Chapitre 9 : Premier contact

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« La plupart des choses sont grisantes, la première fois. La répétition donnera tort ou raison à cette sensation.»

Quelqu'un toquait à la porte et je ne pu retenir un juron. La pièce replongea dans le silence le plus total et une part de moi cru avoir imaginé la scène. Je remontais le drap contre moi et m'assieds sur le lit avant de dire, avec la voix la moins naturelle du monde :

- Tu peux entrer, je suis décent.

Je regrettais amèrement cette dernière phrase à peine la porte ouverte car Stephen était accompagné de deux inconnus. Il me jeta un coup d’œil rapide et nerveux avant de laisser place à un homme de petite taille. Habillé en costard-cravate, il ne devait pas dépasser le mètre soixante. Ses cheveux châtains étaient assez long pour couvrir ses oreilles et ses yeux étaient d'un joli bleu clair. Il avait l'air tout simplement sympathique et quelconque, tout en étant joli garçon. Sa taille paru encore plus ridicule lorsque la femme qui était derrière lui entra dans la pièce. Elle le dépassait clairement de trois têtes et devait frôler les deux mètres. Son teint était d'un brun chocolat somptueux et uniforme, comme si sa peau n'avait connu ni bouton ni cicatrice. Ses lèvres étaient charnues et peintes d'un rouge sombre. Elle portait une robe de cocktail dorée et ses yeux de biches oscillaient entre le brun ambré et le jaune. Ses cheveux frisés étaient coupés si courts qu'elle aurait pu passé pour chauve et ses bijoux, bien que sobres criaient « luxe ». Un collier en or avec une pierre verte, plusieurs bracelets en or et de grandes créoles en or. Je restait bouche bée, oubliant Stephen ainsi que le premier inconnu.

- Voici Joran et Désirée. Ils font partie de l'assemblée et sont là pour... Évaluer la situation.


La voix de Stephen me fit sortir de ma transe. Désirée. Son nom aurait du me faire rire ou me tirer une boutade, mais il lui allait comme un gant. Elle ne dégageait que beauté et fierté. Droite sur ses escarpins dorés, elle me dévisageait et je me sentais soudainement insignifiant. Je n'avais pas ma place à côté d'elle, et je ne l'aurais jamais. Je ferais à jamais partie du décor et je devais lui en être reconnaissant. Je secouais la tête et chassais cette pensée étrange. Était-elle capable de rouler mon esprit comme Stephen ? La colère monta et Joran fit un pas en avant, me cachant intentionnellement une partie de Désirée et m'arrachant à sa contemplation.


- Nous avons eu vent de votre déconvenue avec une certaine Elena...


Il avait approché plus vite que ce qu'il aurait du. Il se donnait énormément de mal pour paraître inoffensif et Désirée aidait clairement. Je ne sais pas si elle l'accompagnait partout pour embrouiller les esprits, mais c'était diablement efficace. Je serrais le drap un peu plus contre mon torse, étrangement gêné par ma demi nudité.


- La déconvenue a surtout été ennuyeuse pour Flavio, je suppose.


Je ne pu m'empêcher de me retrancher derrière l'humour pour masquer ma trouille bleue et ma fascination. Mais je suppose que Joran et Désirée sentaient la peur dans la pièce comme on sent le pain chaud en entrant dans une boulangerie de bon matin. Ma réponse le surpris et le fit glousser et son gloussement raviva le souvenir de la tête de Flavio qui roulait au sol à mes pieds. Je secouais la tête pour chasser l'image.


- C'est une façon plutôt juste de voir la chose, en effet. Et je vous prie d'excuser le comportement de ces renégats. Ils sont actuellement traqués et devraient répondre de leurs actes sous peu.


Sa façon de parler me faisait penser à celle d'un politicien. Ses mots étaient choisis de façon précautionneuse et on pouvait clairement deviner que « répondre de leurs actes » ne voulait pas dire recevoir une fessée façon Christian Grey et que des têtes allaient voler.Littéralement. Encore.

- Cependant le fait que vous soyez en connaissance d'informations sensibles concernant notre groupe est problématique.


Désirée n'avait pas prononcé un mot jusque là et je me demandais soudainement si elle pouvait parler ou si on lui avait coupé la langue dans un rituel étrange pour garder les secrets. Parfois le cerveau compartimente de façon insolite et prioritarise des questions qui n'ont pas d'importance... J'aurais du m’inquiéter de mon sort, mais que voulez-vous, les langues coupées sont plus exotiques que les têtes coupées et les menaces de mort sous-jacentes.


- Je comprends.


Je me félicitais mentalement d'avoir répondu de façon sobre, sans provoquer personne, sans pleurer et sans une once de colère. L'heure de la maturité avait-elle sonné? Rêver ne coûte rien. Joran sembla légèrement étonné de ma réponse et Désirée esquissa un sourire. Certains auraient dit un rictus, mais le mot entachait sa beauté. Elle venait de monter d'un cran en dangerosité. J'avais l'impression que comprendre ma situation ne la rendait pas moins dangereuse et que Désirée se délectait de l'idée d'avoir à s'occuper du « problème » que je représentais. Cela ne la rendait pas moins belle, au contraire. Les plus belles choses sont souvent les moins saines et les plus dangereuses... Assis sur un lit King-Size où l'on aurait pu tous tenir pour faire la causette sans se toucher, vêtu d'un sous-vêtement et d'un drap, je n'en menais pas large. Mon envie de céder à la colère remontait lentement, comme l'eau d'un bain. Avec cette impression que cela prend dix plombes, mais si on oublie deux minutes de surveiller, la baignoire déborde.


- Et je suppose que je n'ai pas beaucoup d'options qui satisferont tout le monde pleinement et rapidement. Je vous écoute.


Joran écarquilla presque imperceptiblement les yeux puis un large sourire commercial fendit son visage. Il gloussa et jeta un bref regard à Stephen et Désirée, apparemment amusé de ma réponse. Le sourire de Désirée se mua en une moue et un regard interrogateur. Stephen, lui resta de marbre mais sembla se détendre très légèrement. Si je n'avais pas été parano par principe, j'aurais osé penser que la situation s'améliorait. Désirée s'avança pour être au coude à coude avec Joran et leur différence de taille avait quelque chose de comique et d'effrayant.


- Celui-ci est amusant. Je mets une option dessus.


Sa voix était suave et féminine, elle avait un léger accent que je pu identifier comme créole, grâce à mes propres origines. Intéressant.


- Il est plutôt rare de te voir t'intéresser aux gens de passage, Désirée.


Désirée lui sourit et il se retourna vers moi.


- Il y a en effet quelques solutions qui, nous pensons, peuvent être profitables à tout le monde.


Il marqua une pause insupportable et jeta un coup d’œil à Stephen qui sembla se raidir à nouveau.


- La première serait de supprimer votre existence et de maquiller le tout en accident. Bien évidemment, nous avons conscience que bien qu'elle soit simple dans l'idée, elle demande beaucoup de travail et n'est pas particulièrement plaisante.


Je le dévisageais et senti ma colère monter à vitesse grand V. Elle était clairement là pour planquer ma trouille et mon envie de fuir ou de me cacher sous le lit. Je n'ai pas dit que ma peur était une peur d’intellectuel...


- La seconde serait de vous lier à nous de quelconque manière. Suffisamment du moins pour que nous mettre en danger soit vous mettre en danger.


Je déglutis. L'option avait l'air alléchante dans l'idée, en tous les cas plus que la première. Mais les non-dits sont comme les petites lignes dans les contrats, souvent plus dangereux que les grandes lignes.


- La dernière option serait de vous faire prisonnier, tout simplement. Vous garder jusqu'à ce que nous décidions que l'un ou l'autre solution était plus viable ou jusqu'à ce que votre mort. Une fois de plus, cette solution demande un travail conséquent afin d'effacer votre existence auprès de votre entourage proche.


Joran énumérait sans sembler se soucier particulièrement des effets des options qu'il m'exposait. Désirée, elle, avait eut l'air plus emballée par les deux premières. A l'annonce de la troisième son sourire s'était affaissé. Le mien avait disparu depuis belles lurettes et je n'avais pas spécialement envie de faire d'efforts ; là de suite. Je rendais mes bon points au compte gouttes. Je ne savais pas vraiment quoi faire ou dire. La pièce commençait à devenir à la fois trop petite pour nous quatre, et à la fois trop grande. Je pris une grande inspiration et entais de me recomposer. Joran cligna patiemment des yeux, attendant une réaction autre que des déglutissements.


- Je suppose que la deuxième option est la seule où mes chances de survies sont plus élevées que zéro...


Le silence régna quelques longues secondes dans la chambre. Le ronronnement discret du chauffage en devint perceptible et je me focalisais sur ce dernier. Désirée tapotait nonchalamment sur sa hanche de ses longs doigts manucurés.


- Vous supposez bien.

Je commençais à retrouver de l'aplomb et à croire en un futur possible. Chaotique, mais possible. Une part de moi savait qu'en finir directement aurait probablement été plus sain et facile. Mais l'instinct de survie est quelque chose de bien plus fort que ce que l'on pense. C'est un feu dormant, le danger et les menaces sont des brasier. Subitement le volcan suppliait de brûler encore un peu. Soudainement, j'étais prêt à tout pour ne pas mourir.


- Alors dirigeons nous vers cette solution.

Ma voix n'avait jamais été aussi claire. Je me sentais subitement serein et regardais Stephen avec un léger sourire. Tout allait bien se passer. Si je ne me mettais pas sérieusement à y croire, je m’effondrerai. Je devais y croire. Je voulais y croire. Mais cela suffirait-il ?

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