Chapitre 8 - L'arrestation

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Paris, 21 mars 1944

Plus de vingt jours se sont écoulés depuis qu'Hannah a commencé à travailler à l'ambassade. Son nouveau travail lui est très utile puisqu'elle a désormais très facilement accès à des informations très importante. Au fil des jours, elle gagne peu à peu la confiance de l'ambassadeur mais il lui reste encore du chemin pour que ce dernier lui accorde une pleine confiance. 

Après avoir trouvé le télégramme qui indiquait la position de Pierre et de Bollaert, Hannah a tenté de les prévenir mais sans résultats. Dix jours plus tard, elle est tombée sur le mandat d'arrestation pour les deux hommes encore une fois sans avoir la possibilité de les prévenir. Ce qu'Hannah ignore c'est que le 16 mars, les deux hommes ont été arrêtés et aujourd'hui, ils sont au quartier général de la Gestapo en train de se faire interroger.

Du côté de la guerre sur un plan plus large, les Alliés continuent de gagner du terrain et des batailles. Le 4 mars, les Soviétiques ont lancé une offensive vers les Carpates pour reprendre le territoire aux Allemands ; l'opération a été un succès. En France, pour déstabiliser l'ennemi, les Alliés ont bombardé Le Mans, Chartres et Tours. Et dans le Pacifique, les Américains repoussent les Japonais.

Ces vagues d'opérations menées à bien par les Alliés incitent davantage les membres de la Résistance, dont Hannah, à poursuivre leur travail sur le territoire français. Les actions contre la Gestapo et la milice se poursuivent et en parallèle, le plan Overlord continue de se préparer. Hannah renseigne Henry sur les actes de torture menés sur les résistants arrêtés ; et Henry le réfère dans des articles de journaux illégaux qu'il distribue par le biais de Romain et d'autres membres du réseau. 

Hannah est dans le bureau de l'ambassadeur, seule. Son employeur étant sorti déjeuner, elle profite de ce moment pour consulter les documents qui ne sont pas passés entre ses mains. Il y en a beaucoup : nombreux d'entre eux sont des nouvelles en provenance de Berlin ; mais c'est un autre papier qui attire son attention. Elle le prend dans ses mains et le lit ; ses yeux s'écarquillent, elle tombe sur la chaise derrière elle. Pierre a été arrêté, il est en ce moment même interrogé au QG de la Gestapo avec "toutes les méthodes nécessaires".

Hannah se lève et remet le papier à sa place. Elle récupère ses affaires et quitte le bureau puis le bâtiment. Elle s'empresse de se rendre dans la librairie où elle travaillait. Quand elle y arrive, elle découvre que celle-ci est fermée et qu'il n'y a personne à l'intérieur. Henry lui a laissé une clé quand elle partie ; elle rentre alors dans la boutique et y laisse un mot à ses deux amis. Elle ressort et se dirige vers l'appartement méconnu de Friedrich. Elle jette un œil de chaque côté de la rue vous vérifier qu'elle n'a pas été suivie ; puis elle monte et entre dans l'appartement.

Elle fait les cent pas dans la cuisine depuis une bonne demi-heure quand la porte s'ouvre. Elle relève la tête et se dirige vers Romain et Henry.

- Vous êtes enfin là ! Pierre a été arrêté, il faut faire...

En arrivant dans le salon, elle réalise que ce ne sont pas ses deux amis qui viennent d'entrer dans l'appartement parisien, mais Friedrich et un officier.

- Friedrich ? Mais que fais-tu ici ?

- Je vais te retourner la question. On nous a avertis que cet appartement sert de point de rassemblement à un réseau de la Résistance, on vient ici, et on te trouve.

- Je vais t'expliquer.

- Non, c'est inutile.

Il sort un morceau de papier de son manteau.

- Dis-moi, depuis combien de temps notes-tu absolument toutes les informations qu’en aucun cas, tu n'es censée connaître ? Tu vas venir avec nous ; tes amis, Romain, Henry et ce cher Pierre son déjà au QG.

Friedrich ne laisse pas la possibilité à Hannah de répondre quoi que ce soit et il l'attrape par le bras pour l'emmener hors de l'appartement. Il la conduit jusqu'au quartier général de la Gestapo puis d'autres officiers prennent la relève et enferment la jeune femme dans une pièce. Hannah reste cloîtrée pendant plusieurs heures puis Bömelburg entre dans la pièce avec un verre d'eau. Il s'assoit et propose le verre à Hannah qui l'accepte.

- Cela fait bien plusieurs jours qu'on interroge Brossolette et il fait moins de bruit qu'une tombe. Mais là, il s'est décidé à parler. Vous savez ce qu'il a dit ?

Hannah relève la tête vers le SS.

- Il affirme que vous n'avez rien à voir dans cette histoire, ni vous, ni Romain. Que vous le connaissez certes, mais vous ignorez tout de son lien avec la Résistance, malgré le fait qu'il soit recherché depuis plusieurs mois. J'ai envie d'y croire vous comprenez. On vous a laissée entrer dans nos vies, surtout dans celle de Strauss, on vous a fait confiance, on vous a dit certaines choses ; et se faire trahir comme ça, c'est difficile à accepter. Mais le problème, c'est que l'on a des preuves, surtout contre Brunet, des photos, des lettres... Mais vous, on a uniquement une feuille avec des informations que vous ne devriez pas connaître et la coïncidence incroyable est que, depuis que vous fréquentez mon second, des documents disparaissent comme par enchantement. Alors, avez-vous quelque chose à dire ?

Si elle ne dit rien, leurs soupçons ne feront que se confirmer ; pour Hannah, la meilleure solution à adopter est de nier, nier toute implication dans quoi que ce soit.

- Je ne sais pas du tout de quoi vous parlez. Je connais Pierre depuis longtemps, mais je ne sais quasiment rien de lui et encore moins s'il a une quelconque implication dans un réseau de Résistance. 

- Et Brunet ? Saviez-vous qu'il participait à des opérations de sabotage, d'espionnage et qu'il répandait des journaux clandestins ?

- Non, je l'ignorais totalement.

- Hannah, le fait qu'on vous soupçonne d'être impliquée dans la Résistance nous dérange beaucoup, nous avions confiance en vous. Qu'avez-vous à dire sur les preuves que l'on a contre vous, sur cette fameuse feuille et sur la disparition des documents.

- L'ambassadeur m'a demandé de classer certains dossiers, en le faisant j'ai noté l'ordre dans lequel arrivaient chaque information, chaque nouvelle de manière à pouvoir les remettre dans l'ordre si jamais je faisais tomber les dossiers. Je n'ai pas jeté cette feuille au cas où je ferais une erreur qui serait vue plus tard ; cette liste me permet de reclasser les papiers du dossier dans le bon ordre. Pour ce qui est de la disparition des documents, je n'y suis pour rien, vous devez me croire, ce n'est qu'une coïncidence.

- Bien, je reviendrai sûrement vers vous dans les prochaines heures. J'espère sincèrement que vous nous dites la vérité Hannah.

- Karl, j'aime Friedrich de tout mon cœur, jamais je ne lui ferais une telle chose.

- J'espère bien.

L'Allemand quitte la pièce en refermant la porte derrière lui, laissant la jeune femme seule. Pendant plusieurs heures, Hannah reste isolée, se demandant ce qui va lui arriver et comment vont Pierre, Henry et Romain. 

Dans la soirée, Friedrich entre dans la pièce où Hannah est enfermée, il lui tend une assiette que la jeune femme accepte sans opposition. L'Allemand s'assoit en face d'elle et pose ses avant-bras sur ses genoux.

- Hannah, regarde-moi droit dans les yeux et dis-moi que tu n'as rien à voir avec tout ça.

- Je te jure que je n'ai absolument rien à voir avec cette histoire, j'ignorais totalement que les autres avaient une quelconque implication avec la Résistance et je n'y crois absolument pas.

- Nous avons toutes les preuves nécessaires contre Brossolette ; en ce qui concerne Romain, j'avais raison de me méfier de lui, j'ai enquêté sur lui et ça nous a conduit à des sabotages, de l'espionnage, des meurtres et des journaux clandestins et diffamatoires. Je suis désolé Hannah, mais il n'y a aucun doute, ton ami fait partie de la Résistance. Ce que l'on a contre toi est très faible et ce que tu as dit à Karl tient la route ; lui il te croit, moi aussi, mais Brunner pas du tout. Il dit que tu ne peux pas passer autant de temps avec Brunet et Ramier sans avoir été mise au courant de leur appartenance à la Résistance. Mais bon, ils peuvent très bien avoir décidé de te tenir loin de tout ça pour ne pas te causer de problème, ce qui semble être un échec. Brunet crie haut et fort qu'à aucun moment tu n’as été mise au courant de quoi que ce soit ; quand je lui ai demandé pourquoi, il a répondu que c'est parce que tu n'approuves pas les méthodes et les idées de la Résistance, qu'il faut accepter la réalité et s'adapter.

- Friedrich je te jure que je ne sais rien, que je n'ai rien à voir là-dedans. Romain dit vrai, je n'accepte pas les principes de la Résistance. On a déjà essayé de me recruter mais j'ai refusé.

- Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?

- C'était avant qu'on se rencontre, peu de temps après l'armistice. Je n'en ai pas parlé parce que ça venait d'un télégramme, je n'ai aucune idée de qui peut bien en être l'auteur.

- Très bien. Hannah, quand tout ceci sera terminé, quand la guerre sera finie, accepterais-tu de venir vivre avec moi à Berlin ?

- Si c'est que tu souhaites, j'accepte ; ce que je veux, c'est rester auprès de toi, même si quitter la France me sera difficile.

Il lui sourit puis se lève, il se dirige vers la porte et se retourne vers elle en lui disant : "J'espère que tout va s'arranger", puis il quitte la pièce laissant Hannah à nouveau seule.

Hannah ne dort pratiquement pas de la nuit ; elle a demandé plusieurs fois des nouvelles de Romain mais les Allemands refusent de lui dire s'il va bien. Dans la journée du 22 mars 1944, Bömelburg revient interroger Hannah, suivi de Brunner. La jeune femme continue de tout nier, espérant qu'ils finiront par la relâcher faute de preuves. Mais si c'est la décision qu'ils finissent par prendre, il est évident qu'ils la garderont sous surveillance un moment, elle devra donc faire profil bas pendant une période indéterminée, le temps que les soupçons sur elle disparaissent entièrement. En ce qui concerne les autres, il est évident qu'ils auront plus de mal à se sortir de là vu le nombre de preuves qui pèsent sur eux, surtout Pierre. Ce qu'Hannah espère, c'est que le pire qui leur arrivera soit la prison, mais avec les nazis, c'est peu probable ; de nombreux résistants ont déjà été torturés puis exécutés.

En début d'après-midi, la porte de la pièce dans laquelle Hannah est enfermée depuis maintenant vingt-quatre heures, s'ouvre. Pierre est violemment poussé à l'intérieur et la porte est refermée tout de suite après. Ses mains sont liées et l'homme est dans état qui traduit facilement les tortures qu'il a endurés. Hannah se lève et s'approche de lui.

- Nom de Dieu mais que vous ont-ils fait ? demande-t-elle d'une voix inquiète.

- Ils essayent de me faire parler depuis des jours mais ils pourront utiliser n'importe quel moyen de torture, je ne céderai pas, je ne leur dirai rien.

Pierre approche sa bouche de l'oreille d'Hannah.

- Ils nous écoutent peut-être ; pour votre bien suivez mon discours, vous n'êtes pas liée d'une quelconque manière à la Résistance, lui dit-il en chuchotant.

Hannah acquiesce d'un mouvement de tête et Pierre se redresse, il tourne la tête et constate que contrairement à la cellule dans laquelle il était enfermé, cette pièce possède une fenêtre sans barreaux.

- Je suis sincèrement désolé Hannah, je n'ai jamais voulu vous embarquer dans une histoire qui ne vous concerne pas. J'aurais dû vous faire part de mon appartenance à la Résistance, tout comme Romain et Henry auraient dû le faire également. Ainsi, on aurait fait en sorte de maintenir une certaine distance avec vous et ne pas vous mêler à cela alors que vous n'avez aucun lien avec nous. Je suis vraiment navré, pour ce que j'ai fait, et ce que je vais faire...

- Ce que vous allez faire ?

Pierre se lève et se dirige vers la fenêtre et l'ouvre.

- Pierre que faites-vous ?

- Je m'assure qu'ils n'obtiennent aucune information venant de moi.

- Ne faites pas ça je vous en prie !

Malgré la demande d'Hannah, le résistant pose un pied sur le rebord de la fenêtre, pousse sur son autre jambe et se jette de la fenêtre du sixième étage du bâtiment. Il tombe d'abord sur le balcon du quatrième étage puis une seconde fois devant l'entrée du bâtiment. Hannah crie et se précipite au rebord de la fenêtre. D'en haut, elle arrive à voir qu'il bouge encore. Des officiers sortent du bâtiment et très rapidement, en une demi-heure, une équipe médicale l'emmène.

C'est dans la soirée qu'Hannah a eu des nouvelles de son ami, lorsque Friedrich est venu la voir. Malheureusement le résistant, qui s'était battu pour libérer son pays, a succombé à ses blessures aux alentours de vingt-deux heures.

Le lendemain, Allois Brunner, fermement convaincu de l'implication d'Hannah dans la Résistance apporte à Bömelburg la décision de l'ambassadeur concernant les trois Français. 

- Un internement provisoire à Drancy ? s'étonne Friedrich. Vous plaisantez j'espère ! Déportez Brunet et Ramier directement à Auschwitz si vous le souhaitez mais Hannah n'a rien à voir avec la Résistance. 

- Ce sont les ordres de l'ambassadeur, Strauss, précise Brunner.

- Ordres que vous lui avez chuchotés.

- Écoutez mon ami, vous pouvez aller contester cette décision auprès de l'ambassadeur si vous le souhaitez en attendant Marty, Brunet et Ramier partent dès maintenant vers Drancy comme il est indiqué sur l'ordre de l'ambassadeur.

Brunner ne laisse pas à Friedrich la possibilité de répondre et demande à plusieurs officiers de faire sortir les personnes concernées pour les emmener dans le camion. Hannah est dans cette chambre de bonne depuis maintenant deux jours, cette même chambre de laquelle Pierre Brossolette s'est suicidé. Friedrich entre en premier et il la prend délicatement par le bras en lui glissant à l'oreille qu'il ferait le nécessaire pour la sortir de là. Ils sortent de la chambre et descendent les six étages de l'immeuble. Arrivés dans l'avenue, elle retrouve Romain et Henry qu'on pousse à rentrer dans un camion. Friedrich fait rentrer sa compagne à son tour dans le camion en la regardant d'un air désolé ; en retour la jeune femme lui adresse un regard de détresse, le suppliant silencieusement de la sortir de là. Avec regret, Friedrich recule et le camion démarre. Au fur et à mesure que le camion s'éloigne, l'Allemand persiste à le fixer, priant pour qu'il s'arrête et voir Hannah en descendre mais le véhicule poursuit sa route jusqu'à tourner et ne plus être visible. Friedrich se tourne vers Bömelburg.

- Elle est innocente vous le savez, lance-t-il à son supérieur.

- Oui je le sais, et ce qui lui arrive me déplaît aussi.

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