La dictée de fin de cours avait pour seul objectif d'évaluer le niveau d'écriture, la qualité de celle-ci, ainsi que la compréhension de chacun.

Comme tout le monde ne dispose pas d'un accès aisé à l'apprentissage de l'écriture, l'Académie d'Agnos propose aux étudiants intéressés et intéressants, ne sachant pas écrire du tout, de participer à un cours d'apprentissage de six mois juste avant la rentrée académique.

La disparité de niveau entre les classes était notable.

Les nobles, ayant aisément accès à un professeur particulier, savent écrire tous les caractères de manière lisible et compréhensible. Cependant, certains d'entre eux n'ont pas profité de cette chance dès leur plus jeune âge ou de manière régulière, et ont un niveau tout juste passable. En même temps, il est plus facile pour un enfant de se voir comme un héros terrassant le mal à coup d'épée en bois que comme un scribe rédigeant des textes de lois.

Les elfes avaient un très bon niveau grâce à leur étroit lien idéologique avec le Domaine du Savoir et de la Connaissance. Les nains, quant à eux, rencontraient davantage de difficultés, étant plus spécialisés dans les calculs en tout genre. Les gnomes, les halfelins et le reste des humains affichaient un niveau variable en fonction des finances ou de l'éducation de leur famille.

Arimélia et Elwyn avaient le plus haut niveau de leur année. Ayant tous deux appris et pratiqué cet art très régulièrement depuis leur plus jeune âge, il était convenu pour eux de ne plus participer à ce cours, sauf pour une évaluation. En ce qui concerne Loyd, il affichait l'un des plus bas niveaux, ce qui ne surprit personne, tandis que Sylaria, elle, avait un niveau correct, la plaçant à un niveau moyen.

— Tu n'avais rien d’autre à faire pour en arriver là, hein ? Demanda Loyd un peu dépité, après avoir comparé sa copie avec celle d’Elwyn.

— Ça faisait partie de ma routine matinale depuis que j’ai quatre ans. J’apprenais aussi à lire, à compter et à calculer. Je faisais ensuite de l’exercice physique l’après-midi et j’apprenais à utiliser mon épée, mes poings ou bien l’arc.

— Hé bé, tu étais bien occupé au final… Qu'en est-il de tes pouvoirs alors ?

— J’ai eu un… certain problème… concernant ce sujet. J’ai commencé à… apprendre… avec une certaine difficulté vers mes cinq ans. Et il y a à peine un an, j’ai enfin pu commencer à les utiliser à leur plein potentiel sans difficulté, répondit Elwyn, en choisissant bien ses mots.

Loyd fronça alors des sourcils à cette étrange révélation.

— Quel genre de problème exactement ? Demanda-t-il, d’un ton étrangement sérieux.

— Le genre qui m’empêche de me faire facilement découvrir par tout le monde et qui provient de l’intervention bienveillante d’une certaine Divinité, répondit Elwyn à voix basse.

— Il peut vraiment faire ça ?

— Apparemment, oui. Et les effets sont même plus puissants que ce que tu imagines.

— À ce point ?

En guise de réponse, Elwyn haussa simplement des épaules, avant de se tourner vers le tableau où la suite des cours semblait se montrer.

— Bien, maintenant et pour les deux heures à venir, nous allons commencer le cours suivant : « Connaissances Générales ». Ce cours vise à améliorer vos connaissances sur le monde, ses règles, ses habitants et son histoire. Vous apprendrez aussi les mathématiques, les lois de la physique et la biologie. Il s’agit donc du cours le plus important de l’académie, avec celui de la compétence martiale ou magique, en fonction des affinités. Je vous invite donc fortement à prendre des notes et à ne pas hésiter à vous renseigner plus profondément à la Grande Bibliothèque, si certains sujets vous intéressent plus. Si vous avez du mal à comprendre, n’hésitez pas à demander de l’aide après les cours auprès des autres membres de la classe, de ceux en classe spéciale, d'un professeur ou de l’un de vos aînés. Des questions ?

Aucune main ne se leva et aucun bruit ne se fit entendre.

— Bien. Dans ce cas, nous allons commencer par le commencement. Qui sait comment l'univers dans lequel nous nous trouvons a été créé ?

Un des nains du fond de la classe leva la main.

— Avant de créer notre monde, le Grand-Créateur créa dans l'éther les six Sources élémentaires.

— C’est très bien. Qui peut maintenant me dire qui sont ces fameuses Sources ?

Un des halfelins au premier rang leva la main.

— Il s’agit de la Source du Feu, de la Source de l’Eau, de la Source de la Terre, de la Source du Vent, de la Source de la Lumière et de la Source des Ténèbres. À elles six, elles ont créé l’Univers auprès du Grand-Créateur.

— Tout à fait exact. Comment ce monde a-t-il été façonné ?

Une elfe du second rang leva la main.

— La Source du Feu et la Source de la Terre créèrent ensemble le noyau du monde, avant de le recouvrir entièrement de roche et de terre. La Source de l’Eau créa les océans et les nuages tandis que la Source du Vent créa les courants marins et aériens.

— C’est bien cela. Qu'en est-il du reste des astres proches qui nous entourent ?

Une humaine leva la main au centre de la classe.

— La Source de la Lumière, la Source de la Terre et la Source du Feu créèrent le soleil, illuminant et réchauffant le monde, tandis que la Source des Ténèbres créa les ombres de la matière, assombrissant et refroidissant le monde. La Source de la Terre et la Source du Feu créèrent aussi les lunes jumelles tournant l’une autour de l’autre et orbitant aussi autour de notre monde, qui lui-même tourne autour du soleil.

— C’est exact. Qu’en est-il des petits détails comme les montagnes et les rivières ?

Sylaria leva alors la main.

— Les Sources élémentaires, créées pour accomplir un travail de très grande envergure, ont engendré les élémentaires, moins puissants et plus petits qu’elles, afin qu’ils puissent façonner le monde en détail, créant des fleuves et des rivières, aplatissant, creusant ou remontant le niveau des terres et forant des galeries dans la roche.

— C’est bien cela. Qu’en est-il de la vie sur notre monde ?

Un gnome du troisième rang leva alors la main.

— Une fois que le monde fut terminé, le Grand-Créateur créa la vie végétale, et bien plus tard, la vie organique. Aujourd’hui encore, le Grand-Créateur continue de développer et de faire évoluer toutes les formes de vie qu’il a créées, seul ou avec l’aide des Sources.

— C’est très bien. Qu’ont fait les Sources après cela ?

Lorian leva alors la main.

— Elles ont façonné leurs propres Plans, appelés Plans Élémentaires, où vivent d’autres formes de vie qu’elles ont créées avec l’aide du Grand-Créateur. Une espèce de chaque Plan vit en Ilnolia : les Ondins dans l’eau, les Oréades sortant de la terre, les Ifrits se baignant dans le feu, les Sylphes flottant dans le vent, les Célestins se cachant dans la lumière et les Démons rampant dans les ténèbres.

Le visage du professeur Sylvia parut alors pleinement satisfait de ce qu’elle avait entendu.

— C’était parfait. La transmission orale de notre histoire se perpétue depuis bien des siècles, quelle que soit la contrée. Il est important de savoir d’où nous venons afin de connaître notre place en ce monde. Nous n’en sommes pas les propriétaires ni les maîtres, nous en sommes juste les passagers. Un jour, peut-être, nous disparaitrons totalement pour faire place à une toute nouvelle forme de vie. C’est pourquoi il nous faut profiter pleinement de notre existence, car nous n’aurons pas de seconde chance.

Une légère pensée traversa alors Elwyn.

“Pas de seconde chance…“

Juste à côté de lui, la main de Loyd se leva soudainement.

— Qu’en est-il de Bahamut et Léviathan ? Ce sont bien les créatures les plus puissantes d’Ilnolia, non ?

La professeure Sylvia releva avec satisfaction la question du néphilim de la Guerre.

— En effet, qu’en est-il de nos deux Grands-Gardiens ? Quelqu’un peut-il donner une réponse ?

Arimélia leva la main, bien qu’un peu hésitante et bégayante au début de sa réponse.

— Pour… prévenir toute extermination massive d'êtres vivants… par une espèce dominante, le Grand-Créateur donna naissance à Bahamut, le dragon originel, Grand-Gardien du ciel et de la terre, ainsi qu'à Léviathan, le grand serpent des mers, Grand-Gardien des mers et océans. Ces deux êtres majestueux ont pour mission de préserver l'équilibre entre les espèces à travers l'ensemble des Plans.

À cette explication, la professeure Sylvia hocha positivement la tête.

— C’est tout à fait ça. Notre vaste monde est sous leur protection depuis les premières formes de vie animale et ils continuent encore maintenant à veiller dessus malgré les millénaires passés.

Suite à ces mots, une petite pensée pour son grand-père vint alors à l’esprit d’Arimélia.

“Il passe surtout la plupart de son temps à dormir en attendant une prochaine mission du Grand-Créateur ou qu’une catastrophe majeure arrive…“

Un humain leva soudainement la main pour poser une question avec une certaine appréhension.

— Qu’en est-il alors des Entités et Divinités ? Ne sont-elles pas apparues en même temps que les Grands-Gardiens ?

La professeure n’eut pas le temps de réagir à la question qu’une elfe du premier rang répondit presque immédiatement après la fin de la phrase.

— Ne pose pas de question stupide, les Entités ont été évidemment créées bien après les Ilnoliens.

Suite à ces propos, le jeune garçon baissa alors la tête et rougit de honte, et Sylvia, offusquée par cette scène, fusilla immédiatement l’elfe du regard.

— Je vous demande de ne pas faire preuve de condescendance envers vos camarades, même si les propos vous semblent idiots, c’est bien clair ? répondit-elle avec fermeté, son ton tranchant totalement avec son attitude habituelle.

L’elfe, surprise par ce changement de ton, baissa alors la tête et ses longues oreilles rougirent à leur tour de honte.

Un lourd silence retomba alors dans la salle de classe, et personne n’osa prendre à nouveau la parole, sauf un. Elwyn leva alors la main.

— Pour conclure les explications sur l’origine des Entités, après avoir observé les humanoïdes de ce monde et cerné leurs besoins et désirs, le Grand-Créateur matérialisa les aspects qu'il définissait comme caractéristiques de la forme de vie la plus complexe qu'il avait jamais créée. Les Entités sont alors nées pour aider et guider les Ilnoliens, mais pour maintenir un certain équilibre des forces, il créa aussi des Entités chargées de les mettre à l’épreuve, voire pour certaines, de leur nuire. Les Domaines chargés d’aider sont au nombre de six, chacun ayant une Divinité associée. Actuellement, le Domaine du Savoir et de la Connaissance est représenté par Ogme, le Domaine de la Guerre par Asagar, le Domaine de la Paix par Erzissa, le Domaine de la Justice par Thésynaria, le Domaine de l’Amour par Sephirella ou Zéphir, et le Domaine de la Vie par Akeso. Quant aux Entités pouvant poser problème, elles n'ont pas de Divinité représentative, mais il en existe une multitude liée aux sentiments négatifs ou jugées problématiques, typiques des êtres vivants doués d’une forme de conscience morale.

Une fois l’explication terminée, la professeure se tourna vers Elwyn et reprit son air enjoué.

— C'est tout à fait exact. D’ailleurs, certaines espèces ou nations de notre monde ont une affinité avec certains Domaines. Par exemple, les elfes et les elfes noirs sont plus tournés vers les Domaines de la Vie et du Savoir et de la Connaissance, tandis que les humains des Terres Nordiques sont plus proches du Domaine de la Guerre.

Le deuxième elfe du premier rang leva alors la main.

— Savez-vous quelque chose à propos de ce qui est arrivé à la Divinité de la Vie ? Ça fait quand même plus de dix ans qu’elle a disparu.

Sylvia secoua la tête négativement.

— Malheureusement, non. Personne n’a eu de nouvelles depuis tout ce temps. La seule chose que l’on sait est qu’un terrible combat a eu lieu et que le Gardien de la Divinité fut retrouvé mort.

L’elfe, responsable de l’altercation précédente, claqua de la langue de frustration.

— Tsh. Faible humain incompétent, murmura-t-elle.

Le regard de la professeure se durcit à nouveau face à cette elfe.

— Avez-vous quelque chose à ajouter, mademoiselle Linariel, ou bien voulez-vous un avertissement dès le premier jour de classe ?

— Professeure, le rôle d’un Gardien est d’assurer une forme de communication compréhensive entre la Divinité et les Ilnoliens, ainsi que la protection de cette dernière. Le Gardien de la Divinité de la Vie a échoué dans son rôle de protecteur et aujourd’hui encore, nous payons le prix de cet échec. Combien de vies le monde a-t-il perdues à cause de son absence ? Combien de personnes vont encore disparaître demain ? Cet échec est sans précédent et ses conséquences sur le long terme également, argumenta Linariel pour défendre son point de vue.

La professeure ne tomba pas dans la facilité de la colère, même si le sujet concernait une personne qu’elle avait connue par le passé, et opta pour un ton ferme.

— Mademoiselle Linariel, comment pouvez-vous tenir de tels propos alors que vous ne savez strictement rien concernant son Gardien ?

— Qu’est-ce qu’il y a à savoir de plus ? C’était un simple humain, même la bénédiction de la Divinité n’a pas suffi.

Même s'il n'en avait pas l'air, Elwyn suivait avec attention cette conversation. Il ignorait beaucoup de choses concernant ses parents, donc même une infime miette à ajouter à son tableau de famille lui suffisait. Même les propos diffamatoires retenus contre son père ne l’atteignaient d’aucune manière.

— Arrêtez. De. Tenir. Des. Propos. Diffamatoires. Sans. Avoir. La. Connaissance. Complète. De. Ce. Sujet, répondit la professeure en s’arrêtant bien sur chaque mot d’un ton ferme.

— Mais…, commença à protester Linariel.

Sylvia frappa soudainement son bureau avec la paume de sa main, dont le bruit résonna dans toute la pièce et fit sursauter quelques élèves, créant un nouveau silence.

Une lourde ambiance s’installa lentement et les élèves commencèrent à s’agiter. Les propos tenus par Linariel ne firent pas l’unanimité au sein de la classe et quelques discussions s’engagèrent sur le sujet.

Au milieu de tout cela, Loyd, perturbé par la situation, se tourna vers Elwyn. Ce dernier s'était complètement détaché du sujet depuis que la professeure avait fait taire Linariel. Plus aucune information pertinente ne pouvait ressortir du brouhaha des élèves, car ils ne savaient rien.

“Seule la professeure Sylvia pourrait posséder des informations pertinentes, mais ce coup sur la table lui a servi de moyen pour se calmer et d'éviter d'en dévoiler davantage…“

Voyant quand même que les choses ne semblaient pas vouloir se calmer au sein des élèves et que la professeure reprenait tout juste son calme, Elwyn utilisa son renforcement corporel dans ses mains pour les faire claquer à son tour suffisamment fort, afin de réinstaurer le calme dans la classe et de capter toute son attention, avant d'enchaîner.

— Je propose de mettre fin à cette discussion stérile. Aucun avis ou propos ne pourra changer les choses. La Divinité de la Vie a disparu, c'est un fait. Le Gardien de la Divinité est tombé au combat, c'en est un autre. Définir la responsabilité du Gardien ou bien celle de la Divinité concernant le choix de ce dernier ne changera strictement rien aux faits. Les morts ne peuvent être ramenés à la vie, jugés ou punis. La seule chose valable à faire, c'est de retrouver la Divinité perdue, pour qu'elle puisse reprendre ces fonctions et minimiser les conséquences de sa disparition, déclara-t-il, avec son ton calme et son visage inexpressif habituel.

Cette intervention soudaine d'Elwyn surprit l'ensemble de la classe, mais ses propos raisonnables et réfléchis ne firent l'objet d'aucune objection. Loyd, quant à lui, était surtout surpris par rapport à son recul par rapport à la situation, car il s'agissait quand même de son propre père, même s'il ne l'avait pas beaucoup connu.

— Merci Elwyn pour ton intervention, lui répondit humblement la professeur ayant perdu en partie le contrôle des événements.

— Ça fait partie du devoir des Entités d'arbitrer, répondit-il simplement.

— Je voudrais également m'excuser d'avoir perdu mon sang-froid, mais cet événement est encore trop récent pour moi. La Divinité de la Vie et son Gardien venaient souvent nous rendre visite plusieurs jours et donnaient des cours, avant de repartir pour un nouveau tour du monde. Ils étaient tous deux très appréciés et aimés du corps enseignant… Mais bon, il faut continuer d'avancer, même si c'est difficile, c'est ce qu'ils auraient voulu. Bref, reprenons le cours, il n'est pas encore terminé.