38. Les maîtres de l'empire

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Oldric.

Ils furent conduits dans une antichambre où ils devaient attendre l'arrivée d'un contingent de gardes qui les emmènerait dans les quartiers situés sous le Grand Théatron. Les cinq autres monomaques présents dans la pièce avaient déjà combattu, l'un d'entre eux crédité de vingt-deux meurtres. Oldric, le seul nouveau venu, était également le seul à avoir des chaînes aux poignets et aux chevilles.

Oldric avait affronté Le Nordien une fois et savait qu'il était mécanique, ses mouvements prévisibles. La force brute constituait son unique avantage, car il s'en servait comme d'un bélier. Le Pargue était une autre affaire. Plus mince et plus agile, il frappait vite. Les jumeaux Ipathe étaient de bons combattants, mais leurs faiblesses s’étaient dévoilées au cours d’un entraînement.

Le dernier homme était un Shulamite qui avait réussi à survivre à la destruction de sa patrie lors du triomphe de Kastor. Gad, de son nom, était de petite stature, large d'épaules, puissamment bâti, et avait éliminé vingt-deux adversaires dans l'arène.

Oldric l'étudia attentivement, regrettant de ne pas avoir eu l'occasion de s'entraîner avec lui à la caserne. Il aurait alors su à quoi s'attendre durant l'affrontement, à quoi faire attention et comment contre-attaquer pour en tirer le meilleur parti.

Le Shulamite avait la tête baissée et les yeux plongés dans une sorte de méditation étrange. Certains de ces gens vénéraient un dieu invisible, peut-être leurs propres dieux du désert, présents, mais insaisissables.

—Tu t'appelles Oldric, dit l'homme une fois qu'il eut relevé la tête.

— Et toi, Gad. Vingt-deux morts à ton actif ?

Les paupières du Shulamite se plissèrent.

— J'ai appris que tu as tué ton ancien instructeur.

— Il l'a bien cherché.

Gad esquissa un fin sourire.

—Je prie Dieu de ne pas nous associer, jeune Oldric. Nous partageons la même haine à l'égard d'Égée. Cela me chagrinerait de te tuer.

Les légionnaires de l'empereur arrivèrent. Deux furent assignés à chaque monomaque, à l'exception d'Oldric, qui en eut trois.

Levant la tête vers Bammon, son apprenti grimaça.

—Dis à ces chiens que je ne m'enfuirai pas.

—Ils le savent, répliqua l'instructeur. Ils craignent que tu ne manges l'un des invités au festin.

L'austère troupe pénétra un tunnel éclairé aux flambeaux, long de plusieurs centaines de mètres. D'immenses portes en planches se dressaient de part et d'autre, derrière lesquelles s’entendaient des grattements et des grognements de bêtes inconnues d’Oldric. Intrigué, il tourna la tête à droite à gauche dans une vaine tentative d’identifier la sonorité dérangeante.

— Eh quoi, barbare ? se moqua un licteur. Il n'existe pas de lions dans ta forêt ? Qui sait, peut-être que tu en affronteras un dans l'arène.

Au bout du tunnel, se trouvait un escalier, au sommet une seconde porte. Celle-ci s'ouvrit sur un dédale de salles, puis un autre couloir de pierres dont les longues ouvertures permettaient de voir une arène d'entraînement en contrebas.

Oldric entendit de la musique et des éclats de rire lorsqu'ils s'introduisirent dans un hall de marbre. Un portique sculpté s'élevait au fond de la pièce. Deux esclaves, vêtus de tuniques blanches bordées de bleus et d'or, se tenaient debout pour les ouvrir.

—Ils sont là ! cria quelqu'un avec excitation, et Oldric vit que la pièce était remplie d'égéens en habit de fête.

Les envahisseurs s'agglutinèrent autour d'eux, les évaluant comme de la viande, commentant leur taille, leur largeur et leur attitude. Trois des monomaques semblèrent s'amuser de la situation. Le sourire aux lèvres, ils suivirent docilement les maîtres vers l'estrade au fond de la salle. Seul Gad resta à l'écart, mais les licteurs poussèrent le Shulamite et l'Estanien, car tous devaient être présentés aux invités d'honneur qui les attendaient au fond.

Le cœur d'Oldric bondit lorsqu'il reconnut l'homme au centre.

Les gardes les alignèrent devant l'estrade, et Oldric se trouva face à face avec l'empereur égéen, Kratheus Ier Valerian. À sa droite, se trouvait son petit frère, le troisième né Kastor, conquérant de Shulam. À sa gauche, le jeune Damianos, l'héritier du trône.

Celui qui avait déchiré l'Estanie.

Oldric se concentra sur Valerian Ier. Au crépuscule de la quarantaine, l'empereur avait d'épais cheveux noirs, striés de neige et de cendre. Ses yeux d’un bleu profond et ses six pieds et demi de hauteur avaient probablement dû farcir les rêves d'innombrables pucelles, lorsque le souverain était plus jeune. Mais à présent, il avait pris de l'embonpoint, son visage était rouge et des cernes creusaient ses paupières inférieures. Sa barbe, une chose sauvage, épaisse et féroce, dissimulait un double menton. Il portait une couronne énorme en or rouge dont chaque pointe représentait une tête d'aigle. La totalité de ses doigts étaient cerclés d'anneaux surmontés de saphir, et au-dessus de la tunique de lin blanche, un manteau d'or avec une cape carrelée de bleu et d'or le drapait jusqu'aux pieds.

Kastor, avec sa carrure puissante et son allure de soldat, était plus impressionnant. Âgé d'une trentaine d'années, ses cheveux noirs étaient coupés de près, son visage marqué par le soleil et les années de campagne. Une étrange mélancolie se lisait dans son regard. Trois jeunes femmes vinrent butiner autour de lui, ce qui le fit s'éloigner sans dire un mot.

Damianos semblait moins imposant en comparaison, même si l'orgueil d'Oldric souffrait d'admettre que c'était cet adolescent qui avait brisé l'unité des tribus estaniennes.

Il évalua la distance qu'il lui faudrait parcourir pour s'emparer de l'un d'entre eux et sut que c'était impossible. Mais la seule idée de briser la nuque d'un Valerian lui apporta une certaine consolation.

Kratheus l'étudia sans expression. Oldric le regarda droit dans les yeux, souhaitant que ses poignets soient détachés et qu'il ait un javelot à la main. Des gardes étaient alignés le long des murs, et deux d'entre eux se tenaient derrière. Un pas de plus vers l'estrade le condamnerait.

Il ne prêta pas attention à l'annonce du héraut, ni ne suivit les cinq autres qui levèrent le poing en guise de salut, avant de s'incliner, alors que l'empereur le fixait toujours.

Des chuchotements s’élevèrent dans la pièce. Oldric tendit ses poignets entravés et afficha un sourire sardonique.

Pour la première fois, ses chaînes lui évitaient l'humiliation d'honorer un Égéen.

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