Lyon, mars 1927.

En mars 1927, la jeune Hannah Marty est âgée de huit ans. Elle n'a jamais connu son père, décédé de ses blessures de guerre. Elle apprend qui il est à travers les souvenirs qu'il a laissés : des photographies, des lettres... Depuis quelques mois déjà, sa mère lui parle en détail de lui, elle juge qu'elle est enfin en âge de comprendre pourquoi il n'est pas présent. Sa fille sur les genoux, sa mère se saisit d'une des lettres que son défunt mari lui a écrit pendant qu'il était au front. Elle la déplie délicatement et commence la lecture à son enfant. Par cette lettre, la petite Hannah découvre la vie de son père, ce qu'il a fait pendant cette guerre, à quoi ressemblait ses journées. Mais sa mère déforme certains de ses propos, Hannah est jeune et la guerre reste quelque chose de difficile et traumatisant. Mais elle ne ment pas, elle parle de lui comme d’un héros et c'est un héros. Il s'est engagé de lui-même dans cette guerre, il est allé au front sans rien dire car il voulait défendre son pays. Et sur le champ de bataille, il a défendu et protégé ses compagnons qui étaient blessés. Quelques mois avant de mourir, il avait été décoré de la croix de guerre pour son courage, sa bravoure et son patriotisme. Il est un héros dans le cœur de sa femme, de sa fille mais aussi dans celui de la Nation. Et à chaque fois qu'il lui manquait, Hannah sollicitait sa mère pour qu'elle lui conte son histoire.

Lyon, septembre 1929.

Hannah est dans un deuil profond, celui de la perte de sa mère, emportée par la fièvre typhoïde. Elle n'a plus aucun parent connu. C'est donc Eva, voisine et bonne amie de sa mère qui prend désormais soin d'elle. Elle se plonge dans les souvenirs de ses parents pour faire taire son chagrin, de cette façon, c'est comme s'ils étaient avec elle.

Malgré la perte de sa mère bien aimée, la jeune fille poursuit le fil de sa vie et apprend de jour en jour, gagnant en connaissances, en autonomie et petit à petit en maturité. La mort de sa chère mère l'a fait subitement sortir de l'enfance en la plongeant dans un monde difficile qui se montre parfois cruel. Heureusement pour elle, elle n'est pas seule ; Eva veille à son bonheur et ses amies savent lui redonner le sourire dans les moments difficiles.

Lyon, avril 1934.

Âgée de quinze ans, Hannah s’épanouit dans sa vie la plupart du temps. Bonne élève et adolescente droite dans son comportement, elle fait la fierté de sa tutrice. Depuis un an déjà, elle se rend très régulièrement à librairie d'Henry Ramier. Elle y passe pas mal de temps à lire ; mais elle donne aussi un coup de main au libraire pour la gestion de l'échoppe. Depuis plusieurs mois, Henry joue un rôle de professeur auprès de l'adolescente. Il lui apprend tout le savoir qu'il possède ainsi que celui qu'il garde dans ses vieux livres.

Pendant qu'Henry fait l'inventaire de sa boutique, Hannah traine entre les étagères qui contiennent les vieux livres. Elle passe ses doigts délicatement dessus en regardant les titres des ouvrages. Son regard s'arrête sur l'un d'entre eux : "Histoire de la Germanie". Elle prend doucement l'ouvrage de manière à ne pas l'endommager, puis elle se dirige vers le bureau du libraire. 

- Tu as déjà lu ce livre ? demande-t-elle alors que l'homme relève tout juste la tête de son ouvrage.

- Oui. Il traite de l'histoire de l'Allemagne, cela devrait t'intéresser, tu devrais le lire.

- On nous parle de l'Allemagne à l'école.

- En bien ?

- Non, on ne peut pas vraiment dire ça...

- Alors lis-le, c'est toujours une bonne chose de connaitre le passé des autres pays.

- D'accord.

Paris, juillet 1937.

Après son dix-huitième anniversaire et après avoir terminé de suivre l'enseignement dans le secondaire, Hannah a suivi Henry sur Paris. La jeune femme suit désormais des études littéraires à l'université de La Sorbonne. Henry et Eva donnent chaque mois, à Hannah, de quoi être un minimum indépendante. Elle est désormais un réel employé du libraire plutôt qu'une bénévole. Depuis tout ce temps, elle a acquis un grand nombre de connaissances mais aussi de valeurs. Comme son père, elle aime son pays et possède un sentiment d'appartenance très fort qu'elle tire de la Révolution Française, là où la liberté, l'égalité et la fraternité ont pris un sens pour la première fois. 

La jeune femme s'accommode doucement à la vie dans la capitale, à son plus grand plaisir. Cette ville l'a toujours fait rêver et depuis qu'elle est enfant, elle souhaite y vivre. Elle consacre parfois son temps libre à la découverte des monuments si célèbres et des musées de la ville. Elle passe aussi beaucoup de temps dans la bibliothèque universitaire qui lui offre un très large choix quant aux ouvrages à découvrir.

Paris, novembre 1939.

La guerre a éclaté en Europe depuis maintenant un mois. La Pologne est envahie, l'armée française se cache derrière la ligne Maginot, attendant l'arrivée des Allemands. À Paris, la guerre n'inquiète pas grand monde ; les Français ont gagné la dernière guerre, alors ils gagneront celle-ci. Hannah reste méfiante tout de même : à toujours se croire plus fort, on finit par se faire battre, l'Histoire l'a montré à mainte reprise. Henry tente de la rassurer, il n'y a aucun combat sur le territoire, pour l'instant il n'y pas d'inquiétude à se faire. 

Le temps passe, les combats éclatent, la peur commence à se faire sentir. La menace se rapproche et dans les journaux comme dans les bruits de couloir, la guerre n'est plus que le seul sujet qui anime la plupart des conversations. Le gouvernement mène une stratégie attentiste qui le conduit doucement à sa perte. Et c'est au mois de mai de l'année 1940 que l'inquiétude s'affiche sur tous les visages français, lorsque l'armée allemande envahit le pays. Le mois de juin est perdu, la France vaincue, il est temps d'entrer en résistance.