Prologue

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Le portail s’illumina au bout du chemin.

Il emplit la salle d’une douce lumière complétée par deux torches. Fière et haute, l’arcade s’érigeait en un demi-cercle, miroitant elle-même du précieux nardos dont elle avait été forgée. Des ondulations émanaient du centre et grésillaient similairement aux flammes.

Plusieurs dizaines de mètres à peine les séparaient de leur objectif. Au-delà d’une série de colonnes qui s’étiraient en deux courbes tels des arcs. Au-delà d’une voûte richement sculptée chevauchant une stèle cernée de marches opalescentes. Des motifs complexes peignaient un décor unique, intouché depuis très longtemps.

Un lieu que les aventurières exploraient d’un pas résolu.

— Je le savais ! Ces ruines cachaient bien quelque chose de mystique. Enfin, tu croyais que nous avions fait tout ce voyage pour rien ? Évidemment que non ! Nous y voici, Héliandri. La fin de notre quête. Ou le début d’une nouvelle.

Un sourire en coin s’ensuivit, doublé d’un coup de coude. Héliandri ne put qu’opiner.

Elle restait derrière sa partenaire bien qu’elle marchât à cadence soutenue. Héliandri était de petite taille, même pour une humaine, et de peau brune. Sur sa figure triangulaire s’inscrivaient des traits revêches et un nez aquilin, et ses iris marrons perçaient dans ses yeux étroits. Quelques mèches grises contrastaient la noirceur de sa longue chevelure lâchée. Des muscles saillaient sous son épaisse veste en laine verte renforcée de cuir, et sous son pantalon anthracite s’imposaient de solides jambes. Son majeur droit manquait tandis que son annulaire portait une bague lestée d’un crâne de rakanam. Elle l’effleurait souvent avec fierté, avant de tapoter son arc et son carquois saturé de flèches argentées.

Aucun doigt ne manquait à Wixa, sa partenaire, mais une balafre triangulaire cisaillait sa joue gauche. Ses lèvres s’étiraient en permanence, et un éclat régnait toujours dans ses yeux azurs. Grande et large d’épaules, Wixa était pâle de peau et attachait sa chevelure dorée, quoique parsemée de gris, en queue de cheval. Une paire de guêtres, vétustes et usées, soutenaient ses foulées comme son ample tunique boutonnée la protégeait du froid des profondeurs. Parfois elle enroulait sa main sur le fourreau de sa courte épée, mais elle le lâchait sitôt qu’elle eût balayé les alentours du regard.

Elle fut la première à parvenir au portail, devant lequel elle s’immobilisa après avoir déposé sa torche sur un socle. Les bras lui tombaient tant, ses paupières s’écarquillèrent tellement, que Héliandri dut claquer des doigts pour capter son attention.

— Ça va, Wixa ? s’enquit cette dernière.

— Je ne me suis rarement senti aussi bien ! s’écria son amie. Nous avons vécu des aventures, mais ça… C’est incomparable.

Héliandri détailla le portail mais ne remarqua rien de nouveau. Absorbée par sa contemplation, elle mit un certain temps avant de percevoir les sanglots de Wixa, laquelle agrippa soudain son amie.

— Allons, Héliandri ! l’interpella-t-elle. Même toi, tu devrais bondir de joie face à une telle merveille ! Seuls les plus vieux livres d’histoire évoquent l’existence de portails ! Combien de mages tueraient pour être à notre place, aujourd’hui ?

— Et si c’était dangereux ? fit Héliandri. Nous sommes toutes les deux conscientes que certaines forces de ce monde nous dépassent.

— Ce qui ne nous a jamais arrêtées par le passé.

Les sanglots s’étaient estompés, sa figure s’était éclaircie. Héliandri soupira face à pareille insistance. Elle cillait au rythme des oscillations du portail, duquel elle évita de s’approcher.

— Peut-être, admit-elle. Nous ne serions jamais allées bien loin sans tes idées. Mais aurions-nous survécu sans ma prudence ?

— Donc tant que nous restons ensemble, nous ne risquons rien ! rétorqua Wixa. Braver tous ces interdits n’aurait servi à rien si nous faisons demi-tour maintenant.

— Wixa… C’est un voyage vers l’inconnu. Plus que jamais.

— Nous sommes habituées ! S’il te plaît, Héliandri… N’est-ce pas le but de notre vie ? La raison pour laquelle nous sommes devenues des exploratrices chevronnées ? Si nous quittons ces ruines maintenant, nous le regretterons pour le restant de notre vie.

Des larmes embellissaient encore la cornée de Wixa. Elle n’avait pas lâché les épaules de sa partenaire, ni cessé de la fixer. Elle entama son geste seulement quand Héliandri lui donna son approbation.

Wixa admira brièvement le portail avant d’y plonger sa main. Des frissons la parcoururent, mais alors qu’Héliandri se précipita, elle refusa son aide.

— Ça ira ! rassura Wixa. Rien de dangereux là-dedans, il fait juste froid. Heureusement que nous avons des habits chauds !

— Tu es sûre ? s’inquiéta Héliandri. Si jamais tu…

— Rassure-toi ! Suis-moi tout de suite, et nous découvrions ce qui se cache derrière en même temps.

Sur ces mots, Wixa s’élança et s’évanouit dans la lumière.

L’éclat s’affadit avant même que Héliandri pût la rejoindre. Glissant sur les marches, elle s’effondra dans le mutisme dont la salle s’était emplie.

— Wixa ? souffla-t-elle.

Elle était sonnée, confuse. L’aventurière se releva à brûle-pourpoint, s’évertua à traverser l’arcade désormais vide. Mais les méandres continuaient de la cerner. Le feu des torches abandonnées dansait, éclairaient un visage inondé de larmes.

— Wixa ? s’alarma-t-elle.

Héliandri s’acharna. Elle pénétra l’arcade à des dizaines de reprises. À chaque échec elle accélérait, à chaque défaite elle s’époumonait. Rien n’émergeait de ce lieu vidé de magie, privé de substance, et les profondeurs engloutissaient les gémissements que plus personne n’entendait.

— Wixa ! hurla-t-elle.

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