Chapitre 4 : Prémices

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« Il y a, dans certains prémices, aucune excitation, aucune exaltation. Juste une peur abyssale, une forme de résignation. Beaucoup de gens l'oublient..»


Mes yeux s'ajustèrent plus facilement à la pénombre de l'entrée de mon immeuble. J'habitais la partie résidentielle de Cronenbourg, quartier à mauvaise réputation de Strasbourg. Les dalles du porche étaient jonchées de feuilles mortes et le premier sas sentait le propre. Je pris le temps de regarder dans ma boîte à lettres – les habitudes ont la vie dure. J'entrais ma clef dans la serrure, pressé de pouvoir enfin changer de vêtements. Stephen me suivait, la glacière à la main. Nous montâmes dans l'ascenseur et j'en profitais pour soupirer. J'avais peur de ce qui m'attendait de l'autre côté de la porte. Stephen avait eu l'intelligence de faire garder ma chienne par une amie, l'appartement devait donc être vide et à peu près présentable.

Mais Jolan et ses hommes de main étaient sûrement passés vérifier que rien de compromettant les concernant ne pouvait se trouver dans mon appartement. J'imaginais déjà l'intégralité de l'appartement sans dessus-dessous et mes précieux livres et diverses figurines en vrac. La colère me monta au nez et je vis Stephen se raidir légèrement.

J'appuyais sur l'interrupteur et la lumière fut. Rien d'extraordinaire ou de dément se passa et cela me rassura. Je tournais à gauche de l'ascenseur et arrivé devant la porte, je me mis à réfléchir. Devais-je ouvrir directement ? Si un Regenero ou un Parasité se trouvait à l'intérieur, il avait déjà connaissance de notre présence. Hé merde, nous avions été imprudents. Je décidais de me mettre accroupi pour ouvrir la porte. Si quelqu'un vise la porte avec une arme ou des poings, généralement il vise la tête ou le cœur. Du moins c'est ce qui me semblait le plus logique.

Ramassé sur moi même les projectiles me passeraient bien au dessus et cela me donnerait le temps de réfléchir. Ou de vivre quelques secondes de plus. Stephen comprit rapidement ce que je m'apprêtais à faire et se contenta de se décaler pour être hors de portée mais pouvoir réagir.

J'enfonçais la clef et tournais lentement. Silence total. Je poussais la porte et m'écartais vivement sur le côté, mais à nouveau rien d'exceptionnel ne se produit. Ce qui devait sembler exceptionnel par contre était la situation vue par quelqu'un d'extérieur. Je jetais un coup d’œil à l'intérieur, personne dans le petit couloir d'entrée ni dans la salle de bain. Et personne dans le peu que je pouvais apercevoir de la pièce principale. Je vivais dans un grand F1 d'un peu plus d'une trentaine de mètre carrés avec balcon. J'avançais prudemment, ne vis personne et poussais le vice à aller jusque dans la cuisine pour ouvrir la double porte-fenêtre qui menait au balcon. Rien. Je me détendis et m'assis sur le canapé quelques instants. J'imaginais un voisin me voir dans le pallier accroupi puis bondir sur le côté après avoir ouvert la porte. Je me mis à rire et Stephen me regarda nerveusement. Je secouais la tête pour lui signifier que ce n'était rien de grave, juste un de ces trucs idiots auxquels il m'arrive de penser.

Je jetais un regard sur les étagères et je vis que les choses avaient été déplacées et remises à peu près à leur place. Je me levais et parcouru les bibliothèques ainsi que les différents meubles. Je vis que mon PC portable et mon PC de salon manquaient à l'appel, ainsi que mes clefs USB... Ben voyons.

Certains imaginent que les « vampires » ne se soucient que des parchemins et des choses visibles, mais les Regenero sont bien en avance sur leur confrères des fictions. La plupart se baladent avec des téléphones de pointe et savent très bien hacker votre PC. Je trouvais ça plus effrayant que de venir planer devant votre balcon ou votre porte. Car les Regenero n'avaient pas besoin de votre invitation pour entrer, ne craignaient pas les objets saints et avaient suffisamment de connexions pour faire taire un immeuble entier.

En y réfléchissant, cela ressemblait plus à la mafia qu'à un groupement de vampire... Je gardais cette pensée pour moi et souris. Ils avaient pris mes PC et mes clefs, mais tout ce que j'avais pu récolter sur Jolan et sa bande était en sécurité. Le collier de ma chienne contenait une micro carte SD. Il nous suffisait d'aller la récupérer chez Amy. Je laissais Stephen inspecter le reste de l'appartement, le humer et regarder bizarrement les coins. Je décidais d'aller prendre une douche et me changer. Ma paranoïa me conseillait de ne pas prononcer un mot des fois que des micros eut été installés.

Oui, bon, c'était un peu exagéré pour un simple « humain » mais les Regenero étaient du genre prudents alors j'écris à Stephen sur un morceau de calepin la note suivante :


«Peut être des micros ? Clef USB sur Luffy, chez Amy. Je prends une douche, me change et go ! »


Stephen sourit et me fit un signe de la tête. Je me dirigeais donc vers la salle de bain et me débarrassais du t-shirt trop grand. Mes chaussures et mes chaussettes enlevées, j'entrepris de retirer mon jeans bousillé. Un mélange de boue et de sang le collait à même ma peau, ce qui rendit l'opération dégoûtante et plus délicate que prévue. Une fois débarrassé je me laissais aller sous le jet brûlant du pommeau de douche.

J'essayais d'assimiler mon nouvel état, ma « condition », mais tout me semblait lointain. La seule chose qui me le rappelait c'était les sensations. Et la lenteur des choses. J'avais l'impression que les choses étaient légèrement plus lentes ou du moins que j'étais légèrement trop rapide. Même le carrelage de la douche me semblait moins net. Je pouvais y voir des rayures, des traces et même une sorte de grain. Je secouais la tête et me rinçait. Je me regardais dans le grand miroir en pieds posé contre le mur et ne remarquait rien de différent. En dehors de mes yeux, qui me troublaient mais ne dénotaient pas spécifiquement avec mon visage.

J'avais toujours un corps moyen avec des poignets d'amour, deux bras, deux jambes... Je me surpris a regarder mes dents des fois que des crocs y avaient poussé, mais sans résultat surprenant. Je m'enveloppait intégralement du cou aux genoux dans une grande serviette de bain et me dirigeait vers l'entrée pour ouvrir mon placard. Stephen me regarda et je baissais les yeux.

Je n'aimais pas trop me balader à moitié à poil avec lui dans l'appartement. Réflexion faite, je n'aimais pas me balader à poil avec n'importe qui dans l'appartement. J'étais plutôt mal à l'aise avec la nudité et mon corps n'avait rien de sexy, pour moi en tous cas. Stephen retourna dans la pièce principale(le salon-chambre-salle à manger) et je sortis un gilet noir à manches longues à zip asymétrique. Sa matière est légère et douce, c'est un de mes préférés. Je m'y sens à l'aise et les bons jours je m'y sens même sexy. Je complétais ma tenue avec un jeans classique, des chaussettes noires, des baskets également noires et une ceinture... Noire, évidemment. Je récupérais une écharpe(rouge, celle-ci) et préparais un sac avec quelques affaires.

De quoi tenir quelques jours dans une planque à Stephen. Cela me fit rire lorsque l'on en discuta, dans la voiture car cela sonnait tellement cliché, mais ça avait du sens. Nous ne pouvions pas nous permettre de rester dans des endroits connus par Jolan, ce n'était pas sûr. Je mis donc ma trousse de toilette, quelques t-shirts, boxers et chaussettes, une console de jeu portable avec sa batterie, deux bouquins et un bloc notes dans un sac de sport.

Je me dirigeais vers le frigo et en sorti naturellement un morceau de gâteau que j'avais fait la vieille de la course-poursuite et en avalais une bouchée directement. Stephen me regarda avec perplexité et je réalisais que le gâteau ne satisferait pas ma faim. Il n'y avait plus qu'une seule chose qui la satisferait...

Je mastiquais le reste du gâteau avec plaisir et me surpris à me sentir rassasié. Peut être par habitude ? Nous aurions loisir d'en discuter avec Stephen une fois à l'abri.

Je pris le double de clef de chez Amy et fit un signe de tête à Stephen. Il ne savait pas exactement ce que contenait la clef USB, ni même ce que je savais sur les plans de Jolan, mais m'avait cru quand je lui avais dit que cela changerait la donne pour toute la ville et surtout pour le Conseil. Je me retournais une dernière fois vers mon appartement et une sorte de mélancolie me frappa. Je me demandais si j'allais le revoir. Si j'allais un jour y être en sécurité. Je fermais la porte et nous nous dirigeâmes vers l'ascenseur, puis la voiture.

J'avais le cœur gros et l'esprit agité. Une fois la voiture démarrée, j'indiquais à Stephen où tourner et où se rendre. Il avait rencontré Amy à trois reprises, mais n'était jamais allé chez elle. Amy est rousse et plantureuse, elle fait partie de ces filles au caractère bien trempé mais qui ont une douceur maternelle en réserve pour leurs proches. Elle vit à une dizaine de minutes à pieds de chez moi et nous nous voyons régulièrement pour regarder des séries et jouer à des jeux vidéos. Nous travaillons également ensemble quelques jours par semaine dans l'un de mes petits boulots. Elle est bien plus percée et tatouée que moi et cela lui donne un charme particulier et intriguant.

Son immeuble est au bord d'une route très passante et se garer près de chez elle est toujours une vraie plaie. Elle vit avec son père mais je savais qu'il était en déplacement encore deux jours. Elle devait se trouver dans son appartement si elle n'était pas en vadrouille pour chiner, comme tous les dimanches. Je sonnais, par principe et attendait une bonne minute, rien. J'ouvris donc la porte et montait lentement les escaliers. Stephen fermait la marche et jetait un coup d’œil sur ce qu'il se passait derrière nous. A bien y réfléchir il devait sûrement faire ça plus pour me rassurer qu'autre chose, mais c'était un bon point pour lui car je ne pouvais pas gérer l'odeur de l'escalier, les irrégularités du bois, la surveillance devant moi et celle de derrière. Il n'y avait, en théorie, rien à craindre mais prudence est mère de sûreté. J'ouvris lentement la porte et fus surpris de ne pas me retrouver nez à nez avec Luffy. Ma chienne avait cette tendance spécifiquement canine à vous faire la fête comme si elle ne vous avait pas vu depuis vingt ans, même si vous remontiez juste chercher un parapluie.

Je me dirigeais rapidement vers le salon pour voir que ce dernier était vide. L'odeur du café embaumait l'air... Deux tasses, à peine touchées sur la table, et le collier de la chienne sur la table basse. Par réflexe je le pris et vérifiais qu'il contenait encore la carte SD. Oui. Je soupirais de soulagement avant de ressentir une nouvelle vague d'inquiétude. Amy ne serait jamais sortie sans le collier ni la laisse de Luffy... Et encore moins sans finir son café, c'était son plaisir du matin. Stephen me regardait avec inquiétude et interrogation. Que faire maintenant ? Où aller ? Je serrais la carte SD dans ma main et je le regardais avec tout autant de confusion. Je n'en avais absolument pas la moindre idée...

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