2082 Discours

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Mountgate se préparait à un événement singulier. Toutes les semaines, le Présidium suprême se réunissait et tenait un conseil retransmis en direct à la télévision. Le peuple du Commonwealth trouvait généralement cela assez peu intéressant à regarder, mais cette fois, c'était différent. Le hiérarque suprême des xénos était cette fois venu sur terre expressément pour participer au conseil du Présidium, et en sus, il ouvrirait le conseil par un discours d'une importance capitale. Des hauts parleurs avaient été placés un peu partout dans la ville, mais la plupart des gens avaient profité de ce jour chômé pour rentrer chez eux et regarder toute l'affaire en direct, bien calés dans un canapé.
Il devait évoquer la question des barbares nordiques. Cette menace suspendue au dessus de leurs têtes. Qu'arriverait-t-il si par malheur ces terroristes mettaient la main sur des morceaux d'uranium ayant échappé à la purge ? Qu'arriverait il si ces fous obtenaient l'arme nucléaire, et recréaient le cycle de destruction qui avait déjà failli annihiler l'espèce humaine ?
Et pourquoi le Commonwealth se refusait il à les exterminer avec ses armes ? Ces sauvages avaient tué des milliers d'innocents, et n'avaient jamais été punis. Le Commonwealth prétendait que la destruction de ce peuple serait un acte cruel, et justifiait son inaction par des prétextes humanitaires; mais ce n'était un secret pour personne que les xénos tenaient à épargner les barbares du nord parce que ceux ci leur servaient d'hommes de paille. Ainsi, l'humanité ne pouvait pas se rebeller contre les occupants extraterrestres, le moindre humain émettant des opinions opposés à l'union des races étant invariablement comparé aux terroristes cruels qui s'étaient rendus coupables d'innombrables crimes atroces. Aussi bien dans la vie de tous les jours que dans les foyers ou sur les réseaux sociaux, le moindre sentiment patriotique pro-humanité était détourné en discours pro-terroriste. Clouant définitivement les contestataires ou les humains manquant d'humilité. Les aliens étaient les sauveurs de l'humanité, et quiconque contredisait cet état de fait était étiqueté comme étant un fou dangereux.
Mais le peuple terrien en avait assez. Aussi bien humains que xénos ne voulaient plus vivre dans la terreur. Et en ce jour, le grand hiérarque suprême des xénos allait s'adresser à eux.
Tous retinrent leur souffle. Les douze membres du Présidium entrèrent dans la salle du conseil. Ils récitèrent le serment du Commonwealth, et prirent place autour de la table ronde. Six xénos et six humains. Ils s'assirent et attendirent. Puis enfin, entra le hiérarque suprême. Coiffé d'un grand bicorne carré de couleur mauve, les tentacules rétractés en signe d'humilié, il salua le conseil, puis salua le peuple via la caméra.
- "Terriens !" Fit-il. "Tout d'abord je me dois de remercier votre accueil. Malgré le fait que votre peuple ait souffert, vous avez gardé toute confiance en notre alliance, et c'est ce qu'il faut faire. Je m'adresse aux terriens, xénos comme humains cela ne change rien, car vous êtes tous terriens. Terriens, sachez que vous n'avez plus à porter seuls le poids de vos problèmes. Je vous ai compris ! Cette planète a besoin que nous assurions son union, pour le bien de tous, et des terriens avant tout. Trop longtemps nous avons pensé qu'il n'était pas de notre devoir de nous mêler des affaires du nord. Nous pensions que ces individus étaient libres de choisir leur façon de vivre et de penser, et que le temps leur apprendrait leur erreur. Nous pensions qu'ils comprendraient bien assez tôt, qu'ils changeraient d'avis et se repentiraient. Nous avions tort. Le peuple du nord s'est étanché dans sa bêtise, et s'y est enfoncé trop profondément pour pouvoir s'en tirer seul. Quand j'ai été mis au courant des atrocités qui venaient d'être perpétrées à Poltava, en plus d'être désolé, j'ai tout de suite pensé que les nordiques avaient réalisés leur erreur et, trop fiers pour la reconnaître, se défoulaient de leur frustration de la plus infâme des manières. Mais, frères et sœurs, nous ne saurions tolérer que de tels crimes soient perpétrés contre le peuple du Commonwealth. Nous sommes restés passifs trop longtemps, et il est temps que nous tendions la main pour aider le peuple du nord à sortir du bourbier dans lequel il s'est empêtré ! C'est la raison pour laquelle je préconisais que nous mobilisions nos forces vives, et que nous allions leur imposer la bonne façon de penser, en faisant usage de la force s'il le faut."
C'était la première fois que l'idée était sérieusement mentionnée, et par quelqu'un d'aussi haut placé que le hiérarque suprême, cela raviva une flamme d'espoir de la part des téléspectateurs. Le hiérarque déroula ses bras et s'adressa au conseil:
- "Je laisse la parole au Présidium terrien. De quelle façon pensez vous qu'il faille intervenir ?"

Ils étaient une centaine de gardes, humains et xénos, patientant devant l'ouverture de l'ascenseur. Tous leurs muscles étaient tendus. Ils se tenaient en joue, prêts à tirer. La tension était palpable tandis que la petite lumière de l'ascenseur montait doucement. Les agents de sécurité avaient programmé l'ascenseur pour qu'il s'arrête ici au lieu de l'étage du conseil. L'étage sécurité avait été placé aussi haut que possible dans la tour, précisément pour être hors d'atteinte des attaques terroristes, et leur rôle était aussi de contrôler tout ce qui se rendait vers le lieu où le Présidium tenait conseil. Ils avaient déjà prévenu les membres du gouvernement de l'intrusion, mais ceux ci devaient faire comme si de rien était. Tout devait se dérouler comme prévu sans quoi la population risquait de paniquer. De toute manière, la menace serait rapidement éradiquée.
La porte s'ouvrit. Comme un seul homme, la centaine de soldats cria:
- "Pas un geste ou nous tirons!"
L'ascenseur était vide.
Tous restèrent immobiles, n'osant pas quitter leur position, de crainte que l'ennemi ne surgisse de nulle part.
Finalement, le commandant se décida à aller voir avec cinq hommes. Tous les soldats se placèrent de sorte à voir directement l'intérieur de l'ascenseur pour couvrir leur chef, lequel en s'approchant ne remarqua rien de plus sinon le reflet de tous ses hommes dans la paroi, ainsi qu'un étrange tube qui perçait le fond de l'ascenseur et menait en haut.
- "Ils sont au dessus!" Hurla l'officier en levant son arme. Mai il n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit.
Les sorciers ne pouvaient pas cibler des personnes sans connaître leur position exactes, mais grâce au reflet, aussi bien Ivan Kotlinski que Friedrich Von Moltke pouvaient voir tous les hommes. L'air se mît à brûler en un instant tandis que le voile de la réalité se brisait sous la multitudes de sorts.
Le carnage commença.

- "Il faut penser à prendre en compte les différences culturelles de ce peuple. Je pense qu'il est vital de prévoir un programme d'assimilation, et de le prévoir avant de lancer une invasion. Une invasion expédiée sans préparations suffisantes risquerait de ruiner à jamais nos chances de pacifier ces régions."
Excanae Clegane, membre du Présidium, faisait valoir son point de vue avec énergie, le regard fixé droit devant elle. Juste en face, mais hors du champs de la caméra, un écran affichait les grandes lignes de son texte. Tout était déjà écrit à l'avance, et les membres du Présidium jouaient le jeu autant qu'il fallait de sorte à convaincre au mieux la population du bien fondé de leurs actions. Notamment, puisqu'ils savaient que la moitié des auditeurs étaient en train de râler en faisant la même remarque, un xéno prit la parole en disant:
- "Mais à quoi bon ? Au point où on en est, ne devrait on pas simplement les détruire ? Exterminer ces dissidents avec notre technologie supérieure ? Ces humains ne semblent de toute manière pas pouvoir être sauvés. Que nous importe leurs vies ?"
Avec cette réplique, le Présidium avait parfaitement calculé son coup. Maintenant le peuple était horrifié et s'exclamait: "Est il fou ? Tuer tous ces gens comme ça ? Lâchement? Ce sont des humains tout de même, on ne peut pas s'abaisser à un tel crime !"
Aussitôt, un autre xéno prit les rênes en lui faisant bien comprendre la folie de ses propos. De honte, celui qui avait parlé d'atomiser les dissidents rétracta ses tentacules et cracha des bulles d'encre qui se mirent à flotter vaguement avec légèreté.
Le hiérarque, lui, observait tout d'un air paternel, marquant son assentiment par des changements vifs dans la couleur de sa peau, ou au contraire son opposition en agitant ses tentacules d'affolement. Tout le débat n'avait qu'une seule utilité: faire lentement glisser l'opinion du peuple pour rendre son avis plus favorable à une méthode la plus passive possible. Le Commonwealth avait encore besoin de ses hommes de pailles, voire même d'épouvantails, et il leur fallait pour cela faire durer le conflit. Peut être même, pourquoi pas, mettre toutes les chances dans le camp ennemi.

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