Chapitre 8 : La Voix

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La troupe s’était remise en route. Le paysage me devenait familier : une forêt froide, humide, dense. J’aurais pu me croire dans mon monde d’origine, mais le message de Merlin dans mon rêve m’avait mis sur mes gardes.

De la magie, oui, partout, il y avait de la magie, dans les arbres, les plantes, les insectes. Ma perception changeait, cette forêt n’était qu’un décor mobile animé par des milliards de pulsations invisibles.

Vivante, oui ce lieu, cette planète ?, était vivante, et derrière une simple feuille se cachait de l’énergie, positive ou négative. Une boule d’énergie qui menaçait, à chaque instant, d’exploser et de tout anéantir, y compris mon monde d’origine.

Zirki et ses compagnons avançaient rapidement, mes maigres pattes peinaient pour les suivre. Mes amis avaient fière allure, l’entraînement intensif leur avait redonné toute leur force physique et morale. Toutefois je m’inquiétais : Serions-nous vraiment prêts pour le combat ?

La réponse vint vite, bien trop vite. A l’orée d’une clairière nous fumes attaqués, directement, sauvagement, sans sommation, ni défi. Je voulus combattre, mais un regard noir de Kavali me fit battre en retraite : j’allais gêner mes compagnons, je n’étais pas prêt.

Mon aide était inutile. Les dizaines de mangeurs d’âmes, armés d’épées et de couteaux couraient vers le combat, confiants, bien trop confiants. La troupe les avaient laissé s’avancer, avant de lancer une contre attaque foudroyante.

Le combat faisait rage, d’un seul coup d’épée, Kavali avait décapité trois ennemis.

Les rangs denses des assaillants se clairsemaient, l’ennemi reculait, terrorisé, incapable de se défendre. Bientôt ce fut la panique. Les mangeurs d’âmes se mirent à courir pour se réfugier derrière un bosquet.

Nous commencions à chanter notre victoire, quand lentement le chevalier noir apparut sur son cheval d’ébène. Il regarda la clairière, rouge du sang de ses troupes.

Le chevalier noir eut un rictus et nous défia plein de haine :

« Et bien les bestioles, vous avez bien progressé, je vous félicite. J’avais choisi des troupes novices, force est de constater qu’elles n’étaient point prêtes. Maintenant, les choses sérieuses vont commencer, mais avant, je vous réserve une surprise. »

Le chevalier noir revint en arrière puis s’avança , accompagné d’un cheval blanc,

chevauchée par une ravissante jeune fille : Julie, c’était Julie !

Je fus bouleversé par sa beauté. Cynique, sadique, le chevalier noir avait choisi la plus belle des tenues pour la superbe blonde aux yeux bleus : nue, elle était entièrement nue !

Tous pouvaient apprécier la blancheur de sa peau, la fermeté de sa poitrine, la perfection de ses courbes féminines.

Mes larmes coulèrent, et un vieux poème surgit du néant :

Nue
Totalement nue
Une belle femme nue
On a beau faire
Sur terre

Il n’y a rien de plus
Beau qu’une femme nue

Nue
Totalement nue
Elle m’a mis au défi
De la mettre dans mon lit
Et comme je suis joueur
j’ai volé son cœur
Malheur

Je demandais à Zirki :

« Il fait cela pour nous humilier ?

— Pas seulement, répondit mon amie ailée, une jeune fille nue réduit la magie des adversaires et augmente la sienne.

— J’aimerais tant le tuer.

— Ne fais rien, murmura Zirki, il veut te provoquer. Si tu l’attaques, il sera en légitime défense et il n’aura plus besoin de tenir sa promesse : le sacrifice de ton amoureuse, qui te protège, deviendra vain.

— Je le tuerai de mes mains.

— L’avenir ne ressemble jamais à nos désirs, philosopha Zirki. »

Je ne pouvais quitter ma bien-aimée des yeux. Elle me regardait, douce, triste, me suppliant de ne surtout pas me lancer dans la bataille. Ma rancœur disparut, je compris qu’elle faisait tout cela pour me préserver. Un ange, oui elle ressemblait à un ange. Je chantai :

La beauté d’un ange
Toujours elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d’un ange

Auditeurs
Auditrices
Inspecteurs

Inspecteurs
Instituteurs
Institutrices

Et surtout
Vous musiciens
De cette chanson

De rien du tout
Sans façon
Prenez soin

La beauté d’un ange
Toujours elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d’un ange

Toi le musicien
Je t’en prie
Avec soin

Écris une mélodie
Je t’en prie
Pour ce qui suit

La beauté d’un ange
Jamais ne passe
Jamais ne lasse

Et pourtant elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d’un ange

La beauté d’un ange
Toujours elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d’un ange

La beauté d’un ange
Toujours elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d’un ange

Au hasard
Je pars
Dans ton regard

Au hasard
Cheval blanc
Crinière au vent

Puissant
Mais le remords
S’instaure

Un mur
Tout aussi blanc
Murmure

La beauté d’un ange
Toujours elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d’un ange

La beauté d un ange
Toujours elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d’un ange

Un mur
Tout aussi blanc
Murmure

Sans hareng saur
Un vilain sort
Sec

Trop sec
Bride les velléités
De liberté

Du cheval blanc
Crinière au vent
Et je repars
Dans ton regard

La beauté d un ange
Toujours elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d un ange

Kavali s’avança et défia le chevalier noir :

« Toi aussi , tu vas t’enfuir comme un lâche ?

— Ta mort est proche, hurla notre ennemi.

— Je te défie, chevalier noir.

— Avec ta peau, je pourrai habiller ma prisonnière. »

Le combat commença, âpre, violent, équilibré.

Le fauve maniait l’épée avec dextérité, mais toujours son ennemi paraît les coups, avec son bouclier noir orné d’un serpent. Kavali essaya de désarçonner le cavalier, mais le cheval était aussi vif que son maître.

Le chevalier noir prit l’initiative et une pluie de coups s’abattit sur le fauve. Mais, rapide comme l’éclair, Kavali ne cessait de parer, courir, bondir. Le combat allait être long, car les deux adversaires étaient de force, mentale et physique, égale.

Soudain le chevalier noir s’approcha du fauve et murmura quelques mots. Kavali se figea, tétanisé. Le fauve allait succomber sous le fer, quand Zirki s’envola et vint narguer le Chevalier noir.

Hélas , le rapport de forces était par trop inégal et le fauve sortait trop lentement de sa torpeur. Sous mes yeux horrifiés, je vis la brute s’emparer de mon ami ailée et lever son épée pour l’occire. Impuissant, j’allai assister au meurtre de mes amis.

La rage s’empara de moi, tout autour de moi se mit à rapetisser ou plutôt je me mis à grandir et à me métamorphoser. Du plus profond de mon âme, un cri surgit : « JE T’ ORDONNE D’ÉPARGNER MES AMIS ! »

Stupéfié le chevalier noir lâcha l’oiseau,courut vers son cheval et s’enfuit, accompagné de Julie, au triple galop,

Je demandai à Zerki :

« Comment ai-je pu ?

— Ta nudité a annihilé la magie du cheval blanc, répondit mon amie.

— Ma nudité ? »

Je descendis mon regard vers ma virilité humaine, exacerbée par la fougue du combat, qui s’exposait à tous. Pris de honte, malgré le soutien du regard complice et moqueur de la jeune fille, je repris immédiatement la taille et l’aspect d’un matou roux.

Le fauve, de son côté, me regarda étrangement et demanda :

« Qui t’a appris à maîtriser la Voix ?

— Quelle voix, demandai-je ?

— La Voix qui ordonne et se fait toujours obéir, précisa Kavali. Je n’aime pas trop cette magie noire.

— Tu ferais mieux de le remercier, intervint la jeune fille ailée, il vient de nous sauver la vie »

Un lourd silence se fit parmi la troupe.

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