CHAPITRE 13 (2/5)

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Punaise ! J’ai du mal à croire ce que je lis. Je parcours encore plusieurs fois la lettre, avant de la ranger dans mon sac à main. Pourquoi mamie a-t-elle tout raconté ? Était-ce un secret trop lourd à porter ? Elle a fait preuve de beaucoup de courage et elle devait avoir sacrément confiance en son amie, pour tout dévoiler. J’ai un peu honte de lui avoir collé ça sur ses frêles épaules. Pour autant, avais-je le choix après ce que j’ai subi ?

Par pure précaution, et parce que je suis quelqu’un de prudent dans ces circonstances particulièrement inconfortables avec mon S.S. de voisin, j’enregistre le numéro de téléphone de « la pierre » dans mes contacts. J’ai besoin d’une minute ou deux, peut-être une dizaine, en fait, pour me remettre de mes émotions. Mamy, toi aussi, tu avais tes secrets. Lesquels ? J’ai bien conscience que je n’ai que peu de chance de les connaître un jour, probablement aucune, d’ailleurs. Alors que je pleure en repensant à elle, à ce que je lui ai imposé, un frisson, de ceux que j’aime, me parcourt l’échine. Je respire comme la psy me l’a montré, tandis que quelque chose de puissant me pousse à rappeler le docteur Sandrano, ma psychiatre. Je tombe immédiatement sur sa secrétaire, à croire qu’elle attendait mon coup de fil. Elle me donne rendez-vous pour demain, grâce à un désistement miraculeux, et probablement aussi, grâce à mamy.

Le reste de la journée se déroule sans plus de péripétie, c’est tant mieux, j’ai ma dose, en ce moment. Je n’irai pas voir Fafa, aujourd’hui, je préfère la laisser se reposer, et ça me fait une pause pour moi également. Parce que bon, je l’aime beaucoup, mais l’hosto chaque jour, ça commence à être chiant. Surtout que je déteste ce genre d’endroit, ça me rappelle beaucoup trop de souvenirs.

Je me couche vers vingt-trois heures trente, ma nuit est encore perturbée.

Mercredi après-midi, j’arrive chez la psy à seize heures douze, sans trop de retard, malgré le regard noir de la toubib. Une fois assise dans son cabinet, je lui détaille l’état dans lequel je me trouve, ainsi que mes dernières aventures et mésaventures. Le seul conseil qu’elle me donne, c’est d’être prudente et d’aller voir les flics. Cela serait parfaitement inutile puisqu’il n’y a eu que des menaces verbales et sans témoin. Nous discutons beaucoup de la manière dont je vis la situation. Elle me propose de me prescrire un anxiolytique et un somnifère, que je décline, car je préfère des méthodes plus naturelles. Elle grince :

— Comme l’herbe, par exemple ?

— Oui, par exemple.

— On en a déjà parlé, vous devriez sinon arrêter, au moins drastiquement ralentir. Il y a d’autres moyens, vous savez. Je peux vous orienter vers un sophrologue, ou un kinésiologue ou encore un hypnothérapeute. Il serait également intéressant de vous orienter vers la méditation, cela fonctionne très bien ! À ce sujet, vous pouvez aller visiter le site web de Phakyab Rinpoché, il est très bien et très complet, vous verrez. Ce sont des techniques qui ont fait leurs preuves. Pourquoi ne pas les essayer ? Toute aide est la bienvenue.

C’est vrai, pourquoi pas ? Elle gribouille des noms avec les numéros de téléphone en face de chacun, et me tend le post-it griffonné. Je remarque que ce n’est pas une légende : les médecins écrivent très mal. En complément de ces thérapies alternatives, elle propose que nous nous revoyions si j’en ressens le besoin. Puisque c’est le cas, je reprends rendez-vous dans la foulée. Le simple fait de me confier à elle, me libère un peu. Elle a su garder sa bienveillance, et s’abstient presque toujours de me juger. J’ai envie de parler de mamie et de ses secrets, je sais que ma psy me comprendra. Le docteur Sandrano me sourit avec gentillesse, on se voit la semaine prochaine.

Avant de rentrer à la maison, je m’arrête au supermarché pour faire des courses, la faute à mes placards qui se vident à une vitesse vertigineuse. Venue pour quelques broutilles, je repars finalement avec un caddie presque plein d’un nombre impressionnant de denrées et d’articles absolument inutilement indispensables. À la caisse, l’hôtesse est particulièrement désagréable, ce doit être la fin de son service. Sans attendre que j’aie terminé de ranger mes provisions, elle pousse mes achats pour passer au client suivant. Je lui jette un regard agacé et les repousse d’un coup brusque vers elle. Elle me dévisage, je riposte :

— Pour aller plus vite, je peux partir sans régler, si vous voulez.

— Pardon ?

— Ben oui, apparemment, vous ne pouvez pas patienter jusqu’à ce que j’aie tout replacé dans mon chariot.

La voyant soupirer, j’enchéris :

— Ce n’est pas mon problème si vous êtes en retard ou si votre direction vous met la pression. Je ne paye pas moins cher parce que je me retrouve avec une caissière aigrie. Je pourrais tout aussi bien aller me plaindre de vous, déjà que je n’ai pas bénéficié du « Bonjour madame, bienvenue à ma caisse », réglementaire !

Elle rougit, bafouille une excuse bidon, et patiente. Exprès, pour bien lui faire comprendre que la cliente est reine, je prends tout mon temps. Je range tout correctement dans mon caddie avant de sortir, tranquillement, ma carte bleue… qui ne passe pas. Merde ! La honte… J’ai certainement dépassé mon plafond de paiement mensuel. J’ai dû me lâcher un peu trop lors de mes soirées et samedis e-shopping. Tant pis, je règle par chèque, ce qui est encore plus long. Bien fait pour la caissière !

Arrivée à mon appartement, et après avoir rempli mon garde-manger, je vois que mon téléphone est toujours sur vibreur, j’ai oublié de remettre la sonnerie en sortant de chez la psy. Fabien m’a laissé huit messages. Après les avoir écoutés, je bloque son numéro. Je connais trop bien les types comme lui, il va me soûler. Tantôt des insultes, tantôt des excuses. Un vrai gros connard, dans toute sa splendeur et à l’apogée de son pathétisme.

Aujourd’hui, je n’ai pas eu le temps de passer à l’hôpital. Je téléphone à Fathia pour savoir comment elle va. L’opération s’est bien déroulée, elle va pouvoir remarcher. Tant mieux, j’aurais culpabilisé de ne pas être à ses côtés si elle avait dû m’annoncer une mauvaise nouvelle.

Il est dix-huit heures quarante-trois quand Aurélie Irvin m’appelle. Elle propose de prendre rendez-vous pour demain soir dix-neuf heures, en vue de la restitution des tests. Elle a été rapide, pas sûre que ce soit de bon augure pour moi.

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