mathilde :
"Je comprends pourquoi tu le prends comme ça..."
Miss Mystère :
"Tu comprends pas...?"

Elle balance les paumes de ses mains vers le ciel et hausse les épaules en signe d'incompréhension.

Mathilde :
"Arrête un peu tes délires... On parle, c'est tout."
Miss Mystère :
"Mes délires ? Non, mais je rêve..."

Elle ébouriffe ses cheveux, bien consciente qu'elle vient d'ouvrir la boîte de Pandore.

Mathilde :
"Sérieux... tu crois que c'est facile pour moi ?"

Je lève les bras au ciel et tourne le dos à Mathilde. Elle ne doit pas me voir effondrée.

(Imbécile !)

Je suis incapable d'aligner deux mots pour me défendre. Ses mots me font trop mal. Comme si je pouvais penser un seul instant que c'était facile pour elle...

Mathilde :
"Regarde-moi..."

Alors que sa voix commençait à se radoucir et que je m'apprêtais à me retourner, son téléphone coupe court à notre discussion. Elle fronce les sourcils, visiblement irritée d'être dérangée, mais son visage change du tout au tout lorsqu'il décroche.

Mathilde :
"Allô...! Oui ça va et toi ? Non, non, tu ne me déranges pas."

(Oh d'accord... Je pensais qu'on était en plein dans une discussion...)

Il n'y a pas de raison, nous étions en pleine conversation et elle se permet de l'interrompre. Mon regard insistant semble la déranger. Elle me tourne le dos, ce qui attire encore davantage ma curiosité. Qui est-ce ?

Mathilde :
"Je comprends. Moi aussi."

Un signal d'alarme s'allume dans mon cerveau. Si c'est encore elle, je promets de péter une durite !

Mathilde :
"Je finis à 18h. Je passe te chercher après, si tu veux ?"
Miss Mystère :
"Je m'inquiète pour toi. Depuis hier soir on n'a même pas parlé du retour de Lana ! J'aurais aimé qu'on puisse se retrouver tous les deux, ce soir..."
Mathilde :
"Elle a besoin de me parler de tout ça, et j'ai besoin de lui parler aussi... Ce n’est pas facile..."
Miss Mystère :
"Et de ce dont j'ai besoin, moi ? Tu t'en fous ? Elle passe au premier plan, j'existe plus quoi !"
Mathilde :
"Putain arrête ! Ce n’est pas ça ! On a juste des choses à se dire. Elle était morte et... elle l'est plus ! Tu ne peux pas comprendre ce que ça fait."
Miss Mystère :
"Ah bon ! Je ne peux pas comprendre ! T'en es sûr ?"

Un mélange de colère et de tristesse m'envahit à nouveau. Les larmes me montent aux yeux.

Mathilde :
"Ce n’est pas ce que j'ai voulu di..."
Miss Mystère :
"Tu sais quoi ? Fais ce que tu veux... après tout, ça ne me regarde pas !"

Tous les yeux de l'open space sont braqués sur nous, mais je m'en fous ! Je suis dans un tel état de nerfs que Gabriel pourrait bien me virer, ça ne me ferait ni chaud ni froid ! Elle se penche vers moi et emploie un ton plus bas.

(Non de Dieu ! Je rêve ! C'est bien elle !!!)

Je me lève d'un bon et je quitte l'open space en trombe ! Putain, je ne le crois pas !! Lorsque j'arrive dans la cafétéria, vide heureusement, j'appuie ma main contre une table et je tente de reprendre mon souffle.

Mathilde :
"Miss Mystère..."

Elle a juste posé une main contre mon dos, mais je sursaute ! Je ne veux pas qu'elle me touche ! Je veux juste rentrer chez moi et me cacher sous les couvertures !

Miss Mystère :
"Laisse-moi deviner : c'était Lana. Tu passes la prendre après le boulot. Je ne te vois pas ce soir. J'ai pigé."
Mathilde :
"Pourquoi tu te mets dans des états pareils... Tu..."
Miss Mystère :
"Laisse-moi. S'il te plaît. Laisse-moi."

Elle retrouve aussitôt son visage fermé. Elle s'assoit sur la chaise en face de moi.

Mathilde :
"J'ai besoin de ta permission pour aller la voir ?"
Miss Mystère :
"Si. Va la voir... Parle-lui. C'est très bien."
Mathilde :
"Non, ça n’a pas l'air bien."
Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu veux que je te dise...? Elle revient et elle accapare tout ton temps. Moi ? J'existe plus."
Mathilde :
"Tu ne peux pas comprendre que j'ai besoin d'y voir plus clair dans tout ça ?"
Miss Mystère :
"Je ne comprends pas que tu m'écartes. J'ai envie de t'aider. Mais tu me mets carrément à l'écart. Comme d'habitude."
Mathilde :
"Je n’ai pas besoin de ton aide. Et je n’ai pas envie de rajouter un problème supplémentaire sur ma tête !"
Miss Mystère :
"Quel problème ? Tu penses à moi, là ? Je suis un problème ?"

Elle s'avance vers moi et son regard insistant me pénètre instantanément. Elle pose ses mains sur mes bras dans un geste qui se veut tendre.

Mathilde :
"Fais-moi confiance, d'accord ?"

(Ce n'est pas en toi que je n'ai pas confiance...)

Mathilde :
"Tout ça me tombe dessus et j'étais pas prête. D'abord son frère qui nous menace, Daryl qui se fout dans la merde pour moi, et Lana... J'ai pas envie de me faire du souci pour toi. J'ai besoin de toi !"
Miss Mystère :
"Mais ça me tombe dessus moi aussi."
Mathilde :
"Je sais, mais tu dois rester en dehors de ça."

(Bordel, elle croit vraiment qu'ignorer les problèmes les efface ?)

Miss Mystère :
"D'accord. Donc tu as besoin de moi, en me mettant de côté ?"

Elle regarde sa montre puis dépose un léger baiser sur mes lèvres. Je ressens à peine un quelconque désir ou sentiment, comme si elle embrassait une peluche.

Mathilde :
"Je dois aller au service informatique. Colin m'a demandé de lui filer un coup de main sur un truc. On s'appelle."

(On s'appelle ?)

Elle me laisse en plan avec phrase bateau, celle que l'on adresse à des gens de passage, que l'on croise sans avoir l'intention des les revoir. Je m'écroule sur la chaise, bouleversée. Elle s'éloigne peu à peu. À peine une journée que son ex est revenue et me voilà reléguée au rang de bonne amie. Les larmes m'envahissent et glissent sur ma joue. Je suis complètement désemparée. Elle a vu ma détresse. Si elle m'aime vraiment, elle ne me laissera pas dans cet état. Autrement c'est que je me suis totalement plantée sur nous deux...

(...)

Arrivée chez-moi, Topaze m'accueille avec sa bonne humeur habituelle.

Miss Mystère :
"Je suis pas d'humeur !"

La journée qui vient de s'écouler m'a complètement bouleversée. Je n'ai pas le goût à l'amusement. Je sors Topaze en vitesse. Le temps qu'il fasse ses besoins. Les gens dehors continuent à vivre comme si de rien n'était, alors que mon monde s'écroule. C'est insupportable. Je préfère me cloîtrer dans mon appartement pour pleurer sur mon sort. Je n'enlève ni mes chaussures ni mon manteau, et me laisse tomber sur le lit comme une masse. La douceur de mon oreiller est mon seul réconfort après cette journée pourrie. Des sanglots commencent à remonter au fond de ma gorge. Topaze pose son museau sur ma cuisse et lève ses yeux vers moi. Les chiens ont un sixième sens... Que d'autres personnes n'ont pas. Si Mathilde avait un dixième de l'empathie que Topaze ressent pour moi, elle ne serait pas partie rejoindre Lana.

Miss Mystère :
"Si tu savais, Topaze ! Les femmes sont parfois des traitresses ! Elles ne comprennent rien à rien !"

Il gémit tout doucement.

Miss Mystère :
"Heureusement que tu es là, toi au moins !"

Je lui caresse le haut du crâne, pendant que son haleine fétide souffle sur mon nez. Il s'assoit devant moi et me lance la patte.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu veux mon gros ?"

Topaze insiste et avance son museau vers mon visage. Sa langue baveuse se met à lécher les perles salées sur mes joues. Je prends sa tête dans mes mains et je plonge ma tête dans ses poils doux qui sentent encore l'extérieur. Topaze reste assis près de moi. Patiemment. Je me suis toujours dit que les chiens avaient bien des choses à nous apprendre sur l'amitié et la résilience.

Miss Mystère :
"Je te préviens Topaze, la prochaine que tu la vois, t'as pas intérêt à lui faire la fête ! Sinon, finies les balades au parc !"

Il se fait tout petit devant mon ton autoritaire. Il déteste quand je crie et, à vrai dire, moi aussi. Tout à coup on frappe à la porte. Je retiens ma respiration. Qui ça peut être ? Je n'attends personne et j'ai horreur des visites à l'improviste. Surtout lors de mes soirées déprimes. Si c'est le papi de dessous qui vient encore râler à cause du bruit que Topaze fait soi-disant en mon absence, je promets de lui faire manger son dentier ! Les coups reprennent contre ma porte et je sursaute comme une gamine qui joue à cache-cache.

(Et si c'était Mathilde...?)

Les battements de mon coeur s'accélèrent. Je ne sais pas comment l'accueillir... Topaze remue la queue avec frénésie, en reniflant au bas de la porte. Déjà en train de trahir sa maîtresse ! J'ouvre la porte et glisse mon visage dans l'entrebâillement.

(Merde !)

C'est Lola. Je ne m'attendais pas à elle.

Lola :
"Hey, Miss Mystère !"

Elle me connaît par coeur. Mes yeux striés de rouge dévoilent forcément ma tristesse. Je m'écarte pour ne plus obstruer l'entrée.

Miss Mystère :
"Salut Lola. Entre."
Lola :
"Je t'ai vu partir du boulot. Tu avais l'air vraiment mal..."

(Zut !)

Mes larmes obstruaient tellement ma vue, tout à l'heure, que je n'aurais pas vu un éléphant passer à côté de moi.

Lola :
"J'ai pensé que t'aurais besoin d'une épaule sur laquelle pleurer !"

Je confirme en hochant la tête.

Lola :
"Et d'une bonne copine pour critiquer ta petite amie !"

Je n'ai même pas de haine contre elle et cette idée m'effraie. Elle me serre dans ses bras, mais je ne peux m'empêcher d'éprouver de la déception. J'aurais tant aimé que ce soit Mathilde qui sonne à ma porte !

(Encore de belles illusions !)

Elle se libère de son étreinte et se dirige aussitôt vers la cuisine. J'en profite pour jeter un coup d'oeil sur le reflet dans mon miroir et effacer les sillons de mes larmes. Elle revient, un pot de crème glacée à la main.

Lola :
"Viens t'asseoir et raconte-moi ce que cette imbécile de Mathilde n’aurait pas dû faire... C'est son ex ? Celle qui est morte ?"
Miss Mystère :
"Tu me considérerais comme une méchante si je te répondais « oui malheureusement ? »

Elle me prend le pot glacé dans des mains et plonge sa cuillère dedans.

Lola :
"Elle faisait pas si morte que ça quand elle a couru dans les bras de Mathilde !"
Miss Mystère :
"M'en parle pas !"

Je lui reprends le pot de glace des mains, j'en ai plus besoin qu'elle.

Miss Mystère :
"C'est une garce. Voilà, c'est dit ! Si tu l'appelles 'la garce' avec moi, je te laisse finir le pot !"
Lola :
"C'n’est pas la peine, tu peux finir le pot, ma belle, je l'appellerai 'la garce' quand même !"

Je la remercie avant de racler le fond du pot de vanille.

Lola :
"Et je descendrai t'en acheter un autre si tu me permets d'appeler Mathilde 'grosse nigaude' !"

Entendre son nom me plonge dans une tristesse infinie.

Lola :
"Tu vois ? 'Grosse nigaude' c'est encore trop gentil comme surnom ! Regarde dans quel état elle te met !"
Miss Mystère :
"Non , c'est ma faute. Je devais être compréhensive, c'est pas facile pour elle."
Lola :
"Euh... Alors primo, le coup de la revenante, c'est pas de ta faute, et secundo, c'est pas facile pour toi non plus, ma chérie !"
Miss Mystère :
"Surtout quand elle avec elle, comme ce soir."
Lola :
"What...??? Et qu'est-ce qu'elle comptait faire ce soir, avec 'la garce' ?"
Miss Mystère :
"Parler."

Elle tapote ses lèvres avec son index. Quand elle fait ce geste, c'est qu'elle a une idée.

(Pas toujours la meilleure, d'ailleurs !)

Lola :
"Tu l'as appelé ?"
Miss Mystère :
"Non ! J'ai pas envie de jouer à la petite amie collante qui se traîne misérablement à ses pieds."
Lola :
"Mouais, enfin... Faut pas pousser mémé dans orties, non plus !"

J'approuve d'un petit signe du menton, sans avoir la force de prononcer un mot. J'imagine toutes sortes de rapports entre Lana et Mathilde. Elle est peut-être chez elle ? Sur la banque de la cuisine...?

(Oh non, pitié !)

Après avoir fini le pot de glace, nous nous attaquons au vin blanc, puis au rhum. Ce qui fait qu’au final je me sens franchement mieux, mais un peu dans le brouillard !

Lola :
"Bon sang ! Je vais lui envoyer un SMS moi, à l'Ortega !"
Miss Mystère :
"Sérieux ?! Ah ah ! Rien que pour lui pourrir sa soirée, tiens !"

Je rigole à moitié. Je ne sais pas pourquoi cette idée m'amuse à ce point, car, en fait, ce n'est pas amusant du tout. C'est même probablement une grosse connerie !

Lola :
"Laisse-moi faire !"

Mon amie sort son téléphone de sa poche et commence à composer un message.

(Punaise, elle est folle !)

Nous nous battons gentiment parce que j'essaie de le lui enlever des mains. Topaze se met à aboyer !

Miss Mystère :
"Chuuuuut !!!! Papi va râler après..."

Elle finit de taper le message et me met fièrement l'écran du portable devant les yeux.

Lola :
"C'est envoyé."

Je me mets à lire le message à haute voix. Du moins, j'essaie, parce que je n'y vois plus très clair...

Miss Mystère :
"À quoi tu joues ? Tu laisses ma copine dans un sale état ! Si t'as un minimum d'amour pour elle, tu devrais l'appeler. Elle est vraiment mal."

Parfait. Je n’aurais pas fait mieux. Au moins il y aura forcément une réaction. Puis je décuve,puis j'attends avec angoisse que mon téléphone sonne. J'attends et j'attends encore. Pas d'appel ! Mes doigts sont crispés sur le portable, mes yeux brûlent à force de fixer l'écran. Et toujours pas d'appel ! Lola finit par me prendre le téléphone des mains. Je le maintiens férocement, et quand je le lui cède enfin, mes larmes explosent. Mathilde ne me rappellera pas. C'est mort.

Lola :
"C'est vraiment une vraie connasse ! Demain matin, elle va m'entendre, crois-moi !"

Elle exprime la colère que j'ai enfouie sous mes larmes. J'aimerais rester seule à me morfondre maintenant... Elle essaie toute la soirée de me changer les idées. En vain. Elle finit par s'endormir sur le canapé alors que nous regardons un film. Quant à moi, la fatigue est présente, mais il est m'est impossible de fermer l'œil. Je ne sais plus l'heure qu'il est. La nuit. La nuit est bien avancée, le film est terminé et je suis fatiguée. Tout à d'un coup quelqu'un frappe à la porte d'entrée.

(C'est qui encore ?)

Lola se réveille lorsque je me lève du canapé pour aller ouvrir.

Lola :
"C'est qui ? Il est quelle heure ?"
Miss Mystère :
"Je n’en sais rien."
Lola :
"Et tu vas ouvrir ? En plein milieu de la nuit ? Et si c'était un dangereux psychopathe ?"
Miss Mystère :
"Ben, justement, si j'n’ouvre pas, on ne le saura jamais !"

Je déverrouille la porte et reste bouche bée devant mon visiteur nocturne. La belle silhouette de Mathilde se présente dans l'encadrement de la porte. Elle aperçoit Lola et semble un peu contrariée. Il faut dire qu'elle n'est pas très coopérative. Elle croise les bras sur sa poitrine en la dévisageant. Mathilde ne se démonte pas pour autant et ses yeux noisette se déplacent sur moi.

Mathilde :
"Salut."

Je reste muette. J'éprouve beaucoup trop de rancœur à son égard pour lui sauter dans les bras. Même si je suis soulagée de la voir, ma colère et ma peine ne peuvent pas s'effacer si facilement.

Miss Mystère :
"Salut..."

Ma voix est à peine un murmure. Je baisse les yeux sur mes chaussettes.

Mathilde :
"Faut qu'on parle..."
Miss Mystère :
"Sérieux ? Tu passais par là et tu t'es dit : "Tiens, si je rendais visite à ma copine ?""
Mathilde :
"Arrête..."

Elle a envie de parler, mais moi, est-ce que j'en ai encore envie ? je suis lassée de tout ça...

Miss Mystère :
"Tu veux parler ? Désolée, ce soir je ne peux pas. Je passe une très bonne soirée avec Lola."

Cette dernière m'envoie un regard en diagonale. Elle me connaît par cœur et elle sait très bien que je crève d'envie d'avoir une discussion avec Mathilde. Seulement voilà, je suis trop fière.

Lola :
"Laisse-la entrer... Vous risquez de rameuter tous les voisins..."

Elle a raison. Nous avons élevé le volume de nos voix, après seulement quelques mots échangés. Qu'est-ce que ce sera en pleine dispute ? Je hoche la tête sans grande conviction et retourne m'asseoir sur le canapé, sans me retourner. Lola rassemble ses affaires en pestant contre Mathilde. Je l'entends marmonner "idiote" lorsqu'elle enfile sa veste.

Lola :
"Je vais y aller."

J'ai tellement peur de ce qui va suivre que sa présence me rassurait.

Miss Mystère :
"Tu ne déranges pas, Lola."

Je lui lance un regard insistant pour qu'elle comprenne le message que je lui envoie.

Miss Mystère :
"Au contraire !"

Elle se penche vers moi et me chuchote à l'oreille.

Lola :
"Fais-lui en baver, ma belle !"

Elle m'adresse un clin d'œil, avant de se diriger vers l'a sortie. En passant près de Mathilde elle pointe un doigt menaçant vers son visage.

Lola :
"Toi, je t'ai à l'œil !"

Parfois j'envie la force de caractère de mon amie. Elle sait se montrer autoritaire et intimidante, malgré sa carrure maigrelette. Mathilde l'observe, pas vraiment sûr de savoir comment réagir. Elle n'a pas l'habitude de se faire menacer par une petite blondinette. Après que Lola ait quitté mon appartement il y a comme un gros vide, pendant quelques interminables secondes.

Miss Mystère :
"Alors ? T'as passé une bonne soirée ?"

Elle lève les yeux au ciel.

Mathilde :
"Je ne suis pas venu pour te faire un compte-rendu de ma soirée !"

(Ok, alors tu peux repartir !)

J'aimerais être forte et l'envoyer balader. Lui cracher au visage ma peine et ma colère. J'aimerai qu'elle se mette à ma place deux minutes, pour qu'elle comprenne ma douleur qui m'oppresse. J'aimerais ne pas pleurer, mais ces satanées larmes réapparaissent sans mon autorisation. J'essaie de les contrôler, mais rien ne les arrête. Elles roulent sur mes joues, sous son regard maintenant effaré.

Mathilde :
"Mais pourquoi tu pleures ?"

(Sérieusement... Je n’ai pas envie de te faire de dessin cette fois... Je suis fatiguée !)

Elle fait les cent pas dans mon salon. Elle paraît désemparée. Même Topaze ne bouge plus. À croire que je suis une énigme pour toutes les personnes qui m'entourent. Elle s'appuie contre le mur. Je n'entends que le bruit des battements de mon cœur et celui de sa veste en cuir, lorsqu'elle enfonce son visage au creux de ses mains. Elle inspire profondément, ses pupilles dilatées plongent dans les miennes. Je retiens mon souffle. Je ne veux pas qu'elle me quitte. Pas ce soir, pas comme ça ! Je ne veux pas entendre l'insupportable vérité. Je veux rester la fille qui sort avec la meuf la plus craquante du monde. Un frisson me traverse et un spasme me secoue tout entier. Mathilde se décolle du mur et ses lèvres entrouvertes laissent échapper un mot qui reste suspendu dans l'air.

Mathilde :
"Pardon..."

Elle fond littéralement sur moi. Ses bras m'enlacent et son corps tout entier se love contre le mien, m'arrachant un soupir de soulagement.

Mathilde :
"Pardon... Putain, pardon !"

Je n'y comprends plus rien ! D'abord elle m'ignore, ensuite elle me dit qu'elle ne vient pas s'excuser, et enfin elle se jette dans mes bras pour me demander pardon ! Je ne sais pas pourquoi, mais je tente des défaire de ses bras. Mais rien n'y fait, elle est bien plus forte que moi. Ses bras sont ma faiblesse. Je suis incapable de lutter contre son contact, son odeur, sa peau...

Mathilde :
"Putain... Je suis la reine des connes..."

(Oh non ! Qu'est-ce qu'elle fait...?!)

Et si elle venait de commettre l'irréparable, pendant sa soirée avec Lana ?

Mathilde :
"J'n’ai pas assuré sur ce coup-là. Je suis désolée. Tellement désolée !"

Elle recule, afin de planter ses yeux dans les miens. Ses mains glissent sur ma nuque et maintiennent mon visage face à lui. Ses pouces caressent mes joues, pour effacer les perles salées qui ruissellent sur ma peau.

Mathilde :
"J'n’aime pas te voir pleurer, princesse. Ça me crève le cœur, putain !"

Elle m'embrasse brusquement. Ses lèvres emprisonnent les miennes avec rage.

Miss Mystère :
"Arrête !"

Je la repousse en pressant de toutes mes forces mes paumes contre sa poitrine. Elle m'adresse un regard peiné et démuni.

Miss Mystère :
"Tu crois que je peux te pardonner aussi facilement ?"

(Je lui ai déjà pardonné en caressant sa langue avec la mienne, non ?)

Elle affiche un air si triste que mon cœur se déchire. Les larmes pointent à nouveau au bord de mes paupières, alors je cours dans ma chambre pour me cacher. Mais elle me suit et me force sans peine à la regarder droit dans les yeux.

Mathilde :
"Non"

Les muscles de sa mâchoire se contractent. Son souffle balaie mon visage. Ses yeux ont pris une teinte plus sombre. Mon avant-bras, emprisonné dans sa main, semble suspendu en l'air, tandis que je la foudroie du regard.

Miss Mystère :
"Tu ne retournes pas voir ta Lana ?"

Elle tente de me ramener vers elle, mais une clef de bras me permet de lui résister sans difficulté. Elle accuse le coup, mais, lorsque son regard se repose sur moi, je chancelle presque, tant il est intense.

Mathilde :
"Je me suis barré. J'arrêtais de penser à toi. Il fallait que je voie Lana pour comprendre, et puis, quand je me suis retrouvée avec elle, je l'écoutais à peine."

Elle ne cesse de me fixer avec ce foutu regard qui est en train d'avoir raison de ma colère. Elle s'avance d'un pas, et je recule d'autant.

Mathilde :
"Je m'en foutais presque qu'elle soit morte et ressuscitée. Je voulais être avec toi, je voulais retrouver ton sourire... tes lèvres..."

Tout cela me paraît trop beau pour être vrai. Après toutes les suppositions que je me suis faites, j'ai du mal à la croire. Mais elle n'a rien d'une manipulatrice. Là où ces mots sonneraient faux, chez elle, ça sonne délicieusement vrai.

Miss Mystère :
"Arrête ! Je ne te crois pas !"
Mathilde :
"Tu ne me crois pas ?"

Elle fait un pas de plus et mon dos heurte la bibliothèque. Elle ne se tient qu'à un mètre de moi.

Mathilde :
"Quand j'ai reçu le message de Lola je me suis sentie trop conne ! Je pensais pas que tu t'inquiétais pour nous..."

Je l'aime de tout mon cœur, mais on ne peut pas dire que ce soit un as des relations sentimentales ! Tu passes la soirée avec ton ex, normal que j'angoisse...! Et, évidemment, je passe sur la partie où l'ex en question est censée être morte et enterrée !

Miss Mystère :
"Tu t'es mis à ma place cinq minutes ? Maintenant que tu as retrouvé l'amour de ta vie, je suis quoi, moi ?"

Elle fronce les sourcils puis m'enserre à nouveau dans ses bras. Son souffle chaud caresse ma nuque et des mots tremblants parviennent à mes oreilles.

Mathilde :
"L'amour de ma vie ? C'est toi l'amour de ma vie ! Lana, c'est du passé."

Je ferme les yeux pour me répéter ses paroles, comme si je pouvais les graver à tout jamais dans ma tête.

(Merde, c'est dingue comme quelques mots peuvent me rendre heureuse...)

Mathilde :
"Ne doute pas des sentiments que j'ai pour toi, princesse. Jamais."

Je lève les yeux vers son visage et je l'embrasse. Tant pis si mon baiser a le goût de mes larmes. C'est comme si, par ce baiser, je scellais sa promesse.

Mathilde :
"Je t'aime, petite furie. Et ça risque pas de changer, va falloir t'y faire."

Mes jambes flageolantes face à sa déclaration, je m'assois sur le bord de mon lit. Elle s'accroupit en face de moi, les mains sur mes cuisses.

Miss Mystère :
"J'ai juste voulu t'aider..."
Mathilde :
"Je sais. Si tu veux de moi, j'ai besoin de toi."
Miss Mystère :
"Bien sûr que je veux encore de toi, idiote !"
Mathilde :
"Ça fait deux fois que je me fais traiter d'idiote, ce soir ! Je crois que j'ai pigé !"

Cette imbécile a réussi à m'arracher un sourire. Nos regards se mêlent et nous restons muettes un moment. Elle passe une main le long de ma joue. Il n’y a rien de plus doux que sa peau sur la mienne, et que l'accalmie d'une réconciliation. Elle s'approche doucement son visage du mien. Elle est presque hésitante, comme pour un premier baiser. Je passe une main dans ses cheveux avec tendresse. Mon geste est une invitation silencieuse à ce qu'elle poursuive. J'ai tellement besoin de la sentir contre moi que ma peau me brûle. Je voudrais oublier toutes nos difficultés, toutes nos épreuves. Au moins pour cette nuit. Retrouver la chaleur de ses bras et m'y perdre. Lorsque ses lèvres se posent sur les miennes, c'est comme si je reprenais une grande bouffée d'oxygène. Sa langue perce la barrière de mes lèvres et s'insinue autour de la mienne. Lentement d'abord, et plus durement ensuite. Je me tends et me laisse glisser contre sa poitrine. Mes genoux touchent terre pendant que je m'agrippe à sa nuque pour prolonger notre baiser. Nos langues se mêlent dans un ballet torride et désespéré. Nous sommes toutes les deux à moitié par terre, pressées par l'urgence de nous unir.

Miss Mystère :
"J'ai super envie de toi..."

Tout à coup elle me soulève par la taille, pour venir me glisser au-dessus de ses hanches. Mes mains fouillent dans ses cheveux, tandis que les siennes emprisonnent mes reins. J'entortille mes jambes autour de sa taille et je me redresse pour me presser encore plus contre elle. La médaille de sa chaîne vient d'effleurer ma peau brûlante et je tire dessus pour me rapprocher son visage encore davantage du mien. Je pourrais arracher, détruire tout ce qui me sépare d'elle, de sa peau. Elle pousse un grognement lorsque je commence à entreprendre un mouvement lent et sensuel avec mon bassin. Je passe mes mains sous son chemisier et explore chacune de ses courbes, chaque repli de chacun de ses muscles. Je ne me lasserai jamais de cette découverte. Elle s'empresse d'enlever sa veste et j'en profite pour lui retirer son chemisier. Tout à coup, elle me retourne et je roule sur le tapis qui jouxte mon lit. Elle entreprend de faire glisser ma chemise de nuit jusqu'à mes mollets. Mathilde passe une main le long de mon flanc et remonte sur ma poitrine. Je retiens mon souffle. Sa langue caresse mon cou, tandis que ses doigts tracent le contour de mes formes. Ma cage thoracique monte et descend à une allure folle. Tous mes sens sont à leur paroxysme. Je ne veux rien rater de ce moment qui m'unit à elle. Ses lèvres remontent le long du lobe de mon oreille et son souffle m'arrache de délicieux frissons. Elle murmure doucement :

Mathilde :
"Je ne t'abandonnerai pas, princesse."
Miss Mystère :
"Alors, prouve-le-moi. Montre-le-moi..."

Je ferme les yeux, pendant que continue mon ascension vers le plaisir, et que je me laisse emporter par cet océan de volupté... Elle entreprend de descendre dans la partie de mon intimité. Elle fait de petits ronds avec sa langue ce qui a le don de m'émoustiller au plus haut point ! Le désire, le plaisir des caresses sensuelles ... l'extase quoi ! Je ne sais pas si elle cherche à se faire pardonner en tous les cas elle a réussi... C'est tout ce que je demandais !
Je me réveille dans ses bras. Nos corps sont à moitié entortillés dans les couvertures. Deux iris pétillants m'observent.

Miss Mystère :
"Bonjour."
Mathilde :
"Bonjour, princesse."

Elle reste un fantasme, même au petit matin. Les cheveux ébouriffés, la voix cassée, les yeux encore endormis... J'en ferais bien mon petit-déjeuner, moi ! Topaze m'a entendue remuer. Il a déjà son museau sur mon oreiller. Sa truffe humide me frôle le visage.

Miss Mystère :
"J'ai compris Topaze tu veux sortir."

Il n'en faut pas plus à mon chien pour qu'il exécute une danse de la joie canine. Me voyant submergée par l'euphorie de Topaze, Mathilde l'appelle et me libère de son emprise baveuse.

Miss Mystère :
"Tu ne serais pas un peu jaloux, toi ?"

Mathilde se met à rire. Topaze aboi, comme s'il sentait qu'on se moquait de lui, et commence à tourner en rond, en remuant la queue.

Mathilde :
"Si t'arrêtes d'embrasser ma copine, je te promets une belle balade au parc."
Miss Mystère :
"Je prépare le café et je vous accompagne !"

Je sors à peine une jambe de la couette qu'elle me retient par les hanches.

Mathilde :
"Tu n’oublies pas un truc ?"
Miss Mystère :
"Si tu veux un baiser, tu n'as qu'à venir le chercher."

Sa main gauche glisse sur ma nuque et sa bouche m'embrasse avec avidité. De toutes les taxes qui existent sur Terre, cette taxe de passage est celle qui me dérange le moins. La sonnerie de son téléphone annonce l'arrivée d'un message. Elle jette un coup d'œil sur l'écran et fronce les sourcils, avant de le reposer.

Miss Mystère :
"C'est qui ?"
Mathilde :
"Personne... On ferait mieux de se dépêcher de sortir, avant que Topaze pète un plomb."

J'enfile un jeans et ma paire de tennis et nous sortons promener Topaze, après avoir grignoté quelques fruits. Topaze est fou de joie. Il a retrouvé sa maîtresse souriante. L'air frais du matin et les premiers rayons du soleil participent à ma bonne humeur. Elle est à mon bras et je peux profiter d'elle, sans que rien ni personne ne vienne gâcher ce moment. Elle regarde à nouveau son téléphone.

Miss Mystère :
"Tu ne veux toujours pas me dire qui c'est ?"

J'entends une fois de plus le bipe du message.

Miss Mystère :
"C'est Lana ?"

Elle ne répond pas. Aucun doute, c'est elle ! J'attrape son téléphone. Je me retourne vivement, concentrée sur l'objet qui gâche mon bonheur.

Mathilde :
"Hey !!! Mais ça va pas, non ?! Rends-moi mon téléphone !"
Miss Mystère :
"Pourquoi ? T'as des choses à me cacher ?"

Je planque ma main dans mon dos pour qu'elle n'arrive pas à me le reprendre. Le téléphone m'échappe et s'écrase sur le bitume. On entend un bruit de verre cassé. Elle me fusille d'un regard sombre. L'écran est complètement bousillé !

Mathilde :
"Mais pourquoi t'as fait ça ?"
Miss Mystère :
"Pourquoi t'as pas dit que c'était elle ?"

Elle me montrer son téléphone, l'air contrarié.

Mathilde :
"T'es vraiment une gamine ! Putain, regarde ça !"

C'est toi qui refuses d'être honnête avec moi, d'assumer ses actes comme un adulte, et c'est moi la gamine ?

Miss Mystère :
"Si tu te comportais comme quelqu'un de normal aussi, j'aurais pas à me rabaisser à ton niveau !"
Mathilde :
"Arrête d'être jalouse, bordel ! C'est de l'histoire ancienne, Lana. Quand est-ce que tu vas comprendre ?"

(Ancienne et omniprésente ! Ça ne va pas trop ensemble !)

Miss Mystère :
"Ah ok. Ça fait une heure que tu communiques avec elle et je dois fermer ma gueule ?"

Je crie de plus en plus fort et Topaze commence à répliquer, intrigué par nos éclats de voix.

Miss Mystère :
"C'est peut-être de l'histoire ancienne pour toi, mais pas pour elle, apparemment ! Alors moi je sais pas, mais t'es sûrement pas très clair avec elle !"
Mathilde :
"Tu comprends rien ! Elle a des ennuis, ok ? Elle besoin de mon aide, c'est tout !"

Je me mets à rire nerveusement et à applaudir devant son incompréhension.

Miss Mystère :
"Bien joué, Lana ! Jouer à la pauvre fille en danger pour que Mathilde prenne le rôle de l'héroïne !"
Mathilde :
"Je peux pas la laisser dans la merde !"
Miss Mystère :
"La sauveuse, hein ? Elle t'a mis en danger, et toi tu peux pas t'empêcher de lui apporter ton aide..."

Elle hausse les épaules sans savoir quoi me répondre. Que dire en effet, sinon qu'elle ne s'empêcherait de le venir en aide aux autres.

Miss Mystère :
"Et en plus, tu oses me dire que c'est de l'histoire ancienne ?"

Elle me saisit la main, avant que je ne prenne la fuite.

Mathilde :
"Fais-moi confiance. Je nous mettrai plein en danger. C'est fini ça."

(Mais bien sûr ! T'es juste en train d'aider la sœur d'un chef de gang qui veut ta peau !)

Les ennuis me semblent loin d'être finis...

(...)

Le soir même un concert de Colin est donné en ville. Pour nous changer les idées, Mathilde a demandé à Lola de nous accompagner. Elle avait l'air moins joviale quand elle a appris qu'elle viendrait avec son frère. Je me demande si un jour ils arriveront à se voir de bon cœur, ces deux-là ! J'ai essayé de me calmer pendant la journée, de ne pas penser à Lana. Heureusement, elle n'a plus regardé son téléphone.

(Pas devant moi, en tout cas...)

Nous nous retrouvons autour d'une table, avant le début concert. Lola est souriante, même si elle a lancé une ou deux vacheries à Mathilde. Et Daryl est aux petits soins avec elle. Ils sont mignons tous les deux... Mathilde m'attire contre elle, visiblement agacée que mon regard se sur Daryl et Lola.

Mathilde :
"Viens par ici, princesse."

Elle m'embrasse théâtralement, avec un petit sourire en coin. Vus de l'extérieur nous pourrions ressembler à une version moderne des amoureuses de Doisneau. Je suis contente que ma tenue fasse de l'effet à ma belle brune. Ce soir j'ai opté pour un petit pull moulant et une jupe fendue. Elle en profite pour frôler le dessus de mon genou avec ses doigts, dès que l'occasion s'en présente. À chaque fois je tressaille, sous la sensualité que dégage le contact de sa main sur ma cuisse.

Miss Mystère :
"Tu réalises la chance que tu as ?"
Mathilde :
"D'être une belle gosse ? Ouais. Mais c'est pas facile à assumer tous les jours, tu sais..."

Elle avance doucement son visage pour m'embrasser, fier de sa connerie. Je tournai la tête, après lui avoir adressé un léger clin d'œil complice.

Lola :
"T'as raison, Miss Mystère ! Fais-la galérer un peu !"

Nous éclatons de rire et trinquons à notre coalition. Mon amie semble impitoyable mais c'est devenu plus un jeu qu'autre chose. Daryl fait une drôle de tête tout à coup, comme s'il prenait le parti de Mathilde. Pourtant c'est rarement le dernier à charrier sa sœur.

Miss Mystère :
"Daryl, ça ne va pas ?"

Je suis son regard et mon cœur chute de trois étages, avant de s'éclater en bouillie sur le sol !

Lana :
"Salut, tout le monde !"

(Qu'est-ce qu'elle fout là ?)

Mathilde écarquille ses yeux en se retournant.

Mathilde :
"Lana...!?"

(Au moins elle ne l'a pas invitée. Ça m'évitera de commettre un double homicide de soir.)

Je jette un regard assassin à Lana. Cette garce me salue avec hypocrisie. Je me demande même si elle ne jubile pas. Je lui réponds du bout des lèvres, histoire d'éviter de monter au créneau.

Daryl :
"Qu'est-ce que tu fais là ?"

(Encore une fois Daryl m'arrache les mots de la bouche.)

Lana :
"J'avais envie de sortir boire un verre. C'est un crime ?"

Elle se colle à Mathilde d'un peu trop près. Elle agrippe son bras et sa poitrine se plaque contre elle. Lola m'adresse un regard interloqué, suivi d'une grimace assassine. Mathilde s'écarte de Lana avec une gêne non dissimulée. La coïncidence est pour le moins étrange... Comment se fait-il que, de tous les bars new-yorkais, elle choisisse exactement le nôtre ? Il faut croire que Mathilde lui a dit où nous étions ce soir... Si c'est le cas, je vais la buter ! Un serveur passe et Lana en profite pour l'intercepter et commander un verre. Elle s'installe tranquillement à notre table.

(Putain, mais on ne l'a pas invitée !!)

Lana :
"Il paraît qu'il y a un concert ce soir, c'est cool."
Miss Mystère :
"Ouais. C'est cool."

Je lance un regard appuyé à Mathilde. Elle m'adresse un léger signe de tête pour me signifier d'arrêter. Je fixe le fond de mon verre et je soupire lourdement. Je hais cette situation. Je hais cette fille.

Mathilde :
"Un gin-tonic. Tu bois toujours ça ?"
Lana :
"Oui ! Mes goûts n'ont pas changé..."

(Ok, c'est décidé, ce soir je vais commettre un meurtre !)

Lana :
"Et les tiens ?"

(Elle cherche le conflit ou quoi ?)

Miss Mystère :
"Les goûts changent, heureusement !"

Et j'aurais pu ajouter : il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Mais Mathilde m'aurait fait la gueule... Prends ça dans les dents ! Ah ah ah !!!!

Lana :
"Je vois ça."

Elle affiche un sourire de circonstance, mais je sens bien que si elle pouvait me dégager des bras de Mathilde, elle le ferait sans tarder.

Lana :
"En tout cas Mathilde, c'est vraiment gentil de m'avoir proposé de vous rejoindre. J'avais bien besoin de me changer les idées."

(Quoi ?!)

Je tire Mathilde un peu en arrière, car sa tête coupable ne me dit rien qui vaille !

Miss Mystère :
"Tu lui as proposé de nous rejoindre ? Dis-moi que c'est pas vrai ?"
Mathilde :
"Non... pas vraiment... Enfin... Elle était pas en forme, alors je lui ai dit qu'on allait au concert, ce soir. Mais comme elle m'a pas confirmé, j'ai pensé que..."

(C'est vrai, elle a l'air tellement déprimée, avec son sourire lumineux et sa robe moulante ! La vraie dégaine de la dépressive !)

Je vois une main manucurée se poser sur son bras, et une petite voix mielleuse nous interrompt.

Lana :
"Laisse... J'aurais pas dû me pointer ici..."

(Non, mais je rêve !! Elle voit pas qu'on parle ?!)

Miss Mystère :
"Excuse-moi, mais je parle à ma petite amie, là !"

Elle adopte la parfaite tête de chien battu. D'habitude j'adore la race canine, mais elle, j'ai envie de lui balancer mon poing dans la figure !

Lana :
"Je crois que je suis pas la bienvenue ici, je vais m'en al...!"

Elle peine à finir sa phrase, trop concentrée à jouer la pauvre fille éplorée. Mathilde s'approche d'elle et pose une main sur son épaule. Il ne lui en faut pas plus pour vite se lover contre elle.

(Cette fois-ci, il n'y a plus de doute : Mathilde est une femme morte, et Lana va retourner avec elle dans sa tombe !)

C'en est trop pour moi !

Miss Mystère :
"Te fatigue pas ! C'est moi qui m'en vais !"

J'attrape ma veste. Elle est surprise par ma réaction.

Mathilde :
"Princesse, attends..."

Lola se lève à son tour et récupère son sac à main.

Lola :
"Je viens avec toi !"
Miss Mystère :
"J'espère que tu vas bientôt ouvrir les yeux."
Lana :
"Je suis désolée... J'avais pas l'intention de fâcher tout le monde. Je pensais que je pouvais venir..."

Daryl s'approche tout près de la Lana. Son regard est dur et percutant.

Daryl :
"T'aurais surtout mieux fait de pas venir du tout ! Quitte à faire la morte, t'aurais dû continuer de faire semblant, tu aurais fait moins de mal."

Mathilde fusille du regard son frère. Je cours presque jusqu'à la sortie du pub. Les mots que j'aurais aimé entendre sortir de la bouche de Mathilde sont sortis de celle de son frère. Cherchez l'erreur...

("Il n'y a que toi qui comptes", disait-elle. Mais oui, bien sûr !)

Je ne m'attarde pas et je me précipite sur la porte de sortie. Si je me retourne, elle pensera que je regrette mes gestes et mes paroles. Je sors et l'air frais sur mon visage retient mes larmes naissantes. De toute façon je suis plus en colère qu'autre chose. Un type passe et me reluque comme si j'étais un beau morceau de viande.

Miss Mystère :
"T'as aucune chance ! Fais pas chier, c'est pas le moment !"

Lola me rattrape assez vite. Elle me prend dans ses bras. C'est gentil, mais je n'ai pas envie de compassion, je suis trop en colère pour accepter la moindre marque de tendresse. Daryl attend que Lola desserre son étreinte pour s'adresser à moi.

Daryl :
"Si tu m'autorises à botter le cul de mon idiote de sœur, j'y retourne de suite !"
Miss Mystère :
"Laisse tomber ! Je préfère rentrer chez moi, si tu veux bien me raccompagner. J'espère que ça te dérange pas ?"
Lola :
"Non, t'inquiète. De toute façon, ça m'a coupé l'envie de sortir, autant rentrer maintenant."
Daryl :
"Ok les filles, on se casse !"

Lorsque sa voiture démarre, j'ose encore espérer qu'elle me rattrapera. Je fixe la porte du pub avec un dernier espoir. En vain... Je n'arrive pas à croire ce qu'il vient de se passer ! Et dire qu'hier soir Mathilde se confondait en excuses et en mots d'amours. Ses gestes tendres, ses soupirs, tout ce qu'elle m'a donné hier soir, c'était du flan ?

Lola :
"Ta sœur est vraiment une idiote !"

Elle me le paiera ! Comment peut-elle dire une chose et faire ensuite exactement le contraire ? Daryl se gare en bas de mon immeuble. Étrangement il n'a pas participé à notre conversation. Comme s'il cherchait à rester neutre dans cette histoire.


Lola :
"On s'appelle demain."
Miss Mystère :
"Je préfère rester seule."
Lola :
"Négatif ma cocotte ! Je vais pas te laisser seule ! J'achète un pot de glace, je t'en dois un, en plus !"
Miss Mystère :
"À cette allure, je vais prendre dix kilos ! J'ai besoin d’être seule, je t'assure ! Et puis je suis trop fatiguée pour parler !"
Lola :
"Mais...!"

Il intervient.

Daryl :
"Repose-toi, Miss. Mais appelle si t'as besoin."

Je le remercie et m'empresse de grimper chez moi. À force, je vais finir par croire que Daryl est le plus attentionné des deux... Être seule n'était sûrement pas une bonne idée. Comment a-t-elle pu me faire ça ? Elle m'a menti ! Elle a invité cette garce alors qu'elle sait ce que je ressens ! Elle a tout fait pour que je m'emporte face à elle. Elle avait tout prévu ! Et j'ai foncé dans les pièges, la tête baissée.

Miss Mystère :
"Topaze, on me déclare la guerre !"

Il lève une oreille distraite. Il doit être épuisé d'entendre mes jérémiades.

Miss Mystère :
"T'as raison ! Je devrais attaquer plutôt que subir."

Je dois me démaquiller pour ne pas avoir une tête de panda, demain. Une bataille s'annonce et je compte bien gagner. Je m'allonge sur le lit. L'oreiller sent le parfum de Mathilde.

(Quelle torture !)

Mon téléphone est posé près de mon visage. Je n'ai aucune intention de l'appeler, mais j'espère qu'elle le fera. Je pourrais l'insulter avec plaisir... Mes yeux s'alourdissent à force de fixer son écran. Je le glisse dans le tiroir de ma table de nuit, après l'avoir mis sur silencieux. Je ne dois pas être à sa disposition et attendre comme un petit chien. La déception succède à la colère et je m'endors avec le goût d'une larme salée au coin des lèvres.

(Boum ! Boum ! Boum !)

La musique est assourdissante. Lana est toujours campée devant moi. Elle me sourit avec une lueur de défi dans les yeux. J'aimerais lui dire le fond de ma pensée, mais je n'arrive pas à parler. Je suis comme paralysée. Mathilde derrière elle et l'enlace par la taille. Lana penche sa tête sur le côté et elle découvre sa nuque d'une multitude de baisers. Je hurle sans qu'aucun son ne sorte ! Mon bras me fait mal, comme si un poids énorme y était accroché. Je la regarde et je m'aperçois que j'ai un gigantesque maillet dans la main, aussi surdimensionnée que dans un dessin animé. Je le lève au-dessus de moi et frappe sur la tête de ma rivale et de ma traîtresse de petite amie, jusqu'à ce qu'elles s'enfoncent dans le sol, tels deux clous dans un bois tendre.

(Boum ! Boum ! Boum !)

Pourquoi y a-t-il ce bruit sourd dans mon rêve ?!

(Boum ! Boum ! Boum !)

J'émerge difficilement de mon cauchemar. C'est quoi, ce boucan ? Je reprends mes esprits et comprends que quelqu’un frappe à ma porte. Je me lève, Topaze sur les talons, et je manque de trébucher dans le couloir. Je ne veux pas qu'on sache que je suis là. Discrètement, je regarde par l'œil-de-bœuf et j'aperçois Mathilde sur le seuil.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu veux ?"
Mathilde :
"Laisse-moi entrer !"
Miss Mystère :
"Non ! J'ai pas envie de te voir ! Rentre chez toi !"
Mathilde :
"Je suis désolée..."
Miss Mystère :
"C'est un peu tard pour les excuses."
Mathilde :
"T'as raison. Lana... Elle joue pas franc-jeu avec moi !"

Je balance les mains et les yeux au ciel, à la fois dépitée et soulagée par ses propos. Si elle s'est enfin rendu compte qu'elle cherche à m'évincer, je me demande ce qu'elle a tenté de faire avec elle...

Miss Mystère :
"Pourquoi tu dis ça ? Elle t'a montré son vrai visage ?"
Mathilde :
"En quelque sorte, oui. J'ai pas apprécié son petit jeu..."

Je ne sais pas si j'ai envie d'entendre la suite. Je m'adosse contre le mur et incendie l'arête de mon nez en inspirant lourdement.

Mathilde :
"J'ai compris qu'elle a cherché à foutre la merde quand elle a dit que je l'avais invitée. Mais je l'ai pas invité, putain !"
Miss Mystère :
"Attends... C'est bien toi qui lui as dit où on se trouvait ! Tu l'as reconnu !"

Je l'entends soupirer derrière la porte.

Mathilde :
"J'ai dit ça pour calmer le jeu... Je savais pas quoi faire sur le coup..."

("Calmer le jeu"...? Faut vraiment que tu prennes des cours de psycho, parce que là t'as plutôt balancé une bombe au napalm sur l'échiquier...)

Mathilde :
"Je lui ai juste dit qu'on allait au concert de Colin, et que j'avais besoin de passer du temps avec toi. Elle m'a dit qu'elle n’allait pas bien, mais je savais que t'aurais pas aimé la voir. Je lui ai fait comprendre que tu étais ma priorité."

Je me rapproche de ma porte et je pose le plat de ma main contre la paroi fine.

Miss Mystère :
"Tu lui as pas proposé de venir ?"
Mathilde :
"Non. Je voulais juste... putain, j'ai encore merdé !!!"

Je l'entends taper du poing contre la cloison. Je fixe ma porte, le coeur lourd.

Mathilde :
"S'il te plaît, ouvre-moi..."
Miss Mystère :
"Va-t'en. S'il te plaît."

Mon cœur se brise de lui fermer ma porte. Mais elle doit comprendre que cette fois c'est allé trop loin. Je ne sais plus qui croire. Elle frappe alors encore comme une tarée sur ma porte d'entrée. Je sursaute puis retourne dans ma chambre et m'effondre sur mon lit, le cœur en miettes. Les coups retentissent encore pendant quelques minutes. J'enfonce la tête dans mon coussin jusqu'à ce le silence revienne.
À la minute même où je me réveille, je pense à elle. Ses propos me reviennent en tête et la douleur dans ma poitrine se ravive aussi tôt. Je passe une main vigoureuse pour éloigner les mauvaises pensées. Je devrais essayer de commencer la matinée sans avoir l'esprit tourmenté, pour une fois. Histoire de voir ce que ça fait. J'ouvre mon tiroir de ma table de nuit. Mon téléphone affiche une dizaine d'appels en absence. Tous sont de Mathilde. Elle a laissé plusieurs messages vocaux. Les premiers messages sont implorants. Elle se confond en excuses. Les suivants ont un ton impatient. Elle a la voix tendue et perd son calme. Les derniers sont désespérés, mais expriment le désir intense de me reconquérir. Cette journée commence mal et la migraine qui s'installe dans mon crâne ne m'aidera pas à l'améliorer. J'avale une aspirine et m'asperge le visage d'eau fraîche. Cela ne produit pas l'effet escompté : j'ai toujours une sale tête. Je m'habille rapidement et enfile la laisse autour du cou de Topaze. J'espère marcher au parc jusqu'à ce que mes pas effacent Mathilde de mes pensées. C'est quelqu'un de bien, mais elle ne sait pas s'exprimer... Je ne peux pas nier que j'aime ce côté brut. Elle préfère les actes aux paroles. Je sais qu'elle me laisse parfois en dehors de ses problèmes, c'est avant tout pour me protéger. J'ouvre la porte et mon pied bute sur quelque chose. Je baisse les yeux et mon cœur bondit hors de ma poitrine. Mathilde est endormie sur le palier de mon appartement ! Elle porte les mêmes vêtements que la veille. Une main est posée sur son genou et l'autre traîne par terre. Son visage porte les traces de fatigue. Elle a dû passer la nuit-là, devant ma porte... C'est bien la première fois que ça m'arrive ! Aucune femme n'a jamais veillé devant chez moi en espérant que je retombe dans ses bras ! Lorsque je la vois assoupie là, le corps tout tordu dans cette position improvisée... Je devrais peut-être culpabiliser, me sentir mal pour elle. Mais je lui en veux tellement ! Elle ne se doute pas un instant de ce que j'ai pu ressentir hier soir. L'imaginer avec Lana... J'en ai même cauchemardé ! Topaze me sort de ma méditation et va vite renifler Mathilde. Elle n'a pas l'air de comprendre ce qu'elle fait là, mais elle a l'air plutôt contente de la voir. Plus je la regarde, plus mon cœur s'attendrit. Elle a vraiment passé toute la nuit ici ! Pour moi ! Quelle fille peut rester indifférente à cette preuve d'amour ? Quelle petite amie digne de ce nom pourrait ne pas fondre devant une telle situation ?

(Bon sang ! Est-ce que je suis trop dure ?)

La femme forte que je côtoie habituellement paraît si vulnérable, assise là, dans le couloir inconfortable. Elle semble si démunie sans moi que je ne peux pas rester indifférente. Encore sous le choc, je reste les bras ballants et je n'ose pas m'approcher d'elle.

(Je ne lui ai même pas laissé une chance de s'expliquer.)

Si Mathilde a sacrifié sa nuit pour se faire pardonner, je pourrais au moins lui accorder quelques minutes. Je l'observe et, au fond de moi, je sais que quelques minutes ne suffiront pas. J'ai cette femme dans la peau et son corps sur le palier prouvez qu'elle m'a dans la sienne. Je ne pourrai pas men contenter de quelques minutes. Je veux ma petite amie toute la vie entière. Topaze ne résiste pas à l'envie de réveiller notre hôte de palier. Sa langue râpeuse parcourt son visage et Mathilde sort de son sommeil en sursaut. Elle regarde à droite à gauche pour comprendre où elle est.

Miss Mystère :
"Mince, quel réveil !"

Je rigole sans retenue, maintenant que je suis détendue. Je m'appuie contre le chambranle de la porte et l'observe, un sourire ému aux lèvres. Elle se lève, avec une maîtrise de l'équilibre tout à fait relative, et plonge son regard dans le mien.

Mathilde :
"Je... Je suis désolée pour hier soir. Laisse-moi te parler."

Elle est désemparée et je possède la clé de sa délivrance.

Miss Mystère :
"Entre. Va te mettre au chaud. Je sors Topaze et je reviens."

Elle se frotte le visage entre les paumes de ses mains, puis observe Topaze qui la regarde amoureusement.

Mathilde :
"Je suis la reine des connes ! J'ai pas vu ce que j'avais juste en face des yeux !"

Je me contente de la fixer sans ciller. Elle a mérité de mariner encore un peu. Ses excuses sont suffisantes, mais je préfère le lui laisser croire le contraire.

Mathilde :
"J'aurais dû t'écouter. Je regrette tellement..."
Miss Mystère :
"Je ne sais pas si je peux encore te croire..."

Son visage exprime un chagrin immense. Elle est désespérée.

Miss Mystère :
"Mais j'essaierai..."

Elle plonge son regard dans le mien. J'y lis du regret, de la tristesse et du soulagement.

Miss Mystère :
"Je dois sortir Topaze."

Je me faufile à côté d'elle, mais elle me retient par le bras. Son regard est si intense que mon corps, ce traître, décide de se blottir contre elle.

Miss Mystère :
"Je veux bien essayer de te faire confiance à nouveau, si tu promets de me parler quand c'est nécessaire."
Mathilde :
"C'est difficile pour moi... Je ne l’ai jamais fait avant toi."

Je me doute que son passé de mauvaise fille, on lui a sans doute demandé d'exprimer plutôt ses sentiments à coups de poing.

Mathilde :
"Hier soir, après que tu sois partie, Lana s'est comportée bizarrement... Elle m'a dit qu'elle avait encore des sentiments pour moi."

Je déglutis, avec une envie folle de retrouver cette garce pour lui faire avaler son brushing.

Mathilde :
"Mais je l'écoutais pas. Y avait que toi dans ma tête et ta voix qui me répétait à quel point j'étais une sale conne."
Miss Mystère :
"Je ne t'ai jamais dit ça."

Elle m'adresse un petit sourire en coin. Ok, j’avoue que je l'ai pensé très fort, à ce moment-là...

Miss Mystère :
"Pourquoi tu m'as pas rattrapée quand je suis sortie ?"
Mathilde :
"Par fierté ? Parce que j'ai rien pigé sur le coup ? J'en sais rien..."

Je soupire. Si seulement elle avait foutu sa fierté de côté, nous n'en serions pas là !

Mathilde :
"Et puis Lana arrêtait pas de me répéter qu'elle était désolée... Mais après, son discours a changé."
Miss Mystère :
"Qu'est-ce qu'elle a dit ?"
Mathilde :
"Qu'elle m'aimait toujours. Qu'elle s'en voulait de m'avoir abandonnée. Que je méritais d'être heureuse. Toutes ces conneries..."
Miss Mystère :
"Et qu'est-ce que tu lui as dit ?"
Mathilde :
"Que je t'aimais toi. Et que tu me rendais heureuse."
Miss Mystère :
"Elle a réagi comment ?"
Mathilde :
"Mal. Elle a pleuré. Mais elle a compris que si elle veut avoir une place dans ma vie, faut qu'elle accepte que ce soit toi, la femme de ma vie."

(Oh putain ! "La femme de sa vie" ! Mon cœur vient de dégouliner partout par terre !)

Après avoir longuement discuté chez moi, puis dans un petit restaurant de Brooklyn, nous prenons la direction de la salle de sport. Nous avons simplement besoin de nous retrouver, comme avant, et ça me fait un bien fou. J'ai envie de me défouler et d'évacuer les dernières tensions qui circulent dans mes veines. Nous nous échauffons chacun de notre côté en nous lançant des regards de défi. La tension qui demeure encore entre nous se transforme vite en quelque chose de beaucoup plus charnel. Elle ne cesse de me regarder avec désir et je comprends que mon combat est gagné d'avance. Elle monte sur le ring et je m'apprête à le rejoindre, quand un type que je ne connais pas monte à ma place.

(Il fait quoi, lui ?)

L'inconnu s'adresse à Mathilde.

??? :
"J'ai cru comprendre qu'y avaient des cours de boxe, ici ?"
Mathilde :
"Ouais, c'est bien ça."
??? :
"J'aimerais m'inscrire, mais je j'voudrais évaluer mon niveau avant ! Ça vous ennuierait pas un p'tit match, histoire de voir ce que je vaux ?"

Le pauvre... Contre Mathilde, il va prendre cher ! Cela dit, ça aurait pu être pire. Il aurait pu tomber contre moi... Elle me lance un regard d'excuse et accepte de combattre l'inconnu. Les coups s'échangent rapidement. L'inconnu se défend plutôt bien. Tellement bien que je commence à douter des motivations du mec. Si je me fie à ses coups adroits, il est loin d'être débutant. Elle esquive un crochet du droit et envoie son adversaire contre les cordes, ce qui met fin au cours d'essai.

Mathilde :
"T'es pas mauvais, je t'entraînerai si tu veux continuer..."

Elle n'a pas le temps de finir sa phrase que l'inconnu lui envoie un uppercut puissant dans le menton ! Le sang gicle sur le ring !!! Mathilde s'effondre au sol !

Miss Mystère :
"HEY !!! MAIS ÇA NE VA PAS ! STOP !!!"

L'homme continue de frapper Mathilde de toutes ses forces. Il lance des coups de pied dans l'estomac, des coups de poing dans son visage, sans retenue ! Je saute sur le ring en hurlant et me jette sur lui. LE type me balance dans les cordes.

(Tu veux le prendre comme ça ?)

Je me précipite à nouveau sur lui et j'utilise un enchaînement que j'affectionne particulièrement. Lorsque je parviens à dégager sa nuque, je lui assène un coup sec de la tranche de la main sur sa pomme d'Adam. Il titube et semble manquer d'air.

(Connard !)

Mathilde est complètement sonnée et se relève avec difficulté. Je me précipite pour l'aider. L'inconnu passe sa main autour de son cou en grimaçant. Il descend du ring en pointant son doigt vert Mathilde.

Sale type :
"La prochaine fois, ce ne sera pas sur un ring, et c'est pas ta petite pute qui m'arrêtera !"

Alors que je le fixe d'un regard mauvais, et que je suis prête à me jeter à nouveau sur ce sale type, elle me retient par le bras. Les lèvres du type se déforment en un rictus mauvais, avant de quitter la salle sous les regards ahuris des jeunes qui vient d'arriver.

Sale type :
"Et au fait... César te salue !"

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