chapitre un

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Marinette était avachie sur le canapé. Suspendue à son téléphone, elle laissait la télévision diffuser un énième journal. Un nouveau qui, une fois encore, la montrait à côté de son alter égo héroïque et s’intitulait « La véritable identité de Ladybug : qui est Marinette Dupain-Cheng ? »

Elle se distrayait en jouant comme elle le pouvait sur son portable mais les informations ne lui laissaient aucune pause. Chaque élément trouvé à son sujet était mis en avant. Marinette aimait les macarons ? Alors il fallait que le monde sache. Marinette faisait des études de mode ? Etait-elle bonne élève ? On interrogeait ses parents, ses amis, ses camarades, ses professeurs. Luka.

Luka qui était par ailleurs sorti pour se rendre en classe, chose que la jeune femme ne faisait plus. Depuis deux semaines, elle se préservait de l’ambiance qui régnait à l’extérieur, pleine d’une curiosité déplacée à son sujet. Par chance, leur adresse n’avait pas encore été découverte. Ceux qui la connaissaient restaient muets sur le sujet et Marinette les en remerciait silencieusement.

Parce qu’elle ne parlait plus à personne. Elle n’appelait que rarement ses parents via le téléphone de Luka pour leur dire qu’elle allait bien et c’était tout. Dès qu’elle avait le malheur de retirer le mode avion de son portable, elle était assaillie de notifications et entre les demandes d’interviews, les messages de fans et ceux de ses professeurs lui rappelant ses absences, Marinette paniquait régulièrement.

Le plus douloureux dans tout cela, sans doute, était qu’elle ne recevait aucun message d’Alya, tout comme Rena Rouge et Carapace ne se joignait plus à eux pour combattre les vilains lâchés sur la ville. Marinette n’osait pas envoyer de message, par peur de la réaction de sa meilleure amie.

Elle passait ses journées allongée à attendre que le temps passe, à réfléchir à des solutions, à fuir le reste du monde confinée dans le cocon d’amour qu’avait tissé Luka pour elle.

Les seules moments où elle sortait, elle était couverte de sa tenue d’héroïne et se contentait du minimum en combats. Elle se battait, ne communiquait presque pas avec ses amis, évitait Chat Noir le plus possible, capturait et purifiait l’akuma puis fuyait avant de crouler sous les questions des journalistes.

Elle discutait beaucoup avec Tikki. Ensemble, elles avaient rayé de nombreuses alternatives : pas de nouvelle Ladybug, ça ne réglerai rien. Sass, qui restait beaucoup avec elles, avait proposé que Marinette dénie et prétende qu’il s’agissait d’un faux comme Alya avait essayé de le dire, mais il était bien trop tard. Il aurait fallu réagir dans l’instant suivant la vidéo, et plus le temps passait, moins cela marchait. Le plan n’était plus bon. Ils imaginèrent ensemble des centaines et des centaines de schémas qui ne fonctionnaient jamais.

Et dans la tête de Marinette, le même mot tournait en boucle : « un souhait ». Elle ne le soumettait jamais car elle savait que l’embryon d’idée qui naissait dans son cerveau serait avorté par les arguments de Tikki. Elle voulait être sûre d’elle.

« Ce qui m’inquiète, c’est de voir que le Papillon ne s’en prend pas à nous, avoua-t-elle un soir à Luka alors qu’ils mangeaient.

– Il n’est peut-être pas au courant ? » soumit-il avec espoir, ce qui fit sourire Marinette.

C’était impossible, et ils en étaient tous les deux conscients.

Tout était trop calme. Les attaques restaient loin d’elle alors qu’elle était la cible parfaite : dans son état de malheur, elle était une proie facile pour les akumas du Papillon. Ne pas avoir été visée était en soit louche.

Tout comme ce grenier qu’elle était retournée observer en douce plusieurs nuits durant, sans rien dire à personne. Elle avait trouvé dans cette corniche coupée à la vue du monde un lieu apaisant, étrangement. Elle était pourtant peut-être à quelques pas de son ennemi juré et l’ironie de cette possibilité l’amusait.

Elle avait remarqué à quelques reprises des mouvements derrière l’immense vitre teintée ou entendu des voix. Mais elle n’était toujours pas convaincue de ce qu’il se tramait de l’autre côté de la fenêtre. De ce fait, elle préférait ne rien avancer. Peut-être que le propriétaire des lieux aimait juste les lucioles.

Le calme avant la tempête, voilà à quoi songeait Marinette. Et cela l’angoissait terriblement.

« Bon, il est au courant, c’est sûr. Mais il a sans doute beaucoup de choses à faire et s’en prendre directement à toi n’est pas sa priorité.

– Ou il prépare quelque chose d’énorme et détourne mon attention.

– Tu es pessimiste, nota Luka en appuyant du bout du doigt sur son nez. Ça suffit les mauvaises ondes.

– Réaliste, » corrigea-t-elle.

Luka soupira et allait répondre quand on frappa à la porte. Ils se raidirent immédiatement. Ils n’attendaient personne et aucun des deux n’appréciait les visites imprévues, encore moins avec ce qu’il se tramait au sujet de Marinette. D’un geste de la tête, le musicien conseilla à la jeune femme d’aller s’installer dans leur chambre le temps qu’il s’assure de l’identité de l’invité surprise.

Elle s’exécuta sous les encouragements discrets de Tikki. Tout son corps était tendu, prêt à prendre la fuite ou à se battre si le besoin se faisait sentir.

Nichée dans un coin de leur placard, Marinette entendit Luka ouvrir la porte et discuter un moment avec l’interlocuteur. Elle était complètement terrorisée, incapable de bouger malgré la curiosité qui la rongeait. Il lui semblait que les voisins du dessous pouvaient entendre les battements de son cœur tant il était bruyant.

Puis la porte se referma et Marinette vit les pieds de Luka s’approcher de sa cachette. Avec un sourire, il se pencha à son niveau et complimenta ses talents au cache-cache, ajoutant qu’il aurait presque pu ne pas la trouver si ses chaussettes ne dépassaient pas. Elle sourit.

Il lui expliqua en deux mots que leur visiteur était une vendeuse de porte à porte et qu’il l’avait congédiée immédiatement, préférant ne pas laisser entrer d’inconnus dans l’état des choses.

Puis il l’aida à s’extirper du petit coin qui lui avait servi d’abri. Marinette l’en remercia d’un doux baiser qu’il lui rendit en entourant le bas de son dos de ses bras. Ils profitèrent de cet instant de tendresse à se balancer délicatement l’un contre l’autre comme d’un rayon de soleil au cœur d’un ouragan.

Leur existence commune constituait une bulle d’oxygène fine mais ferme. Ils savaient que l’un sans l’autre, ils ne pourraient plus respirer.

Marinette sentait qu’elle commençait à reprendre pied. Elle revoyait peu à peu de rares amis et des membres de sa famille.

Le plus difficile avait été ce matin où, au réveil, elle avait trouvé ses parents assis au salon avec Luka. Elle avait dans un premier temps fondu en larmes, terrifiée de leur réaction. Puis dans un second, pleuré encore devant leur bonté et l’amour qu’ils lui portaient malgré ses mensonges. A leurs regards, elle savait qu’ils étaient moins compréhensifs que Luka et qu’ils lui en voulaient tout de même. Elle ne pouvait pas les blâmer pour cela, leur comportement était normal.

Cependant, au lieu de lui tourner le dos, ils voulurent tout savoir, tout comprendre, tout connaître. Ils voulaient pouvoir faire les liens. Marinette leur demanda du temps. A chacun de leurs brefs passages à l’appartement, ils apprenaient de nouvelles choses et elle réussissait de mieux en mieux à leur faire face. Elle n’était plus l’adolescente de ses débuts après tout.

La jeune fille qu’elle était alors lui semblait plus loin que jamais.

Elle sortait faire des courses ou se promener, le visage le plus souvent couvert pour éviter d’attirer l’attention.

Du coté de ses amis, elle était toujours aussi surprise de constater qu’Alya et Nino l’évitaient clairement. Elle faisait des efforts inimaginables pour reprendre contact mais aucun des deux ne répondaient à ses appels et Nino s’excusait par message, prétextant être très occupé. Elle retrouvait ce phénomène chez Chloé, ce qui ne la surprenait pas en raison de leur passé de héros mouvementé, ainsi que chez Adrien, chose déjà plus étrange. Cependant, elle s’y accommodait. La révélation de son identité secrète était une tornade qui avait mis la vie de Marinette sens dessus-dessous. Elle se demandait quand viendrait le jour où elle trouverait ses repères.

De l’autre, elle savait pouvoir compter sur Juleka et Rose qui étaient déjà passées quelques heures par-ci par-là à la recherche de la présence du frère de la première et de sa petite amie. Car Juleka et Luka restaient proches malgré tous les ennuis qu’ils traversaient et ils manquaient rapidement l’un à l’autre. Ces entrevues avaient été l’occasion pour Marinette d’en savoir plus sur ce qu’il se passait en ville, dans son école où travaillait également une amie de Juleka, ou encore dans leur café favori. Ces moments pleins de légèreté aidaient grandement Marinette car ils lui prouvaient que malgré tous les changements autour d’elle, certaines choses restaient. Elle avait besoin de le voir.

Une nouvelle semaine s’était écoulée, où se glissait l’espoir de reprendre une vie à peu près habituelle.

En tant que Ladybug, elle s’appliquait et réduisait les erreurs liées au départ à sa précipitation. Elle ne parlait toujours à Chat Noir, Rena Rouge et Carapace que pour le nécessaire, n’étant toujours pas à l’aise avec ceux qui étaient auparavant ses amis les plus proches. Cependant, elle communiquait plus avec Ryuko pour qui la révélation sur son identité n’avait rien changé, et cela approfondissait leur relation.

Non, Marinette savait que désormais, cela irait mieux. Elle l’espérait. Elle s’accrochait à l’espoir que la télévision finisse par se lasser de parler d’elle à chaque journal. Elle se doutait que le temps ferait son effet.

Mais une petite voix au fond d’elle, qu’elle refusait d’écouter, qu’elle mettait de côté, n’avait de cesse de lui répéter que cette paix n’allait pas durer.

La sonnette retentit. Tout sourire, Marinette se leva du canapé où elle finissait une peluche pour Rose, afin d’ouvrir à Luka qui devait rentrer plus tôt de ses cours. Ils avaient prévus un rendez-vous romantique et elle avait passé la journée à remuer l’appartement de fond en comble pour sortir des placards des bougies et de fins ornements. Puis elle avait pris du temps pour elle, s’apprêtant du mieux possible pour celui qu’elle aimait.

Elle avait confectionné sa tenue toute la semaine en secret, masquant à la vue de son compagnon les moindres détails du final. Elle se demandait s’il supposait qu’elle préparait ceci. Elle en doutait et cela la ravissait comme l’effrayait.

Marinette avait toujours été quelque peu anxieuse quand on abordait ses relations amoureuses et même si Luka faisait son possible pour que ce ne soit pas le cas avec lui, elle ne parvenait pas toujours à chasser les bégaiements qui s’échappaient de sa bouche au cours d’évènements importants ou émouvants qu’ils partageaient.

Elle se souvenait parfaitement du moment où il lui avait proposé d’aménager ensemble. Elle était encore au lycée, en terminale. Il faisait chaud, l’été et par conséquent le bac, approchaient. Marinette révisait sur le pont du bateau. Luka était assis par terre face à elle et, accoudé aux rambardes, il fredonnait doucement la musique que sa petite amie laissait en fond. D’un coup, l’air de rien, il avait annoncé « J’ai trouvé un appartement sympa, ça te dirait de venir y vivre avec moi à la rentrée ? ». La jeune femme se rappelait de l’été qui avait suivi où elle avait lutté sans cesse pour convaincre ses parents.

Ils avaient accepté à l’unique condition qu’elle les tienne au courant concernant ses études et qu’elle passe les voir régulièrement. Ils s’étaient assurés de la bienveillance de Luka qu’ils connaissaient pourtant depuis des années. Il avait fallu à Tom Dupain six mois pour prendre sa décision, Sabine faisant entièrement confiance au copain de sa fille. Marinette avait emménagé pour Noël. Cette attente nécessaire à son père lui avait été très bénéfique ; grâce à lui, elle avait pu prendre ses marques dans l’école et tous les changements de sa vie d’adolescente à celle de jeune adulte s’étaient faits progressivement. Avec du recul, elle lui en était reconnaissante.

Marinette épousseta sa robe et inspira amplement. Un immense sourire vint se plaquer sur son visage à l’idée de son petit ami de l’autre côté du panneau de bois. Elle espérait l’impressionner. Elle tourna la clé dans la porte, tira le battant vers elle et lança un « Bonsoir mon cœur ! »

Le sourire que lui rendit Luka était plus brillant que le soleil qui, à cet instant, terminait de se coucher. Il laissa tomber son sac de cours pour l’enlacer et la prit dans ses bras pour la faire virevolter sur leur petite terrasse. La cour intérieure de leur immeuble était remplie des éclats de rire de Marinette, prouvant à leur petit monde qu’elle allait un peu mieux chaque jour. Et cela les comblait de joie.

Elle toucha le sol avec légèreté et, les bras autour de la nuque de son petit ami, Marinette s’approcha avec douceur de ses lèvres, où elle déposa un fin baiser.

Puis ils se quittèrent, le temps pour Luka de rentrer déposer ses affaires dans leur lieu de vie. Marinette le regarda faire, les mains derrière le dos, se balançant sur ses pieds dans l’attente d’un commentaire sur la tenue qu’elle s’était confectionnée. Elle savait qu’il viendrait, elle l’avait vu dans le regard de Luka.

Elle avait choisi un style assez simple, gardant son énergie pour les robes que Rose et Juleka lui avaient commandées en vue d’une soirée dansante où elles se rendaient toutes les deux au cours du mois suivant. Il lui restait du tissu pourpre et noir. Elle les avait assemblés dans une coupe basique qui la mettait en valeur. Elle avait relevé ses cheveux en chignon, détail qu’elle appréciait mais qu’elle avait cessé de faire lorsque son moral avait chuté. Il était, en plus du soin qu’elle avait pris à se vêtir joliment, un témoin flagrant de son amélioration psychologique.

Luka s’éclipsa après lui avoir lancé un baiser dans les airs, prétextant devoir se changer suite à sa lourde journée de travail. Marinette sourit et expliqua que, de toute manière, elle devait aller chercher les biscuits qu’elle avait commandés à son père dans l’après-midi. A l’entente de cette annonce, Luka fit demi-tour rapidement et vint poser ses lèvres sur le nez de sa petite amie.

« Fais attention sur le trajet, chuchota-il de sa voix réconfortante en posant son front contre celui de la jeune femme. Tu es si belle que quelqu’un pourrait bien vouloir t’inviter. »

Marinette sentit ses joues prendre une teinte plus soutenue et bafouilla en détournant les yeux des remerciements flous. Puis elle ajouta en lui faisant face :

« De toute façon, il n’y a personne d’autre que toi avec qui je veuille passer cette soirée. »

Une petite lumière s’alluma dans les yeux de Luka. Marinette sourit, l’embrassa chastement et enfila son blouson, le chassant presque du salon afin de pouvoir partir sans culpabiliser de le laisser.

Elle sortit dans la nuit. Tikki confortablement installée sur son épaule, Marinette se fit le plus discrète possible en traversant les rues qui la menaient jusque chez ses parents. Il n’était pas très tard, elle espérait ne croiser personne sur le chemin. Quand elles savaient être seules, Marinette discutait un peu avec son kwami, échangeant des commentaires sur leur journée, Tikki conseillant quelques idées d’accessoires à ajouter à la robe de Juleka, Marinette approuvant ou réfutant ses idées.

Et puis, quand elle marchait en silence, Marinette était perdue dans ses pensées. Si elle était en apparence plus confiante ou apaisée, la tempête faisait rage en réalité. Le « problème Ladybug », comme elle le nommait, était bien loin d’être réglé. Il ne le serait qu’à la condition qu’elle mette tout à plat et arrête le Papillon avant qu’il ne les blesse. Mais bien qu’elle supposait être proche de sa cible, il lui faudrait des mois pour s’en assurer et composer un plan en conséquence. Elle n’avait plus ce temps.

Marinette soupira lourdement avant de pousser la porte de l’arrière-boutique de ses parents. Puis elle sourit à Tikki, qui la scrutait d’un air interrogateur. Dans le couloir, il faisait bien plus chaud que par les nuits rafraîchies d’un automne tirant lentement mais sûrement vers l’hiver.

Il n’y avait personne chez elle, Sabine et Tom étaient sortis. Marinette se glissa donc dans la boutique où trônait un petit panier rempli de bien plus de sucreries qu’ils avaient convenus au téléphone. La jeune femme étouffa un soupir de faux désespoir et lu la petite note laissée à son égard.

« Nous sommes au cinéma, désolés de ne pas être là pour te recevoir. Profite bien de ta soirée ! Nous t’aimons. »

Marinette sourit et glissa le mot dans une poche de son long blouson. Puis elle fit demi-tour et sorti par là où elle était entrée. Elle prit soin de refermer à clé derrière elle.

C’était un soulagement pour elle de voir que ses parents continuaient leurs vies sans crainte. Ils avaient confiance en Ladybug pour les sauver. Marinette n’était pas convaincue de la mériter.

Sans qu’elle ne s’en rende compte, son regard s’était perdu sur le balcon de sa chambre, où elle avait vécu tant de bons moments. La nostalgie la tentait et elle hésitait à monter admirer un temps la vue de son enfance, puis de son adolescence. Cependant, on l’attendait et elle aurait d’autres occasions qui lui permettraient même de profiter de ses parents !

En secouant vaguement la tête, elle fit demi-tour.

« Marinette ! » s’exclama une voix venue d’un bout de la rue. La jeune femme se raidit, ne reconnaissant pas le ton de la personne. Elle ne bougea pas en premier lieu, trop surprise d’être si vite reconnue, puis commença doucement à s’éloigner dans la direction opposée à son appartement au cas où elle serait suivie.

A peine eu-t-elle fait deux pas qu’un bruit de course retentit derrière elle. Elle accéléra, tirant comme elle le pouvait son col afin de masquer son visage.

« Marinette, il faut que je te parle ! C’est important, s’il te plaît ! »

Agacée et surtout paniquée, Marinette se résigna à se tourner vers la voix. La femme qui lui faisait face était plus petite qu’elle mais devait avoir son âge. Sa peau était mate et ses cheveux noués en deux très longues tresses. Elle avait de grands yeux noisette et surtout, un sweat à son effigie.

La super-héroïne hésita à partir très vite et très loin de cette inconnue. Sur son épaule, Tikki sembla attirée par elle. Cet instant de doute permit à la jeune femme d’approcher. Ses yeux brillaient. Une fan, sans doute.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Marinette sobrement.

Autant en finir au plus vite, Luka l’attendait.

« Est-ce que tout va bien ? »

La brune haussa un sourcil. Etait-elle vraiment venue juste pour cela ?

« Oui. Tout va bien. Maintenant, si tu veux bien m’excuser, j’aimerai rentrer chez moi.

– Est-ce que tu sais qui est le Papillon ? »

Elle se raidit instantanément. Son cœur battait d’un coup bien plus vite dans sa poitrine. Marinette passa en mode défensif. Ses yeux observaient le moindre détail visible. Des caméras étaient-elles cachées quelque part ? Le Papillon l’observait-elle en ce moment même ? Elle choisit de nier.

« Non. Pourquoi le saurais-je ?

– Est-ce que tu veux le savoir ?

– Qui es-tu ? » s’enquit Marinette en réalisant que tout cela était très étrange.

Cette inconnue, elle le voyait dans son comportement, avait l’air de savoir bien plus de chose que Marinette l’imaginait. La curiosité se battait avec la raison dans son esprit. Elle devait partir. Elle voulait savoir. De toute façon, elle avait laissé tomber l’idée de cacher qu’elle était Ladybug.

« Peu importe mon identité, réfuta l’inconnue, tu veux savoir ?

– Non merci.

– Je peux t’aider !

– Écoute, je ne sais pas qui tu es, d’où tu viens ni ce que tu veux me dire, mais je n’écoute pas les informations d’une personne au hasard dans la rue ! Qui me dit que tu n’es pas une alliée du Papillon, hein ? »

Marinette recula de quelques pas. Elle avait vu un éclat passer dans les yeux de la femme. Ne la connaissant pas, elle ne pouvait pas y trouver de signification. La colère et la peur prenaient le pas sur la raison. Elle voulait rentrer au plus vite. L’inconnue soupira et, inquiète, demanda de nouveau :

« Tu es sûre que tout va bien ? Avec ta famille, tes amis, les autres héros ? Est-ce que tu vas bien, toi, seulement ?

– Tout va bien. Merci de t’en inquiéter. »

C’est alors qu’elle l’aperçut. L’écouteur qui dépassait de sous la masse de cheveux de la jeune femme, relié sans doute à un téléphone. Et posé sur son épaule, le micro dudit outil. Avant de savoir quoi que ce soit de plus, Marinette s’exclama :

« Et je n’ai rien à dire aux journaux et aux informations. Je vais bien. Je fais ma vie. Maintenant, laissez-moi !

– Quoi ? Non, Marinette attends ! Ce n’est pas… »

Mais elle était déjà partie, traversant rue sur rue d’un pas vif en jetant sans cesse des regards en arrière. Elle était vaguement attentive aux avertissements de Tikki qui la prévenait des obstacles. Quand enfin elle arriva devant l’un des deux portails menant à la cour intérieure de son appartement, elle décida de faire le tour et passer par l’entrée la plus discrète.

Silencieusement, elle se glissa dans le couloir, ouvrit le portillon et entra dans la cour. Elle se nicha dans un coin qu’elle savait invisible de l’extérieur et prit un temps pour souffler et reprendre contenance. Elle voulait chasser toutes les mauvaises énergies avant de rentrer profiter de la soirée.

Se faire avoir par les journalistes était l’une de ses craintes. Elle venait de se réaliser. Même après trois semaines, personne ne se lassait. C’était sans espoir, elle ne s’en sortirait jamais…

« Marinette, ça va aller… murmura Tikki près d’elle. Tu ne peux pas tout régler maintenant, une chose à la fois. Les médias seront sur ton dos quoiqu’il arrive, tu ne peux pas t’effondrer pour ça. Tu as Luka, tu as ta famille et bientôt tu retrouveras tes amis. Prends le temps de bien faire les choses, ne te précipite pas. »

Marinette ne répondit pas. Elle n’était pas de l’avis de son amie, mais l’écouta sagement en attendant de retrouver son calme. L’idée qui lui trottait dans la tête devenait de plus en plus précise, mais il lui restait à en trouver la formulation exacte. Tout était encore un peu flou.

Ce fut quand elle esquissa enfin un sourire aux blagues de Tikki que la brune décida de rentrer. Elle attrapa son panier et monta les escaliers qui menaient à leur étage. Puis elle frappa à la porte et attendit qu’on vienne lui ouvrir.

Luka ne tarda pas. Un instant plus tard, il était face à elle et la serrait fort contre son cœur.

« Est-ce que tout va bien ? Tu as mis du temps à rentrer !

– Je sais, j’ai eu un léger contretemps, rit-elle doucement dans son cou. Je te raconterai demain, on a une belle soirée à passer ! »

Luka l’écarta de lui et scruta son visage un long moment avant de soupirer devant le sourire rayonnant de sa compagne. L’angoisse de Marinette s’était évaporée dans ses bras, il ne restait de celle-ci que la part de peur qui l’accompagnait depuis la révélation de l’identité de Ladybug. Elle savait que son petit ami avait compris qu’elle ne voulait pas parler de sa mésaventure pour le moment, et bien qu’un poil embêté, il lui laisserait le temps de venir à lui.

Elle monta le panier plein de sucreries au niveau de son visage et tira la langue d’un air malicieux. Luka pouffa et, attrapant sa main libre, l’attira à l’intérieur.

Il saisit le panier et le porta sur la table où les bougies flambaient, nimbant l’appartement d’une lumière chaleureuse. Marinette ferma la porte à clé et retira son blouson, qu’elle accrocha au porte-manteau. D’un geste précis, elle remit en place les mèches brunes qui tombaient sur ses épaules, et lissa sa robe.

Puis, inspirant grandement, elle approcha de Luka qui s’affairait pour servir leur repas. Elle ne l’avait pas remarqué, mais maintenant qu’elle faisait plus attention à lui, elle nota qu’il avait sorti du placard un ensemble qui lui tenait à cœur. Luka avait craqué dessus quelques mois plus tôt et affirmait, quand elle lui demandait, qu’il le porterait pour une grande occasion. De plus, il avait noué ses mèches trop longues à l’aide d’un ruban dans sa nuque.

Soudainement, Marinette se sentit minuscule. Son cœur battait à toute allure dans sa poitrine et elle se demanda pour quel genre d’occasion il s’était apprêté. Elle s’approcha de lui à petits pas et s’appuya contre rebord du lavabo pour le regarder préparer les assiettes. Elle lui adressa un sourire timide qu’il lui rendit en chantonnant sa dernière composition en date. Le bleu nuit de sa plus récent coloration ressortait presque noir. Elle chassa une mèche de cheveux du front de Luka doucement. Il en profita pour embrasser sa main.

Puis, pendant qu’il déposait les couverts sur la table, Marinette prit possession des enceintes et lança des musiques de fond qu’ils appréciaient tous les deux.

La jeune femme ne pouvait pas espérer soirée plus romantique. Elle s’était laissé aller loin des tracas de sa vie extérieure, profitant sans arrière-pensées de son petit ami en face d’elle et de leur complicité. Ils avaient pu discuter des études de Luka, des occupations de Marinette, du prochain concert où elle viendrait le voir sur scène, de projets communs, de la décoration de leur appartement, de sorties et de films à voir. Ils avaient parlé d’eux, et uniquement eux.

Pour une fois, Marinette avait l’impression d’être simplement une femme menant sa vie on ne peut plus normale. Et ça lui faisait du bien.

Ils avaient finis par se poser sur le canapé et discuter dans le calme, sous la douce lumière des bougies. Marinette sentait que le sommeil l’emportait doucement alors que Luka chantait. La tête sur ses cuisses, elle regardait le visage détendu de son amant qui jouait avec ses cheveux.

Elle réalisait une fois nouvelle l’importance que Luka avait pour elle et l’impact fantastique qu’il avait sur son moral. Elle lui sourit tendrement quand il baissa les yeux vers elle et se perdit un moment dans ses yeux bleus. Ses yeux lagons, dans lequel elle pourrait passer des heures à nager. Ses yeux qui lui transmettaient toute l’affection dont elle avait besoin, et bien plus qu’elle ne lui en demandait.

Elle aimait Luka d’un amour inconditionnel.

Elle se redressa pour se mettre au niveau du visage du jeune homme et, passant les mains derrière son cou, déposa un baiser sur ses lèvres. Il glissa les bras dans son dos pour qu’elle se sente en sécurité. Front contre front, les yeux dans les yeux avec cette lumière tremblante, Marinette avait l’impression de vivre une romance irréelle, magique, miraculeuse.

Après l’avoir embrassée une énième fois, Luka se leva sans dire un mot. Il monta les trois petits marches menant à leur chambre et disparu dans la pièce en silence. De son coté, Marinette profita de son absence pour se recoiffer légèrement et essayer de calmer ses mains tremblantes. Elle se doutait qu’il préparait quelque chose, elle le connaissait assez pour cela. Et ce quelque chose serait grandiose.

Le petit pli entre ses sourcils, la manière qu’il avait de se mordiller les lèvres et ses doigts qui bougeaient seuls dans la répétition d’un morceau imaginaire. Tous les signaux de nervosités discrets mais qu’elle avait appris à reconnaître étaient réunis. Et ils avaient eu le don de lui transmettre son stress.

Constatant qu’il mettait un peu de temps, Marinette en profita pour rallumer certaines bougies qui s’étaient éteintes.

Elle était dos à l’escalier quand les premières notes lui parvinrent. Elle se figea, le cœur battant à tout rompre et pivota très lentement sur ses pieds.

Luka se tenait en haut des marches, plus beau que jamais. Si sublime que Marinette sentit son souffle se couper et que son visage se fendit d’un sourire lumineux.

Il ne la regardait pas, les yeux rivés sur ses doigts qui glissaient et pinçaient les cordes au rythme d’une mélodie qui transmettaient des émotions puissantes. Si puissantes qu’il n’y avait pas de mots. Si puissantes qu’avant même qu’il ne dise quoi que ce soit, Marinette connaissait sa réponse.

Lentement, il descendit les marches sans cesser de jouer. Pas à pas, il s’approchait d’elle et, progressivement, les quatre yeux bleus se croisèrent pour ne plus jamais se quitter.

Cette mélodie était une promesse.

« Marinette, veux-tu m’épouser ? »

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