New York, juste un rêve

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Chapitre 21

Est-ce que c'est moi qui hallucine ou tout est devenu merveilleux dans ce monde ? Le soleil éclaire mon visage en une caresse apaisante et l'air frais du matin m'enveloppe en toute légèreté. La musique entraînante d'une voiture en stationnement accompagne mes pas sur le trottoir. J'adore cette chanson. Elle me rappelle l'été dernier. Je chantonne l'air sans connaître les paroles exactes et tous les passants me regardent étrangement. J'ai l'impression de planer sur un petit nuage lorsque j'arrive au travail. J'ai dit "petit" ? Un gros nuage doux et molletonné conviendrait davantage. Je suis en avance ce matin, car je me suis réveillée avant la sonnerie de mon réveil, en forme et de bonne humeur.

(Je ne suis même pas sûre que cela ne me soit déjà arrivé !)

Dans le hall, je salue tous les employés de Carter Corp que je croise. Le tout avec un sourire puissance 1000.

Miss Mystère :
"Salut, comment tu vas ? Belle journée, non ?"

Certains me regardent avec étonnement, d'autres ne me répondent pas. Peu importe. Je suis heureuse et je ne l'ai pas été autant depuis une éternité. Mais si je me mets à crier dans les locaux, la sécurité va me jeter dehors. En attendant, j'ai une patate d'enfer et je ne vois pas ce qui pourrait entraver ma bonne humeur ! Lana est transférée dans une prison sous haute surveillance, très loin de nous. Plus d'ex-psychopathe sur mon dos, plus de chef de gang folle à lier qui cherche à m'évincer. Je l'image derrière les barreaux, en combinaison orange, et je ne culpabilise même pas de jubiler. Je suis sûre que cette couleur doit lui donner un teint de carotte asséchée et je me réjouis encore plus. C'est fou comme une seule personne peut peser sur la vie d'une autre ! Lana était à l'origine de tous mes problèmes. Et son départ de nos vies entraîne avec lui celui de nos ennuis. Je peux dire au revoir aux préoccupations morbides, aux prises de tête avec Mathilde aux jalousies et aux mensonges. Maintenant, je suis la seule responsable des bonnes choses qui pourront m'arriver. Il ne tient qu'à moi d’être heureux et je me sens capable de tout ! Rien ne peut plus nous arrêter. Je suis maîtresse de mon destin et je me sens invincible. En tout cas, plus rien ne risque de nous arriver concernant le gang. La police me l'a assuré jour. J'arrive enfin à passer du temps seule, sans craindre une agression. Nous cherchons un appartement tout beau, tout neuf, pour y emménager à deux. J'ai encore un peu de mal à me rendre chez elle. Quant à Topaze, il se rétablit plutôt vite ! Il est coriace, l'air de rien. Comme sa patronne. Et, cerise sur le gâteau, elle accepte de refaire de la moto avec moi. Alors ça, c'est vraiment une surprise de dingue ! Je n'en reviens toujours pas. D'ailleurs, tant que je ne serai pas montée derrière elle et qu'elle n'aura pas démarré, je n'y croirai pas. Seules les vibrations du moteur sous mon popotin me le certifieront. Mon bonheur est renforcé par celui de Mathilde. Ses angoisses se sont envolées, elle est libre à nouveau. Et sa liberté, elle peut et elle veut la partager avec moi ! Le passé est derrière nous, maintenant. Pour de bon ! Elle entre dans l'open space, la mine tendue, les yeux cernes et le regard sombre.

(C'est quoi cette tête de trois pieds de long !)

Miss Mystère :
"Tout va bien ?"

J'ai l'impression que le petit nuage sur lequel je me prélassais s'est évaporé dans le ciel. Et je passe travers le coton molletonné pour m'écraser sur la terre ferme quand elle me répond :

Mathilde :
"Non."

Elle doit exagérer. Si ça se trouve, elle n'a pas eu le temps de boire son café et c'est la fin du monde. J'inspire profondément pour me préparer à ce qui va suivre.

(Je vais bien, tout va bien ! Je vais bien, tout va bien...)

Il ne reste plus qu'à espérer que ce mantra se réalise...

Miss Mystère :
"Qu'est-ce qui se passe ?"

Elle pousse un profond soupir et semble hésiter à me répondre.

(Ah non ! Pas ça ! Elle ne va pas recommencer à se murer dans le silence !)

Miss Mystère :
"Mathilde... ?"

Ses épaules s'affairent en signe de découragement. Elle jette quelques coups d'œil autour d'elle et m'entraîne un peu à l'écart.

Mathilde :
"J'ai de mauvaises nouvelles."

Une peur panique m'envahit. Je commence à imaginer les pires scénarios.

Miss Mystère :
"Lana s'est évadée de prison ?!"

Elle fronce les sourcils et m'aperçoit presque l'ombre d'un sourire sur son visage.

(Au moins si j'arrive à l'amuser, tout n'est pas perdu !)

Mathilde :
"À moins qu'elle soit entrée avec une tonne de TNT sur elle, elle va finir ses jours dans une cellule."

Qu'est-ce qui pourrait être pire alors ?

Miss Mystère :
"Si c'est pas à propos de Lana, c'est quoi alors ? Son frère ?"
Mathilde :
"César aussi est sous surveillance. Il ne risque pas de revoir le soleil avant un moment..."

Miss Mystère :
"Alors ? Quel est le problème ?"
Mathilde :
"Ceux qui sont enfermés m'inquiètent pas."

Mon sang se glace. La perspective d'être en danger à nouveau me paralyse.

Miss Mystère :
"Pourquoi tu dis ça ?"

Elle passe une main dans ses cheveux. À nouveau, elle lance des regards nerveux autour de nous.

Mathilde :
"J'étais chez Daryl, hier soir. Il a eu des infos sur la descente des flics."

Son regard assombri m'inquiète un peu. Je prends appui contre le mur. Les informations de son frère se sont toujours vérifiées. Ça ne me dit rien qui vaille. Les mauvaises nouvelles, c'est comme un pansement qu'il faut arracher d'un coup sec, si l'on ne veut pas avoir trop mal.

Miss Mystère :
"Ils ont eu des ennuis ? Y avait personne ?"
Mathilde :
"Tout s'est pas passé comme prévu."
Miss Mystère :
"Ils ont rien trouvé là-bas ?"
Mathilde :
"Si, ils ont arrêté quasiment tous les gars du gang."

Je pousse un soupir de soulagement. Je n'aurai plus à avoir peur que l'un d'entre eux se pointe chez moi, ou cherche à détruire les gens que j'aime.

Miss Mystère :
"Alors tout va bien ! Non... ?"

Elle fait une moue contrariée. Pourquoi n'est-elle pas satisfaite de cette nouvelle ?

Mathilde :
"Oui, mais..."
Miss Mystère :
"Mais... ?"

(Je déteste le "mais..." ! Si j'en avais le pouvoir, je ferais supprimer ce mot du dictionnaire !)

Mathilde :
"Y a toujours deux lieutenants de police impliqués dans l'affaire qui courent toujours."
Miss Mystère :
"Je suis sûre qu'ils vont vite les retrouver et les coffrer comme les autres !"
Mathilde :
"T'oublies qu'ils sont entraînés aux méthodes de la police. Ils savent se planquer. Le point positif c'est que le FBI est sur le coup."

Tous les ennuis ne sont pas encore derrière nous ! J'ai crié victoire trop vite...

Miss Mystère :
"Si je comprends bien, on n’est pas sécurisé, c'est ça ?"

Elle soupire et pose ses mains sur mes épaules.

Mathilde :
"D'après les flics et Daryl, on craint rien. Ils sont en cavale et la dernière chose qu'ils veulent faire, c'est braquer l'attention des flics sur eux. Le gang est mort. Mais je serai pas tranquille tant qu'ils auront pas retrouvé ces deux types."
Miss Mystère :
"Ils ont leurs visages et leurs noms. Ils pourront pas échapper au FBI indéfiniment !"
Mathilde :
"Oui, c'est ce que je pense aussi. Mais ça me tue de les savoir dans la nature..."

Je sais pourquoi elle se met dans cet état. Je sais qu'elle s'en veut toujours énormément de m'avoir entraînée là-dedans.

Mathilde :
"Je voulais pas te cacher ça, princesse. C'est toi et moi..."
Miss Mystère :
"Oui. Tu as bien fait."

Nous nous regardons amoureusement pendant quelques secondes. J'en oublie presque que nous sommes au bureau.

Mathilde :
"J'ai l'impression que ça s'arrêtera jamais. Que tu seras jamais en sécurité avec moi ! Si je pouvais, je les crèverais moi-même !"

J'avance vers elle et pose une main sur son visage pour qu'elle me regarde dans les yeux. Elle se radoucit à mon contact.

Mathilde :
"J'ai peur qu'il t'arrive quelque chose, princesse. Et j'ai l'impression que je peux rien faire pour éviter ça..."
Miss Mystère :
"Je t'assure que bientôt tout ça sera derrière nous. On est ensemble, c'est l'essentiel."

Elle me serre dans ses bras et enfouit son nez dans mon cou. Je l'entends prendre une grande inspiration.

Mathilde :
"Je t'aime tellement..."

Mon cœur vacille. Comme à chaque fois qu'elle me renvoie tout son amour avec une simplicité désarmante.

Miss Mystère :
"Tout finira par s'arranger, j'en suis sûre."

J'essaie d'être optimiste. Je sais qu'elle s'inquiète beaucoup pour moi, mais elle a tort. Je suis une battante. Je l'ai toujours été. Et j'ai toujours fait en sorte que mes peurs ne définissent pas qui je suis vraiment. Très tôt, on m'a enlevé mon innocence. Très tôt, j'ai appris à faire avec. Je n'avais que le choix de me relever. M'effondrer n'a jamais été une option.

Miss Mystère :
"On s'en sortira. Comme toujours !"

Elle me sourit. Une expression d'adoration se dessine dans son joli regard noisette. J'adore lorsque je lis cette émotion dans ses yeux. Je me sens encore plus. Prête à soulever des montagnes ! Je l'aime et je la veux. Même avec son passé de merde. Il fait partie d'elle. J'avance vers elle pour prendre ses mains entre les miennes, quand une voix ferme et autoritaire me fait sursauter.

Gabriel :
"Mathilde, Miss Mystère, dans mon bureau !"

J'ai dû faire face récemment à bien plus impressionnant qu'un blondinet en colère. À côté du gang Gabriel ressemble à un bisounours. J'ai bien envie d'être insolente, mais je me contiens. Nous le suivons jusqu'à son bureau et nous asseyons en face de lui. Son bureau est si large et si imposant qu'on se sent tout de suite tout petit. Parfois je me demande si ce n'est pas volontaire... Il a une aura glaciale et brûlante à la fois. Il me fait penser à un Viking des temps modernes.

Gabriel :
"Vous vous doutez sûrement de la raison pour laquelle je vous ai fait venir dans mon bureau..."

Je n'en ai franchement aucune idée. Nous venons à peine d'arriver au travail et nous ne sommes pas en retard. Je ne comprends pas ce qu'il peut avoir à nous reprocher. À moins que Cassidy ait mis son grain de sel.

Gabriel :
"J'ai eu des retours de mes supérieurs vous concernant. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils sont extrêmement décevants."

Je suis très étonnée. Je ne vois vraiment pas ce qu'on peut nous reprocher.

Mathilde :
"Où est le problème ?"

Je lui jette un regard d'avertissement, prête à attaquer, mais elle ne semble pas le voir. Gabriel adresse un regard acéré à ma belle brune, tout en faisant tournoyer sa chevalière. Cette conversation va mal finir !

Gabriel :
"Le problème, Mathilde, c'est qu’à cause de vous deux ma promotion est reportée à l'année prochaine."
Miss Mystère :
"Oh !"

(J'aurais pu continuer ma phrase par un "... ce n'est que ça... ?", mais je me ravise lorsque les yeux opalins de mon manager me fusillent sur place.)

Gabriel :
"Tu crois que je plaisante ?"

(Non... Mais honnêtement, ta promotion, après tout ce que je viens de vivre, j'en ai rien à cirer...)

Miss Mystère :
"Non, bien sûr que non... Pardon, c'est juste que je m'étais imaginé quelque chose de grave..."

Il hausse la voix et son ton est aigri et chargé d'amertume.

Gabriel :
"De grave ? Je paie votre incompétence ! Pour moi, c'est grave. Pour ma carrière et pour tous les efforts que je fournis au quotidien."

Je regrette tout de suite mon insolence. Je sais à quel point il se donne du mal pour avancer dans la firme... Je me sens très mal d'être devenue un élément perturbateur dans son ascension.

Miss Mystère :
"Pardonne-moi. Ce n'est pas ce que je voulais dire..."

Mathilde serre les poings sur ses cuisses. J'ai peur de la tournure que peuvent prendre les événements. Elle est à fleur de peau et pourtant Gabriel monte le ton de plus en plus. Il faut que j'apaise les tensions tout de suite, avant qu'il ne soit trop tard."

Miss Mystère :
"Si c'est à cause de mes absences et de mes problèmes personnels, j’ai eu un entretien avec Mark et il a été très compréhensif."

Il pousse un râle contrarié. Je connais son animosité envers Mark. Peut-être que ce n'était la meilleure carte à jouer, finalement.

Miss Mystère :
"Il m'a proposé de prendre des jours de repos supplémentaires. Je ne comprends pas pourquoi il te le reprocherait ensuite..."
Gabriel :
"Mark ne se comporte pas de la même façon avec tout le monde. Ce qu'il te dit n'est pas forcément ce qu'il pense."

Cette remarque me blesse profondément. Je pensais vraiment que Mark était quelqu'un de bien. J'ai de la peine de découvrir qu'il n'est en fait qu'un manipulateur, comme tous les autres. Le monde du travail est peuplé de requins... Et quand on est un petit poisson comme moi, on se fait bouffer ! Mathilde se lève d'un coup. Sa chaise frotte contre le sol avec un crissement désagréable.

(Qu'est-ce qu'elle fout ?)

Gabriel :
"Où vas-tu ?"
Mathilde :
"J'ai assez entendu de conneries pour aujourd'hui."

(Oh putain !)

Mathilde :
"Ta manipulation ne marche avec moi !"

(Elle veut se faire virer, c'est ça ?)

Gabriel :
"Tu devrais t'asseoir."
Mathilde :
"Non, j'en ai rien à foutre de tes soucis de promotion ! C'est ton problème, on n'a rien à voir là-dedans."

Je sens que si je parle je ne ferai que rajouter de l'huile sur le feu. Mieux vaut que je me taise et que je laisse leurs dominations prendre dessus et règle leurs problèmes d'ego tout seuls.

(On ne règle rien par la violence. Si Mathilde veut la jouer comme ça, je n'y participerai pas.)

Gabriel :
"C'est comme tu voudras. Tu es mise à pied jusqu'à ce que tu arrives à te calmer."

Elle lui sourit effrontément.

Mathilde :
"Enfin quelque chose de sensé qui sort de ta bouche !"
Gabriel :
"On verra s'il y a toujours un job pour toi, ensuite."

Elle pousse un grognement et quitte son bureau en claquant la porte ! Je me retrouve seule devant lui. Il tente de camoufler sa colère, mais son regard le trahit.

(Ambiance, ambiance... Merci, Mathilde, de me laisser en si bonne posture...)

Je contiens ma colère. C'est inutile de claquer les portes... Mais il n'a pas le droit de nous parler de cette façon et je compte bien le lui dire.

Miss Mystère :
"Je suis désolée. Elle n'est pas dans son assiette, aujourd'hui."
Gabriel :
"Aujourd'hui ? Ou tous les autres jours... ?"

Pour le coup, difficile de lui jeter la pierre. Elle a toujours un problème qui la préoccupe plus que son boulot, ces temps-ci. Pour Gabriel, Mathilde n'est effectivement pas l'employée la plus simple à gérer. Je ne parle même pas de son coup de sang de tout à l'heure...

Miss Mystère :
"Je comprends que tu sois en colère, mais tu n'avais pas à nous parler comme tu l'as fait. On se donne du mal pour cette firme..."

Il maîtrise ses réactions, mais je le sens néanmoins sur le fil du rasoir. Je prends des risques, mais, s'il est intelligent comme je le pense, alors il comprendra qu'il n'a pas eu la bonne attitude. Mon manager soupire et masse ses tempes. Il me semble qu'il reprend son calme. Je me racle la gorge pour atténuer l'émotion qui remonte le long de ma poitrine et m'empêche de parler convenablement.

Miss Mystère :
"Mathilde et moi avons vécu des choses vraiment difficiles, ces derniers temps. Cela n'excuse pas ce qui vient de se passer, mais ça l'explique quand même."

Ma voix est tremblotante. Je m'en veux d’être si vulnérable chaque fois que je ressasse de mauvais souvenirs. Il le remarque et son regard s'apaise aussitôt. Il n'a rien d'un chef tyrannique. Je sais qu'il est capable de compassion.

Gabriel :
"Je suis désolée pour toi. Je le sais, mais ça ne peut plus continuer ainsi. J'ai été suffisamment patient, il me semble."
Miss Mystère :
"Laisse-moi lui parler et tenter de la raisonner. C'est une accumulation de problèmes qui lui fait péter les plombs. Je vais arranger ça."

Gabriel :
"C'est inutile. Une mise à pied est nécessaire."
Miss Mystère :
"Une discussion au calme aurait peut-être Sufi, non ?"
Gabriel :
"C'est encore moi qui prends les décisions."

(Ok... K... Pardon d'essayer de réparer les choses. Encore...)

Miss Mystère :
J'espère que les choses s'arrangeront... pour nous toutes."

Je ne peux rien dire de plus pour le convaincre. Les récents événements ont eu très certainement une répercussion directe sur notre travail.

Gabriel :
"Je suis compréhensif, je cherche des solutions. Mais si chacun de mes collaborateurs ramène avec lui ses soucis personnels, comment je fais ? Aux yeux de mes supérieurs, je passe pour un manager laxiste, qui ne réussit pas à tenir ses délais, car il ne tient pas ses équipes. Je ne suis pas un looser. Je ne vous ai jamais caché mon ambition professionnelle. Alors, reprends-toi. Fais le tri dans ta vie. Parce que c'est la dernière fois que nous parlons de ça. Quant à Mathilde, sa mise à pied est sa dernière chance. Maintenant tu peux disposer. J'ai un call un urgent à passer."

Je hoche la tête et je quitte son bureau avec la boule au ventre. Une colère sourde en monte en moi. Si Mathilde avait su tenir sa langue, tout ne serait pas parti en cacahuètes ! Lorsque j'arrive à notre box, elle est déjà en train de rassembler ses affaires. On dirait presque qu'elle est contente de plier bagage. Elle ne se rend donc pas compte de la gravité de la situation ? Je me poste en face d'elle avec la ferme intention de lui montrer mon mécontentement.

Miss Mystère :
"C'est quoi, ce pétage de plombs ?! T'as perdu la tête ou quoi ?"

Elle me menace d’un regard noir et continue ce qu'elle était en train de faire. Elle n'a même pas pensé à la situation dans laquelle elle m'a mise. Elle agit de façon irréfléchie et idiote !

Miss Mystère :
"Tu te rends compte que tu m'as laissé en super mauvaise posture, là-bas ?"

Je pointe le doigt en direction du bureau de Gabriel.

Miss Mystère :
"Tu ferais bien d'aller excuser ! On est pas dans la rue ou sur un ring clandestin ! Tu peux pas parler à ton supérieur comme ça !"

Elle enfile l'anse de son sac à dos et m'observe avec insolence.

Mathilde :
"Désolée, princesse. J'aime pas ce genre de types. Sur le ring je l'aurais mis KO. Ici, il fait le cador..."

(Non, mais je rêve...)

Elle remarque mon air moqueur et ça la déride un peu. Je pense qu'elle se rend pas compte elle-même qu'elle en fait un peu trop. Elle attrape son casque et me frôle. Elle approche son visage de mien, pour murmurer.

Mathilde :
"Gabriel est un con. Ne plus voir sa tronche pendant quelques jours me fera beaucoup de bien."

Je croise les bras sur ma poitrine et fais la moue.

(Je serais sa mère, je lui tirerais l'oreille !)

Je sais bien qu'elle conserve les traces de son passé de mauvaise fille. Mais je sais aussi qu'elle a tout fait pour se racheter une nouvelle vie.

Miss Mystère :
"Tu risques de perdre ton boulot pour des conneries. T'as pas fait tout ça pour rien, si ?"
Mathilde :
"Je peux pas supposer qu'un type comme lui parle comme si j'étais un de ses larbins."
Miss Mystère :
"Tu pouvais très bien lui dire les choses calmement. Avec... Comment ça s'appelle déjà... ? Mmh... Ah oui ! Du tact !"

Elle s'esclaffe. On dirait que j'ai dit une bêtise monumentale.

Mathilde :
"Le tact, princesse, c'est pour les bourgeois dans son genre. Moi, je suis pas née avec une cuillère en argent dans la bouche. Les lunchs pour apaiser les tensions, la communication non violente, tu oublies. S'il me reparle comme ça, c'est mon poing qui lui répondra avec tact, la prochaine fois."

Je lève les yeux au ciel.

Miss Mystère :
"Sauf que t'as pas compris. Y aura peut-être pas de prochaine fois."

Elle attrape mon menton entre son pouce et son index. Elle plonge ses yeux dans les miens.

Mathilde :
"Du moment que j'ai ma princesse, le reste je m'en tape. Un boulot, ça se trouve. Surtout dans la grande pomme."
Miss Mystère :
"Mathilde..."

Elle dépose un léger baiser sur mes lèvres, avant de me faire un clin d'œil et de quitter l'open space sous les regards curieux. Je l'observe et maudis mon petit cœur idiot de s'emballer à la vue de ma rebelle. Je devrais être énervée par son comportement. Au lieu de ça, je crève d'envie de lui arracher sa veste en cuir et de la punir comme il se doit... ! Je passe la matinée à essayer de ne pas penser à elle et à sa mise à pied.

(Vaste projet... Autant dire que c'est mission impossible !)

Je ne veux pas que l'on m'attribue une autre collègue de travail ! Personne ne peut être aussi sexy et drôle que ma petite amie. J'imagine le pire. Et si Gabriel m'affectait le geek grincheux du box voisin ou la commère de l'étage ? Si une telle décision devait être prise, je suis certaine que cette garce de Cassidy s'en donnerait à cœur joie ! Résultat, je décide de mettre les bouchées doubles pour cette idée ne vienne pas titiller mon supérieur. Il est passé midi quand Colin débarque dans mon box. Il se poste devant moi et me sourit étrangement...

(Enfin, il me sourit... et c'est déjà très étrange de sa part.)

Colin :
"Tu manges avec moi ?"

Je le regarde avec appréhension. Qu'est-ce qui lui prend ? Il couve quelque chose... ? J'avais l'intention de m'acheter un sandwich à manger sur le pouce, mais j'ai tellement faim qu'il ne me suffira pas.

Miss Mystère :
"Ça dépend, qu'est-ce que tu proposes ?"
Colin :
"Ben... De manger avec moi comme je t'ai déjà dit."

C'est curieux de sa part. Vraiment très curieux. Habituellement, lorsque nous sommes au summum de notre relation, il m'adresse un rapide "lut". Qu'est-ce qui lui prend, de jouer les collègues modèles, maintenant ?

Colin :
"Je t'invite chez Bob."

À tous les coups il me fait marcher ! Il va s'esclaffer, me dire que c'était une blague, et partir avec un rire moqueur.

Miss Mystère :
"T'es bizarre des fois !"

Il m'adresse à peine un regard. Ses lèvres s'entrouvrent et j'imagine qu'il est sur le point de me rembarrer avec sa douceur légendaire. Mais il s'abstient et je me demande bien pourquoi. Cette fois il m'inquiète ! Je l'observe en diagonale. Il est bavard comme un pied de chaise. Je préférerais manger un sandwich devant mon bureau. Il serait tout aussi loquace que lui.

Miss Mystère :
"J'ai pas vraiment le temps pour déjeuner dehors."

Il attrape mon sac et se dirige vers l'ascenseur sans se retourner.

(Hey !!)

Miss Mystère :
"Dis donc ! Rends-moi mon sac tout de suite !"

Je me lève et lui cour après. Non, mais il est gonflé !!! Arrivé à sa hauteur, il me toise avec un petit sourire supérieur. J'ai l'impression d'être aussi impressionnante qu'un moucheron.

Miss Mystère :
"T'as intérêt de payer le sandwich !"

Heureusement mon sandwich est volumineux et me donne une excuse pour ne pas parler : j'ai la bouche pleine. Mais il a piqué ma curiosité. Il n'a pas besoin de ma compagnie pour manger. En réalité, il n'a besoin de la compagnie de personne. Je ne suis pas stupide, il y a sûrement une raison sérieuse pour qu'il veuille qu'on déjeune ensemble. Je le fixe jusqu'à ce que mon regard le mette mal à l'aise et l'empêche de masquer ses frites.

Miss Mystère :
"Colin, pourquoi je suis là ?"

Il me regarde avec perplexité. Puis un large sourire moqueur éclaire son visage.

Colin :
"Pour... manger...?"

Je lève les yeux au ciel.

Miss Mystère :
" Je rigole pas... Qu'est-ce qui se passe ?"

Il pousse un long soupir et acquiesce de la tête.

Colin :
"Mathilde m'a demandé d'veiller sur toi. Donc c'est c'que je fais. J't’invite à bouffer. Tu m'racontes ta matinée et on y retourne."

Quoi ? Non mais j'hallucine ! J'ai pas besoin d'un garde du corps !

Miss Mystère :
"Tu lui diras que j'ai pas besoin d'une nounou !"

Non mais sérieux ! Je ne suis pas une faible princesse qu'on doit protéger ! Je sais me défendre, merde !

Miss Mystère :
"Te sens pas forcé ! Je suis pas en sucre, et au bureau il peut rien m'arriver."

En plus de ça, même s’il est assez costaud, je suis certaine de me battre mieux que lui.

Colin :
J't'arrête tout de suite. Je veux pas savoir pourquoi t'aurais b'soin d'être surveillée. Ça m'regarde pas."
Miss Mystère :
"Tu fais les choses sans savoir pourquoi tu les fais !"
Colin :
"Non, j'le fais parce que c'est un service qu'elle m'a d'mandé."

Ah oui, j'avais oublié le truc entre ces deux-là ... C'est une amitié presque unique. Ça me dépasse un peu, par moment. Même si, au final, je serais capable de faire ce genre de truc si Lola me le demandait.

Miss Mystère :
"C'est un service qui te demande beaucoup d'efforts, hein ? Être avec moi, quelle plaie !"

Il repose son sandwich sur la table, en levant les yeux au ciel.

Colin :
"Un peu."

(Sympa !)

Il m'adresse finalement un sourire mutin. Son côté pince-sans-rire est insupportable !

Colin :
"En réalité j'suis inquiet pour mon amie... et pour toi."

Il hésite à prolonger ses confidences mais je l'incite à le faire par un léger hochement de tête.

Colin :
"Je l'ai jamais vu aussi perturbé. Elle en a vécu des trucs de merde mais cette fois c'est différent."

Je ne connais pas du tout le passé de ma petite amie, aussi, quand j'entends son ami parler, mon coeur se serre. C'est sûr, elle n'est pas née sous la meilleure des étoiles...

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu sous-entends ?"

Il se gratte la gorge. Je sens qu'il est réticent. Il pense peut-être en dévoiler trop.

Colin :
"J'ai l'impression qu'elle pète un peu les plombs. J'voudrais pas qu'elle retombe dans la rue, tu vois."

J'en reste bouche bée. Il est si discret en temps normal. Je l'ai rarement vu exprimer des émotions. S'il s'inquiète pour son amie au point de m'en parler, c'est qu'il considère que ce n'est pas anodin.

Miss Mystère :
"T'inquiète pas. Elle a parfois des coups de sang... Et puis elle a du mal avec la hiérarchie, c'est pas nouveau."
Colin :
"Je l'ai vu dans des moments pas glorieux. J'ai pas envie de la ramasser encore une fois à la p'tite cuillère."
Miss Mystère :
"Ça va aller... On a juste besoin de digérer tout ce qui s'est passé..."
Colin :
"Vous êtes vraiment en sécurité, maintenant ?"

Avant ma conversation de ce matin avec Mathilde, je lui aurais rendu un oui sans hésiter. Maintenant je suis moins optimiste.

Miss Mystère :
"D'après les flics on n’a plus rien à craindre."

Il renifle et pousse un ricanement moqueur.

Colin :
"Ouais. OK..."
Miss Mystère :
"Ils sont sur le coup. Tout sera bientôt terminé."

Il hausse les épaules d'un air détaché.

Colin :
"C'est à dire ?"

Je ne sais pas si j'ai le droit de tout lui expliquer. Visiblement Mathilde ne l'a pas fait... Je regarde autour de moi pour m'assurer que personne ne peut nous entendre. Bon sang ! Je deviens complètement paranoïaque ! Si Daryl savait ce que je m'apprête à faire, il me séquestrerait dans le coffre de sa voiture. Quoiqu'une Lamborghini, ça n'a pas de coffre, si... ?

(On s'en fout !!!)

En même temps, s'il a quelqu'un qui ne parlera à personne, c'est bien lui. J'avale une frite, mais j'ai perdu l'appétit.

Miss Mystère :
"Lana est en prison, la plupart des autres membres du gang aussi, mais ils ont pas pu arrêter tout le monde. Deux flics ripoux ont réussi à leur échapper."

Il reste les yeux plantés sur moi. Je n'arrive pas lire dans ses pensées.

Miss Mystère :
"Enfin, c'est rien... ils vont finir par les arrêter."

Il continue de manger sans m'interrompre. Son attitude ne m'étonne pas. Il parle peu et surtout il ne s'exprime jamais pour ne rien dire. Je prends son silence comme une capacité d'écoute et d'analyse.

Miss Mystère :
"Voilà, tu sais tout."

Une fois que nous avons terminé, j'attrape mon sac, prête à retourner travailler. Soudain il m'attrape l'avant-bras. Je reste figée d'étonnement. Un regard inquiet accompagne son geste.

Colin :
"Vous devriez pas vous exposer."
Miss Mystère :
"Quoi ?"
Colin :
"Le temps que tout se règle, vous devriez partir quelque temps."
Miss Mystère :
"Pour aller où ?"

Il relâche la pression de ses doigts et semble réfléchir un instant.

Colin :
"J'peux vous prêter mon van que j'utilise pour les tournées. Il est aménagé, vous pourrez aller n'importe où."

Son attention me touche beaucoup. Je ne le pensais pas si protecteur.

Miss Mystère :
"C'est très gentil de ta part, mais je peux pas lâcher mon boulot comme ça."

Il hoche la tête avec compréhension, avant de se lever à son tour, son masque d'indifférence habituel à nouveau sur le visage.

Colin :
"C'est comme tu l'sens, mais si tu changes d'avis, mon offre tient toujours."

Je trouve pas d'autres mots pour exprimer ma gratitude. Son idée est particulièrement tentante. Mathilde et moi pourrions être à l'abri, le temps que la police retrouve les deux malfrats. Mais que ferons-nous s'ils n'y arrivent pas ? Devrons-nous nous cacher toute notre vie ? Il est hors de question de fuir. Je ne veux pas vivre la peur au ventre, loin de mes amies, loin de mon travail, loin de la vie que j'aime. Fuir n'a jamais été une solution, même si parfois elle est la seule qui nous paraît valable. Je reste convaincu que si ces types nous voulaient du mal, ils nous auraientdéjà attaqués. Non. C'est Lana et elle seule qui avaient fait de nous son affaire personnelle. Sans contact avec l'extérieur, elle ne peut plus rien commanditer. Enfin... c'est ce que je me répète pour me rassurer... Lorsque je retourne à mon bureau, la conversation avec Colin m'a laissé un goût amer. Pourquoi est-ce que Mathilde est si inquiète ? Daryl et la police ont assuré que nous n'avions plus rien à craindre... Rien ne sert de paniquer. Mathilde est juste protectrice et elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour moi. Si ces types sont en cavale, ils ont aucun intérêt de revenir dans le coin pour enlever une petite employée de bureau ! La police a les choses en main. On doit pas s'inquiéter. C'est le commissaire lui-même qui me l'a confirmé, je dois le croire. Et puis Daryl n'avait pas l'air inquiet. Mathilde est juste à fleur de peau depuis mon enlèvement. Elle veut me garder en sécurité. Je la connais un peu maintenant. Elle a eu tellement peur pour moi qu'elle craindra le moindre risque pour moi dorénavant. Je m'arracherais un ongle qu'elle aurait sûrement peur que je meure des suites de mon traumatisme. Si au moins elle était à mes côtés, elle pourrait penser à autre chose, mais, la sachant seule, je me fais du souci pour elle. Je ne vais pas m'y mettre, moi aussi. C'est une grande fille. Elle a traversé d'autres épreuves. Elle trouvera la force de traverser celle-là aussi. Et cette fois je suis près d'elle. Je décide de lui envoyer un message pour m'assurer que tout va bien. Et surtout pour m'assurer qu'elle n'est pas en train de faire une connerie. On ne sait jamais, elle serait foutue d'aller chercher les fugitifs elle-même !

Miss Mystère :
"Juste un petit mot pour savoir comment tu vas ? T'inquiète pas pour moi. Tout va bien. Je t'aime ♥️"

J'attends sa réponse toute l'après-midi, mais elle ne vient pas. Je m'inquiète pas plus que ça. Je la connais et sa tendance à se renfermer sur elle-même quand elle est mal. Plus j'insisterai, plus elle se refermera comme une huître. Je n'irais pas jusqu'à dire que sa réaction m'enchante, mais je la comprends et la tolère. Chacun a sa façon de gérer ses soucis. Moi j'ai besoin d'en parler, elle de s'isoler. Nous ne sommes pas loin de gagner le trophée du couple de l'année. Quand mon téléphone se met à vibrer, je me découvre subitement moins sereine. Je me précipite pour lire le message reçu. C'est son frère. Nos derniers échanges avec lui datent de ma déposition. Je me demande bien ce qu'il me veut... Je grogne. Je suis persuadée qu'il s'agit encore d'une requête de ma petite amie ! Elle va vraiment déranger tout le monde pour moi... ? Vraiment, j'ai l'impression d'être une petite chose fragile et je déteste ça ! Il faudra que je lui rafraîchisse la mémoire sur le ring en lui montrant de quoi je suis capable.

Miss Mystère :
"C'est ta sœur qui t'envoie, c'est ça ?"

J'imagine bien la tête de Daryl. Il doit sûrement lever les yeux au ciel et son petit sourire narquois.

Daryl :
"On peut rien te cacher. Ta perspicacité m'étonnera toujours !"

J'en étais sûre !

Miss Mystère :
"Eh bien non, merci. J'ai pas besoin de chauffeur."
Daryl :
"M'oblige pas à te kidnapper. Le petit cœur de ma sœur s'en remettrait pas."

Je pouffe de rire malgré moi. Quelques collègues se retournent dans ma direction. Quoi ? On peut pas rigoler un peu ?

Miss Mystère :
"Je finis à 18h. Me fais pas attendre, j'ai horreur de ça."

Je glousse. Je sais combien il ne supporte pas qu'on lui parle de cette façon. D'ailleurs, à part sa sœur ou moi, personne ne s'y risque vraiment.

Daryl :
"Me donne pas d'ordres, princesse. Sinon je devrais te bâillonner. Et qui sait ce que pourrait en penser ma sœur ?"

Mon cœur rate un battement. Il est gonflé ! Ses propos ambigus me mettent toujours mal à l'aise. Je reçois un message de Mathilde, mais, piquée dans mon ego, je décide de répondre à Daryl avant. Hors de question qu'il ait le dernier mot !

Miss Mystère :
"Laisse tomber le bâillon. C'est pas mon truc."

Tout à coup, une lame glacée vient lécher mon échine.

Mathilde :
"???"

(Oh putain ! Oh putain ! La boulette !!!)

Dans l'empressement, je me suis trompée de destinataire !

(Quel courage !!!)

Mathilde :
"Je savais que c'était pas ton truc. C'est mon coup de gueule avec Gabriel qui te fait de l'effet à ce point, princesse ? J'aurais bien envisagé de te mettre la fessée ce soir, mais un pote a un souci avec sa bécane."

Ouf ! Elle pense que j'ai fissuré ! Autant en profiter !

Miss Mystère :
"Et moi qui pensais t'exciter avec mon histoire de bâillon !!"
Mathilde :
"T'es une petite coquine. Bonne nouvelle, mon pote a pas besoin de moi toute la soirée..."

(Gloups... Je déglutis. Finalement, je m'en sors plutôt bien.)

Une légère brise m'accueille à la sortie de l'immeuble. J'inspire ce vent de liberté avec une certaine légèreté. Cette journée a été riche en émotions et je suis contente qu'elle se termine. Je n'ai pas pu m'entretenir avec Gabriel. Je ne sais pas ce qu'il aura décidé pour Mathilde... J'ai essayé d'avoir des infos auprès de collègues, mais rien n'a fuité. Mon manager est bien trop professionnel pour être facilement lisible. Tout en battant la mesure du pied, j'attends devant l'entrée de Carter Corp l'arrivée de Daryl. Tout à coup un vrombissement sauvage perce à travers le bruit du flot de passants. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne passe pas inaperçu ! Le bolide rouge vif se rapproche et plusieurs passants se retournent. Impossible de le rater lorsqu'il se gare au volant de sa Lamborghini. Le moteur ronronne et couvre même le bruit de la circulation. Alors que moi je ne sais plus où me mettre, il rayonne. Je me dépêche de rejoindre la voiture, avant que des collègues me voient. Il sort de sa voiture en affichant son éternel sourire insolent. Je me dirige vers lui comme une furie.

Daryl :
"Oh là ! Tout doux, poupée. Tu vas monter..."

Je m'arrête devant lui et le toise de toute ma hauteur pour lui tenir tête.

Miss Mystère :
"Appelle-moi encore "poupée" et ta tête ne fera plus qu'un avec le bitume !"
Daryl :
"Oh ! Oh ! Ils vous font bouffer quoi, dans votre tour de verre ? Du lion ?"

Il m'ouvre la portière. Évidemment, plusieurs passants nous observent avec curiosité. Ils peuvent bien me regarder. Je monte juste dans une voiture. Il s'approche plus près de moi, pendant que la portière finit de s'ouvrir, et murmure à mon oreille.

Daryl :
"C'est moi qui te rends nerveuse ?"

Je me retourne et mon visage n'est qu'à quelques centimètres du sien. Je me demande si un jour nous arriverons à nous parler normalement, lui et moi.

Miss Mystère :
"Non, mais j'ai pas envie de m'éterniser. Mes collègues sont pas habitués à me voir dans une voiture de course, et Lola pourrait nous voir."

Je m'en veux d'avoir sorti la carte Lola pour le faire taire, car un bref voile de tristesse passe sur ses yeux. Nos échanges sont toujours aussi sportifs et piquants, mais, jusqu'à présent, nous avons toujours évité de taper là où ça fait vraiment mal. Il ne dit rien et referme la portière une fois que je suis installée. Je jette un œil vers l'accueil. Par chance Lola n'était pas à son poste quand je suis descendue. D'un côté je ne fais rien de mal. Le frère de ma petite amie me raccompagne. Pas de quoi en faire une histoire. Il faut vraiment que je me détende et que j'arrête de culpabiliser pour tout et pour rien !

Daryl :
"Ça te dit d'aller manger quelque part ? Je t'invite."

Surprise, j'écarquille les yeux. Quand il s'agit de nourriture, c'est rare que je fasse la difficile.

Miss Mystère :
"Oh ? En quel honneur ? Je croyais que t'étais juste engagé pour veiller à ma sécurité ?"
Daryl :
"Justement ! Y a-t-il une façon plus sûre d'être en sécurité, si ce n'est d’être avec moi ?"
Miss Mystère :
"Oui. Je dirais plutôt d'être avec Mathilde, mais bon..."

Daryl :
"Je prends le relais, ce soir."
Miss Mystère :
"Profite pas trop, non plus."
Daryl :
"Ah ! Je suis un optimiste, princesse, tu le sais !"

Son attitude ambiguë me pousse à hésiter. Ce n'est pas le moment d'ajouter une nouvelle source de querelle entre Mathilde et moi.

Miss Mystère :
"Je sais pas trop. J'ai eu une journée catastrophique. Me coucher est sûrement la meilleure chose qui me reste à faire."

Je jette un coup d'œil à mon téléphone et relis le message qu'elle m'a enfin envoyé tout à l'heure.

Daryl :
"Tu veux dire que tu vas te morfondre en attendant ma frangine ?"

Je déteste avoir à l'avouer, mais oui, probablement. Est-ce que je suis pathétique... ? Je soupire et range le téléphone dans ma poche.

Miss Mystère :
"J'espère que tu connais un bon restaurant."
Daryl :
"J'en connais des tas !"

Je préfère éviter de lui montrer trop d'enthousiasme. Je ne veux pas qu'il se fasse de fausses idées.

Daryl :
"Ça nous rappellera des bons souvenirs..."

(Hein ? À quoi fait-il allusion ? À la fois où il s'était fait passer pour Mathilde ?)

Je préfère ne pas relever sa remarque. Je la trouve trop étrange pour avoir à en discuter.

Daryl :
"Tu te souviens de la première fois où on s'est rencontré ?"

(Euh ! Il est où le rapport, là ?)

Miss Mystère :
"Oui. Pourquoi penses-tu à ça tout à coup ?"

Il m'adresse un regard empli de nostalgie. Je l'observe avec une certaine appréhension. Je ne comprends pas où il veut en venir en ressassant tous ces souvenirs.

Daryl :
"Je me souviens la première fois où je t'ai vue. J'ai su tout de suite que t'étais différente."

(Non... Il va pas oser me faire ce vieux plan, là... si ?)

Miss Mystère :
"De tes pétasses ? Merci. Je prends ça comme un compliment."

Il m'adresse un bref regard amusé et hoche la tête de droite à gauche.

Daryl :
"Belle, douce, sensuelle."
Miss Mystère :
"T'es sûr que tu fais allusion à moi ? Pace qu'il me semble que je t'avais gentiment remballé."

Moi, quand je repense à cette rencontre, je me souviens d'un type super désagréable... Je reporte mon attention sur la route, en espérant que son numéro prend vite fin.

(Entre Colin, qui me fait des confidences, et lui qui me fait trop de compliments, je vais croire que j'ai rêvé cette journée !)

La Lamborghini s'arrête à un feu rouge. Il en profite pour me fixer longuement. Je déglutis en me concentrant tant bien que mal sur le feu multicolore.

(À quoi il joue ?)

Sous le poids de son regard, je me sens rougir comme une écrevisse.

Daryl :
"T'avais rougi exactement comme ça, et c'est ce qui m'avait rendu fou."

Je n'ose pas tourner la tête, de peur de croiser son regard. Je crois que ma respiration s'est coupée. Heureusement, le feu revient au vert et il redémarre. Je reprends mon souffle, mais mon cœur bat toujours aussi vite.

Daryl :
"J'aimerais pouvoir remonter le temps."

(Qu'est-ce qui lui arrive ? Il est mourant ou quoi ?)

Miss Mystère :
"C'est ta rupture avec Lola qui te met dans cet état ?"

Je mets les pieds dans le plat avec délicatesse d'un hippopotame, mais nous n'avons pas vraiment l'occasion d'en parler. Il secoue la tête comme s'il voulait chasser Lola de son esprit.

Daryl :
"C'est plus le sujet."

Sa façon de rayer Lola de sa vie me pince un peu le cœur. C'est ma meilleure amie, avant tout.

Daryl :
"On est arrivé."

Ouf ! Bonne nouvelle ! Cette conversation partait très mal... Le restaurant qu'il a choisi est très classe. Je n'aurais jamais osé mettre les pieds dans un lieu si mondain sans y être invitée.

(Je n'aurais sûrement pas eu les moyens, non plus !)

C'est le genre de lieu que l'on réserve habituellement aux grandes occasions. En plus, je porte toujours ma tenue du boulot. À vrai dire, je n'aime pas trop ce genre d'endroit hyper guindé où le moindre mouvement est épié.

Miss Mystère :
"Tu as choisi le meilleur resto de la ville ou bien ?"
Daryl :
"Pas loin."

Un serveur s'approche de lui et lui demande poliment ce que nous souhaitons prendre en apéritif.

Daryl :
"Du champagne, merci."
Miss Mystère :
"T'es sûr ?"

Il pose une main sur la table et me regarde avec amusement.

Daryl :
"C'est pas tous les jours que je passe la soirée avec toi."

Je crois que c'est clair, il tente de me séduire. Et sans détour ! Qu'est-ce qui lui prend ? Sa sœur lui demande de veiller sur moi, et lui il en profite pour me draguer ?

Je me recule contre mon siège et croise les bras sous la poitrine.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu fais ?"

Ma voix est ferme. Je n'apprécie pas du tout son attitude. Il me croit capable de me laisser séduire alors que je suis avec sa sœur ? Il me prend pour ce genre de femme ? Il se racle la gorge et plante ses yeux dans les miens à nouveau.

Daryl :
"Je suis désolé. Je t'ai amenée ici parce que j'avais besoin de te parler... seul à seul."

(Surtout dans le dos de ta sœur !)

Daryl :
"Je m'en veux de le faire dans le dos de ma sœur, mais je peux plus garder ça pour moi."

(Je vois qu'il n'en est pas fier...)

Miss Mystère :
"Qu'est-ce qui se passe... ?"
Daryl :
"Si je te le dis, promets-moi de ne pas me planter tout seul ici comme un con."
Miss Mystère :
"Je fais pas de promesse que je suis pas certaine de tenir."

Il fait la moue. Il boit une gorgée du champagne que l'on vient de nous servir pour se donner du courage.

Miss Mystère :
"T'es sur le point de m'annoncer une double identité, ou quoi ?"

J'essaie de plaisanter pour détendre l'atmosphère, mais ce n'est qu'une tactique infructueuse pour masquer ma gêne. Il prend une profonde inspiration et passe une main dans ses cheveux, un peu comme Mathilde a l'habitude de le faire.

(Ce n'est vraiment pas le moment de leur trouver des similitudes. Terrain glissant... !)

Daryl :
"Je pense à toi tout le temps. Jour et nuit. J'ai beau lutter, tu m'obsèdes plus que de raison."

(Oh putain !!! Un masque à oxygène, défibrillateur, vite ! J'ai besoin d'aide !!!)

Daryl :
"J'ai cru que c’était juste une passade, une sorte de caprice. J'ai pensé pendant un temps que c'était la jalousie qui me guidait."
Miss Mystère :
"La jalousie ?"
Daryl :
"Envers ma sœur. Sa chance et sa putain de rédemptions."

Je ne sais depuis combien temps il tourne ces idées dans sa tête, mais j'ai l'impression qu'il a complètement craquée ! Le voilà qui me parle de rédemption ! À mon tour, je m'envoie dans le gosier toute la flûte de champagne ! Tant pis pour l'élégance ! Je repose la flûte d'un geste sec. Il observe mes gestes avec circonspection. Le serveur vient rapidement nous resservir.

(T'as raison, et remplis-la à ras bord !!!)

Daryl :
"J'ai cru que je te trouvais à mon goût parce que ma franchise t’avait plus, mais j'ai réalisé que l'attirance que j'avais pour toi était plus profonde."

(Il vient ce défibrillateur, oui ?!)

Daryl :
"Dès que je t'ai vue, ce jour-là eau parc, j'ai eu un truc pour toi."

(Un truc... Quel truc, bon sang ?!)

Miss Mystère :
"Je... On a déjà discuté de tout ça... Je croyais qu'on s'était mis d'accord à ce sujet."
Daryl :
"Y a que les cons qui changent pas d'avis."

Un serveur nous interrompt pour prendre notre commande. Je ne suis pas sûre de rester attablée longtemps. La seule chose qui me retient de fuir est le respect que j'ai pour lui.

Miss Mystère :
"Un verre de vin, s'il vous plaît... Et le plat du jour."

Le serveur m'observe, visiblement déconcerté.

(Il ne va pas s'y mettre lui aussi, hé, ho !)

Serveur :
"Vous voulais dire que vous souhaitez être surprise par les suggestions du chef pour le menu de ce soir, madame ?"

(Oui ! Voilà ! C'est ça ! Surprends-moi ! Au point où j'en suis aujourd'hui, de toute façon...)

Miss Mystère :
"Oui, très bien."
Daryl :
"La même chose. Les événements ont changé ma vision des choses. Je tiens beaucoup à toi... plus que tout au monde, maintenant."

J'ai la gorge sèche et la bouche pâteuse. Mon cœur bat à tout rompre. S'il continue avec ses déclarations je ne donne pas cher de mon petit cœur. Qu'est-ce que je peux bien répondre à ça ?

Daryl :
"Je me suis rendu compte à quel point je tenais à toi quand tu as été kidnappée. J'ai eu tellement peur de te perde !"

(Non ! Pourquoi dire un truc pareil ? C'est pas possible !)

Les propos qu'il tient ressemblent beaucoup à ceux de Mathilde quand elle s'est confiée à moi. Daryl ne peut pas avoir des sentiments aussi forts pour moi... Si c'est le cas, je suis dans une situation très délicate ! Une sensation d'oppression me prend à la gorge. J'ai l'impression qu'on me serre la poitrine et qu'une chaleur désagréable remonte depuis mon estomac. Je pense à Mathilde, qui se souci de ma sécurité en faisant confiance à son frère, alors que ce dernier en profite pour le tromper. Je pense à Lola, qui a cru que Daryl éprouvait des sentiments pour elle, alors qu'il n'en a jamais eu. Des remords et un sentiment de culpabilité m'assaillent, même si je n'ai rien fait de mal.

Miss Mystère :
"Comment peux-tu faire ça à ta sœur ... ? Et Lola alors ? Pourquoi avoir entamé une relation avec elle ?"

Il passe une main sur son menton.

Daryl :
"Je sais pas. Peut-être qu'inconsciemment je cherchais à me rapprocher de toi."

(Quoi ?!)

Miss Mystère :
"Tu vas me dire que tu as entamé une relation avec mon amie uniquement pour qu'on se voie ... ?"

Il soupire. Il semble sincèrement torturé par des sentiments contradictoires.

Daryl :
"J'en sais rien ! Je suis complètement paumé !"
Miss Mystère :
"Paumé ?"
Daryl :
"Ouais paumé, ok ! Putain, tu crois que ça me plaît de faire ça à ma frangine ?! Je me sens comme le pire des salopards !"
Miss Mystère :
"Et tu as de quoi ! Franchement... Tu peux pas nous faire ça !"

Il n'a pas le droit de jouer avec les sentiments des autres, les miens, ceux de sa sœur, ceux de Lola... Pour qui il se prend à la fin ? C'est trop facile de changer d'avis en fonction du sens du vent.

Daryl :
"Désolé, mais les sentiments, ça se contrôle pas."

Je suis bien placée pour le savoir que l'amour et la raison ne font pas bon ménage. N'importe qui d'un peu sensé aurait décidé de se tenir loin des Ortega. Cette ambivalence me terrifie. Je ne peux pas jouer à la girouette. Je vais faire du mal à tout le monde. Je décide de pousser mon siège pour sortir de table. Mais il me retient en posant sa main sur la mienne.

Daryl :
"Ne pars pas. S'il te plaît."

Je l'observe, le cœur battant. La fragilité qu'il me montre ce soir est sans encore plus troublante que tout le reste.

Daryl :
"Je te demande rien. J'avais juste besoin de te le dire."
Miss Mystère :
"Daryl..."

Je n'arrive pas à bouger. La situation est trop étrange. Bouleversante. J'ai devant moi un homme qui vient de me parler avec son cœur. Qui vient de me parler comme il n'a sans doute jamais eu le courage de le faire auparavant.

Daryl :
"Je te demande pas de tout plaquer pour moi. Je te demande pas de quitter Mathilde. Il fallait juste que tu saches que je ressens pour toi."
Miss Mystère :
"Oh et tu as pensé à ce que moi je ressens, maintenant ?"
Daryl :
"T'as pas besoin de me le dire, je sais très bien à qui ton cœur appartient."

Je sais très bien que mon cœur appartient à Mathilde. Malgré toutes nos épreuves, il n'a jamais cessé de battre pour elle, et pour elle seule. Daryl était devenu un ami proche dont j'appréciais la compagnie. J'ai peur que sa déclaration ne vienne tout gâcher. Je sais très bien comment tout cela va finir. Il va détruire notre amitié et pulvériser son lien fragile avec Mathilde.

(Mais putain, c'est pas possible ! Je suis dans un cauchemar et je vais me réveiller, c'est ça ... ?)

C'est de ma faute ! J'ai sûrement laissé une brèche ouverte pour que Daryl tente sa chance de cette façon. Il n'a pas enlevé sa main de la mienne et la fixe comme si elle allait apporter des réponses à toutes mes questions.

Daryl :
"Arrête de cogiter et reste. Passe cette soirée avec moi. S'il te plaît."

(C'est surréaliste !)

Il lâche une bombe et il pense que je vais pouvoir dîner tranquillement avec lui ? Il ne se rend pas compte qu'il a mis le bordel total dans mon esprit ? Comment je vais pouvoir recoller les morceaux, après ça ?

(Qu'est-ce que je fais... ?)

Doucement mes yeux quittent sa main brûlante et remontent jusqu'à ses prunelles.

Daryl :
"S'il te plaît..."

(Et merde...)

J'expire et retire ma main. Je pose les coudes sur la table et croise les mains. Je les porte à ma bouche et je le fixe en silence... Pendant tout le repas, l'atmosphère entre lui et moi a été irréelle. Chaque mot qu'il utilisait était à double sens. Je n'ai pas réussi à me détendre comme si je dînais avec un ami. Maintenant que je suis seule dans sa voiture, avec lui, je me sens encore plus mal. Le confinement de la Lamborghini nous rapproche physiquement. Je suis trop troublée. Son parfum, sa présence à quelques centimètres... Tout me donne envie de me rapprocher de lui.

(Qu'est-ce qui m'arrive ? Un truc étrange flotte dans l'air...)

Lui et moi restons silencieux, comme si le moindre mot prononcé pouvait déclencher un cataclysme. Le trajet jusque chez moi semble interminable. Comme si le sort m'en voulait, nous enchaînons tous les feux rouges. Lorsque j'aperçois envie le bas de mon immeuble je me détends un peu. Il se gare et descend de la voiture pour m'ouvrir la portière. Il me tend la main pour m'aider à sortir. Lorsque je la saisis, mon regard se voile d'une manière particulièrement intense. Sans me lâcher la main il m'accompagne jusqu’à mon palier. Je lâche nerveusement ses doigts et sors les clés de mon sac en tremblant légèrement.

Daryl :
"Miss Mystère..."

Il humecte ses lèvres et son regard s'attarde sur les miennes. Ce serait une erreur monumentale. Mathilde serait en droit de péter un câble, et au passage la figure de frère ! Hors de question de passer un point de non-retour ce soir. Je ne veux pas dépasser cette limite, là où nous ne pourrions plus supporter la présence de l'autre. Il passe une main sur ma joue et je sens l'effluve épicé de son parfum caresser mes narines.

(Je vais crever sur place s'il continue de me regarder comme ça !)

Je ne dois pas le laisser espérer. Je ne dois pas le laisser me toucher avec autant d'affection. Je suis en train de le blesser et de trahir Mathilde par la même occasion. J'inspire l'air du soir et ferme les yeux un bref instant pour me ressaisir. Lorsque je les ouvre à nouveau je repousse sa main, avec le plus de délicatesse possible. Je n'ai pas l'intention de lui faire du mal. Un silence pesant s'installe entre nous.

Miss Mystère :
"Je peux pas. J'aime ta sœur."

Il baisse un instant les yeux en direction du sol. J'ai le cœur déchiré.

Miss Mystère :
"Je suis désolée."

(Bon sang ! Pourquoi faut-il que les sentiments soient si compliqués ?!)

Daryl :
"C'est pas grave. Je comprends."

Sa voix est encore plus rauque qu'en temps normal. Il dit ça pour rester digne mais je sens que je viens de lui faire beaucoup de mal. J'ai besoin d'être seule. J'aime Mathilde et j'ai l'impression de la trahir, rien que par la présence de Daryl en bas de chez moi. Je n'arrête pas de guetter les alentours, au cas où ma petite amie serait là. Je n'ai rien fait de mal et pourtant je me sens terriblement coupable.

Miss Mystère :
"Tu devrais y aller. Je suis avec Mathilde, je l'aime. J'ai trop de respect pour elle, pour toi et pour moi-même pour faire ça."
Daryl :
"Je sais."

Il n'a pourtant pas l'air de l'avoir intégré. Au contraire. Sinon il n'aurait pas fait tout ce numéro de séduction ce soir. Il doit se débarrasser une fois pour toutes des fantasmes qui l'habitent. Je dois être ferme, directe, sans aucune ambiguïté, si je veux l’aider à y parvenir.

Miss Mystère :
"Non, tu sais pas. Je l'aime. Je l'ai toujours aimée."

Je lis dans ses yeux la douleur que je lui inflige. Il ne doit pas se faire d'illusions. Je dois être claire avec lui, même si je ne l'ai pas toujours été. Nous devons absolument arrêter de jouer à ce jeu dangereux. Il doit tirer un trait sur moi. Je ne serai que son amie.

Daryl :
"C'est bon. T'as pas besoin d'en dire plus."
Miss Mystère :
"J'ai peut-être été maladroite avec toi, ambiguë... Je m'en excuse. Je sais ce que je ressens maintenant."

Ses prunelles se mettent à briller sous la lumière du lampadaire. Je n'aime pas faire souffrir les gens, et encore moins ceux pour qui j'ai de l'affection. Mais là je dois faire preuve de courage.

Miss Mystère :
"C'est Mathilde, la femme de ma vie."

Il se force à m'adresser un sourire et se penche à nouveau vers moi. Mon cœur cesse de battre. Va-t-il falloir que je le repousse encore ? Mais il dirige sa bouche près de mon oreille pour me chuchoter quelques mots.

Daryl :
"Mon cœur sera toujours ouvert pour toi."

Il dépose un baiser sur ma tempe. Je sens mon rythme cardiaque pulser à mille à l'heure. Je reste bouche bée, tétanisée par ces mots. Et il me laisse pantoise devant ma porte d'entrée... Je ferme la porte de chez moi à double tour, une habitude que j'ai prise depuis quelque temps... J'observe la pièce et les affaires qu'elle a disposées çà et là. Une émotion très désagréable s'empare de moi. Topaze m'accueille, la queue battante, et se frotte à mes jambes. C'est à peine si je sens son contact, tant elles sont flageolantes. Je m'écroule le long de la porte et m'assieds sur le sol. J'ai besoin de faire le point !

Miss Mystère :
"Je dois halluciner ! C'est pas possible autrement."

Topaze écrasé sa langue contre ma joue et sa bave dégouline sur mon t-shirt. Ok, pas la peine de me pincer, cela suffit à me prouver sue je ne rêve pas ! Et merde ! J'aurais préféré que ce soit un mauvais rêve. Une sorte de message un peu tordu venu des tréfonds de mon subconscient... Mais non, Daryl vient bien de me faire une putain de déclaration ! Je suis dans la merde jusqu'au cou ! Parce que je n'arrive pas à m'enlever ses mots de la tête. Je les répète en boucle et cherche à comprendre l'effet qu'ils me font. Mes émotions sont de vraies garces ! Elles ne m'aident pas à faire le tri ! C'est le bazar à l'intérieur de moi... J'aime Mathilde. Sincèrement. Je me sens minable de pouvoir ressentir quoi que ce soit pour son frère. Je devrais balayer les paroles de Daryl d'un revers de la main pour ne penser qu'à ma belle brune. Et pourtant la déclaration de son frère me touche. Je n'arrive pas à y rester insensible.

Miss Mystère :
"Dis-moi, toi, pourquoi y a toujours un truc qui cloche dans ma vie ? J'ai deux personnes qui m'aiment, je me plains, j'en ai deux, je me plains... !"

Il aboie pour confirmer mes propos. C'est mon seul confident. Si seulement il pouvait parler, j'aurais au moins un conseiller sur qui compter ! Ou alors il me dirait de mettre de l'ordre dans mes idées et d'arrêter mes conneries ! Je le regarde un peu en diagonale, tout à coup. Peut-être que s'il pouvait parler nous ne serions plus amis... Pour l'heure, en tout cas, je ne peux malheureusement me fier qu'à moi-même.

(La catastrophe !)

S’il s'agissait de données statistiques ou de maquettes publicitaires, je serais compétente, mais dans le domaine des émotions, je suis une vraie calamité ! La preuve : alors que je m'étais persuadée que Mathilde était la seule femme qui comptait pour moi, voilà que n'ensuit plus si sûre... Je délire complet, là ! C'est Mathilde que j'aime ! Daryl certes a du charme mais ce n'est pas celui qui me fait vibrer. Ou du moins ce n'est pas celui avec qui je me vois construire quelque chose. Je soupire. Daryl a balancé une bombe. Et maintenant je dois faire avec pour ne pas qu'elle m'explose en pleine gueule ! Tout se mélange au fond de moi, les sentiments, la raison, les fantasmes... Les événements se sont enchaînés tellement vite ! Je suis certaine, que tout ce j'ai vécu ne m'aide pas à y voir clair. Avec Mathilde, nous avons vraiment failli nous séparer. Et je sais pourquoi j'ai tenu bon : parce que je l'aime. J'ai écouté mon cœur depuis le début.

Miss Mystère :
"Topaze, tu sais quoi ? Je vais bientôt me mettre à la méditation !"

Prendre le temps de me recentrer. Loin de toute cette folie... Voilà ce qui m'aiderait à faire le point !

Miss Mystère :
"Et dire qu'elle va rentrer d'un moment à l'autre... Je vais lui dire quoi, moi ? Hein ?"

Il m'observe de ses grands yeux ronds. De toute évidence, il ne m'apportera pas la solution. J'aimerais tellement être auprès d'elle ! Oublier toute cette histoire et faire comme si rien ne s'était passé. Je finis par me glisser dans les draps, le cœur battant. Tout à coup, j'entends le loquet de la porte tourner et mon chien, trépigner. Je me fige !

(Mathilde ! Elle est rentrée !)

Je ne bouge pas d'un centimètre. Peut-être qu'elle croira que je dors et me laissera le temps de digérer tout ça... Ses pas se rapprochent et un filet de lumière me parvient depuis le couloir. Je l'entends chuchoter à Topaze de se tenir tranquille. Lorsqu'elle entre dans la chambre, j'entends le bruit de sa veste, qu'elle dé zippe, puis de ses vêtements qui glissent au sol. Lorsqu'elle se met sous les draps et vient lover son corps chaud contre le mien, je ne peux m'empêcher de frémir. Elle dépose un baiser au creux de mon cou et je ne résiste pas à l'envie de me serrer encore plus contre elle.

Mathilde :
"Tu ne dors pas, ma belle ?"
Miss Mystère :
"Non..."

Sa main chaude se glisse alors le long de mon flanc et vient doucement effleurer la courbure de mes fesses. De l'autre, elle emprisonne mon cou pour m'entraîner à pencher la tête contre elle. Plongée dans l'obscurité, je profite de ses caresses. J'imagine et j'anticipe le chemin de ses mains. Elle sent bon l'air de la nuit, de la liberté. Elle sent bon tout simplement. Et alors je perçois la réalité" comme une évidence. En cet instant, je ne pense à rien d'autre qu'à elle et à la tendresse de ses caresses. Daryl, sa déclaration et tous mes doutes, vient de disparaître. Juste grâce à sa présence à elle. Ma femme. La seule. Prise d'euphorie, libérée de mon angoisse, je me retourne pour la chevauchée en un mouvement habile. Elle essaie de parler, mais ses paroles meurent entre mes lèvres. Ma langue s'insinue déjà autour de la sienne, pendant que nos deux corps s'écrasent mutuellement. Cette voix qui s’échappe... ne fait qu'attiser mon excitation et mes hanches commencent à onduler sensuellement contre elle. Ses Mains sont brûlantes. Elle me retourne rapidement et m'embrasse fougueusement. D'une main, elle me bloque les bras au-dessus de la tête puis entreprend de me déshabiller en quelques secondes. Ma nuisette glisse jusqu'à mes chevilles. Être nue contre elle me rend ivre de désir. J'ondule, je m’arque, je cherche à happer ses lèvres. Alors qu'elle tente de m'échapper, j'entortille ses hanches autour de mes cuisses et je la serre très fort pour la pousser à venir se presser contre moi. Les draps sont sens dessus dessous et dans notre empressement nous tombons du lit ! Elle me regarde, surprise par ma fougue, mais je ne laisse pas passer une seconde. Je lui saute presque dessus pour me coller à chaque parcelle de sa peau. Je goûte, je caresse, je déguste cette femme que j'aime au plus profond de mes entrailles. Fiévreux, empressés, nos deux corps s'unissent sur le sol de ma chambre et il me semble même que je crie son prénom...
Quelle soirée ... Je la rejoins à la salle de sport. La journée à Carter Corporation a été plutôt longue sans elle. Personne pour me raconter des blagues débiles ou pour me proposer des jeux coquins dans divers lieux inappropriés. Mais au moins j'ai pu me concentrer sur mon travail. Et en ce moment, une fois n'est pas coutume... J'étais tentée de l'appeler pour la voir pendant la pause de midi, mais j'ai tenu bon jusqu'au soir. Je ne suis pas sûre qu'elle aurait tellement eu envie de croiser des collègues chez Bob ou chez Felipe. Lorsque je l'aperçois, elle est en compagnie de plusieurs jeunes qui s'adressent à elle. Elle leur répond avec bienveillance. Elle est dans son élément.

Mathilde :
"Salut princesse ! Tu m'as manqué, tu sais ?"

(Et à moi donc ! Voilà ce que ça fait de s'enlacer toute la nuit. Le moment de se quitter au petit matin devient insupportable !)

Elle m'embrasse délicatement, sans s'attarder. J'aimerais l'emprisonner dans mes bras pour qu'elle sache l'effet qu'elle me fait. Mais nous sommes en public, devant ces petits jeunes. J'imagine qu'elle ne veut pas se faire chambrer. Nous nous déplaçons jusqu'au ring où j'enfile mes gants. Tout à coup, l'image de Lana s'impose à mon esprit, comme un flash.

Mathilde :
"Hey, princesse, ça va pas ? Tu fais une drôle de tête..."

Je déteste devoir lui mentir, mais je dois prendre sur moi pour que nous puissions aller, elle et moi.

Miss Mystère :
"Un peu fatiguée... La faute à qui ?!"

Elle me lance un sourire coquin et tape ses poings l'un contre l'autre.

Mathilde :
"Tu veux dire que tu étais survoltée hier. J'ai eu l'impression de n'être qu'un joujou sexuel."

Son air faussement choqué me fait éclater de rire.

Miss Mystère :
"Il me semble que ça ne t’a pas déplu..."

Elle simule le geste du salut militaire en prenant une expression très sérieuse.

Mathilde :
"Toujours, madame !"

Je luis tape sur l'épaule, un peu rougissante.

Miss Mystère :
"Arrête ! Y a tes gamins qui nous regardent."
Mathilde :
"Je les éduque. Ils doivent comprendre très tôt que ce sont les êtres humains qui contrôlent tout aujourd'hui."
Miss Mystère :
"On a toujours tout contrôlé, chérie. On agissait juste dans l'ombre..."
Mathilde :
"Ouais... Séductrice et manipulatrice..."

Je fais rouler mes yeux et me mets en garde.

Miss Mystère :
"Allez, au lieu de papoter, vient donc me montrer ce que t'as dans le ventre."

Elle m'adresse un sourire amusé.

Miss Mystère :
"Quoi ?"
Mathilde :
"Bah je voudrais pas te blesser..."
Miss Mystère :
"Tu sous-entends que je suis une adversaire trop facile à mettre au tapis ?"
Mathilde :
"Quelque chose comme ça, oui."

(La salope !)

Mathilde :
"Fais pas la tête, princesse... C'est juste que t'as pas l'air en forme. Ça risque d'être trop facile."

(Elle m'agace, elle m'agace, elle m'agace !!!)

Miss Mystère :
"Tu devrais te méfier, c'est peut-être ma nouvelle tactique..."
Mathilde :
"C'est bien ce que je dis. Séductrice et manipulatrice..."

Si notre petit échange m'a amusée jusque-là, soudain ces deux mots vrillent à mes oreilles et me retournent l'estomac. Est-ce que c'est ce que je suis pour Daryl ? Une manipulatrice ? Une fille qui lui a envoyé de faux signaux pour lui écrabouiller le cœur après ... ?

(Non c'était pas volontaire...)

Elle profite de mon manque de concentration pour me faire une clé de bras ! Je me retrouve coincée contre elle sans pouvoir bouger.

Mathilde :
"T'es ailleurs, princesse."

Son souffle est à quelques millimètres de mon visage. Mon cœur rate un battement et une myriade de sensations m'envahissent. Je réalise en cet instant que si mon cœur pouvait hurler, il crierait au monde entier : "JE T'AIME !!!!" Car ce que je ressens pour elle dans ses bras est indescriptible. J'éprouve cette sensation qui prend possession, de tout mon être, de mes orteils à la racine de mes cheveux, la même que j'ai ressentie au premier jour. Celle que je n'ai jamais ressentie, pour quelqu’un d'autre. En proie à un grand bonheur, j'éclate de rire ! Je ris tellement que je n'arrive plus à m'arrêter. Je crois même que j'en pleure. Elle fronce les sourcils avec un air interloqué. Elle doit me prendre pour une folle, la plupart du temps. Je me redresse sur les talons et pose mes lèvres sur les siennes.

Mathilde :
"Très bonne technique pour me faire lâcher prise à ton adversaire. T'as presque réussi à me déconcentrer."

Je souris béatement. Je voudrais que le temps s'arrête.

Mathilde
"Tu sais que tu es censé mettre ton adversaire au tapis, pas, de l'embrasser."
Miss Mystère :
"Moi je suis partisane du "Fais l'amour, pas la guerre." Tu vois..."

Elle plonge son regard dans le mien et je me sens défaillir.

Mathilde :
"T'as pris un aphrodisiaque avant de venir ou je suis juste irrésistible ?"

Je me jette à son coup de plus belle pour lui voler un baiser.

Mathilde :
"On t'a droguée, c'est sûr !"

Elle m'enlace et je ferme les yeux. Je suis droguée, c'est sûr. Mais ma came, c'est elle.

Mathilde :
"T'es trop forte, princesse. Je pourrais rester comme ça pendant des heures... même si tous mes élèves se foutent de ma gueule."

J'écarte mon visage de sa poitrine pour constater l'amusement des jeunes du quartier. Elle me rend mon sourire espiègle et m'embrasse, à nouveau, sous les rires moqueurs des adolescents. Et mon cœur explose à nouveau... On est vendredi.

(Oui, on est vendredi !)

Ce qui signifie que demain, c'est le week-end. Et qui dit week-end, dit... virée en moto avec Mathilde !!! Je suis une vraie pile électrique ! Après le numéro de mes émotions de cette semaine, me retrouver seule avec elle, ça ne pouvait pas mieux tomber. Je n'ai pas revu Daryl depuis sa déclaration. Je me suis plongée dans le travail et j'ai passé mon temps libre avec ma petite amie. Je n'ai même pas pensé une seule seconde à son frère. Pour moi, les choses sont claires, elle est la seule pour qui mon cœur bat. J'ai décidé de me concentrer sur elle, sur notre relation. Je crois que nous avons le droit de penser un peu à nous. C'est une femme exceptionnelle, notre histoire est hors du commun et je ne veux plus gaspiller mon temps. Même si tout n'est pas tout rose, encore, j'ai la ferme intention de supprimer, un à un, tous les problèmes qui gâchent notre bonheur. À commencer par le travail, elle doit retrouver sa place au sein de l'équipe de Gabriel. Notre collaboration chez Carter Corp fait partie de notre équilibre. J'ai besoin d'elle pour m'épanouir professionnellement. Je n'imagine pas continuer sans elle. Elle est mon roc depuis mes premiers pas dans l'entreprise. Nous formons une équipe et c'est la clé de notre réussite. Avant de quitter les bureaux, je décide de m'entretenir avec Gabriel à ce sujet. Si je le fais maintenant je ne prendrai pas le risque de ruminer cette décision pendant tout le week-end... Lorsque je rentre dans son bureau, il m'adresse un regard plutôt bienveillant. C'est bon pour moi, ça !

Gabriel :
"Miss Mystère ! Installe-toi, je t'en prie."

Je croise les bras sur ma poitrine avec l'intention de lui montrer ma détermination. C'est peut-être idiot, mais avec lui l'attitude compte.

Miss Mystère :
"Je me demande ce qu'il va advenir du poste de Mathilde ?"
Gabriel :
"Tout se passe bien ... ?"

(Pourquoi ne répond-il pas à ma question ?)

Miss Mystère :
"Oui, tout va bien pourquoi ?"

Il range ses affaires sur son bureau. Il est très méticuleux et tous ses objets ont une place bien définie.

Gabriel :
"J'ai cru que tu n'assurerais pas toute seule."

Je suis un peu vexée qu'il puisse penser que je galère sans mon binôme. J'ai les compétences nécessaires et je mets les bouchées doubles pour assurer la charge de travail.

Miss Mystère :
"Je me débrouille très bien. C'est juste que je me demande quand Mathilde va pouvoir réintégrer son poste."

Je prends bien soin de parler de "quand" et non de "si"... Il fait mine de ne pas m'entendre et continue son rangement.

Miss Mystère :
"Je sais que le sujet t'agace, mais j'aimerais savoir..."
Gabriel :
"Le sujet ne m'agace pas. Il ne m'intéresse pas pour l'instant."

(O...K... C'est pas gagné !)

Miss Mystère :
"T'as réfléchi pour la mise à pied ?"

Il lève la tête de ses documents et soupire.

Gabriel :
"Ce n'est pas un sujet d'actualité. Dis-moi, qu'est-ce que tu fais ce soir, ça te dit aller boire un verre ?"

Je comprends à son regard que je n'obtiendrai aucune réponse à ma question. Il évite avec habileté le sujet et me demande si cette invitation à sortir avec lui n'est pas un leurre pour que j'oublie mes interrogations.

Miss Mystère :
"C'est gentil, merci, mais j'ai déjà prévu autre chose."

Il m'adresse un regard séducteur qui embraserait la culotte de n'importe quelle femme au cœur libre. Sauf que je préfère largement les mauvaises filles aux types trop sûrs d'eux ! J'imagine qu'il emballe comme on enchaîne les mojitos, mais moi, il ne me fait pas beaucoup d'effet.

Gabriel :
"Comme tu voudras ! La semaine a été harassante et nous nous retrouvons avec d'autres collègues pour décompresser. Si tu changes d'avis, tu m'appelles."

Est-ce qu'il s'inquiète simplement pour mon bien-être ? Avec lui je ne sais jamais sur quel pied danser...

Miss Mystère :
"Merci, mais ce sera pour une autre fois. Bon week-end !"
Gabriel :
"Bonne soirée."

Il est particulièrement doué pour éviter une conversation qui le dérange. Je perds mon temps dans son bureau. Je n'obtiendrai aucune information de sa part ... Je suis encore dans mon appartement, les fenêtres closes. Le bruit de la moto de Mathilde me signale son arrivée. J'ai un véritable radar quand il s'agit de ma compagne. Mon cœur a déjà commencé sa danse de la joie ! J'attrape mon sac à dos et bondis hors de chez moi. La porte claque. Le souffle court, je dévaleles marches quatre à quatre avec une joie immense. Quand je l'aperçois sur la chaussée je me retiens de crier son nom. Elle a à peine ôté son casque, que je me que je me jette à son cou et manque de la faire tomber à la renverse.

Mathilde :
"Hey ! Doucement, petite furie !"

Je suis euphorique comme une gamine pour son premier voyage à Disneyland !

Miss Mystère :
"Donne-moi mon casque, c'est parti !"

J'ai attendu ce moment si longtemps, trop longtemps !! On n'a qu'une seule vie, et elle plutôt courte. Il faut en profiter avant qu'il soit trop tard.

Mathilde :
"Pas si vite, princesse ! Laisse-moi te monter deux ou trois trucs avant."

Je me renfrogne et je croise les bras sous ma poitrine. Elle tapote le bout de mon nez de son index avant de m'enlacer.

Mathilde :
"On monte pas sur cette petite bombe sans savoir un minimum de choses, princesse."

Elle n'a pas tort. Et mon côté trouillard n'est pas contre un petit briefing avant d'enfourcher la bête.

Mathilde :
"Faut que tu sois à l'aise pendant le voyage, ma belle."
Miss Mystère :
"Si tu t'inquiètes pour ça aucun danger. Être collée à toi pendant plusieurs heures, c'est une perspective très alléchante."

Elle m'entraîne contre lui et je sens son désir se manifester.

Mathilde :
"Je sais pas qui prend le plus de plaisir dans ce cas."

Elle m'adresse un clin d'œil et embrasse avec avidité. J'aurais presque envie de la tirer par le col de sa veste jusqu'à mon appartement pour profiter d'elle. Mais j'attends cette virée en moto depuis si longtemps que ma petite conscience friponne devra patienter. Et puis... personne n'a dit qu'on ne ferait pas de pause pendant la promenade. Elle m'observe quelques secondes, visiblement amusé par mon état d'excitation.

Miss Mystère :
"Bon vas-y, je t'écoute."

Je la laisse donc m'expliquer les bases à connaître pour être un bon passage en moto. Lamanière de me tenir, la manière de me pencher dans les virages, comment communiquer. Mais j'ai surtout retenu les différentes façons de m'accrocher, et celle où je dois me plaquer au conducteur a particulièrement attiré mon attention. Elle m'aide ensuite à enfiler mon casque et, à ce moment-là, je vois disparaître tout mon sex-appeal.

(Écrasé, en même temps que mes joues contre la mousse protectrice !)

Elle enlève la béquille et enfourche sa grosse cylindrée. Elle démarre le moteur et la puissance des chevaux percute mon estomac. Le trac, l'adrénaline et l'excitation forment une espèce de tambouille détonante à l'intérieur de moi. Je grimpe derrière elle. Les vibrations caressent doucement mes cuisses. J'ai l'impression d'être dans un grand huit, juste avant qu'elle entame sa descente infernale. Mon cœur bat à tout rompre, j'ai les mains moites et des frissons sur les bras, mais je n'aimerais être ailleurs pour rien au monde ! Elle me regarde par-dessus son épaule. Je m'agrippe à sa taille.

Mathilde :
"Prête ?"

Comment pourrais-je ne pas l'être ? J'ai attendu ce moment depuis si longtemps ! J'ai l'impression d’être prête depuis des siècles. J'opine du chef avec un sourire si grand que mes mâchoires pourraient se détacher. Elle démarre et je ferme les yeux en tentant de retenir mon cœur au lasso. Nous traversons la ville en zigzaguant entre les voitures. Je ne suis pas à l'aise tout de suite, mais je prends un malin plaisir à me cramponner à ma petite amie. J'ai confiance en elle, mais, à chaque slalom, j'ai l'impression que je vais me retrouver les fesses par terre. C'est que lorsque nous arrivons sur les routes de campagne que je me détends enfin. Elle prend de la vitesse et je me cale fermement contre elle. La sensation que je ressens est très étrange. Je me sens plus libre et, en même temps, je lui confie toute ma sécurité. Cramponnée à elle, elle est ma bouée de sauvetage. Je n'ai jamais été aussi sereine de toute mon existence. Je me sens plus vivante que jamais. Elle ralentit et prend un virage serré à droite. Ma jambe se rapproche sensiblement du sol, mais je n'ai jamais peur.

(Enfin, si, un peu quand même...)

Cette route et cette forêt me rappellent quelque chose. Mais en voiture, ça ne fait pas le même effet... Tout à coup, je percute. Nous nous dirigeons vers notre petite cabane ! J'ai hâte de construire de nouveaux souvenirs, là-bas. Les routes sont désertes par ici et elle en profite pour rouler à son aise. Nous sommes le roi et la reine du chemin ! Les branches sont balayées de plus en plus fortement par le vent et un nuage nous fait sombrer dans la pénombre. L'odeur de la pluie se fait doucement sentir. J'aime l'odeur qui monte du goudron chaud quand il pleut. Je n'ai pas le temps de lever la tête vers le ciel, qu'une averse nous tombe dessus. Je sens la pluie se déverser sur mes épaules et je soupire d'exaspération. J'aurais préféré que ma première virée se fasse sous un soleil chaleureux et une douce brise. La pluie s'intensifie, l'horizon s'assombrit dangereusement et déchire le ciel d'un éclair. Mes mains s'agrippent fermement à la taille de ma petite amie, mais son blouson trempé glisse de plus en plus. Elle tourne légèrement la tête et crie pour que je l'entende à travers le tonnerre.

Mathilde :
"ACCROCHE-TOI... ON... VITE... CABANE !"

J'approuve de la tête, même si je n'ai pas tout pigé. En même temps, je lui fais confiance. Les gouttes d'eau glissent sur la visière de mon casque et obstruent ma vision.

Miss Mystère :
"TU DEVRAIS PAS RALENTIR UN PEU ?"
Mathilde :
"TU FLIPPES ?"

Nous crions pour nous entendre, car les casques bouchent nos oreilles. Pour rien au monde, je n'avouerais avoir peur. J'aurais trop peur qu'elle utilise cette excuse pour ne plus me prendre en moto avec elle.

Miss Mystère :
"NON ! J'AI PEUR DE RIEN ! JE SUIS LIIIIIIBRE !"

Prise d'euphorie je crie comme une dératée et elle, rigole en accélérant de plus belle. Je m'agrippe férocement à sa taille. Elle me connaît par cœur. Difficile de faire semblant avec elle.

Mathilde :
"J'AI CRU QUE T'AVAIS PEUR, PRINCESSE !"

Elle s'amuse à me faire peur, mais je vais lui montrer que celle qui la contrôle n'est pas forcément celle qui conduit. Je la serre de mes bras encore plus fort, jusqu'à ce que je sente un souffle lui échapper.

Mathilde :
"HEY, TU VAS M'ÉTOUFFER !"
Miss Mystère :
"JE FAIS ÇA, QUAND JAI PEUR... !"

La cylindrée traverse une flaque d'eau qui éclabousse nos jambes. Tout à coup, le moteur émet un son étouffé, crachote et finit par caler. Elle pousse un grognement en posant le pied au sol.

Mathilde :
"Merde, je crois qu'on a un léger problème..."
Miss Mystère :
"Léger ? T'es sûr ?"

Elle s'arrête sur le bas-côté de la route boueuse et nous descendons du véhicule. Elle cherche à redémarrer sa moto, mais son entêtement est de courte durée.

Miss Mystère :
"Ne me dites pas que tu es en train de chercher à me faire le coup de la panne ?"

Je ne vois que son regard, mais je décèle rapidement un sourire dans ses yeux. Nous sommes trempés de la tête aux pieds et pourtant je me sens bien.

Mathilde :
"Viens, on va se mettre à l'abri."

Elle pousse sa moto jusque sous l'arbre au feuillage épais qui nous protège de l'averse. J'enlève mon casque et balaie mes cheveux au vent. Elle me fixe avec attention. On dirait qu'elle attend ma réaction face aux événements. Je me mets à rire devant son air penaud.

Miss Mystère :
"Si ton but est de me mettre dans ton lit, pas la peine de me faire le coup de la panne, je suis pas si difficile."

Elle relâche la pression dans ses épaules et partage mon hilarité.

Miss Mystère :
"C'est vraiment pas de chance pour notre première virée !"

Nous nous regardons avec une envie irrépressible de rire.

Mathilde :
"À croire que même les éléments se liguent contre nous !"
Miss Mystère :
"Avoue ! C'est toi qui as demandé à la pluie d'intervenir ?"
Mathilde :
"j'ai fait une petite danse indienne, ce matin. Je pensais pas que ça serait aussi efficace."

J'éclate de rire et elle en fait de même. J'ai du mal à calmer mon hilarité lorsque je me mets à l'imaginer avec des plumes sur la tête et un poncho sur le dos.

Miss Mystère :
"Tu sais, si tu voulais vraiment pas je grimpe sur ta moto avec toi, suffisait de me le dire."

Elle s'avance vers moi et me bloque entre elle et sa bécane.

Mathilde :
"Et me priver d’une petite danse ? Sûrement pas !"

Je ne peux m'empêcher de ressentir de la joie. Tant mieux si nous sommes tombés en panne. C'et aparté n'aurait pas eu lieu sans ça, je trouve que les instants de la vie inattendus, comme celui-ci, sont les plus magiques.

Miss Mystère :
"Tu crois que la pluie va s'arrêter ?"
Mathilde :
"Je sais pas, mais je suis pas sûr d'avoir envie qu'elle s'arrête..."

(C'est marrant, c'est exactement ce que j'étais en train de me dire.)

Elle défait sa veste pour venir l'enrouler autour de mes épaules.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu fais ? Tu vas avoir froid !"

Elle ne dit rien et me fait signe de l'enfiler. Je râle un peu, pour la forme, mais je suis touchée par son attention galante.

Mathilde :
"On est plutôt bien, là. Tu trouves pas ?"
Miss Mystère :
"Pourquoi ? On est toutes trempées !"

Je sais ce qu'elle cherche à insinuer, mais le regard fou qu'elle m'adresse lorsque je minaude est un réel plaisir. Son corps se presse contre le mien. Nos hanches se cognent et elle m'emprisonne entre ses bras. Une main sur le guidon, l'autre sur le porte-bagages, son corps est un rempart à ma délivrance.

Mathilde :
"parce que nous sommes seules au milieu de nulle part et que ça me donne des idées."

Une goutte de pluie glisse d'une mèche de ses cheveux et atterrit sur sa lèvre. Je la regarde et je sens qu'elle m'appelle, comme si cette perle transparente était un nectar sacré. Mes lèvres emprisonnent cette goutte d'eau et mon cœur accélère ses battements. Il fait chaud sur sa bouche. Le temps maussade disparaît que je l'embrasse. La pluie continue de traverser les branches au-dessus de nos têtes, mais ça ne nous dérange pas le moins du monde. Ce sont ses yeux qui accaparent toute mon attention. Elle presse mes hanches et comble tout l'espace entre nos deux corps, pendant que ses mains se faufilent sur ma poitrine.

Miss Mystère :
"Oh... Je crois que je commence à comprendre..."

Soudain, un coup de tonnerre éclate si fort que j'en sursaute ! Mince, c'est que ça devient un peu dangereux tout ça ! Elle m'attrape pour me soulever et me faire descendre de la moto.

Mathilde :
"On va se mettre à l'abri..."

Je prends sa main et nous filons à travers la forêt, en espérant trouver un petit renfoncement, quelque chose qui nous protège de la pluie. L'orage, l'obscurité, la forêt, l'hostilité des éléments ne font qu'attiser mon désir. Je la suis presque à l'aveuglette. Je ferme les yeux dès qu'un éclair inonde le sol de lumière. Tout à coup, je la sens stopper sa course.

Mathilde :
"Là !"

Un renfoncement nous fait face, une sorte d'ouverture qui rappelle l'entrée d'une grotte.

(Chance !)

Mathilde :
"Je vais appeler la dépanneuse."

Elle me tourne le dos pendant qu'elle passe son coup de fil. J'en profite pour me déshabiller. Mes vêtements sont trempés ! Je les installe précautionneusement contre la paroi pour les sécher. Lorsque j'observe les muscles du dos de ma compagne se mouvoir sous son t-shirt mouillé, une pointe de désir presque douloureuse vient tordre mon bas-ventre. Elle est déjà belle au naturel, mais là, elle est juste irrésistible. Quand elle a terminé son appel, je me rapproche d'elle.

Mathilde :
"C'est bon, ils..."

Lorsqu'elle pose les yeux sur moi, elle bloque littéralement le cours de ses paroles.

Miss Mystère :
"Ils... ?"

Elle déglutit. Elle m'observe avec une flamme de désir dans les yeux.

Mathilde :
"Ils seront pas là avant une demi-heure. Il faudrait trouver quelque chose à faire pour passer le temps."

Elle avance d'un pas dans ma direction.

Miss Mystère :
"Une demi-heure ? C'est long. J'ai peur de m'ennuyer..."

Je m'approche d'elle et réduis la distance qui nous sépare.

Mathilde :
"C'est trop court pour ce que je compte te faire."

Ses mots suffisent à réveiller la passion qui n'attendait que ça au fond de moi. Je me jette sur elle avec frénésie. Mon impatience guide chacun de mes gestes. Mes mains veulent être partout à la fois. Je l'embrasse, je la serre contre moi, je la repousse, et l'agrippe à nouveau. Je lui arrache son t-shirt. Je perds le contrôle.

Mathilde :
"Attends, attends !"

J'ai du mal à m'arrêter. On dirait qu'un aimant retient mes lèvres contre les siennes.

Mathilde :
"On va pas faire ça ici ?"
Miss Mystère :
"Qu'est-ce qui nous en empêche ? T'as peur qu'un écureuil nous surprenne ?"
Mathilde :
"On peut pas, princesse."

Mon humeur enjouée s'écroule. J'ai envie d'elle et je ne veux pas attendre. Elle s'empresse d'étaler sa veste sur le sol. Elle la dépose, dépliée, au sol. Je ne comprends pas ce qu'elle fabrique. Puis elle me sourit.

Mathilde :
"Maintenant, on peut."

Sans crier gare elle me soulève de terre et glisse mes jambes autour de ses hanches. Une pulsation s'agite au creux de mon intimité. Elle est sans retenue. Elle me dépose sans douceur, ni précaution sur sa veste en cuir. Sans interrompre ses baisers ardents, elle retire les vêtements qui font encore rempart à notre fusion. Heureusement, elle a tout prévu afin de me prendre avec son gode-ceinture. Elle entreprend des à-coups.... Et je me perds dans la passion dévorante qui nous unit... Une demi-heure peut vraiment paraître trop courte parfois. La preuve en est que j'ai dû me rhabiller en toute hâte lorsque nous avons entendu le klaxon du dépanneur. Autant dire qu'avec ma mine rougissante et notre allure dé-fagoté, le type nous a observés étrangement pendant tout le trajet. Autant que je me suis passionnée pour mon téléphone, histoire de pas avoir à croiser son regard. Mathilde était débraillée, j'étais décoiffée, nous étions démasqués. Le jugement du dépanneur m'a tellement fait rire, que n'arrivais plus à m'arrêter. Il nous a déposés à l'appartement en me regardant en diagonale. Il a certainement dû se dire que les filles de la ville sont vraiment bizarres... Topaze, reste collé à moi pendant que je sèche mes cheveux. Il a décidé de ne pas me lâcher d'une semelle. Il a cru qu'il a cru qu'il allait passer le week-end tout seul.

Miss Mystère :
"Notre week-end est écourté pour cette fois, Topaze !"
Mathilde :
"Notre week-end ne fait que commencer, princesse !"

Ses paroles sont comme une promesse de plaisir à venir. Je frémis.

Miss Mystère :
"Il nous reste plus qu'à commander des pizzas, je crois."

Elle s'affaire déjà dans la cuisine. Je suis étonnée.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu fais ?"
Mathilde :
"J'avais prévu de te préparer un petit repas romantique. C'est pas une petite pluie qui va m'en empêcher !"

J'acquiesce avec conviction avant de me faufiler en douce hors de la cuisine. Je suis une piètre cuisinière et j'ai trop la flemme de lui venir en aide. Si elle souhaite me faire un bon repas. Qui suis-je pour briser les plans d'une personne de sa trempe ? Je me jette de tout mon long sur le sofa afin de la laisser travailler. Mes cuisses sont ankylosées et je me demande si cela provient de ma position à ma moto ou de toutes les autres dans la grotte... Je rêve d'un agréable bain chaud et moussant et d'un bon massage. Il faudrait que je pense à lui suggérer cette idée. En attendant, j'ai juste la flemme de bouger mes fesses du canapé. J'envoie un message à Lola pour lui signaler notre retour. Elle n'aura pas à se déplacer pour sortir Topaze. Puis, je profite qu'elle est derrière les fourneaux pour aller me changer. Mon reflet dans le miroir fait peur à voir. Je comprends mieux le dépanneur à présent. Je prends tout mon temps pour me sécher. Sur ma peau, je découvre les traces qu'elle a laissées. Deux légères taches rouges sont apparues dans mon cou. Elles me rappellent qu'elle a sucé ma peau jusqu'à ce que je ressente une douleur exquise. Je rigole doucement comme une adolescente qui vient d'avoir sa première fois. J'espère que cette marque sera partie de mon cou lundi. Sinon Gabriel va piquer une crise ! Lorsque je sors de ma chambre, je constate, à ma grande surprise, une table dressée.

Miss Mystère :
"Oh ! C'est toi qui as fait tout ça ?"

(En posant la question, je réalise qu'elle est vraiment stupide !)

Miss Mystère :
"Ah, ah, très drôle !"
Mathilde :
"Notre virée en moto s'est interrompue, mais ce n’était pas la seule chose que j'avais prévue pour toi..."

Elle m'intrigue, mais je ne m'arrête pas sur son insinuation. Le repas sous mes yeux accapare davantage mon attention. Je hume l'odeur qui sort de la casserole et une faim de loup m'envahit.

Miss Mystère :
"Mmmmh, ça a l'air trop bon ! Je sais pas ce que tu me réserves d'autre, mais je te suis les fermés."

Elle inspire profondément en amarrant son regard au mien.

Mathilde :
"Tant mieux."

Je cours m'affaler sur le canapé. Elle veut me faire plaisir, autant la laisser faire.

Mathilde :
"J'ai pas été sympa avec toi. Je compte me rattraper."

Elle me sourit tendrement et sa fossette enjolive son petit air mutin. À défaut d’être à la cabane, elle et moi passons quand même une très bonne soirée ! Le repas qu'elle a concocté est succulent et je n'en ai pas perdu une miette. Je ne me suis jamais sentie aussi bien avec elle. Les moments les plus simples sont souvent les meilleurs. Il me semble que tous nos soucis sont bien loin de nous, maintenant. On dirait presque le parfait petit couple. Mais, comme à chaque fois que tout va bien, quelque chose vient briser le moment. Alors que je vais pour me lever et l'aider elle me retient et me fait signe de rester assise.

Mathilde :
"Laisse. Je m'en occupe."

Elle disparaît rapidement dans la cuisine.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce tu fais ?"
Mathilde :
"Je donne de l’eau à Topaze."

Pourtant il me semble que sa gamelle en est pleine. Je hausse les épaules et m'adosse au dossier du canapé.

Miss Mystère :
"T'es sûr que tu veux pas de l'aide ?"
Mathilde :
"Reste tranquille."

Elle sort de la cuisine avec deux coupes de champagne et une bouteille givrée. Elle fait un petit aller-retour pour rapporter un saladier rempli de fraises.

(Waouh !)

Miss Mystère :
"T'es bizarre ?"

Je sais pas ce qui lui arrive, mais c’est louche. Je me pose un tas de questions...

Miss Mystère :
"J'aimerais comprendre ce qui t'arrive ?"

(Qu'est-ce qu'elle me prépare... ?)

Miss Mystère :
"Tu me caches un truc ?"
Mathilde :
"Peut-être !"

Ses lèvres s'étirent en un sourire lumineux. Ses yeux pétillent d'amusement.

Miss Mystère :
"Tu me connais pas assez, toi ! Je suis pire qu'une sangsue."

Elle me cache quelque chose, c'est sûr, et cela éveille encore plus ma curiosité.

Miss Mystère :
"Si je sens que t'as un secret, je vais pas te lâcher jusqu'à ce que tu craches le morceau."
Mathilde :
"J'espère bien que oui. J'aime assez quand tu me colles."
Miss Mystère :
"Ah oui ?"

Je me redresse à genoux sur le sofa et l'attire contre moi. Elle lutte pour me tenir en équilibre et nous servir sans qu'aucune bulle ne déborde. Je plaque mes mains froides sous son t-shirt, face collée à son dos, et lui chatouille les côtés en frôlant ses flancs. Ses abdominaux se contractent sous mes caresses et je la vois lutter pour ne pas tout faire tomber.

Mathilde :
"Ça va, j'ai compris, princesse !"

Je lâche ma prise en riant et elle en profite pour se retourner rapidement. Elle me saisit par les cuisses et me renverse sur le sofa. Son corps ferme et puissant se plaque contre moi et me coupe le souffle.

Mathilde :
"Moi aussi je peux jouer."

Nos bouches s'entrouvrent en un baiser passionné. Elle me dévore avec avidité. Je pousse un gémissement étouffé contre ses lèvres, tant le désir m'assaille. Je suis prise dans ses filets. Mon estomac est parcouru de milliers de fourmillements. Mon cœur bat à un rythme frénétique. Je suis happée dans un tourbillon d'émotions. Elle décroche ses lèvres des miennes et un vide, que j'aimerais combler aussitôt, s'installe entre nous. J'ai envie d'aller plus loin avec toi. Ses lèvres, gonflées par nos baisers, sont à croquer. Je lui mordille la lèvre par frustration lorsqu'elle se lève, comme si j'étais affamée d'elle.

Mathilde :
"Tu as gagné. Je te cache vraiment quelque chose."

(Quoi ! Non ! Ne me dites pas qu'il y a encore un problème ?)

Mathilde :
"Ferme les yeux."

Ses fossettes apparaissent sur ses joues.

Mathilde :
"Non, là tu les écarquilles... Ferme les yeux. Fais-moi confiance."

Je ferme les yeux. Mes paupières tremblent, tant il est difficile de ne pas céder à la tentation de les ouvrir.

Mathilde :
"Topaze, viens là ! Garde les yeux fermés."

Qu'est-ce qu'elle traficote ? Topaze est complice ? J'entends le bruit des pas de Topaze sur le parquet. Le cliquetis de ses griffes se rapproche. Son souffle haletant et son haleine chargée me signalent sa proximité.

Miss Mystère :
"Je peux les ouvrir maintenant ?"

Son inspiration se fait bruyante comme si elle allait plonger en apnée. Mes paupières s'agitent, je n'en peux plus, je vais craquer ! L'attente est un supplice, mais je tiens le coup, sans le harceler pour qu'elle lève cette sanction.

Mathilde :
"C'est bon, tu peux les ouvrir."

Je la vois en première et cligne des paupières plusieurs fois pour réhabituer mes yeux à la lumière. Elle a son air anxieux, celui qu'elle prend quand elle se mordille la lèvre. Elle me regarde comme si des pépites d'or allaient sortir de ma bouche. Mais je n'ai pas l'occasion de m'en soucier lorsque mon attention est attirée par Topaze. Assis à côté de Mathilde, il porte une pancarte autour du cou. Mon cœur explose sous ma cage thoracique. Chaque lettre de la phrase défile sur mes rétines. Je la lis à voix haute.

Miss Mystère :
"Veux-tu m'épouser ?"

(Oh. Mon. Dieu.)

J’ai le regard rivé sur la pancarte et je secoue la tête de droite à gauche sans trop y croire.

(Oh mon dieu ! Oh mon dieu ! Oh mon dieu !!!)

J'ouvre la bouche avec béatitude. Aucun son ne sort. Ma respiration est bloquée ! Je relis et relis la phrase comme pour m'assurer que je ne rêve pas ! Les mots ne changent pas, même au bout de la dixième lecture !

(Elle me demande en mariage ! MATHILDE ! Ma Mathilde !)

Devant l'intensité de ma réaction, elle me fixe avec inquiétude ! Mais je suis tellement scotchée que je n'arrive à rien articuler ! Mon cerveau se met à faire des loopings, mon cœur entame une course de vitesse, je tremble de partout. J'ai l'impression que mon cœur est tellement gonflé de bonheur qu'il va exploser dans ma poitrine ! Je m'imagine déjà en robe de mariée devant l'autel ! Je m'imagine déjà m'appeler "Madame Ortega" ! Mes mains sont parcourues de fourmillements, des frissons parcourent ma nuque, mes lèvres se mettent à trembloter. J'ai froid et j'ai chaud en même temps ! Je suis submergée par une multitude d'émotions ! Des larmes gagnent le bord de mes cils. Mon cœur palpite si fort que j'ai l'impression de le tenir entre mes mains ! De ses mains, tremblantes, elle décroche une petite boîte attachée à la pancarte. C'est plus fort que moi, des larmes gagnent le bord de mes cils. Un souffle puissant s'échappe de mes lèvres. J'ai du mal à respirer convenablement. Mes lèvres et mon menton tremblent. Je pose ma paume dessus pour ne pas éclater en sanglots. Elle ouvre la petite boîte et en sort une bague magnifique. Elle scintille sous mes yeux comme une étoile dans la nuit profonde.

(Oh mon dieu ! Il y a une bague en plus !)

Elle ancre son regard au mien, un regard qui scintille autant que le bijou qu'elle me présente. La pierre qui orne cette alliance est très belle. Elle s'est surpassée en choisissant cette bague. Elle est tout à fait à mon goût. Ses mains tremblent un peu et elle se racle la gorge avant de prendre une profonde inspiration.

Mathilde :
"Si quelqu'un m'avait dit, il y a quelques années, j'allais faire un truc pareil, je crois que je lui aurais pété le nez sans hésitation."

Je plaque mes paumes contre mon visage avant de rouvrir les yeux. Elle passe sa langue sur ses lèvres et déglutit avec anxiété.

Mathilde :
"J'ai passé ma vie à croire que je ne valais rien. Que si on m'avait mis un jumeau sur le dos, c'était pour combler le vide que je méritais. J'ai toujours été un voyou et une imbécile. La vie n’avait pas d'importance... pas de véritable sens... Jusqu'à toi."

Elle laisse passer un temps avant de reprendre.

Mathilde :
"T'as tout changé."

Elle est d'un aplomb déconcertant alors que je me désintègre devant ses propos. Elle ne se confie que rarement. Je prends cette déclaration comme un précieux cadeau. Bien plus précieux que l'objet scintillant devant mes yeux.

Mathilde :
"J'ai compris ce que c'était d'être quelqu'un quand tu m'as montré ce que je pouvais être avec toi."
Miss Mystère :
"Mathilde..."
Mathilde :
"Je veux passer ma vie avec toi. Je veux rester celle que je suis grâce à toi. Je te veux toi... plus que tout au monde."

Je m'apprête à ouvrir la bouche lorsqu'elle pose un genou à terre et j'étouffe un juron.

Mathilde :
"T'’imagines pas comment j'ai la trouille... En fait j'ai jamais eu aussi peur de ma vie..."

Elle semble prononcer un mantra intérieur, avant de poser à nouveau les yeux sur moi.

Mathilde :
"Mademoiselle Rivoli, veux-tu être ma femme ?"

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