51. Amitié et obsession (2/2)

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Rys.

Julia lui jeta un regard noir et battit ses mains, comme pour faire réapparaître son esclave qui semblait invisible aux yeux des deux princesses depuis le début de la conversation.

— Rys, dépêche-toi ! Apporte-moi ma robe lavande ainsi que ma parure d'améthystes. Ceux qui sont assortis à mes yeux, précisa-t-elle en faisant papillonner ses cils.

Aussitôt, la petite princesse retira sa tunique blanche de deuil, roula le vêtement en boule puis le jeta par terre.

—Oh, et n'oublie pas un manteau de laine. Il fait de plus en plus froid en cette fin d’automne.

Un rire clair s'échappa de sa gorge.

— Je me sens déjà mieux.

— Combien de temps vas-tu mettre pour te préparer ? demanda Olympias, montrant des signes d'impatience.

— Juste un moment, la rassura Julia avant de s'asseoir devant un grand miroir d'argent.

Julia appliqua rapidement et d'une manière experte de la poudre de plomb blanche. Elle tapotait l'éponge en s'attardant sur les joues et le front, ce qui au final créa un rendu lisse. Alors qu'elle s'attelait à ouvrir son pot d'ocre rouge, elle s'arrêta subitement et regarda sa cousine dans le miroir, les yeux brillants.

— Oublie la flânerie, Olympias. Allons à la Grande École et regardons les monomaques s'exercer ! N'as-tu pas affirmé que nous pouvions le faire à notre guise, car la caserne appartient à l'Empereur ?

— Père doit prévenir l'instructeur à l'avance, et Père est parti pour la Borée hier. Il y restera plusieurs jours.

— Oh, soupira Julia en reposant le pot sans avoir coloré ses lèvres.

L'obsession de Julia pour le monomaque désespérait sa serve. Le veuvage avait amplifié cette lubie, car la petite princesse pensait qu'à présent elle était plus libre et plus à même d'assouvir son rêve de le rencontrer. Et ce rêve semblait dangereusement se rapprocher de la réalité.

— Ne tire pas cette tête pitoyable, grommela Olympias. Si tu souhaites regarder des hommes, nous pouvons nous rendre au temple de Neptolemos. Les légionnaires s'y trouvent.

— J'espérais apercevoir un combattant... Je ne l'ai vu qu'une fois de loin, lorsqu'il courait près du palais de Nikanor, mais il était si beau…

Julia rajouta une couche de poudre sur les joues.

— J'ai pu découvrir qu'il s'appelait Oldric et qu'il avait été vendu à la Grande École.

— Oldric ? L'Ours ?

Le gloussement de Son Altesse fit sursauter la petite princesse sur son siège recourbé.

— Tu le connais ?

— Tout le monde le connaît ! Il est apparu aux jeux le mois dernier et a transformé une foule avide de son sang en une une foule désireuse de l'adorer.

— Que s'est-il passé ? Raconte-moi tout !

Olympias prit un air blasé.

—Tu ne le verrais pas même si nous allions à la Grande École. Il se tient à l'écart des visiteurs.

— Pourquoi ?

— Il a failli tuer le fils d'un officier qui voulait s'entraîner avec lui. Apparemment, Oldric n'a pas compris que ce n'était qu'un exercice. Il voulait du sang.

L'excitation fit briller les pupilles bleues.

— Mais il ne tuerait sûrement pas une femme, n'est-ce pas ?

— Il a l'air capable de tout...

La Shulamite vit la jalousie brûler les pommettes de Julia, suivie d'une colère rapide.

— L'as-tu vu au banquet ?

— J'étais avec Gad le soir où l'ours a été présenté pour la première fois, confirma Olympias. Tu as entendu parler de Gad, il en est à vingt-sept morts maintenant.

L'agaçante cousine pencha la tête.

— Oldric est un peu trop barbare à mon goût.

Amarys tendit la robe à longues manches pour Julia et la laissa glisser sur elle pendant que les deux jeunes femmes discutaient. Elle accrocha la ceinture d'or, fit quelques ajustements pour que la tunique flatte la silhouette plantureuse de sa maîtresse. Ensuite, la Shulamite posa les deux genoux au sol pour lacer les bottes de cuir souple. Enfin, elle accrocha le collier d'améthyste pendant que Julia agrippait les pierres à ses oreilles.

— Voulez-vous que je vous recoiffe, maîtresse ? demanda la servante.

— Elle n'a rien fait pour les décoiffer, siffla Olympias, impatiente.

— Je donnerais n'importe quoi pour qu'Oldric passe ses doigts dans mes cheveux, gloussa la petite princesse, le front cramoisi.

Se tournant, elle s'éloigna du miroir et prit les mains d'Amarys, l'humeur soudainement sérieuse.

— Ne révèle rien à Père. Dis-lui que je suis allée me recueillir au temple de Calanthe.

Olympias soupira.

— Pas Calanthe. Ops, la déesse du foyer et du mariage.

— Oh, je m'en fiche, rétorqua Julia en lâchant les mains de son esclave. Donne-lui le dieu de ton choix, même ton dieu invisible si tu veux.

Elle arracha le châle à Amarys puis se dirigea vers la porte en tournoyant joyeusement, laissant le doux tissu de laine flotter autour d'elle.

—Encore mieux, Rys. Dis à Père que je suis allée chez l'apothicaire me trouver un poison à action rapide. Cela lui plaira.

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