chapitre zéro

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Marinette se glissa discrètement hors des bras de son petit ami. Luka avait fini par trouver le sommeil avant elle.

Tout aussi doucement, elle tira un plaid sur ses épaules et éteignit la télévision. Elle prit le temps de ranger dans les placards les bocaux de friandises qu’ils avaient grignotées et de lui écrire une petite note au cas où il se réveillait en son absence. Elle déposa un doux baiser sur son front.

Puis elle s’esquiva silencieusement jusqu’à leur chambre où un velux donnait vue sur le ciel nocturne de Paris.

D’un regard elle s’assura de la compagnie de Tikki, présente avec elle pour la longue nuit qui les attendait. Son amie magique sourit vaillamment pour l’encourager à rester éveillée. L’instant suivant, Marinette murmura la formule magique et devint Ladybug.

Elle ouvrit la fenêtre et se faufila sur le toit, prête à poursuivre l’enquête entamée plusieurs mois plus tôt : trouver l’identité du Papillon pour faire cesser ses ravages.

« Bonsoir, ma Lady ! Rena Rouge, Carapace, c’est un plaisir de vous retrouver ce soir encore. »

Ladybug sourit en voyant Chat Noir, adossé nonchalamment à la cheminée qu’ils avaient établie comme point de rendez-vous. Le jeune homme s’avança de quelque part et s’inclina poliment devant ses camarades.

Rena Rouge déroula le bras dont elle avait entouré Carapace. Les pouvoirs de ce dernier ne lui permettant pas de se mouvoir aisément comme pour ses amis, alors la renarde le prenait en charge. Il fallait dire que leur proximité en tant que civils les aidait au quotidien. Il planta un baiser sur la joue de sa petite amie – connue comme étant la célèbre créatrice du Ladyblog – pour la remercier, puis ils saluèrent Chat Noir.

Ladybug, de son coté, s’approcha de son pas léger et ébouriffa tendrement les cheveux du blond. Il sourit à son contact et tendit sa main pour qu’elle la frappe de sa paume. Elle claqua donc sa main contre celle de son partenaire de toujours, et croisa les bras sur sa poitrine. Ils n’avaient pas le temps pour des salutations plus chaleureuses. Cette nuit devait absolument leur permettre d’avancer dans leurs recherches.

« Bonsoir Chaton, du nouveau ? » s’enquit-elle alors qu’il se recoiffait.

Il haussa les épaules, l’air de dire que ça n’avançait pas de son côté. Sur le trajet, Ladybug avait eu le temps de discuter avec Rena Rouge pour qui les recherches ne s’avéraient pas plus fructueuses. Par contre, une petite idée lui trottait dans la tête depuis un moment. Elle voulait enquêter de son côté avant de se prononcer car si elle tapait mal, ils risquaient gros. Quoique si elle avait trouvé le Papillon, les conséquences pourraient être bien plus dramatiques. Elle préférait chercher seule un temps et ne pas mettre ses camarades en danger.

« Vipérion ne vient pas ce soir ? demanda Carapace.

– Il dormait quand je suis passé chez lui. Je n’ai pas eu le cœur de le réveiller, répondit évasivement Ladybug. Ryuko voulait se reposer cette nuit, elle me l’avait demandé.

– On commence par quoi ce soir ? questionna Rena Rouge.

– Il reste des zones où l’on n’a pas cherché. Je suggère qu’on finisse le tour de la ville avant de se pencher sur des lieux particuliers, » proposa Chat Noir en dépliant la carte qu’ils utilisaient pour leur enquête.

La carte en question était recouverte d’annotations et de gribouillages sur les bords, résultats de très longues heures d’attente entre les mains des héros. Tout en établissant les patrouilles de la nuit, Ladybug nota que de nouveaux croquis avaient fait leurs apparitions autour de l’endroit précis où elle pensait trouver le malfaiteur. Elle allait demander qui les avait dessinés quand Carapace posa sa question rituelle :

« Vous êtes sûrs que le Papillon ne se doute de rien ?

– Certains, le rassura Chat Noir

– Et non, il n’y a pas moins d’akumatisés en ce moment parce qu’il se méfie. Il y en a comme il y en a toujours eu, ne t’en fais pas, » devança Rena Rouge en passant une main sur le bras de son camarade.

Le brun leur adressa un sourire reconnaissant auquel Chat Noir répondit par un clin d’œil. Ladybug se racla la gorge et résuma avec leur carte codée sous la main :

« Rena Rouge et Carapace, vous vous occupez des zones neuf et dix, Chat Noir de la septième et moi de la sixième, ça vous va ?

– Tu as remarqué quelque chose de particulier pour vouloir y retourner ? nota Chat Noir en remarquant qu’ils s’étaient déjà rendus dans cette partie de la capitale.

– Pas forcément, j’étais fatiguée la dernière fois et je préfère être sûre de ne rien manquer. »

Il acquiesça. C’était prendre moins de risques que de repasser le lieu au peigne fin une seconde fois. Et il avait confiance en Ladybug bien qu’il doutait qu’elle lui dise l’entière vérité. Elle lui partagerait ses idées le moment venu, il le savait.

Ils se promirent de se tenir au courant en cas de découverte ou d’ennui, et s’il ne se passait rien, ils se retrouveraient le lendemain.

Ladybug filait dans l’air. Aussi légère qu’une plume, elle se laissait presque porter par la brise de ce début d’automne. Cependant, elle se sentait étonnamment lourde. Suivre cette piste sans tenir au courant ses équipiers était d’une certaine manière comme se jeter dans la gueule du loup. Elle s’en voulait de leur cacher des éléments importants sur les recherches.

L’enquête autour de l’identité du Papillon avait débuté des mois plus tôt. Ils venaient à peine de vaincre un énième akumatisé particulièrement coriace qu’un nouveau avait surgi de nulle part. Cette semaine-là, tous avaient peu dormi. Les deux vilains avaient frappé à moins d’un jour d’écart, laissant les combattants sur les rotules. Leur principale crainte après avoir vaincu les deux était de voir venir une troisième victime du Papillon.

C’est là que Ladybug avait jugé urgent de prendre les devants et de trouver le Papillon avant que lui ne mette la main sur la Miracle Box et les Miraculous des porteurs actifs. Elle combattait les pantins de leur ennemi depuis le collège et elle entrait en seconde année dans ses études de mode. Elle devait à tout prix chasser ce monstre pour avoir l’esprit en paix et profiter de sa vie de citoyenne. Elle le voulait, comme les autres. Il était temps de mettre fin au règne tyrannique qu’exerçait le Papillon sur Paris.

Elle avait réunis des proches de confiance. Rena Rouge, sa meilleure amie, ainsi que Carapace, le petit ami de celle-ci. Leur couple avait traversé les années mais se fissurait peu à peu malgré leurs tentatives de le faire tenir debout. Vipérion, son petit ami. Ryuko, l’une de ses amies les plus proches. Et évidemment, Chat Noir. Elle avait préféré un cercle réduit pour cette mission, c’était pour cela qu’elle n’avait pas convié Pégase, Roi Singe et Queen Bee. Il valait mieux minimiser les risques que l’un d’entre eux laisse échapper une information sur l’enquête.

Parfois, Marinette avait peur, sous le masque. Peur de ne jamais réussir à vaincre son ennemi juré, peur de blesser ses amis et d’en perdre dans cette périlleuse aventure, peur d’être trahie, peur de perdre la tranquillité de ce quotidien si chère à son cœur, peur de rater ses études, peur pour ses proches, peur pour Luka et par-dessus tout, peur que son identité finisse par être révélée.

Car au cours des dernières années, les occasions n’avaient pas manqué pour la faire parler. La moindre phrase était analysée, découpée, décortiquée pour en tirer une once d’information. Chaque vidéo était repassée, arrêtée, tournée dans tous les sens dans l’espoir d’obtenir quelque chose d’elle. Il n’était pas rare que les soupçons tournent tout près et chaque soupçon lui enserrait le cœur. Elle voulait faire cesser ces peurs chaque fois plus vives que les précédentes.

C’est très motivée que Ladybug atterrit sur le toit d’une maison proche de sa cible. En se posant, elle sourit naturellement. Les tuiles lui étaient familières, par ici, pour la simple raison qu’encore lycéenne, elle s’y posait parfois. Elle avait cessé rapidement de venir en réalisant que son comportement était assez gênant, mais elle y avait passé de longues heures à observer et attendre. Certaines briques étaient encore marquées par ces moments joyeux et dont elle était aujourd’hui nostalgique. Il restait une forme d’innocence dans son passé qui avait été chassée par le temps courant.

Elle n’aurait jamais pensé y revenir pour les mêmes raisons, mais une toute autre personne à espionner. C’était maintenant que tout se compliquait. Elle devait se faire plus discrète que la plus minuscule des petites coccinelles. Espionne silencieuse et gracieuse de la nuit.

Elle inspira, puis souffla. Et répéta plusieurs fois le mouvement. Elle s’ancrait dans une concentration poussée, dans un état où elle ne serait plus distraite par autre chose que son but : être convaincue de l’identité du Papillon.

Ne pas le voir cette nuit ne l’essuierait pas de tous soupçons, au contraire. Ce qu’elle avait remarqué au cours de la dernière patrouille avait attiré son attention. Un grenier vide très bien entretenu aux louches reflets blancs n’avait rien de commun.

Ladybug lista intérieurement tous ses arguments, inspira, souffla, puis ouvrit les yeux et s’attira sur le toit de son suspect grâce à son yo-yo magique.

La plus grande difficulté, maintenant qu’elle y était, allait être de s’installer de sorte à ce que personne, de l’intérieur de la maison avec ses habitants ou de l’extérieur avec de possibles passants noctambules, ne la voit. Elle n’avait pas la chance de porter un costume entièrement noir à l’image de son meilleur partenaire et cela la handicapait un peu dans sa situation.

La super-héroïne commença à arpenter le toit de long en large à la recherche de la cachette parfaite. Elle fit quelques tentatives se soldant par des échecs : elle restait visible d’une manière ou d’une autre. Elle se risquait à des figures complexes et dangereuses, abandonnant parfois toute discrétion pour atteindre une corniche proche de la fenêtre.

Puis elle remarqua au loin un petit lieu en apparence juste ce dont elle avait besoin : à côté de la vitre ronde se trouvait un minuscule balcon caché par de sublimes ornements. Elle ne l’avait pas remarqué d’autres points de vue, c’était parfait.

La richesse aide toujours, pensa Ladybug en se déplaçant pour atteindre son point d’observation. Mais pas cette fois, ajouta-t-elle, pas si tu es le Papillon du moins.

La jeune femme avait réussi à s’installer correctement dans le petit recoin et regardait à travers la vitre ouvragée. Elle avait dû coûter cher au vu de la précision des détails. Elle était teintée. Cependant, quand Ladybug essayait de voir à travers, elle distinguait toujours les fantastiques lumières blanches qui bougeaient comme des lucioles. Le fait que cet homme en élève dans son grenier en secret était assez étrange.

En se concentrant, elle discerna vaguement un guéridon accompagné d’une chaise au fond. L’espace était vraiment immense et paraissait agrandi par le vide. Il n’y avait personne.

Alors l’attente débuta. De temps à autre, quand elle croyait entendre un bruit, elle jetait un coup d’œil à l’intérieur. Il n’y avait jamais rien. Elle prenait des nouvelles de ses camarades pour qui non plus les recherches ne s’avéraient pas plus concluantes. Elle souriait aux blagues de Chat Noir puis se blâmait pour sa déconcentration. Elle répondait aux messages privés des théories de Rena Rouge avec patience, démontrant par a plus b que ce n’était pas possible. Elle manqua de piquer du nez à plusieurs reprises mais se réveillait toujours en sursaut et regardait par la vitre. Rien. Toujours rien.

Quand Chat Noir l’informa qu’il avait fini son tour, vite suivi par Rena Rouge et Carapace, elle décida de rentrer également. Elle s’étira de tout son long et lança un dernier coup d’œil par la fenêtre alors que le soleil pointait tout juste. C’est là qu’elle remarqua qu’une personne arrivait depuis le sol. Mais il était trop tard, elle n’avait pu qu’apercevoir la silhouette et elle ne pouvait pas revenir sur ses pas sous peine de se faire remarquer.

C’était louche. Elle opta pour attendre encore un moment à proximité de la maison avec la fenêtre en vue.

Ladybug baillait longuement, épuisée de cette nouvelle nuit blanche. A ses pieds, la ville se réveillait. Elle avait hâte se glisser dans ses draps pour profiter d’une grasse matinée bien méritée. Elle songea qu’elle devrait rapporter des croissants chauds à Luka pour le petit déjeuner. Elle passerait chez ses parents avant de rentrer.

Rien de neuf n’arrivait. Elle ne recevait plus de messages de ses camarades et supposait donc qu’ils étaient rentrés chez eux. Voyant le jour s’affirmer, la super-héroïne comprit qu’il n’était plus temps d’espionner. Marinette devait reprendre sa vie. Elle se leva et s’étira, prête à se rendre chez ses parents.

Elle se sentait bien plus lourde qu’à l’aller, la fatigue pesant comme une masse sur son corps engourdi. Discrètement, elle se glissa dans une ruelle parallèle à la demeure de son suspect, qu’elle savait rarement occupée. Il n’y avait personne dans la rue principale quand elle s’éclipsa, elle ne risquait donc pas de voir des fans arriver pour la voir se détransformer.

Du moins, elle le croyait.

Parce que quand Ladybug devint Marinette, Alya se tenait à l’une des deux extrémités de la ruelle, son portable dans la main filmant pour le Ladyblog. A l’expression horrifiée qu’affichait son amie, Marinette comprit immédiatement la gravité de ce qui venait d’arriver.

« Non, » souffla-t-elle simplement alors qu’Alya baissait l’écran face au sol. « Pitié, dis-moi que ça ne tournait pas, que tu es le seul témoin, » suppliait-elle.

Les yeux de sa meilleure amie se remplissaient de larmes. De joie d’enfin savoir qui était Ladybug ? De joie car elle était sa meilleure amie ? De peine en raison de la gravité de ce qu’il venait d’arriver ? De peine parce que Marinette lui avait toujours caché cette part de sa vie ? Nul ne savait.

Quand Alya esquissa un pas vers elle, Marinette recula.

« Je suis désolée, je filmais pour le Ladyblog parce que j’ai vu Ladybug sur un toit, je l’ai suivie et… »

Les yeux de Marinette s’embuèrent soudainement. Le sol se mit à tanguer. L’air manquait. Elle recula plus vite encore, fit volte-face et partit en courant.

Loin de cette ruelle, loin de ce qu’il venait d’arriver, loin d’Alya et du Ladyblog. Loin. Le plus loin possible de tout cela en serrant Tikki contre son cœur, en se noyant dans les larmes et la terreur.

Elle se raccrochait au kwami de toutes ses forces, car elle sentait que sans sa présence, elle s’écroulerait.

Pendant une seconde, elle pensa rentrer chez ses parents, ou chez elle où elle pourrait tout oublier dans les bras de Luka.

Mais elle ne pouvait plus. Ils étaient en danger désormais. Et c’était de sa faute.

Elle avait erré dans les rues, hagarde, toute la journée. Dès que quelqu’un semblait la reconnaître, elle filait et disparaissait. Mais le soir commençait à tomber et elle n’avait pas d’autre choix que de trouver un lieu où dormir.

Elle avait coupé son portable pour fuir le désastre, mais la télévision avait pris le relai : elle était sur tous les écrans, sur toutes les lèvres, partout.

Marinette ne savait plus où aller. Elle n’osait plus regarder Alya en face, elle craignait la réaction de ses parents, elle avait peur pour Luka. Elle pensa un instant à appeler Chat Noir, mais c’était impossible. Son camarade devait être déçu maintenant qu’il connaissait son identité. Comme Ryuko le serait. Comme tout le monde, finalement.

Plus elle tournait le souci dans sa tête, plus elle en revenait à Luka. Son amour, son foyer. Mais elle lui avait juré des années plus tôt qu’elle lui dirait toujours la vérité. Et pourtant, elle n’avait pas pu le faire. Elle s’en était toujours voulu de lui cacher sa double identité de la sorte, mais elle n’avait pas le choix. Pour le protéger lui, ainsi que leurs familles et leurs amis. Elle ne craignait pas sa colère, elle avait peur de sa peine et surtout de sa déception. Sa déception était la pire des pires choses dans cette situation.

Elle tournait dans son quartier depuis un bon bout de temps quand elle tomba nez à nez avec lui.

« Je te cherchais, dit-il juste avec du soulagement plein la voix. Est-ce que ça va ? »

Marinette n’osait pas le regarder. Elle ne méritait pas qu’il s’inquiète pour elle. Elle lui avait menti toutes ces années, elle lui avait caché tant de choses…

« Marinette, est-ce que tout va bien ? » répéta-t-il, et cette fois, l’inquiétude perçait dans son ton.

« Tu es au courant ? » demanda-t-elle d’une voix aiguë.

Il ne répondit pas immédiatement. Mais quand il le fit, ce fut avec une tendresse infinie.

« Oui. Et je pense qu’on sera mieux dans le salon bien au chaud pour en discuter. Je ne voudrais pas que quelqu’un vienne te blesser maintenant que tu as besoin de calme. Tu viens ? Est-ce que tu veux que je te prenne la main pour t’aider à marcher jusqu’à la maison ? Tu as l’air frigorifié, je peux te prêter mon pull. »

A mesure qu’il parlait, Marinette sentait ses yeux piquer et elle se mit à pleurer à chaudes larmes avant qu’il n’ait fini. Elle lui donna l’aval pour rentrer en hochant la tête faiblement. Elle ne le regardait toujours pas, mais lui l’observait comme il l’avait toujours fait. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas pourquoi l’amour dans ses yeux ne faiblissait pas alors qu’elle lui avait menti sur une part si énorme de sa vie.

Luka attrapa sa main et l’entraîna derrière lui en faisant attention à ce que personne ne les remarque. Il veillait à chacun des pas de sa bien-aimée, à ce qu’elle ne tombe pas, à ce qu’elle ne s’écroule pas sous le poids de sa nuit blanche et de la révélation. Il la guida jusqu’à la cour de leur immeuble et l’aida à monter les marches jusqu’à leur étage. Puis il la fit entrer, éteignit immédiatement tous les réseaux de la maison et la laissa reprendre ses marques.

Il faisait chauffer de l’eau pour lui préparer un chocolat chaud quand elle commença à quitter ses épaisseurs de vêtements et se retrouva en sous-vêtements dans le salon. Puis toujours aussi doucement, elle monta les marches qui menaient à leur chambre et redescendit celles qui ouvraient sur la salle de bain. Elle se faufila sous la douche et laissa l’eau chaude faire remonter sa température corporelle.

Elle avait très froid. Elle avait trop chaud. Elle avait faim. Elle avait soif. Elle avait peur. Elle n’avait plus de force. Elle s’enroula dans une serviette et réussit par miracle à enfiler un pyjama confortable que Luka lui avait sorti. Elle le remercia intérieurement encore une fois. Elle se flagella pour ses mensonges.

Tikki continuait de tourner non loin d’elle, veillant avec patience et une angoisse non dissimulée sur sa porteuse en état de choc. Qu’est-ce qui allait se passer, maintenant ? Luka allait la quitter ? Ses amis étaient en danger. Que pensait Chat Noir et tous ses proches de ses secrets ? C’était trop pour sa tête, elle risquait d’exploser.

Marinette voulait vomir, mais son ventre était vide. Elle tomba. Le bruit alerta Luka qui se précipita pour l’aider à respirer. Parce que l’air passait à travers elle.

Lentement, patiemment, Luka et Tikki aidèrent Marinette à reprendre pied. Elle ne pleurait plus, elle respirait de nouveau, elle avait du mal à réfléchir. Elle était confuse. Il fallait qu’elle dorme, mais elle voulait parler à Luka.

Il l’avait installée sur le canapé et enveloppée dans de nombreux plaids. Occupé à faire chauffer de la soupe pour qu’elle avale quelque chose – les chocolats chauds pas encore servis auraient leur utilité plus tard si besoin, Luka l’observait du coin de l’œil. Elle avait le teint cireux et Tikki s’était lovée contre son cou. Sass, le kwami de Vipérion et donc de Luka, qui ne se cachait plus, restait non loin, près à avertir son porteur en cas d’ennui.

Enfin, le jeune homme revint vers elle avec un plateau remplit. Alors qu’il pensait ne rien tirer d’elle, il fut surpris de la voir débuter la discussion.

« Je suis Ladybug, exposa-t-elle.

– Je sais. » répliqua-t-il posément.

Il se tourna vers elle et déposa une main contre sa joue. Il lui laissa le temps d’accuser sa réponse et reprit :

« Je le sais depuis longtemps. Je l’ai toujours su, à vrai dire. Je n’avais juste pas de moyen d’en être sûr. Je n’ai pas vu la vidéo d’Alya même si on me l’a envoyé pas mal de fois. »

Il rit doucement et reprit avec une douceur sans pareille en essuyant une larme sur la joue de son aimée :

« Je voulais l’apprendre de toi. Je suis heureux que tu me l’aies dis, Mari.

– Tu ne m’en veux pas ?

– Pourquoi est-ce que je devrais t’en vouloir ?

– Parce qu’on s’était promis de toujours se dire la vérité et je t’ai menti si souvent ! »

Luka sourit gentiment.

« Tu sais Mari, tout le monde a des secrets. Même moi. Il y a des choses que je garde pour moi, pour te faire des surprises. Il y a des choses que je tais pour ne pas t’inquiéter, comme quand je te dis que je suis malade alors que je savais que je couvais la maladie. Tu devais garder ce secret pour te protéger. Jamais je ne t’en voudrais ou ne serais déçu que tu ne m’aies rien dis. Au contraire… »

Il l’observa se dégager des couvertures et l’enlaça quand elle se blottit contre lui, secouée par les sanglots.

« Je suis fier que la femme que j’aime sauve des gens dans tous les aspects de sa vie. Je suis fier que tu sois une super-héroïne. »

Elle le serra plus fort encore contre elle et murmurait un million d’excuse et de mots d’amour mêlés qui firent sourire Luka. Il la tenait toujours contre lui, il ne la laisserait pas tomber. Jamais. Marinette s’installa plus confortablement. Il lui laissa tout l’espace dont elle avait besoin et passa ses bras autour d’elle quand elle les y attira.

Elle mangea peu. Chaque cuillère était gagnée et Luka savait qu’ils s’engageaient sur un long combat remplit de paniques vives, de terreur et surtout de doutes. Il se demandait tout ce qu’il se tramait dans la tête de sa petite amie et songea qu’elle ne devait pas arrêter de penser. Il voulait l’aider, de toutes les façons possibles.

Il planta un baiser sur sa tête alors qu’elle s’endormait et chuchota :

« Je t’aime. »

Marinette n’esquissa pas un mouvement. Elle s’endormait, elle ne pouvait pas lui répondre. Alors elle tenta de serrer sa main. Elle réussit.

Moi aussi, pensa-t-elle, merci. Je suis désolée.

Marinette se glissa délicatement hors des bras de Luka qui avait fini par trouver le sommeil avant elle, ce soir encore.

Elle ne pouvait pas dormir malgré tous ses efforts et l’épuisement accumulé. Tikki était endormie avec Sass dans les coussins du canapé. Elle n’avait pas le cœur à la réveiller. Elle ne le fit pas.

A la place, elle monta dans la chambre et ouvrit le velux. Puis elle le referma aussitôt, en proie à une immense angoisse. Elle fit demi-tour et resta plantée devant Luka un long moment, l’observant dormir. Si calme. Si beau. Si gentil. Si aimant. Elle l’aimait plus que tout au monde. Et elle le mettait en danger.

Elle devait trouver une solution. Donner son Miraculous à une nouvelle Ladybug était une option, mais elle ne réglait rien : Marinette restait la Gardienne et connaissait les identités des autres héros à l’exception de Chat Noir.

Chat Noir. Chat Noir qui devait être si déçu. Chat Noir qu’elle n’oserait plus jamais regarder en face. Elle avait échoué à être Ladybug. Elle ne sauvait plus ; elle mettait en péril.

Elle ne voulait pas effacer sa mémoire, mais peut-être était-ce la solution ? Elle n’en savait rien. Il fallait qu’elle arrête de réfléchir, vite.

Alors elle réveilla Luka, troubla son sommeil, ses instants de calme. Il eut l’air perdu qu’il affichait souvent au réveil et qui fit sourire Marinette. Il sourit puis, réalisant qu’il faisait encore nuit, eut l’air soucieux.

« Je n’arrivais plus à dormir, lui expliqua-t-elle. Tu veux bien chanter un peu ? »

Dans son ton perçait sa détresse et Luka ne put pas lui refuser cette simple demande.

Il prit le temps de se lever et de se réveiller correctement, puis il saisit la main de Marinette et ils montèrent les trois marches jusqu’à leur chambre. Il attrapa le petit ukulele qui leur servait dans ce genre d’occasions, où la musique n’avait pas besoin d’être parfaite. Cet instrument était une source de fou rire intarissable, c’était un contenant d’émotions grandiose. Ce soir, ils en avaient tous les deux besoin.

Luka improvisa quelques notes maladroites et quand il eut trouvé les mots, fredonna :

« Il n’existe pas de monde sans toi,

Ne me cherches pas si tu as besoin de moi,

Je serais là.

Je suis là, et ça ira. »

Il le répéta de nombreuses fois. Marinette sentait le sommeil l’attirer mais elle ne l’atteignait pas vraiment. A un moment, elle ne sut dire quand, Luka posa l’instrument et l’entoura de ses bras. Il l’embrassa sur le haut de la tête comme il aimait bien le faire et chuchota :

« Si tu as besoin de moi, je suis là. Où que tu sois j’arriverais. Je suivrais les petites notes de tes pas si tu es cachée dans une boite et que tu veuilles qu’on te trouve. J’écouterais les sons que laisse ton cœur sur ton chemin, je recomposerais une planète pour que tu y sois bien, je chanterais pour panser tes blessures. Je couvrirais l’univers de paroles réconfortantes et je t’enroulerais dans des couvertures de partitions. Parce que tu es la seule mélodie qui me fasse me sentir bien. »

Marinette se réveilla en sursaut. Un violent cauchemar venait de la secouer. Elle avait rêvé d’un monde sans Luka à ses côtés et cela l’avait terrorisée.

Si elle le réveilla une seconde pour vérifier qu’il était bien là, bien vivant, il s’endormit l’instant suivant. Le sourire de Marinette fleurit sur son visage puis s’évanouit aussitôt. Elle était de nouveau seule dans la nuit. Mais elle était dans les bras de Luka, ce n’était qu’un cauchemar.

Elle inspira, expira. Et répéta le mouvement. Pour se calquer sur la respiration apaisante de Luka et trouver le sommeil à son tour.

Elle se sentait emportée par l’endormissement, enfin. Et alors qu’elle chutait dans le monde des rêves qu’elle espérait cette fois clément, elle eut une pensée.

Une pensée incroyable, magique, folle. Totalement folle. Et périlleuse.

« Un souhait. »

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