Chapitre 8 : Calme et tempête

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« Il faut connaître le cœur de la tempête. Le Calme y est assourdissant.»


La journée de boulot était passée plutôt vite, les fermetures avec Amy étant toujours un plaisir. J'avais dit à cette dernière que Stephen était un rencard qui ne se situait nulle part sur le spectre relationnel, et que je passais du temps avec lui pour savoir. Ce n'était pas la vérité, mais pas totalement un mensonge, comme je ne savais pas où situer Stephen dans ma vie.

Il arriva, comme sorti tout droit d'un magazine,un jeans bleu foncé délavé, des baskets blanches, un t-shirt à col en V blanc et un perfecto en cuir. Amy me lança un regard insistant avec un message clair « Comment un mec pareil ne peut pas se situer dans « à épouser » dans ton spectre relationnel. En d'autres circonstances, je me serais giflé de ne pas y avoir songé dans la seconde et de ne pas déjà avoir prévu nos noces à Hawaï. Mais je m'offrais un Joker aux vues du latino a tête décapitée et de la Hulk russe de la veille. Je n'avais pas vraiment le temps, ni l'envie pour la romance. Peut être une fois sûr de ne pas finir mort ou esclave de Regenero, considérerais-je ma vie sentimentale.

Stephen fut charmant, poli et amusant le temps de notre trajet en tram avec Amy. Je restais globalement sur mes gardes, fasciné par sa capacité à faire comme si de rien était. A sa décharge, sa vie n'était pas bouleversée et il n'avait pas appris il y a moins de vingt-quatre heures que le monde était bien différent de ce que son espèce le pensait. Pour ma part, je trouvais que je gérais comme un chef et je m'accordais des bons points à la volée. Je songeais à louer des entrepôts pour les y stocker, j'avais été tout sauf casse pieds pendant plus d'une journée, cela méritait bien cela.

Nous nous séparâmes à la station de tram et Stephen et moi continuâmes notre soirée à deux. L'immeuble avait deux accès, une double porte principale qui menait à un sas avec les boites à lettres avec une deuxième double porte nécessitant les clefs pour accéder au rez de chaussée et à l’ascenseur. L'autre entrée était de l'autre côté de l'immeuble et consistait en une simple porte vitrée, elle aussi nécessitant une clef et menait à un couloir exigu avec à droite un local poubelle, à gauche un accès au sous sol et une porte au bout du couloir qui menait également au rez de chaussée, et donc à ce même ascenseur. Stephen me signifia qu'une voiture nous attendait à l'arrière de l'immeuble et qu'il avait déjà pris ses dispositions pour trois appartements éloignés du centre ville. Il me conduirait au travail le matin et me récupérerais le soir, également . Au final ses connexions allaient, avec de la chance, me sauver la vie. Un bon point pour lui. Nous devrions jongler avec les appartements le temps que tout ça se calme et rencontrer un de ses contacts afin de trouver des solutions à notre petit problème.

Je préparais un gros sac de sport avec quelques affaires, mon ordinateur portable et quelques bouquins, histoire d'être sûr de passer le temps, si je devais me retrouver seul. Un autre sac contenait quelques affaires pour Luffy, un ou deux jouet, une balle ,des os à mâcher et une petite couverture. Stephen prit son paquet de croquettes de 25kg comme si c'était un paquet de chips et je décidais de ne pas relever. Je notais quand même l'information dans un coin de ma tête, des fois que cela me soit utile ultérieurement. Plus besoin d'appeler des amis pour venir me chercher en voiture. Enfin pour cela il fallait survivre au complot Regenero... Une fois parés nous avions pris une voiture plutôt spacieuse avec Luffy sur la banquette arrière. Elle avait l'habitude des trajets en voiture et aimait jeter un coup d'oeil par la fenêtre. La planque du soir même se trouvait en bordure de centre ville, pas très loin de mon lieu de travail et du gros complexe UGC, cinéma Strasbourgeois par excellence. Il se situait donc pas si loin de l'endroit ou j'avais vu la tête d'un homme voler et rouler pas loin de moi. J'avais l'estomac noué, mais le côté luxueux de l'appartement m'occupa l'esprit. Je commençais à me demander comment Stephen gagnait sa vie et ce qui payait les frais de ces planques, et quels étaient ses contacts pour avoir des appartements pareils.

Du haut d'une tour récente, je me sentais à l'abri de tout et au sommet du monde. Sentiment bien illusoire mais quand même rassurant. Luffy rentrait pour la cinquième fois dans le salon dans lequel je me trouvais, heureuse de faire son tour et de découvrir chaque coin et recoin de la pièce, Le salon donnait directement sur l'entrée, il devait faire à lui seul plus de la taille de mon appartement. Les murs étaient dans une teinte de beige que je ne saurais pas réellement identifier. Pas vraiment blanc, pas vraiment jaune, pas vraiment orange. Beige. Un énorme tapis épais noir et blanc centrait la pièce avec un canapé en cuir blanc suffisant pour faire dormir quatre personnes et une énorme lampe qui venait se courber par dessus ce dernier. Une table basse en verre avec des liserés du même beige que celui des murs complétait le centre de la pièce. En face une énorme baie vitrée donnait sur une terrasse, et un immense écran était suspendu depuis le plafond. Tout criait « sophistication » et en même temps une certaine sobriété, Une vraie page de magazine.

Stephen me montra la chambre principale aux murs pourpres qui consistait en une cheminée design blanche, un lit king size blanc avec des draps violets et un camaïeu de rouge et de bleu sur les oreillers et les couvertures. Deux tables de chevets blanches entouraient le lit et une petite porte menait à un immense dressing. Dans le couloir menant à la chambre, une salle de bain assez énorme pour se baigner à cinq et se doucher à sûrement plus. La baignoire faisait balnéo et la douche italienne avait un pommeau énormément indécent. Impossible de se disputer la place de celui qui serait douché, même à trois...

Je laissais mes affaires dans le dressing qui contenait plusieurs vêtements sous housse. Stephen m'expliqua qu'ils étaient là pour nous en cas de besoin et à nos tailles. Je ris nerveusement à l'idée d'avoir été scruté suffisamment pour que l'on puisse préparer des appartement avec des fringues à ma taille. Cela prenait des proportions grotesques et inquiétantes. Tout ça pour avoir été au mauvais moment, au mauvais endroit... J'avais le don pour me mettre dans la panade, et pas la petite panade, celle de la cour des grands avec jacuzzi de luxe en guise de baignoire. Je décidais d'aller prendre une douche pour me changer les idées. Perdu dans mes pensées je n'avais pas entendu Stephen entrer et je commençais à me déshabiller machinalement. J'enlevais mes baskets, mes chaussettes et mon jeans avant de me retourner pour le voir, perplexe. Le rouge me monta aux joues et la colère à la gorge. C'était le moment ou ce lac de lave était arrivé à température parfaite pour éruption, Pompeï style. Stephen eut une réaction qui me désarma totalement. Il enleva ses chaussures, ses chaussettes et son jeans et se retrouva donc dans la même tenue que moi, un t-shirt et un boxer. Ironiquement, j'avais un t shirt noir et un boxer blanc et lui l'inverse. Ce détail ne m'avait pas échappé, ni la cambrure parfaite de son dos et de ses fesses. Stephen était une gravure de mode, et moi, j'avais du mal à garder mes bourrelets dans mon t-shirt. J'ouvris la bouche pour commencer à me plaindre et la refermais après quelques secondes. Étrangement, je ne trouvais plus rien à dire. Stephen s'excusa et se dirigea vers la porte de sortie.

- Je garde la porte, au cas où.

Je tendis la main vers lui puis la laissais simplement retomber. Je n'avais aucune idée de ce qui venait de se passer et de ce que cela signifiait. Stephen m'avait décontenancé. La porte était légèrement entre-ouverte et je pouvais voir le son dos par l'ouverture. Je me renfrognais et me déshabillais avant de me mettre sous la douche. Je réalisais la fatigue accumulée et le stress qui retombait. Mes muscles étaient tendus et endoloris et j'avais la tête lourde. Le comportement de Stephen tenait-il de flirt ou sa réaction était une sorte d’Électrochoc supposé nous mettre au même niveau ? Et pourquoi avais-je envie qu'il se retourne et entre ? Il était séduisant, certes, mais il y avait quelque chose de plus et je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Une part de moi avait la certitude que c'était lié à son pouvoir, une autre part était intriguée, comme poussée à mettre la main dans les flammes, pour être certain qu'elles brûlent.

Je me rinçais et pris une des serviettes disponibles. Non contentes d'être parfumées à la lavande, elles étaient trois fois plus grandes qu'à l'accoutumée. Je pu faire deux fois le tour de mon corps et je ressemblais à un rouleau d’essuie-tout avec une tête qui dépasse lorsque j'ouvris la porte en grand pour laisser entrer Stephen. Il se retourna et me sourit. Le temps se figea et je devais simplement ressembler à une biche prise dans les phares d'une voiture sur l'autoroute. Figé, à sa merci. Son sourire était simple et doux, il avait quelque chose de presque maternel, cette fois. Loin de celui qu'il avait eu jusqu'à présent, le sourire charmeur du beau gosse. Cette impression de regarder à travers un volet et d'entrapercevoir le vrai Stephen était à la fois rassurante et effrayante, pour quelqu'un e supposément aussi facile à cerner que moi. A quels moments était-il sincère ? Combien de fois avait il joué de son charme sans réellement penser ses mots ?

La colère aurait du monter, mais ce fut un mélange de morosité et de tristesse qui s'engouffra dans mon esprit. Cocktail doux-amer pour aller dormir les larmes au bord des yeux. J'avais l'impression de passer mes journées à pleurer et à me mettre en colère et j'en étais épuisé, tout simplement. Les derniers jours avaient été un ascenseur émotionnel digne des montagnes russes les plus trépidantes. C'était grisant, à la première descente, au bout de vingt, à part la nausée, il n'y avait plus grand chose. Moi qui avais pour habitude d'être plutôt blasé et tranquille dans ma petite routine forgée après des années de « dramas » accumulés, j'avais cette sensation de régresser, de retourner à des peurs primaires. Le contrôle des émotions avait toujours été pour moi une preuve de maturité et d'avancée vers l'age adulte. Ces derniers jours j'étais plus proche de l'adolescent prépubère en terme de gestion et je n'aimais pas ça.

Je m'éloignais de la salle de bain, partiellement à contre cœur (ce n'est pas parce que l'on y a pas touché que l'on a pas envie de regarder ou d'y poser les doigts) et me dirigeais vers la chambre qui m'était allouée. A peine allongé, aussitôt endormi.

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