6 — Les Vipères des tunnels (1)

8 minutes de lecture

1


La mercenarii recouvra peu à peu l’usage de ses sens. Tout d’abord l’odorat, air sec et chaud aux relents nauséabonds puis le goût, résidu de saveur âcre et métallique en bouche. Ensuite le toucher, elle sentait que quelque chose agrippait son épaule, la secouait dans tous les sens. Son crâne douloureux lui offrait une étrange sensation de bourdonnement sourd.

— Hé Alessia ! Alessia, est-ce que tu m’entends ? Alessia, tu vas bien ?

La jeune femme ouvrit les yeux. Ténèbres insondables seulement mises en défaut par les flammes de quelques bougies lointaines. Elle reconnut la présence de Lex à ses côtés. Sa mine sévère et grave s’atténua lorsqu’il constata le réveil de la jeune femme.

— Alessia, tu vas bien ? persista-t-il de nouveau.

— Oui, réussit-elle à articuler. Je suis encore un peu sonnée, je crois.

— Il faut dire que tu as reçu un sacré coup dans la caboche.

La mercenarii examina du regard le peu d’informations qu’elle pouvait percevoir au travers des ténèbres. Elle aperçut une multitude de caisses et de malles vides, des poutrelles en bois soutenait un plafond abrupt et rocailleux. Rapidement, les pièces du puzzle s’assemblèrent.

— Nous ne sommes plus à Vlaken... C’est… une mine ?

— Exact une ancienne excavation de fer à cinq kilomètres de ce hameau maudit. Abandonné depuis plus d’une décennie.

— Comment ont-ils fait pour nous transporter jusqu’ici ?

— Avec un chariot. Je me suis réveillé qu’à la toute fin du voyage. Puis ils nous ont jeté ici, je n’en sais pas bien plus. Il y a bien une ferme, un peu plus haut sur la route mais j’imagine qu’ils n’oseront pas se mêler des affaires des Vipères... J’aurais dû me douter que ces deux salopards étaient de mèche avec eux.

Je suis encore un peu sonnée, je crois. Les deux prisonniers cessèrent de parler. Alessia reconnut de suite le plus costaud des deux miliciens de la taverne. Il s’approcha, massue en main, et éructa de sa voix nasillarde.

— Baldur veut vous parler, enfin — Les yeux porcins de Gaunt s’attardèrent sur eux et bien plus sur elle, remarqua Alessia — seulement un seul de vous deux. Un volontaire ?

— Prends-le, souffla la mercenarii en désignant du chef Lex. Je ne suis que sa subalterne, je ne sais rien. Je n’ai rien à voir avec cette histoire !

— Tu fais moins la maligne maintenant, déclara le milicien en effleurant du bout de sa masse la joue d’Alessia. Ce n’est pas comme ça que tu échapperas à l’interrogatoire.

— Gaunt bouge-toi le fondement, bordel ! s’emporta tout à coup une voix par-delà les ténèbres suivit d’un nouveau coup sur la porte.

Le milicien grogna et s’empara de son bras pour l’obliger à se lever.

— Non, tu m’as mal compris, bel étalon, se permit-elle de susurrer avant d’ajouter un sourire des plus aguicheurs. Remets mon cher comparse à ton ami derrière la porte. Ensuite, nous pourrons faire plus ample connaissance, si tu vois ce que je veux dire…

Le balourd s’arrêta, fixa l’espace d’un instant Alessia avant de reporter son regard sur Lex encore recroquevillé sur le sol. Essayait-il de réfléchir ? Cela ne dura pas, car l’instant d’après son compagnon s’emporta de nouveau dans le couloir. Gaunt souleva Lex et le jeta d’un coup sec à l’autre bout de la pièce, il le releva, le força à le suivre et ils disparurent derrière la porte du fond.

Alessia devait faire vite, elle ne disposait que d'une poignée de secondes. Elle jeta son regard dans toute la pièce. Une salle de stockage dont se servaient autrefois les mineurs pour entreposer leurs outils, déduit-elle. Elle devait trouver quelque chose d’assez tranchant pour se défaire de ses liens. Elle examina les boîtes, vides pour la plupart et les autres hors de sa portée. À l’aveugle, elle tâtonna la table puis l’établi. Ses mains se refermèrent sur un objet métallique et recourbé. Un crochet, bingo ! Au même instant, la porte s’ouvrit et Gaunt émergea de nouveau des ténèbres après avoir donné un tour de clef. Les mains attachées dans le dos, Alessia recula avec précaution.

— Tu ne pensais tout de même pas te faire la malle ?

— Non, non. Je t’attendais, bel étalon.

— Alors commence par me montrer ça.

Le milicien l’attrapa par les épaules et rapprocha son faciès disgracieux d’elle. De son souffle fétide, il flatta son cou gracile, huma son odeur parfumée. De concert, ses mains vinrent sur ses fesses pour les palper. La mercenarii, le crochet dans sa paume refermée resta silencieux et docile. Il essaya de l’embrasser et Alessia se déroba in extremis, tournant le visage sur le côté. Gaunt n’apprécia guère, il l’attrapa de nouveau et la plaqua sur la table avec violence. Elle manqua de perdre le crochet.

— J’ai hâte de voir ce qui se cache dessous tes frocs ! fit-il la bave presque aux lèvres.

Ses paluches sales et pataudes remontèrent le long de ses mollets comme des serpents qui s’entortillaient autour de ses membres, visqueux et poisseux, ils fouillèrent la moindre parcelle de son être, parcoururent ses cuisses puis ses hanches. Alessia accéléra la cadence, frotta de toutes ses forces avec le crochet pour couper les liens à ses poignets. Gaunt essaya de passer en dessous de la cotte de mailles pour poursuivre son exploration et découvrir les autres douceurs du corps de la mercenarii. Il n’y arriva pas. Furieux, il arracha les bottes d’Alessia, retira son pantalon pour la laisser dans le plus simple des appareils. Le dernier filament de la corde se rompit.

Gaunt descendit ses propres braies et laissa apparaître sa virilité tendue, recourbé bien que de petite taille, camouflée en partie par son embonpoint. Il s’empara des chevilles d’Alessia pour la forcer à écarter les jambes. De toutes ses forces, la mercenarii lança son talon en direction de l’entrejambe découvert de Gaunt. Il hurla de douleur et tituba vers l’arrière. Elle se releva et telle une furie, d’un geste circulaire planta la pointe du crochet dans la gorge du milicien qui s’effondra.

Alessia sauta de la table, et enfila à toute vitesse son pantalon tandis que son tortionnaire agonisait au sol. Elle lui brisa le nez d’un revers de sa botte avant de s’emparer du trousseau de clefs à sa ceinture puis de sa massue avant de quitter pour de bon la salle de stockage. Se repérant grâce aux torches qui ponctuaient les parois, la mercenarii remonta les longs corridors sombres d’un pas soutenu tout en faisant preuve d’une certaine prudence. Il fallait qu’elle rattrape Lex avant qu’il ne soit trop tard. Mais cela ne servirait à rien si pour ce faire, elle se jetait droit dans la gueule du loup. Elle enjamba une allée puis sentit un courant d’air frais flatter son échine. Elle ralentit, le boyau central était proche. Elle se colla contre la paroi et avança à tâtons, fit corps avec les ténèbres.

— Montre-toi ! Tu ne pourras pas te cacher éternellement. Quant à t’échapper n’y compte même pas. Nos gars surveillent l’entrée de la mine ! s’emporta une voix toute proche.

À l’autre bout de l’embranchement, Alessia reconnut le comparse de Gaunt, en plein milieu de l’allée, l’arme dégainée, il s’agissait de la rapière de Lex. En plein terrain découvert, il serait quasi impossible pour elle de se glisser derrière lui sans attirer l’attention. À cela, s’ajoutait le sol recouvert de débris et de détritus sans parler du manque de luminosité qui ne jouait pas en sa faveur.

— Tu veux vraiment qu’on joue à ça ? Peut-être que tu préfères que je fasse demi-tour ? Après tout, pourquoi Gaunt devrait être le seul à s’amuser avec ta putain ?

— C’est de moi que tu parles, enfant de salaud ?

La mercenarii cessa de réfléchir et se jeta dans la travée, la masse haute prête à frapper. Il se retourna et elle le fixa d’un air de défi. Si elle arrivait à occuper son attention l’espace d’un instant cela créerait une ouverture pour Lex.

— Qu’est-ce que tu fous là toi ? l’interrogea-t-il sourcils froncés. Gaunt ramène-toi et vite !

— Pas la peine, je ne pense pas qu’il puisse te répondre de sitôt, rétorqua Alessia. Je l’ai égorgé comme le porc qu’il était.

— Je vais te faire regretter ses mots, s’emporta-t-il avant de l’assaillir de sa rapière.

La mercenarii dû reculer, l’allonge et la taille en faveur du milicien. Malgré sa corpulence plus raisonnable que son comparse, une simple masse ne suffirait pas pour le vaincre. Elle comptait sur son agilité et non sa force pour livrer bataille et son adversaire la taillerait en pièces avant qu’elle ne puisse le toucher. Alors que le milicien gagnait de plus en plus de terrain et tentait à nouveau de la transpercer d’une fente retorse, Lex déboula en trombe dans son dos.

Le capitaine des Lames de Castell se jeta sur lui et le plaqua au sol. Le milicien prit par surprise se réceptionna comme il put, la rapière cogna contre la paroi et glissa hors de sa portée. S’ensuivit une mêlée confuse et violente, mais Lex eut rapidement le dessus. Le milicien se retrouva à genoux, la lame d’un poignard sur la gorge.

— Tu vas bien, Lex ? fit Alessia, tout en ramassant la rapière.

— Oui… Je vois que tu as réussi à t’en sortir toute seule. — Lex resserra sa prise sur l’homme à la frange — Friedrich, c’est ça ton nom ? On a de nouvelles questions à te poser.

— Tout ce que tu voudras, tout l’argent du monde ne mérite pas que je sacrifie ma vie pour ces enfants de salaud de Vipères, hoqueta le milicien après avoir repris son souffle.

— Il y a d’autres prisonniers dans cette mine ? Une femme peut-être ?

— Toujours coincé là-dessus, pas vrai ? Non, je ne l’ai pas vu ta donzelle, je le jure !

— Tu n’es pas vraiment un membre du gang, poursuivit Lex. C’était quoi ce joli tour que tu nous as joué au Crapaud ? Vous nous attendiez ?

— Plus ou moins. Baldur et ses hommes sont venus nous voir ce matin. On était de garde à la grande-porte. Il nous a donné une bourse bien remplie en échange de nos services. On devait ouvrir l’œil si jamais des mercenare de Dalata se ramenait à Vlaken. Ses larbins nous ont obligés à les suivre jusqu’ici et à faire leur sale boulot.

— Donc tu n’es qu’une malheureuse victime ? Comment ça se présente dehors ?

— Vous n’avez aucune chance. La petite rousse se bat comme une lionne, mais l’un d’entre eux a une arbalète et il tire sacrément bien. Vous aurez fait cinq mètres qu’il vous aura déjà troué la panse.

— Et il est où ce tireur ? Ose mentir et je te tue sur-le-champ.

— Y a une ancienne tour de guet qui tient encore debout sur la gauche. Il y crèche. Les autres se réchauffent autour du feu de camp devant la chaumière où se trouve Baldur.

— Alessia, tu penses que tu peux te faufiler jusqu’à la tour et t’occuper du tireur ?

— Oui, ma tête ne tourne plus...

— Bien, moi et Friedrich nous occuperont de faire diversion, conclu Lex en attrapant le milicien par le col puis il le poussa vers l’avant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Vaiyn371 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0