Chapitre 27 - Annexe - Friedrich

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Paris, 10 août 1944.

Un matin de plus, Friedrich se lève seul, sans voir sa compagne encore endormie dans le lit. Hannah est partie depuis presque trois mois et cela crée un vide dans le quotidien de l'Allemand. Il s'avance jusqu'à l'encadrement de la porte puis s'arrête au niveau de ce dernier. Il se retourne et regarde le lit, vide. À contre cœur, il gagne le salon de l'appartement d'Hannah ; après le départ de la jeune femme, Friedrich n'a pu se décider à le quitter pour retourner dans celui qu'il occupait avant de rencontrer la résistante. Il entre dans la cuisine, il s'avance vers le plan de travail et dans un placard, il récupère du pain et un pot de confiture de fraises. Il prend un couteau dans le tiroir du meuble de cuisine puis il emmène le tout dans la partie salle à manger du grand salon. Il dépose son petit déjeuner sur la grande table où il dînait avec Hannah auparavant. Il tire l'une des chaises et se laisse lourdement tomber dessus avant de s'avancer sous la table. Il coupe le morceau de pain en deux ; après avoir ouvert le pot de confiture, il s'aide du couteau pour tartiner ses tranches de pain. Il les déguste, seul, sans la voix d'Hannah qui lui raconte les anecdotes de Paris.

Après avoir mangé et s'être habillé, Friedrich quitte l'appartement pour gagner ses fonctions militaires. Il traverse Paris, à travers les Champs Élysées et il gagne le quartier général de la Gestapo. L'Allemand franchit la grande porte d'entrée, il salue la secrétaire d'accueil et se dirige vers les escaliers. Il monte à l'étage mais avec un pas lourd, traduisant son état, lassé par tout cela. Arrivé au bon étage, il traverse le couloir jusqu'au bureau de son supérieur. La porte est grande ouverte et Bömelburg a le nez plongé dans des documents. Friedrich toque doucement sur la porte en bois pour signaler sa présence. Karl relève la tête et sourit à son ami.

- Bonjour Friedrich, vous voilà.

- Bonjour Karl.

- Entrez donc, et asseyez-vous.

Friedrich s'exécute et prend place sur la chaise en face du bureau du chef de la Gestapo. 

- Comment allez-vous mon ami ? demande Karl.

- Je fais ce que je peux mais ça pourrait être mieux.

- Cette guerre ne va durer éternellement, vous le savez.

- Oui mais ce n'est pas la guerre le seul problème.

- Il y a Hannah aussi, je le sais.

- Est-ce que vous avez des nouvelles ?

- Non aucune, du moins pas précises. Je sais qu'il y a un mois, un groupe de résistants, dont une femme, se sont arrêtés dans une commune en Haute-Normandie et la femme a exécuté un officier qui était sous vos ordres avant. Mais ça ne peut pas être Hannah.

- Non, ce n'est pas possible.

- Je vais continuer les recherches mais je ne peux rien vous promettre, ne vous attendez pas à des résultats positifs.

- Merci. 

Un homme entre dans le bureau, une enveloppe à la main. Karl se lève et s'avance vers l'officier. Il récupère le courrier qui lui est adressé puis il retourne s'assoir. Il ouvre l'emballage en papier jaune-marron et en sort l'ordre qu'il contient. Karl lit le contenu avant de poser la lettre sur la table.

- Berlin nous demande d'accélérer les déportations commence le soldat.

- Est-ce qu'on est vraiment obligé de le faire ? demande Friedrich.

- Oui c'est un ordre, et même si ce n'était pas le cas, qu'est-ce que ça change ? C'est une chose qui doit être faite.

- Tuer des enfants, c'est une chose à faire ?

- Ils sont Juifs. Et il y a aussi des opposants dedans. Que vous arrive-t-il ?

- Rien. Je me demande seulement si nous faisons le bien ou le mal.

- On purifie la race humaine, qu'il y a-t-il de mal là-dedans ?

Friedrich ne répond pas pour ne pas s'enfoncer. Plus le temps passe et plus il s'éloigne des idées prônées par son gouvernement. Peut-être est-ce dû à l'influence d'Hannah qui lui a toujours montré son désaccord avec les déportations. Il baisse les yeux un petit instant puis il ramène son regard vers son supérieur.

- Que voulez-vous que je fasse ?

- Établissez une liste de mille deux cents prisonniers et faites-la transmettre à Brunner, le convoi part demain vers Auschwitz.

- Ce sera fait.

Friedrich se lève lourdement, non désireux de remplir cette mission. Il gagne son bureau et ferme la porte derrière lui ; personne ne doit voir l'état dans lequel il est pendant ce choix difficile. Depuis quelque temps, Karl lui a confié à lui d'établir la liste des déportés ; il s'agit de la mission la plus difficile qu'il lui ait donné. Si la vie à Drancy est difficile et que beaucoup y perdent la vie, celle à Auschwitz n'est autre que la porte qui mène à la mort. Hannah lui a raconté à quoi cet enfer ressemble et elle n'y est restée que deux semaines. Tout d'un coup, il repense à Romain ; ce résistant qui était toujours dans les pattes d'Hannah et qui ne perdait jamais l'occasion de lui faire du charme. Dans un sens, il est débarrassé de lui, mais dans l'autre il se demande s'il est encore en vie. Hannah tient énormément à lui, ça Friedrich le sait, à tel point qu'il se demande si elle n'est pas amoureuse de lui. Si cet homme revient, qu'adviendra-t-il de la relation entre Hannah et Friedrich ? C'est l'une des questions qui reste dans la tête de l'Allemand. Lui, il est extrêmement attaché à la jeune femme ; lorsqu'elle a été arrêtée puis déportée, il s'est senti perdu, il était effrayé à l'idée de ne jamais la retrouver. Mais elle lui est revenue et il l'a laissé repartir. Maintenant, il craint ne jamais la revoir. 

Friedrich s'assoit dans son fauteuil, il prend une liste vierge et un stylo. De sa main libre, il saisit le dossier comprenant les noms de toutes les personnes internées à Drancy. Le cauchemar commence, tel est son travail ; il doit choisir qui entres ces enfants, ces femmes et ces hommes seront envoyés à la mort.

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