Au sommet du mur de l'arène, une jeune femme à la peau bleu clair translucide était allongée à plat ventre, se dissimulant des regards des deux néphilims qui se battaient sur le terrain sablonneux. Elle les observait attentivement et, plus important encore, les écoutait depuis qu'ils avaient quitté leur dortoir plus tôt. Elle avait même suivi leur petite péripétie dans la cantine, et c'était d'ailleurs grâce à elle que le professeur Ezekiel avait pu intervenir pour résoudre la situation problématique qui s'y déroulait.

La jeune femme en question était une sylphide du nom de Nalinaya, vice-directrice de l'académie d'Agnos et gardienne de la divinité Ogme. Depuis son point d'observation, elle espionnait Elwyn, ou plutôt cherchait à en savoir plus sur lui, tout en se lamentant.

“Pourquoi ? Pourquoi fallait-il qu’ils se ressemblent tant ? Pourquoi fallait-il que leur voix soit si similaire ? Oh Tristian, pourquoi m’avoir abandonné ainsi ? Que veux-tu que je fasse maintenant avec lui ? Je ne peux pas le regarder dans les yeux… ils sont trop ressemblants. Pourquoi à chaque fois que je vois son visage, mon cœur se brise encore et encore… ?“

— Tu comptes l’espionner encore combien de temps comme ça ? Demanda tranquillement le professeur Ezekiel, qui venait tout juste de la rejoindre.

Nalinaya ne répondit pas et continuait son observation.

— Je sais à quoi tu penses. Il est vrai que leur ressemblance est frappante, mais pas leur personnalité ou leur manière de parler. Elwyn est plus ressemblant à Akeso pour ce point-là. Tristian et elle avaient beaucoup de point commun et étaient en quelque sorte des âmes sœurs… Mais sache qu’Elwyn est différent de lui.

— Je sais… je l’ai entendu…, répondit difficilement la sylphide avec un nœud dans la gorge.

— Ça fait maintenant onze ans qu’ils ne sont plus là. Il faudrait que tu commences à tourner définitivement la page sur lui.

— Comment faire ? C’est grâce à lui que je suis ici… C’est aussi grâce à lui si je suis libre… Il m’a sauvé la vie et m’a permis de devenir celle que je suis aujourd’hui…

— Je sais, mais il n’est plus là maintenant. Même si la chose semble impossible, voir absurde pour toi, ce sont les faits. Tristian est mort, termina-t-il d’un ton ferme mais toujours calme.

À ces mots, des larmes commencèrent à monter aux yeux de la sylphide avant de lentement couler sur son visage doux visage déformé par le chagrin.

— Je sais que c’est difficile pour toi, c’est le problème qu’ont les immortels doués de conscience. À moins que tu trouves un autre être comme toi, il te sera difficile d’aller de l’avant, mais tu dois le faire. Tu es actuellement la Gardienne de la Divinité du Savoir et de la Connaissance, ne l’oublie pas.

— Je le sais, sanglota Nalinaya.

— Si tu le sais, alors prends ton courage à deux mains et va lui parler. C’est juste un garçon ignorant et curieux. Il est aussi maladroit qu’une Entité au sujet des sentiments, mais il ne te fera jamais de mal volontairement.

— Je… Je ne peux pas… Je ne peux pas faire ça…, répondit-elle tout en continuant de pleurer à chaudes larmes.

— Pourquoi ? Demanda simplement Ezekiel.

— Parce que… Parce que je n’arrive pas… je n’arrive pas à faire la différence… Je veux juste… qu’il revienne… auprès de moi, répondit-elle du fond de son cœur saignant et larmoyant.

Cette situation rendit Ezekiel perplexe.

— Tu es en train de me dire que tes sentiments pour Tristian se sont maintenant portés sur son fils ?

Nalinaya hocha très légèrement la tête et des larmes continuaient de couler sur ses joues.

— Je sais… c'est absurde… Il me rappelle… tellement Tristian… Je n’arrive pas… à m'empêcher… d'éprouver quelque chose… pour lui… Alors que… on ne se connaît… même pas…

— Je vois… Ce ne doit pas être évident pour toi et je ne possède pas de solution miracle pour ça, mais je peux te dire de prendre du recul avec lui. Il est encore jeune et trop immature en ce qui concerne l’amour. Tu n’arriveras à rien avec lui, sans parler du fait qu’il appartient au Domaine de la Vie et qu’ils sont ceux qui comprennent le moins ce qu’est l’amour.

Pendant ce temps-là, Elwyn et Loyd quittèrent l’arène et se dirigèrent tranquillement dans la direction de la Grande Bibliothèque, avant de se séparer au croisement menant au dortoir, où Loyd partit rejoindre sa chambre, alors qu’Elwyn continua sa route.

Quand elle finit par perdre de vue le jeune néphilim de la Vie, Nalinaya se retourna sur le dos et regarda le ciel et ses nuages avec ses yeux embués de larmes.

— Prends le temps qu’il te faut, mais n’oublie pas quel est ton devoir ici, ajouta Ezekiel, avant de laisser la sylphide seule avec elle-même.

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Sur le chemin de la Grande Bibliothèque, Elwyn remarqua qu’il y avait une certaine agitation du côté ouest de l’académie, là où se situait le dortoir des filles.

“Que peuvent-elles bien faire ?“

En effet, ces dernières semblaient chercher quelque chose, voire quelqu'un, aux alentours du bâtiment. Elles faisaient toutefois attention à ne pas trop attirer l'attention en évitant de courir partout. Elles se regroupaient en petits groupes et se lançaient discrètement à la recherche de la chose en question, comme si de rien n'était.

Le jeune garçon se mit en route vers ces dernières, mais s'arrêta brusquement en remarquant une silhouette étrange sur le toit du dortoir. Elle disparut subitement sans laisser de trace, juste après avoir été repérée.

“Une Entité ?“

Afin d’en avoir le cœur net, Elwyn changea de vision et prit celle du Plan Éthéré, où il remarqua à nouveau cette silhouette mystérieuse en lévitation au niveau de la toiture. Cette dernière disparue de nouveau en changeant de Plan et se dirigea rapidement vers le nord.

La créature mesurait environ soixante centimètres de hauteur, arborait un bonnet pointu et semblait porter un gros sac en toile sur son épaule.

“Il est sacrément petit pour un voleur…“

Le jeune garçon prit alors la double vision des Plans et se mis à sa poursuite.

“À moins d’être une Entité, elles n’arriveront à rien contre lui.“

L’Entité mystérieuse arriva au bord du toit du dortoir, sauta dans le vide et changea une nouvelle fois de Plan, où elle utilisa le contrôle de l’éther pour former de petites plates-formes pourpre sous chacun de ses pied, donnant l’impression qu’elle dévalait à toute vitesse un escalier jusqu’au sol.

“Wow, je n’en suis pas encore arrivé à ce niveau de maîtrise là moi… Qu’est-ce qu’il peut bien faire ici ? Est-ce que la Divinité Ogme est au courant pour sa présence ici ?“

Une fois arrivé au sol, l’Entité se dirigea à toute vitesse vers dortoir des invités et Elwyn en fit alors de même.

L’Entité poursuivie se déplaçait vite, très vite pour une chose de son gabarit, tout en portant son gros bagage par-dessus l’épaule.

“Il veut aller jusqu’où comme ça ?“

La course-poursuite se poursuivit jusqu’à l’intérieur dortoir des invités, où Elwyn changea de vision et adopta celle du Plan Éthéré, afin de ne pas perdre de vue l'Entité. Cependant, il s'arrangea pour passer directement à côté du bâtiment sans y pénétrer, se rappelant de l'interdiction émise par Ezekiel concernant l'intrusion dans l'intimité des autres.

L'Entité, quant à elle, traversa le bâtiment en ligne droite et se dirigea vers le labyrinthe végétal, qui se trouvait juste derrière. Elle s'enfonça profondément à l'intérieur avant de changer une nouvelle fois de Plan et de se dissimuler à la vue de son poursuivant.

“Ah ! C’était donc pour ça… Maintenant ça va être une partie de cache-cache… Génial…“

Finalement, Elwyn arriva devant l'entrée de ce fameux labyrinthe, dont Loyd avait à peine évoqué son existence auparavant. Les murs, qui s'élevaient à plus de deux mètres de haut, étaient formés de buissons denses et verdoyants, méticuleusement taillés et entretenus. Ils créaient un passage suffisamment large pour permettre à deux personnes de marcher côte à côte.

“Je n’ai pas vraiment envie de me perdre là-dedans… Mais bon, si c’est à ça qu’il a envie de jouer…“

Le jeune néphilim rétablit alors sa vision double pour détecter tout changement de Plan. Et, afin de naviguer aisément à travers le labyrinthe, il recourut à une technique connue sous le nom de « l'éclipse éthérée ». Cette méthode consiste à effectuer de brefs voyages extraplanaires pour franchir rapidement les petits obstacles se dressant sur le chemin.

Ainsi, en se déplaçant habilement à travers les nombreux culs-de-sac et chemins tortueux du labyrinthe, il évitait de se perdre. Cependant, malgré ses déplacements, il ignorait toujours la localisation de l'Entité.

“Où il se trouve ? Je n’ai pas vraiment envie de passer la fin de journée à faire ça…“

Après une recherche intense d'une quinzaine de minutes et d’une énième éclipse éthérée, Elwyn finit par atteindre le cœur du labyrinthe, révélant un petit parc à l'ambiance calme et paisible.

En son centre, trônait avec fierté une élégante fontaine, ornée de sculptures délicates, laissant échapper un murmure doux et apaisant tandis que l'eau s'écoulait, créant des reflets chatoyants sous les rayons du soleil.

Entourée par quatre bancs en pierre finement sculptée, dont la disposition créer un certain équilibre harmonieux, la fontaine offrait à chacun un endroit confortable où s'asseoir, se détendre et savourer la tranquillité des lieux.

Des chemins pavés entouraient ce tableau, bordés de fleurs aux couleurs vives qui ajoutaient des touches éclatantes à l'environnement verdoyant. Un doux parfum envoûtant émanait de ces fleurs, invitant tous ceux qui s'y trouvaient à flâner et à contempler ce paisible paysage.

“Incroyable, un havre de paix au milieu de cet endroit… J’espère pouvoir en profiter pleinement un jour… Je me demande si mère-Ophélia a passé beaucoup de temps ici…“

Elwyn contempla alors le lieu dans son ensemble, en faisant le tour pour l'observer. Soudain, son regard fut attiré par un mouvement fugace sous l'un des bancs de pierre. Sans faire de geste brusque et feignant l'ignorance, le jeune garçon se dirigea calmement vers cet endroit précis.

Il se pencha sous le banc en question et finalement, il y trouva ce qu'il avait cherché depuis le début.

— Trouvé.

Le jeune garçon attrapa alors le bras de l'Entité et la tira hors de sa cachette, ce dernier tenait fermement son sac de toile. Le petit être s'agita pendant qu'Elwyn la soulevait pour l'examiner de plus près.

La créature, mesurant une soixantaine de centimètres, avait une apparence vaguement humaine. Son visage présentait des traits similaires à ceux d'un humain, mais sa peau avait une texture sombre et brumeuse, rappelant celle d'une Entité à sa forme primordiale. On aurait dit un nuage d'orage ayant pris une forme humanoïde. D’ailleurs, au niveau de la tête de la créature, il n'y avait pas de bonnet pointu, mais plutôt une sorte d'extension du crâne prenant cette forme.

Malgré les mouvements agités de l'Entité, Elwyn ne la lâcha pas, et la petite créature finit alors par lâcher son précieux sac qui s'écrasa au sol. Le jeune néphilim avait gagné, une fois saisie par quelqu'un, une Entité ne pouvait plus changer de Plan. Cela signifiait qu'Elwyn pouvait l'absorber pour renforcer sa propre réserve d'énergie. C'est ainsi que fonctionnait le monde, ainsi que fonctionnaient les Entités.

Sans plus de cérémonie, l'Entité fut aspirée à l’intérieur de la paume qui le tenait et disparut complétement après quelques secondes.

— Il m’aura bien fait courir celui-là…

Le jeune garçon, ayant fini avec l’Entité, s’empara de son sac de toile au sol et l’emmena avec lui sur un banc, histoire de faire une petite pause.

— Bon, qu’est-ce qu’il a bien pu voler au dortoir des filles ?

Il ouvrit alors le sac et vérifia son contenu.

— Euh… Il voulait faire quoi tout avec ça ?

Le jeune garçon fut stupéfait en ouvrant le sac récupéré auprès de l'Entité, découvrant qu'il était exclusivement rempli de sous-vêtements féminins.

Une multitude de tailles, de couleurs et de matériaux s'offrait à lui, chaque pièce ayant sa propre touche unique. Certains sous-vêtements étaient confectionnés dans un tissu simple, idéal pour un usage quotidien, tandis que d'autres étaient ornés de délicates dentelles, ajoutant une touche de féminité et de sophistication.

Parmi les articles qu'il découvrit, il y avait des soutien-gorge de différentes formes et styles, ainsi qu'une variété de culottes présentant diverses coupes et apparences. Des modèles simples et fonctionnels coexistaient avec des modèles audacieux et séduisants.

Le jeune garçon ne put s'empêcher d'admirer l'attention portée aux détails et à la finition de chaque pièce.

— Hé bé, ce n’est vraiment pas la joie là-dedans. Ce n’est pas avec ce genre de chose que l’on devient riche. Bon, au moins ce ne sont pas des objets précieux ou de valeurs, juste des vêtements… Pourquoi voler des vêtements ? C’est absurde…

Une fois l'intégralité du contenu vérifié, Elwyn referma le sac et s'assit tranquillement sur le banc pendant quelques minutes, afin de récupérer un peu après ces événements mouvementés.

"Une Entité ayant pris forme dans le Plan Matériel doit exister depuis un certain temps... Il y a donc des chances que ce ne soit pas son premier vol... Je me demande si cet endroit n'est pas une cachette pour lui..."

Après cette réflexion, le jeune garçon se leva du banc et examina attentivement sous chacun des trois autres bancs, au cas où il aurait manqué quelque chose.

— J'avais raison, se murmura-t-il.

Il découvrit alors deux autres sacs dissimulés sous deux autres bancs. Le premier, de taille plus réduite, contenait plusieurs craies blanches et des chiffons. Quant au second, il renfermait différentes armes et tenues d'entraînement.

— Ce n’est vraiment pas glorieux… J’espère que la Divinité Ogme pourra m’en dire plus sur cet Entité.

Elwyn prit alors la décision de prendre tous las sacs avec lui et de quitter le labyrinthe. Cependant, une chose des plus embêtantes traversa l’esprit du jeune garçon.

“Avec tout ça sur moi, je ne pourrais pas aller dans l’autre Plan… Je vais devoir faire la route normalement… C’était par où déjà l’entrée ? “

Pendant plus de vingt minutes, Elwyn erra dans ce parcours verdoyant et, grâce à sa bonne mémoire, il finit par retrouver des indices du bon chemin, même s'il dut néanmoins faire face à quelques impasses.

— La prochaine fois, je prendrais une bobine de laine ou des petites pierres avec moi.

Une fois libre, le jeune garçon fit le chemin jusqu’à la Grande Bibliothèque et s’arrêta devant la fenêtre grande ouverte du bureau de Nalinaya, faisant face au dortoir des filles. Cette dernière était d’ailleurs présente, assise sur sa chaise, la tête posée contre le bureau et l’index droit faisait des cercles au-dessus de la table, faisant tourner en continue une petite toupie en bois.

Elwyn s’approcha alors doucement du bord de la fenêtre et soudainement, la sylphide se redressa d’un coup, comme si elle venait de ressentir la présence de quelqu’un près d’elle et finit par se retourner en direction du jeune garçon.

S’attendant à une scène similaire à leur rencontre, Elwyn déposa simplement les trois sacs à l’intérieur du bureau.

— Ce sont des objets volés par une Entité. Il y a un sac contenant uniquement des sous-vêtements pour filles, un autre avec des craies et des chiffons, et le dernier contient des armes et des tenues d'entraînement, rapporta-il, avant de s’éloigner de la fenêtre.

Nalinaya fixa le jeune garçon, puis ses sacs, avant de se tourner une dernière fois vers lui.

— Je suis désolé pour vous, au sujet de mon père. J'espère que les choses s'amélioreront avec le temps et que ma simple présence ne vous attristera plus, ajouta-t-il avant de partir en direction de son dortoir.

À ces mots, Nalinaya aperçut son reflet à travers l'une des fenêtres ouvertes et remarqua son propre visage attristé, les yeux humides.

Pourtant, à la fin de sa petite escapade au sommet de l'arène, elle avait pris le temps de se calmer et de retrouver son apparence habituelle, avant de retourner dans son bureau. Elle avait même fait le trajet normalement, saluant les élèves au passage et écoutant le récent problème de vol, sans que son visage ne pose problème.

“Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je lui inflige ça ? Il n'y est pourtant pour rien... Je suis désolée... Elwyn… moi aussi, je suis désolée pour ce que je te fais subir...“

La sylphide se lamenta à nouveau, la tête posée sur son bureau, maudissant son comportement en silence, les yeux toujours humides.

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Confortablement installée devant son bureau, la Divinité Ogme lisait avec attention une note scientifique rédigée par un ornithologue renommé, basé sur une île située à l'ouest du continent central.

Cette note faisait référence à la découverte d'une nouvelle espèce d'oiseaux baptisée « Frapporage ». Ce volatil serait capable d'assommer de petites proies telles que des rats ou des souris grâce à son cri puissant. Il serait de petite taille et arborerait un plumage d'un noir intense, avec des reflets violets sur les ailes, ainsi qu'un bec court mais robuste. Cette espèce serait observée dans des zones fortement boisées et qu'elle serait très territoriale. L'oiseau attaquerait tout intrus sur son territoire en utilisant son cri strident, créant juste une légère désorientation auprès d’un individu en bonne condition physique, créant même des vomissements si l’attaque est répétée.

— En voilà une espèce que je ne veux pas voir par ici…, se murmura-t-il.

Soudainement, la porte du bureau s’ouvrit doucement et Nalinaya, le visage encore légèrement bouffi, entra et se dirigea vers la Divinité.

— Que puis-je faire pour toi ? Demanda simplement Ogme, tout en continuant de parcourir la note.

— Elwyn vient de passer et m’a donné des sacs contenant les objets volés par le Lutin.

— Je vois. Il ne perd pas de temps et ça nous évitera un sacré problème avec les filles.

— En effet…, répondit doucement la sylphide.

La Divinité leva son regard vers sa Gardienne, dont l’esprit semblait être égaré quelque part ailleurs.

— Il s’est excusé… auprès de moi… à cause de sa ressemblance avec Tristian…, ajouta-t-elle.

— Elwyn ne connaît pas la douleur sentimentale, c’est une Entité à ce niveau-là. Cependant, son Domaine le rend empathique à la douleur des êtres vivants, même si elle provient d’une source qu’il ne comprend pas et qu’il ne comprendra peut-être même jamais. S’excuser n’est pour lui qu’un remède à un problème qu’il ne peut régler avec son pouvoir. Il a aussi bien compris que la politesse et les excuses sont des moyens faciles et efficaces pour créer un début de lien avec les gens.

— Je le sais… C’est comme ça que vous fonctionnez aussi.

— Je me sens bien mieux derrière mon bureau, entouré de mes papiers et de mes livres, plutôt que dehors, avec toutes ces personnes aux multiples sensibilités et fragilités. Il me suffirait juste d’un seul mot malvenu pour tout détruire.

— C’est pour cela que je suis là, auprès de vous, répondit Nalinaya, dont l’humeur semblait un peu s’améliorer.

— En effet, toi et ton « Cœur » êtes là pour me représenter auprès des Ilnoliens. Toi qui comprends mieux que moi leurs sentiments, tu fais le lien entre nos deux espèces.

La Divinité prit soudainement une feuille vierge posée sur le coin de son bureau et commença à rédiger un message d’un geste vif de sa plume.

— Et maintenant, que comptes-tu faire avec lui ? Je me doute bien que cette histoire te perturbe fortement. Il est un clone presque parfait de l’homme que tu aimais, mais il reste quand même un enfant. Il ne faut donc pas que les choses dérapent entre vous à cause de tes sentiments, du moins tant qu'il n'est pas encore adulte. Après cela, ce sera uniquement votre problème, demanda simplement Ogme, tout en continuant d’écrire.

La sylphide prit alors quelques secondes de réflexion, avant de répondre le plus honnêtement possible.

— Je vais… faire mon devoir et… faire preuve de raison, même si… ça ne me sera pas facile. Je ne pourrais pas en permanence le fuir pendant quatre ans, répondit Nalinaya, avec une pointe d’appréhension.

— Très bien. J’espère que tu y arriveras. Je n’ai pas envie qu’il dépende trop de moi ici, ça serait trop suspect vis-à-vis des autres étudiants.

La Divinité finit par poser sa plume à côté de son encrier et figea l'encre encore humide sur le papier en usant de son pouvoir. Il plia ensuite le message en quatre et posa finalement un doigt dessus. Une brume pourpre commença à envelopper complètement le papier, avant de prendre la forme d’un petit oiseau, qui s'envola hors de la pièce après avoir changé de Plan.

— Au fait, comment se déroulent les préparatifs pour ce soir ? Je ne me suis pas renseigné après être revenu dans mon bureau.

— De ce que le vent m’a rapporté, tout est déjà prêt.

— Parfait. J’espère qu’il n’y aura pas d’incident comme à midi.

— Étant donné que vous serez là, ainsi qu’Ezekiel, il ne devrait rien se passer, répondit la sylphide avec confiance.

Le regard étoilé de la Divinité se perdit alors au loin en se fixant sur le plafond de la pièce.

— Espérons-le.