Chapitre 24 - Règlement de compte

9 minutes de lecture

Le Neubourg, 4 juillet 1944.

Alors qu'ils avaient entamé une descente dans le pays, les trois résistants ont finalement légèrement remonté pour passer en Haute-Normandie et atteindre l'Île de France par le nord de la région. Mars continue de suivre son plan et fait en sorte que l'équipe progresse lentement à travers le territoire. Les autres groupes qui composent le commando dirigé par Mars, poursuivent également leur route. Pour chaque groupe, les objectifs sont différents ; ils sont quatre, et tous sont chargés d'arriver à Paris par un point différent. 

La route se poursuit dans des conditions plus ou moins bonnes, dans la majeure partie des villes et villages ou le groupe d'Hannah s'est arrêté, il y avait peu d'Allemands et ils n'ont pas toujours opposé de résistance face aux trois libérateurs. Le groupe a de nombreuses fois croisé des troupes alliées ; il s’est joint à eux pour des missions avant de repartir de son côté. 

Cette fois, Mars, Hannah et Charly se sont arrêtés à Le Neubourg en Haute-Normandie. Quand ils sont arrivés avec une division de Britanniques composée de quinze hommes, il y avait une petite dizaine de soldats allemands qui gardaient la ville. Après quelques affrontements, les Allemands ont été arrêtés et emprisonnés, les Alliés ont annoncé la libération de la ville. Quelques heures après, les soldats britanniques sont partis en direction d'Évreux alors que le groupe de Mars s'est installé ici pour la nuit. Le maire de la commune leur a offert trois chambres dans le petit hôtel de la ville et les trois résistants s'y sont installés pour s'y reposer.

Dans le reste du pays, la guerre se poursuit ; après l'assassinat de l'un des chefs de la Gestapo, les Allemands ont continué leurs représailles envers la population française pour tenter de stopper les actions de la Résistance. Mais rien n'y fait, les soldats du Général de Gaulle poursuivent leur combat à travers le pays. Après le débarquement en Normandie, les Alliés ont prévu de débarquer en Provence en août. Les combats se poursuivent néanmoins avec difficultés, la prise de Caen qui a commencé dès le 6 juin n'est toujours pas un succès ; la dernière opération mise en place par les Alliés a échoué. Il y a également des désaccords qui naissent entre de Gaulle et Churchill, ce qui freine les opérations qui impliquent les forces alliées et la Résistance. Hannah et tous les autres ignorent ce qui se passe à l'Est, dans les camps où les nazis ont commencé les exterminations massives.

Hannah sort de sa chambre et se dirige vers les escaliers qui mènent au rez-de-chaussée de l'hôtel. Elle descend lentement les escaliers puisqu'elle n'est pas pressée ; il n'est que dix-neuf heures. Arrivée en bas, elle marche vers le grand salon qui fait office de restaurant dans l'hôtel. Mars et Charly y sont déjà et discutent tellement fort qu'Hannah les entend depuis le hall d'accueil. La jeune femme entre dans la grande pièce et dirige son regard vers ses amis. La surprise s'empare d'elle lorsqu'elle voit Arnaud assis à table avec les garçons. Les trois résistants ricanent devant leur amie qui reste figée face à cette visite inattendue. Hannah n'attend pas plus longtemps et elle s'avance vers l'ami qu'elle attendait tant de rencontrer. Arnaud se lève et prend la protégée d'Henry dans ses bras. La jeune femme se libère de son emprise après quelques instants puis tous deux s'installent autour de la table.

- Je suis vraiment surprise de vous voir ici, commence Hannah à Arnaud, que faites-vous ici ?

- Mars m'a contacté il y a une semaine pour me faire part des nouvelles vous concernant. Comme je voulais vous voir depuis longtemps, on s'est arrangé pour que je vous retrouve ici.

- Vous êtes au courant pour Nicolas ?

- Oui, malheureusement. Je ne le connaissais pas très bien mais il m'a beaucoup aidé surtout avec vous.

- On n'en n'a pas discuté, mais que comptez-vous faire ? demande Mars.

- Si vous l'acceptez, je souhaite rester avec vous et participer à vos missions. Le trajet vers Lyon est difficile et il y a beaucoup de contrôles dans les grandes villes.

Les trois résistants se regardent et tous valident le souhait d'Arnaud.

- D'accord, vous pouvez nous suivre.

- Merci.

- Je voudrais savoir, ajoute Hannah, comment ça se passe à Lyon ?

- Je pense que ce n'est pas très différent de Paris ; les nazis y sont bien installés et ils font tout pour se débarrasser de la Résistance. Mais il est vrai que c'est devenu très oppressant, c'est pour cela que je suis parti d'ailleurs, je ne supportais plus l'omniprésence des Allemands et leur manière insupportable de vouloir absolument tout contrôler. Alors que vous rejoindre, au moins ça me donne la possibilité d'être plus libre.

- Vous devez aussi avoir beaucoup de difficultés à opérer à Lyon avec cette surveillance ? demande Charly.

- Oui c'est assez difficile, mais il suffit d'être discret. J'image qu'Hannah, vous avez eu la même méthode de travail quand vous étiez sur Paris ?

- Exactement, on jouait sur la discrétion le plus possible. Mais on avait aussi une autre carte en main ; en devenant proche des Allemands hauts gradés, on a pu obtenir des informations assez facilement sans se faire prendre pendant environ deux ans.

- Oh ! s'exclame Charly. Avant que je ne l'oublie, il y a l'un des Allemands que nous avons arrêté qui veut te voir.

- Il t'a dit pourquoi il faisait une telle demande ?

- Non mais il prétend te connaître.

Hannah regarde Charly, intriguée ; qui peut bien être cet Allemand ? À vrai dire, elle n'a pas fait attention à leur visage quand ils les ont arrêtés.

- Il est toujours dans l'une des pièces de l'hôtel de ville ?

- Oui, je pense que si le maire avait prévu de faire quelque chose d'eux, il nous en aurait touché deux mots.

- Très bien, merci Charly.

Hannah se lève, désireuse de savoir ce que veut cet homme. Alors qu'elle commence à se diriger vers la sortie de la pièce, Charly l'arrête.

- Attends, si ça ne te dérange pas, je viens avec toi.

- Dépêche-toi alors.

Charly se lève aussitôt et rejoint Hannah. Les deux amis quittent l'hôtel et ils se mettent en route vers la mairie à quelques rues de là. Ils arrivent rapidement devant la mairie de la commune ; Hannah se présente à la secrétaire dans le hall du bâtiment. Après un long moment d'attente, le maire accompagne Hannah et Charly jusqu'à la pièce où est détenu l'Allemand qui demandait à voir Hannah. La jeune femme entre dans la pièce suivie par Charly ; celle-ci est complètement vide, mise à part une chaise contre un mur à l'opposé du prisonnier, ainsi qu'un seau pour les besoins du soldat. En entendant du monde entrer dans sa geôle, l'Allemand, qui est enchaîné au mur se retourne pour connaître l'identité de ses visiteurs. Hannah le reconnaît tout de suite, il s'agit de l'un des SS que Friedrich avait chargé de la surveiller après son retour de Pologne. La jeune femme est surprise de le trouver ici, elle ne s'y attendait pas et maintenant elle en vient à se demander s'il est là par un pur hasard ou s'il la recherchait. L'homme ne dit rien et se contente de regarder Hannah. Face au regard surpris de son amie, Charly s'interroge sur la situation et finit par rompre le silence qui s'est installé dans la pièce.

- Est-ce que tu le connais ? lui demande-t-il.

- Oui, il me gardait enfermée quand j'étais à Paris.

- Strauss voulait s'assurer que vous n'ayez aucun contact avec de potentiels résistants, intervient l'Allemand. Mais apparemment, il était très loin de la vérité puisque vous êtes l'une d'entre eux.

- Pourquoi vous n'êtes plus à Paris ?

- Parce qu'on m'a changé de commando et c'est la seule chose que je vous dirai.

- Pourquoi êtes-vous ici ? Est-ce que Friedrich me cherche ?

- Vous avez entendu ce que je viens de vous dire ? On m'a changé de commando, je ne suis plus sous les ordres de Strauss. 

- Quand avez-vous vu Friedrich pour la dernière fois ?

- Il y a un peu plus d'un mois. 

- Comment se portait-il ?

- Si vous voulez le savoir, vous n'avez qu'à aller à Paris et lui demander par vous-même ! Et vous pourrez aussi lui faire part de votre trahison ainsi que de tous les mensonges et manipulations que vous avez faites. Alois Brunner se fera une joie de vous renvoyer auprès de votre ami en Pologne, bien qu'il doit déjà être mort à l'heure où on parle.

Hannah fronce les sourcils devant les paroles désagréables de cet homme. Elle tourne la tête en direction du maire qui est resté dans la pièce avec eux.

- Qu'est-ce que vous comptez faire de lui ?

- Lui et ses camarades ont tué plusieurs agriculteurs il y a deux semaines, donc nous avons l'intention de les exécuter. À moins que vous n'ayez d'autres projets pour eux.

- Quand avez-vous l'intention de les mettre à mort ?

- Nous n'avons pas encore décidé de date, mais si vous souhaitez y assister, nous pouvons faire cela aujourd'hui. De toute manière, que ce soit aujourd'hui ou la semaine prochaine, ils seront exécutés pour leurs crimes.

- J'aimerais me charger de celui-là car il est responsable de ma séquestration à Paris.

- Bien, je vous l'accorde.

Charly regarde Hannah, inquiet ; la vengeance n'est pas une habitude de son amie.

- Tu es certaine de vouloir faire ça ? demande le jeune homme. Cela ne te ressemble pas.

- J'en suis plus que sûre. Tu n'imagines pas à quel point ça été difficile de rester enfermée avec cet homme derrière la porte chaque jour.

Hannah regarde le militaire qui n'affiche qu'un regard méprisant. Elle ne s'attarde pas et quitte la pièce pour ne plus à avoir à supporter la vue de cet homme. Charly et le maire sortent à leur tour et l'élu municipale referme la porte à double tour. Il se tourne ensuite vers la résistante.

- Voulez vraiment appuyer sur la détente ? lui demande le maire.

- Oui, je ne renoncerai pas, c'est à moi de le faire.

- Bien ! Dans ce cas nous allons en descendre quatre aujourd'hui dont celui-là.

- Dans combien de temps ?

- Je dirais une heure, le temps d'avertir le bureau de police. Mais nous n'allons pas traîner car il se fait déjà tard.

- Nous allons retrouver nos compagnons pour les avertir, ajoute Charly.

Le maire acquiesce ; Charly pose sa main sur l'épaule droite d'Hannah pour l'inciter à se diriger vers les escaliers. 

Les deux jeunes résistants rejoignent Mars et Arnaud à l'hôtel pour leur faire part des nouvelles. Arnaud est assez surpris devant le comportement d'Hannah ; comme Charly, il ne pensait pas la jeune femme avide de vengeance. 

À vingt heures trente, le bureau de police de la ville rassemble quatre des SS arrêtés sur la place publique devant la mairie. Le groupe de résistants fait acte de présence ; à côté, de nombreux habitants sont venus voir ce qu'il se passe. Les quatre Allemands sont agenouillés au sol, poignets et chevilles enchainées. Le maire de la commune s'avance, dos aux prisonniers, face aux habitants.

- Chers citoyens, ici, ce soir, nous rendons la justice. Ces hommes que vous voyez là sont des criminels. Certains ont occupé notre chère commune pendant plusieurs années, d'autres sont arrivés il y a peu mais ils n'ont pas attendu longtemps pour répandre le sang. C'est pourquoi, ce soir, quatre d'entre eux vont mourir. Mademoiselle Marty, l'un de ces hommes vous a causé du tort par le passé, c'est donc à vous de rendre la justice pour ses crimes.

Hannah s'avance sous le regard de tous les habitants de la commune de Haute-Normandie. Un policier lui donne un fusil, Hannah s'en saisit en remerciant le fonctionnaire. Elle avance jusqu'à une distance de quatre mètres du condamné ; fusil contre l'épaule, elle regarde l'homme prêt à mourir.

- As-tu une dernière parole à confesser avant de mourir ? lui demande Hannah.

- Vous ne gagnerez pas la guerre, lui répond le soldat déterminé à défendre ses idées.

Hannah regarde le chef de la police et le maire. Tous deux lui font signe qu'elle peut agir. La jeune femme prend l'arme avec ses deux mains et place le canon en direction de l'Allemand. L'homme ne lâche pas Hannah du regard ; un seul coup, les oiseaux s'envolent effrayés par le bruit. Le militaire tombe au sol et le marbre de la place de la mairie se teint de rouge.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Audrey Harlé ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0