Chapitre 6 - Annexe - La petite fille

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Nord de la France, juillet 1941.

Elle court dans le parc de la ville à la recherche de son père. Ses nattes se balancent de droite à gauche à chacune de ses foulées. Elle s'arrête et regarde de chaque côté, mais rien. Elle se remet à courir. Sa robe se soulève légèrement avec le vent, laissant apparaître la naissance de ses genoux, cachés sous des collants. Elle n'est âgée que de six années et respire l'innocence et la pureté. Le vent souffle faisant chanter la cime des arbres portée par l'ensemble de leur feuillage. 

Son cœur bat plus fort lorsqu'elle aperçoit la silhouette de son père, cachée derrière un arbre. Elle court vers lui et elle saute dans ses bras, criant haut et fort sa victoire. Son père la porte et la fait tournoyer dans les airs en souriant, avant de la reposer à terre. La petite fille attrape la main de son paternel et elle l'entraine dans une course vers le lac. Arrivée au niveau de celui-ci, elle se laisse tomber à terre et capte toute son attention sur les cygnes qui passent avec leurs petits. Le vent souffle sur l'eau, les oiseaux chantent, la guerre et le chaos sont loin de sa petite âme innocente. 

Il est temps de rentrer. La petite enfant fait la moue à son père, désirant rester plus longtemps au bord du lac ; son père insiste et lui promet une viennoiserie si elle le suit, sans râler, jusqu'au foyer familial. Elle prend la main de son papa et ouvre la marche, son père roule les yeux vers le ciel, il sait qu'elle réagirait ainsi. 

Arrivés chez eux, ils sont accueillis par la mère de famille. Toute souriante, elle prend sa fille bien aimée dans ses bras et laisse son époux se reposer tranquillement. La petite fille se dirige dans la cuisine de la maison, voulant absolument sa pâtisserie. Sa mère la suit et sort un gâteau fraîchement cuit du four. Même s'il est encore chaud, la douce enfant ne recule pas et prend une part ; elle le déguste toute souriante. 

Les heures passent et le père de famille invite l'enfant à prendre place à ses côtés sur le sofa. Il prend le livre sacré et entame une lecture religieuse à son unique enfant. Mais alors que le père faisait l'éducation de sa fille, une voix se fait entendre dehors : "Les Allemands sont là ! Ils prennent les Juifs !" Les deux adultes redoutaient ce moment ; on leur a déjà fait part de ce qui arrive aux autres Juifs dans le pays. Paniqué, le père de famille prend la petite enfant dans ses bras. Ils vont, avec la mère, dans la chambre parentale au rez-de-chaussée. La mère soulève certaines planches du sol, le père dépose l'enfant à terre et lui ordonne de se cacher dans le trou, lui assurant que tout va bien se passer. Les deux parents recouvrent le sol, puis ils retournent dans le salon et prient pour que le pire n'arrive pas. 

Quelques minutes plus tard, on frappe violemment à la porte de la maison. Le père regarde son épouse, inquiet puis il se dirige vers la porte. À peine ouverte, deux Allemands et deux SS font irruption dans le foyer. L'un deux ordonne que les adultes présentent leurs papiers d'identité. Une fois cela fait, il prend à peine le temps de les regarder et il ordonne leur arrestation. Le père s'y oppose, jurant qu'ils ne sont pas en droit de faire ça ; l'officier sort son pistolet de son fourreau et tire, sans la moindre hésitation, sans la moindre pitié, deux balles dans la tête du père de l'enfant. Il tombe au sol sous les cris de son épouse ; le deuxième SS emmène de force la femme hors de la maison, en la tirant violemment par le bras.

Trois hommes sortent de la maison, le dernier soldat Allemand reste pour fouiller le foyer. Il arrive dans la chambre parentale et entend des pleurs. Même si elle n'a rien vu, la petite fille a entendu les coups de feu et les hurlements de sa mère. Le soldat fait le tour de la pièce, cherchant l'origine des gémissements qu'il entend. Il marche sur une planche de bois et constate qu'elle est plus souple que les autres. Il la soulève, découvrant ainsi l'enfant effrayée. Il la regarde un moment, se laissant un temps de réflexion. 

- Reste ici, ne fait aucun bruit. Je reviendrai te chercher cette nuit, lui murmure-t-il dans un français moyen.

La petite fille acquiesce d'un petit mouvement de tête. Le soldat remet le plancher en place. Il sort de la maison et retrouve son supérieur, il lui affirme que le reste de la maison est vide.

Une fois la nuit tombée, le soldat revient discrètement dans la maison et récupère l'enfant, toujours apeurée. Elle demande où sont ses parents mais le soldat lui répond qu'il ne sait pas. Il l'emmène loin de la ville, il s'avance dans la forêt. Après avoir marché un moment, il s'arrête brusquement lorsqu'il entend le bruit d'une arme que l'on charge. Il fait savoir qu'il est là en paix et pour l'enfant mais personne ne fait acte de présence.

- Elle a perdu ses parents dans l'après-midi. Je cherche quelqu'un qui pourra prendre soin d'elle et la mettre en sécurité, dit-il discrètement.

Un homme sort d'un buisson, armé. Il s'avance jusqu'au soldat, pointant son arme vers son visage.

- Tu es armé ? demande l'inconnu.

- Non, je n'ai rien sur moi. Je veux juste que l'on s'occupe de cette enfant.

- Et pourquoi tu ne le fais pas ?

- Je suis dans la Wehrmacht et on m'a imposé la mission d'arrêter les Juifs. Toute ma famille est à Berlin, je ne peux pas avoir d'enfant. Si quelqu'un la découvrait avec moi, il me soupçonnerait tout de suite.

- Comment je peux être certain que ce n'est pas un piège et que l'enfant ne va pas espionner pour vous ?

- Vous ne le pouvez pas. Vous devez me faire confiance. 

- Très bien. Je prends le risque de vous croire. Mais si vous me mentez, vous condamnez cette enfant.

L'inconnu attrape la petite fille par le bras puis il la prend dans ses bras. D'autres hommes armés sortent des buissons pour couvrir le premier. Le groupe s'en va avec l'enfant, laissant le soldat allemand seul dans sa traitrise.

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