Prologue

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« Le sentiment d'appartenance peut nous faire faire les choses les plus folles. C'est un sentiment dangereux. Presque autant que l'amour et l'espoir »

Je brûlais. Littéralement. Mon corps avait pris feu. Je n'avais jamais eu la moindre idée de cette possibilité, de cette utilisation de ma... ma maladie ? Ma condition ? Toujours est-il que mes liens avaient brûlé avec moi et que la douleur n'était pas aussi horrible que je l'aurais imaginée. Bon, ce n'était pas non plus une sinécure, mais je pouvais l'endurer. Si cela me permettais de me libérer, je pouvais supporter la violence des flammes. Il m'avait suffi de penser à la fièvre qui m'avait déjà prise et à donner toute son ampleur au processus.

Je hurlais. De rage, de douleur, mais aussi de cette force qui vous donne du courage. Je m'élançais vers cette silhouette massive qui gênait la porte d'entrée. Je ne pouvais rien distinguer de plus que des silhouettes et des formes grossières. Mes yeux étant aussi en feu, ma vision s'en trouvait progressivement diminuée. On ne peut pas tout avoir. J’espérais donc ne tuer personne du côté des gentils. Enfin, de mon côté quoi. J'entendis la silhouette hurler à mon contact et je sentis ses mains essayer de me repousser sans succès. Je me cramponnais comme à un radeau en pleine tempête, avec la folie du désespoir. Je n'avais pas d'autre plan ni d'autre chance. Après m'être débarrassé de mes liens, il n'y avait qu'à m'occuper de notre geôlier, et comme j'étais le seul à ne plus être attaché... Il se débattit, puis finit par tomber et ne pas se relever. Autour de moi, j'entendais des coups, des froissements et des bruits sourds. Des gens se battaient.

Vu que personne ne se souciait de moi, je supposais que nous prenions l'avantage et décidais d'arrêter les frais à ce moment-là. Je me dirigeais vers Liz et Stephen, je ne savais pas jusqu'à quel point mon corps était abîmé, ni les conséquences que cela aurait sur lui. En toute franchise, sur le coup, je m'en contrefichais. Je ne voulais qu'une chose, sortir d'ici vivant et les faire payer. J'entendais vaguement les voix de mes deux amis et les sentis se lever puis se déplacer vers ce qui devait être la sortie. Je laissais lentement mon corps s'éteindre. Je ne trouvais pas réellement d'autres mots. C'était un peu comme la marée haute qui devenait lentement marée basse, une vague progressive qui s’apaisait.

Je pus alors constater lentement les dégâts dans une odeur de brûlé et un goût de cendres. Ma peau était noire, craquelée et sanguinolente. Cela se rapprochait d'une peau de dragon . Cela aurait été classe si ça ne me donnait pas envie de hurler. Mais plus que la douleur, la rage et l'envie de sortir d'ici me tenaient éveillé. Je cessais de regarder ma peau à travers cette sorte de brouillard qui couvrait mes yeux. Malgré sa régénération plutôt rapide, elle n'en restait pas moins en très mauvais état. Je supposais qu'il me faudrait des semaines pour retrouver un état présentable. Et merde.

Autour de moi, une pièce en briques, couvertes de mousse, suintantes d'humidité. Au sol, les liens qui nous retenaient, Stephen, Liz et moi. Le sol, poussiéreux avait des tâches ça et là. Du sang ? De l'eau croupie ? Je n'aurais pu les distinguer, je percevais déjà difficilement les formes... L'unique porte de la pièce avait été enfoncée et les bords en bois brûlaient encore. Je regardais au sol, et vis l'armoire à glace brûlée par mes soins. Je n'avais aucune idée de qui il était, je pouvais juste en dire qu'il devait faire dans les deux mètres et qu'il était humain.

Je m'élançais aussi vite que possible(ce qui voulait dire que je me traînais plus ou moins rapidement) vers la porte qui débouchait sur un long couloir. Au fond de ce couloir, Stephen et Liz se débarrassaient d'une chose informe que j'identifiais comme un change-forme félidé. Sa transformation s'était arrêtée prématurément et son corps avait une position qui ne semblait irréelle. Ni humaine ni animale. Ses cuisses semblaient avoir violemment changé de place et le reste de ses jambes trop minces pour elles. De ses baskets sortaient des griffes acérées. Son torse était musclé et couvert d'un poil légèrement tacheté. Son visage n'était plus qu'un amas de chair.

Liz était couverte d'égratignures comme si on l'avait traînée sur un sol de graviers. Elle n'est pas très grande et comme moi a un corps standard avec des formes. Ses longs cheveux châtains semblaient avoir été partiellement brûlés et coupés. Sa tenue consistait de lambeaux de chemise blanche, d'une jupe noire presque intacte et de sandales blanches, le tout recouvert de poussière, de suie et de sang. Stephen quant à lui était vêtu d'une chemise bleue foncée, comme souvent et d'un jeans. Ses mocassins noirs complétaient sa tenue et le tout lui donnait un air élégant, sans être trop chic. Il était plutôt fin, mais athlétique et me dépassait d'une bonne tête. A côté de Liz il paraissait ridiculement gigantesque, je n'avais plus qu'à me mettre au milieu pour former un trinôme de Dalton.

Je secouais la tête et réprimais un haut-le-cœur. La douleur des brûlures s'était transformée en migraine nauséeuse. Je n'avais ni le temps de vomir ni de cérébraliser les horreurs sur mon chemin. Je m'arrêtais tout de même quelques secondes plus tard, pris de violents spasmes. Un très bon point pour la crédibilité et pour mon statut de chochotte. Je me félicitais de ne rien avoir rendu à Dame Nature. Cette-dernière et moi étions en de mauvais termes de toute manière. Toujours à la traîne, je débouchais sur un escalier qui semblait mener vers la lumière, après des dizaines de couloirs qui se ressemblaient tous pour moi. De la pierre, de la poussière et des tuyaux rouillés.

Je montais tant bien que mal les marches, la rage au ventre. Ils allaient payer pour avoir tué Amy. J'entendis un bruit strident, puis une explosion et vit Stephen voler dans les escaliers. La voix de Liz me parvint de loin.

- Seth, à terre !

J’obéis, puis ce fut le noir complet.

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