L'ascension

2 minutes de lecture

L'escalier était interminable.

Le flux des corps empêchait cependant tout retour en arrière. Marc aurait pourtant voulu rebrousser chemin. Il regrettait d'avoir accepté cette proposition stupide : ça faisait maintenant presque une heure qu'il gravissait, une marche après l'autre, ce long couloir vertical et nu, éclairé par des néons puissants et blafards qui enveloppaient chaque silhouette d'un halo fantomatique. Où menait-il, cet escalier ?

D'autres comme lui avaient entrepris l'ascension. Des légions d'autres. Certains se reposaient, exténués, assis çà-et-là sur quelques marches, regardant à peine ceux qui suivaient encore la procession en les enjambant.

Des hypothèses farfelues commençaient à parcourir la foule comme autant de rumeurs.

Cet escalier ne finissait jamais.

Ils avaient accepté un défi suicidaire.

Ils avaient été trompés.

Il n'y avait pas de récompense.

La situation commençait à devenir angoissante. Combien de centaines, de milliers d'individus pouvait-il y avoir ici ? Combien de mètres à parcourir encore ? On entendait le bruissement des voix provenant d'en haut et d'en bas, amplifié par un écho qui les noyait toutes dans un maelstrom guttural et assourdissant. Marc était à cran. Mais le flux continuait de

monter.

monter,

monter,

Une heure de plus, peut-être deux, qui savait encore ? Sa montre s'était arrêtée en même temps qu'il avait passé le seuil de la haute tour de béton dont le sommet, perdu dans les nuages, lui semblait maintenant ne jamais avoir existé.

Marc ne se souvenait même plus pourquoi il était là. Sa volonté, réduite à néant par l'effort perpétuel, s'était dissoute dans la masse des corps avançant sans objet, sans but, dans une souffrance maintenant partagée par chacun. Ses genoux étaient en feu ; ses pieds, il ne les sentait plus. Les gens se bousculaient maintenant, chancelant, tenant à peine debout. Les insultes commençaient à pleuvoir et les grimpeurs à s'affaisser.

Ceux qui restaient continuaient de gravir les marches.

Soudain, des cris. Marc regarda par-dessus les silhouettes devant lui. Il vit une immense ouverture par laquelle une véritable lumière apparaissait enfin en crevant les pupilles habituées au blanc hygiénique des néons. Ils étaient arrivés au bout de leur calvaire.

Le flux continuait.

Attendez !

Arrêtez-vous !

Non !

Panique. Les corps jusqu'à présent bien dociles se mirent à vouloir redescendre malgré la foule qui montait maintenant avec excitation : l'arrivée était proche ! En haut, toujours plus haut, certains criaient. Ils criaient et leurs cris disparaissaient dans le lointain, les uns après les autres.

Quand il se rapprocha de l'endroit d'où provenaient les hurlements, Marc fut terrifié. Il voulut rebrousser chemin. Comme les autres. Mais la force de la masse le rapprochait toujours plus du vide. Car au sommet, il n'y avait rien d'autre qu'une ouverture béante sur le néant, engloutissant les corps fatigués au fur et à mesure qu'ils arrivaient, perclus de douleurs mais contents de l'effort, terrifiés à l'idée d'en finir à présent.

Marc se souvenait, maintenant.

Mais il était trop tard.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Jérémie-V ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0