19.Nouvelle vie

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Rys.

Julia et sa mère résidaient dans un long édifice recouvert d’ardoise. Au-delà d’une grande porte, une douzaine de gardes s’entraînaient au maniement de l’épée et du bouclier, un petit égéen trapu jurant et soufflant chaque fois qu’il brandissait sa lame. À l’autre bout de la cour, un soldat tenait à lui seul en échec trois adversaires. Ce spectacle fit grimacer Rys.

À peine ont-ils fini d’enterrer les morts de la dernière guerre qu’ils se préparent pour la prochaine.

De grandes colonnes sculptées servaient d’entrée à un vestibule rythmé par les va-et-vient des serviteurs. Au sommet d’interminables marches, la petite princesse l’introduisit dans une chambre jonchée de vêtements.

— Range tout ça, ordonna-t-elle en s'allongeant sur le lit.

Amarys s’exécuta, ramassant manteaux, tuniques et châles sur le sol. L’attention de sa maîtresse alourdissait ses épaules.

—Tel-Sayyadin est considérée comme une ville sainte.

—En effet, Votre Altesse.

— Est-ce qu'il en reste quelque chose ?

Rys se leva, lissant une robe de soie dans ses mains.

— Très peu, Votre Altesse.

Julia examina les pupilles brunes de la jeune fille. Les esclaves n'avaient pas le droit de regarder leurs maîtres en face, se rappela la Shulamite un peu tard. Heureusement, la princesse ne parut pas offensée.

—Mon père a visité cette ville il y a plusieurs années. Il a vu votre temple et a affirmé qu’il était très beau. Pas aussi remarquable que celui d'Émésis sur les rives du fleuve Aether, mais une merveille tout de même.

— Il a été détruit, Votre Altesse.

Rys se retourna et commença à réarranger des flacons sur un meuble en tek.

— Qu'est-il arrivé à ta famille ?

— Ils sont tous morts, Votre Altesse.

— Étaient-ce des fanatiques ?

L'esclave prit une profonde inspiration, faisant de son mieux pour cacher le tremblement de sa voix.

— Non, Votre Altesse. Ma mère était marchande de tissus et mon père servait de scribe dans notre village. Il fut ensuite appelé à travailler au temple de la capitale. Une fois par an, nous retournions à la campagne pour célébrer Pâques, avec mon frère et ma sœur.

— Qu'est-ce que Pâques ?

S’obligeant à la contenance, Rys ramassa un joli flacon en nacre qui dégageait un doux parfum.

— C'est la célébration de la résurrection du Messie. Mais nos lointains ancêtres commémoraient ce même jour la libération du peuple de Dieu. Il les délivra du joug d’un tyran en supprimant tous les premiers-nés du pays.

Julia tira distraitement les pointes de ses cheveux.

— Si votre dieu est si puissant, pourquoi ne vous a-t-il pas aidé cette fois-ci ?

— Parce que nous l’avons rejeté, Votre Altesse.

Rys s'évertuait à présent à exhumer un somptueux divan dissimulé par maints draps, couvertures, résilles, et bijoux.

La princesse balança sa chevelure par-dessus son épaule, les sourcils froncés. De toute évidence, elle aimait y glisser ses doigts, consciente de leur douceur.

—Mon oncle dit que j'ai de beaux cheveux.

Se levant, Julia passa devant sa servante et fouilla ses affaires à la recherche d’un peigne, renversant au passage les fioles qu'Amarys avait rangées.

— Il m’a emmenée aux jeux, continua-t-elle, l'air rêveur. J'ai adoré y assister ! Pourvu qu’on y retourne le plus tôt possible…

—Que voulez-vous que je fasse à présent, Votre Altesse ?

Ennuyée que ses douces pensées soient interrompues, la princesse cligna des paupières. Elle jeta un coup d'œil à la malheureuse, puis scruta la pièce. Les draps étaient lissés, les vêtements pliés, les coussins soigneusement disposés.

— Tu sais comment coiffer, n’est-ce pas ?

Rys pâlit. Julia lui tendait le peigne en écaille de tortues.

—Je peux tresser vos cheveux, Votre Altesse, balbutia la servante.

—Je ne sais pas pourquoi Mère t’a choisie ! À quoi me sers-tu ?

En colère, la princesse jeta l’objet à dent sur la poitrine de Rys, puis se précipita vers la porte.

— Bithia ! Bithia ! Viens ici ! Tout de suite !

Une femme au teint olivâtre entra dans la chambre.

— Oui, Maîtresse ?

— Apprends à cette idiote comment me coiffer !

— À vos ordres.

La servante l'invita respectueusement à s'asseoir sur une chaise.

Je peux tresser vos cheveux, grommela Julia dans une piètre tentative d'imiter sa nouvelle esclave.

Amarys observa Bithia travailler de manière experte. Elle trouvait l'arrangement merveilleux. Hélas, la principale concernée semblait mécontente.

— Recommence !

Au bout du troisième essai, Julia arracha les épingles dorées de sa crinière et secoua la tête avec impatience.

— C’est pire qu'avant ! Va-t’en ! Tu es aussi inutile que la Shulamite !

Les larmes lui remplirent les yeux.

— Ce n'est pas juste ! Pourquoi ne puis-je pas choisir ma propre servante ?

— Vous avez les plus beaux cheveux que j'ai jamais vus, Votre Altesse.

— Pas étonnant, compte tenu de ce qu'ils ont fait aux tiens !

Rys resta silencieuse, essuyant l’attaque de plein fouet. Elle chercha un mur à fixer pour y noyer son désarroi.

Seigneur, donne-moi la force de pardonner, comme Toi, Tu me pardonnes.

— Je veux une domestique qui puisse me rendre aussi belle qu'Eos, la maîtresse de mon oncle ! Et tu apprendras à le faire ! Maintenant !

Encore cet oncle !

Abasourdie par les paroles de sa jeune maîtresse, Amarys reprit le peigne entre ses doigts et tenta de suivre tant bien que mal les instructions qui lui étaient données.

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