11. Fuite désespérée

5 minutes de lecture

Je me sens en sécurité dans ses bras. Je suis heureuse de m’éloigner enfin de ces murs. Pourtant, je ressens un poids sur ma poitrine, un grand vide qui l’a comprime. Oui. Nathan est resté avec eux. Il a changé de camp. Pourquoi ? C’est un tel déchirement. Mes larmes ne cessent de couler. Gabriel sent ma détresse et resserre à nouveau ses bras autour de moi. Il s’est envolé pour mieux me protéger. Nous devons fuir ce lieu. Cet institut des horreurs. Je sors légèrement ma tête du cou de Gabriel. Ses ailes me laissent sans voix. Elles sont magnifiques. D’une blancheur éclatante, une telle pureté. Je tends les doigts, frôle les plumes à la naissance de ses omoplates. Elles sont si douces. Tellement qu’un petit sourire se dessine sur mes lèvres. Mais en levant un peu plus le regard, je remarque les gardes de Lou, sa petit meute nous poursuit. Certes, ils sont au sol seulement, ils vont vite. Ils sont justes en dessous de nous.

— « Gabriel, on a un problème.

— Je sais. Je les entends. Ils ont des armes avec eux. Accroche-toi. Il faut être plus rapide.

— Attends… Où elle est ?

— Surement, pas loin. Elle ne te laissera pas si facilement. Elle a été prise de surprise. »

Effectivement, à peine avons-nous évoqué le loup qui nous montre sa queue. Enfin, façon de parler. J’aperçois ses grandes ailes grises. Elle est là. Elle vole dans les branches. Elle pense que les feuilles peuvent la cacher. Mais nous l’avons repéré. Elle est folle, littéralement. Sa folie l’emporte sur sa raison. Ses yeux lancent des éclairs dans notre direction. En un battement d’ailes, Gabriel nous propulse en avant. Lou ne lâche rien, elle est juste à quelques battements de nous.

J’observe toutes les actions aux ralentis, je suis comme déconnectée de la réalité. Je ne suis qu’une simple spectatrice de cette course infernale. Mon cœur est en morceaux, et on me poursuit encore. Jamais, je ne serais tranquille. De toute façon, je savais bien que je n’allais pas avoir une vie normale. Surtout quand tu es une enfant avec des ailes. Rah… Je me morfonds dans mon désespoir. Je perds tous ceux que j’aime. Peut-être qu’elle a raison. Lou m’a dit la vérité ? Je ne vais faire que souffrir ? De plus en plus ? Je ferme les yeux. Il faut me calmer, reprendre mon souffle. J’inspire un grand coup. Cela me soulage un peu. Le temps de reprendre un brin mes esprits. C’était sans compter sur Lou ! Pourquoi Gabriel a-t-il ralenti ? Nous valdinguons vers le sol en chute libre. Elle vient de nous percuter.

— « Anna ! Je…

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Gabriel ouvre tes ailes ? Aller ! Il faut nous sortir de ce traquenard. Je t’en prie.

— Aide-moi. Tu dois m’aider. Je n’arrive pas à les faire bouger. Lou y est allée très fort cette fois. Princesse… Sauve-nous. »

Moi ? Nous sauver ? Comment ? Il faut faire vite. Le sol n’est plus qu’à quelques mètres de nous. Lou, bien sûr, se prépare pour un nouvel assaut. Gabriel est à bout de forces. Je… Oui. Mon aura. Je n’ai plus mes ailes mais j’ai encore mes dons. Mon aura peut nous aider. Je crois. Je me concentre, cumule mon don en moi. Il faut que j’emmagasine le plus d’énergie possible. Le plus d’énergie supportable. Je tremble sous le poids de cette énergie. Gabriel fixe ses yeux dans les miens. Après une question silencieuse, il hoche la tête. « Je suis prêt. » Je n’ai pas le temps pour plus de questions, de doutes. Alors je relâche toute cette énergie sur Gabriel. Mais elle est trop forte, trop puissante, je le sens. Alors je réagis sans réfléchir. Je n’en ai pas le temps. Si je lui transfert mon aura de cette façon cela va le détruire.

Non ! Beurk ! Je ne veux pas tous les détails !

Adam ! Mais enfin ! Pas encore !

Désolé, Anna…

Il faut bien raconter l’histoire dans son ensemble, Adam. Alors si tu ne veux pas entendre les moindres détails, bouche-toi les oreilles.

Merci du conseil, Laure. D’une grande utilité comme toujours.

Je peux ?

Alors je fais le seul choix possible. D’un mouvement, j’étire mon cou et je dépose mes lèvres sur les siens. « Qu’est-ce que… » Pris par surprise, Gabriel reste bloqué sur l’instant. Rapidement, reprend le contrôle. Je le sens qui répond à mon baiser. Ses ailes réapparaissent. Nous rasons le sol. C’était moins une. Gabriel continue de voler sans interrompre notre baiser. Une chaleur passe de l’un à l’autre, un sentiment de bien-être naît en moi. Sentiment disparu depuis longtemps. J’écarte peu à peu mes lèvres de sa bouche si parfaite, si douce. « Ne t’arrêtes pas… » Un murmure qui fait sourire. Mais nous devons avoir les idées claires. Nous sommes loin d’être en sécurité.

— Je vous dérange peut-être ?

Elle nous a encore rattrapé, mais comment fait-elle ? Cette fuite désespérée me fatigue. Gabriel aussi. Nous ne prenons même pas la peine de lui répondre. Cela ne sert à rien. Elle n’a aucun intérêt. Elle est juste folle. Un loup chassant une proie sans jamais l’atteindre. Voilà. Lou est le grand méchant loup. Drôle de jeu de mots. Nous continuons notre vol, sans nous arrêter. Gabriel ayant repris des forces, nous décidons d’attendre que Lou perde son énergie. Alors nous tournons, et revirons. Pareil à des véhicules sur un circuit, ils nous arrivent de passer plusieurs fois au même endroit. Je reconnais le paysage.

Au bout de ce qui me semble être une éternité, Gabriel me dépose au sol. Tout en délicatesse. Mais mes jambes sont toutes tremblantes et je manque de tomber. Alors il me soutien. « Attention. Asies-toi. » Je l’écoute, sans râler, ni faire la moindre remarque. Je reste silencieux. Le silence est devenu mon ami. Ma moitié, elle, tourne en rond, fait les cent pas.

— Nous pouvons parler maintenant. Enfin, pas que d’entendre ta voix dans ma tête me gêne mais Lou et ses chiens de gardes ne sont plus là.

— Je n’’en suis pas certain. Il faut rester en alerte. Crois-moi. Elle ne te lâchera pas de sitôt. Nous devrions rejoindre les enfants et les anges.

— Tu veux dire, retourner à la Légion ? Mais la maison est partie en cendres.

— Je ne parle pas de la maison où vous étiez, Anna.

— Non ?

— Négatif, princesse. Nous allons aller dans le repère. L’ombre cache bien des choses. Des choses aussi surprenante que toi, toute à l’heure. Qu’est-ce qu’il t’a pris ? Tu pensais que c’était notre dernière heure ?

Totalement sans voix, je suis bouche bée devant son ton ironique. Il arrive à rire. A rire alors que je l’ai embrassé. Bon, admettons. Techniquement, j’ai seulement trouvé une solution de survie. Il fallait lui redonner de la force. Je me perds dans mes pensées. Mais elles sont écourtées par des bruits de pas. Des pas courses se dirigeant droit vers nous. Oh non, pas encore. Je n'en peux plus. Gabriel a raison, nous devons nous cacher. Et puis, mes amis doivent nous... M'attendre. Si, Max et Peter les ont amenés à la Légion. Alors j'irais là-bas. C'est décidé. Je rentre à la « maison ».

— Allons-y. Ils nous ont retrouvés de toute manière.

— Tu veux aller où ?

— A la Légion. Amène-moi chez moi. Auprès des anges.

Annotations

Vous aimez lire Sandra Malmera ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0