CHAPITRE 13 (4/5)

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Je l’entends de loin m’expliquer que nous ne serions que 0.13 % de la population à posséder un QI supérieur à 145. C’est peu. Extrêmement peu. Je tente d’intégrer les détails que la psy me donne, alors que mes pensées sont déjà ailleurs. Tu m’étonnes, que je me sois toujours sentie à part ! Elle me parle d’écart-type, de rang percentile, de raisonnement perceptif, etc.

Lorsqu’elle a fini, je demande à Aurélie Irvin pourquoi, si je suis si intelligente, je ne parviens pas à comprendre les trucs hyper basiques que n’importe qui arrive à piger du premier coup, et pourquoi j’ai l’impression, au contraire, d’être plus idiote que la moyenne. Elle me répond que lorsqu’on est compliqué, il est très difficile de faire simple. Elle termine la séance en insistant sur le fait qu’il ne s’agissait de mesurer qu’un potentiel intellectuel, et que la vraie intelligence, c’est tout bonnement la capacité de vivre les uns avec les autres, dans le respect des différences. Facile à dire…

Après avoir préconisé un suivi thérapeutique en vue d’améliorer ma gestion émotionnelle et ma confiance en soi, elle me remet une copie de la restitution écrite.

Je suis claquée, vannée, perturbée. Je relirai ça à tête reposée, si ma tête arrive à se reposer un jour, et je rentre à la maison, pleine de questionnements. J’ai du mal à croire qu’il n’y a pas eu échange de dossier avec quelqu’un d’autre, quand même...

Aussitôt chez moi, je commande les livres que la psy m’a conseillés : « Comment faire simple quand on est compliqué », « Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué » de Jeanne Siaud-Facchin, et « Des femmes surdouées » de Nadine Kirchgessner. Après cela, je passe des heures à chercher des infos sur le net. Il n’y a pas à dire, j’ai vraiment l’impression qu’on parle de moi, partout, tout le temps. Tout ce chaos émotionnel, cette difficulté à se gérer, ce manque cruel de confiance en soi, l’empathie dévorante, la sensation d’être venue d’une planète très très éloignée de la Terre… Le concours de la psychologue, de la psychiatre et d’autres thérapies alternatives va s’avérer crucial pour me permettre d’être enfin moi. Je sens, non, je sais, que ce test représente un tournant important dans ma vie. J’en ai assez de faire semblant, de vivre en fonction de ce qu’on attend de moi. Je dois vraiment me bouger le cul. Cette fois, je comprends vraiment ce que Clara voulait dire.

Nous sommes vendredi, je suis contente d’être en week-end à la fin de la journée. Étrangement, cette nuit, j’ai bien dormi, d’un sommeil profond et réparateur. Je me sens apaisée, réconciliée avec moi-même. J’ai envie de me retrouver seule, et, ça tombe bien, je n’ai personne à voir ni à recevoir. Ce n’est pas le nirvana, c’est sûr, pourtant, le simple fait de savoir que je ne suis pas plus stupide que les autres me redonne le moral. J’avais pris ma journée en prévision d’un résultat pourri, et je vais pouvoir en profiter, non pas pour pleurer comme je l’aurais cru, mais pour m’occuper de moi. En fin de matinée, je me rends chez l’esthéticienne, puis chez la coiffeuse pour refaire mes extensions.

En milieu d’après-midi, après avoir avalé un délicieux sandwich kebab, je passe voir Fathia. Elle est radieuse, bien que très fatiguée. J’ai pensé à apporter mon maquillage pour « fêter » la bonne nouvelle de l’opération réussie, et lui redonner un visage décent. Je prends soin de mon amie pendant plus d’une heure durant laquelle nous dessinons son avenir et sa reconstruction, alors que je passe la mienne sous silence. Une première, pour moi.

Fafa est vraiment magnifique. Un homme toque à la porte de sa chambre, et entre sans attendre l’autorisation. Je remarque le regard de mon amie qui s’illumine devant le sourire enjôleur de son kiné. J’ai bien fait de la maquiller. C’est l’heure pour elle de sa rééducation, je la laisse donc dans les bras musclés du grand brun à la peau cuivrée. On peut sentir l’attraction particulière qu’ils ont l’un pour l’autre. Ce n’est que le début de la dragounette, ça se ressent. Ils sont timides et gauches. Je suis heureuse de la voir comme ça. Je me retire et rentre directement chez moi plus tôt que prévu. Je dois rester raisonnable et m’abstenir de shopping hors internet. Ça serait trop, sinon. Je décide que je vais terminer ma toile, aussitôt arrivée, ça me sera davantage bénéfique.

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