20/52 - Souvenirs

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Anor s'est encore éveillée en sueur. Elle se redresse douloureusement sur son séant, les doigts crispés sur sa poitrine dégoulinante. À la fois brûlante et glacée, elle s'efforce péniblement de déployer ses poumons. Respirer, respirer. Se calmer enfin. Tout va bien. Là, tout va bien. Ce n'était qu'un rêve. Rien qu'un rêve encore, comme toujours.

À ses côtés, Naïk est resté parfaitement étendu sur le dos. Il n'a pas bougé d'un pouce. Ses yeux grands ouverts sont fixés sur elle, attentifs... Il sait que s'il esquisse le moindre mouvement trop tôt, elle hurlera. Elle le cognera ou se recroquevillera sur elle même en se griffant le visage. Alors il attend. Il attend qu'elle se calme d'elle-même, et qu'elle lui fasse signe. Qu'elle se soit totalement sortie de ses vapeurs traumatiques.

Là, voilà, la main tremblante d'Anor quitte sa poitrine et se pose sur le lit. Ses doigts cherchent ceux de son compagnon pour s'y entremêler. Elle ferme les yeux, et poursuit sa longue respiration pour s'enfoncer plus profondément dans le calme retrouvé.

Naïk referme ses doigts sur ceux qui l'ont rejoint. Il soupire tout doucement et se tourne sur le côté pour mieux observer son aimée. De sa main libre, il lui effleure la cuisse.

  • C'est passé ?

Les yeux d'Anor s'entrouvrent, son visage se détend, elle esquisse un léger sourire. Enfin, elle s'anime pour baisser un regard chaleureux vers Naïk. Un rire silencieux s'échappe de ses lèvres. Soulagé, et peut-être un peu las.

Naïk vient coller son visage contre le ventre moelleux d'Anor. Il la pousse à s'étendre et roule sur elle. Anor se laisse faire en soupirant d'aise, elle caresse les cheveux lisses et épais qui lui chatouillent les côtes.

  • Laisse-les moi, de temps en temps.

Le murmure de Naïk est à peine perceptible, mais Anor ne doute pas de ce qu'il a dit. C'est ce qu'il dit toujours. Chaque fois qu'elle avale un Souvenir.

  • Ce n'est que de la douleur.
  • Justement... je peux en prendre un peu.

Les lèvres de l'homme se pressent sur la peau encore humide d'Anor. Tout doucement, il s'attèle à la recouvrir de baisers, en remontant, petit à petit, vers sa gorge, vers son cou, vers son visage. À chaque seconde, Anor se détend davantage. Le Souvenir et ses restes sont totalement passés, à présent.

  • Je ne fais pas exprès de les avaler en dormant. Ce sont eux qui me choisissent.

Naïk a atteint ses lèvres, il les effleure avec tendresse, sans chercher à la faire taire. Anor sourit.

  • Ils te choisissent parce que tu es ouverte.
  • Je sais...
  • Viens sous mon bouclier.

Silence. Les quatre yeux se rencontrent. Leurs couleurs grises s'éclairent d'une lueur verte autour de la pupille.

  • Tu n'as pas confiance ?
  • Si...
  • Anor.
  • Ce n'est que de la douleur.

Naïk soupire, il replonge en avant pour embrasser les lèvres chaudes qui ne prononcent jamais que des paroles de distance. Mais au fond, il comprend. Au fond, il est soulagé. Ce n'est probablement pas l'idée la plus sage, que de partager tout cela... le bouclier, l'énergie, les Souvenirs. Beaucoup se sont perdus en le faisant.

  • Je vais apprendre. Tu verras, ça va devenir un réflexe. Comme pour toi.

Le visage d'Anor rayonne d'une légèreté qui balaye toute trace d'amertume. Naïk sourit, et rit un peu. Il roule à nouveau de côté pour la libérer de son poids et s'étendre près d'elle.

  • Bien sûr...

Tout doucement, il prend la main de sa compagne dans la sienne. Un court instant, il joue avec ses doigts, et laisse ses yeux se refermer.

  • Tes choix sont toujours les plus sages.
  • Ne te moque pas.
  • Je suis sérieux. Tes Souvenirs d'un côté, les miens de l'autre, et chacun de nous pour se soulager de la douleur quand elle est là. Pour s'aider à les traverser, à s'en libérer, à vivre avec. C'est la meilleure formule. Toi et moi, sur un pied d'égalité. S'épauler sans se protéger.

Anor ferme les yeux à son tour. En souriant, elle s'anime pour se blottir contre Naïk, saisie par un sentiment de plénitude qu'elle ne sait que trop précieux.

  • Merci...

Silence. Naïk laisse échapper un rire en sentant les Souvenirs qui flottent autour d'eux, incapables de les atteindre dans un moment pareil. La nuit se poursuivra calmement, ça ne fait aucun doute.

  • Merci.

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